Chapitre 17 : On ne choisit pas sa famille.

Alice ferma les yeux. Jonas lui lança un regard inquiet. Inspirer par le nez. Expirer par la bouche. Recommencer.

- Tu es sûre que tout va bien ? lui demanda le jeune homme. On peut revenir une autre fois si tu te sens pas prête.

- Non, coupa-t-elle sèchement. C'est maintenant ou jamais.

La jeune femme enfonça son pouce sur le bouton à côté de l'étiquette "Grandidier V.". Aucun son ne lui répondit que l'appel était en cours, puis une voix rocailleuse lui répondit :

- Quoi ? C'est pour quoi ?

Le ton était sec, le message était bien clair : Alice n'était pas la bienvenue ici. Ni elle, ni personne.

- Bonjour, répondit la jeune femme après une seconde d'hésitation. J'aimerais vous parler au sujet de votre fille.

- J'ai pas de fille, j'en ai jamais eu, foutez-moi la paix !

La femme de l'autre côté de l'interphone allait raccrocher. La jeune femme ne voulait plus s'avouer vaincu. Le ton désagréable de sa mère l'avait mis hors d'elle en moins d'une seconde, et en un flash, elle s'était rappelée de tout ce qu'elle voulait lui dire avant de la faire définitivement disparaître de sa vie. Toutes ces accusations dont Alice voulait se débarrasser devaient être faites maintenant.

- Je suis de la police Madame. Si vous ne m'ouvrez pas, je peux demander à un voisin de m'ouvrir et je monterai vous faire embarquer pour entrave à une procédure judiciaire. Avec votre casier, ça ne serait pas très prudent.

Jonas haussa un sourcil, lança un regard admiratif. Alice s'était montrée audacieuse, et Jonas doutait qu'il aurait pu penser à répondre de la sorte s'il avait été à sa place. Vanessa Grandidier ne dit plus rien. Un déclic ouvrit la porte d'entrée blindée et les deux jeunes gens s'engouffrèrent dans le hall. L'appartement se trouvait au septième étage du bloc. Alice se mordilla les lèvres pendant tout le trajet en ascenseur. Comme tous les immeubles à la réputation aussi mauvaise que celui-ci, les techniciens d'entretiens se gardaient le plus possible de se déplacer pour vérifier le bon fonctionnement des monte-charges. L'appareil grinçait et menaçait de s'arrêter net à tout moment. La jeune femme se répétait de rester calme, de respirer profondément pour ne pas céder à la panique.

La cabine se stoppa finalement au bon étage et Alice poussa presque son ami pour sortir la première, angoissée de rester enfermée plus longtemps. Le couloir était étroit, couvert d'une tapisserie qui tombait en lambeaux à certains endroits. Des tâches jaunes lacéraient les murs, et apportaient au tableau une odeur d'urine nauséabonde. La jeune femme traversa lentement le couloir, comme en transe, et observa toutes les sonnettes jusqu'à trouver celle qu'elle cherchait. Alice s'arrêta devant la porte, hésita à appuyer sur le bouton. Elle resta quelques secondes à le regarder, les yeux vides. Ce fut Jonas qui agit pour elle, et un son strident retentit de l'autre côté de la porte. La brune se retourna vers son ami pour le regarder avec des yeux exorbités, affolée. Elle était loin d'être prête pour ce qui allait suivre.

La porte finit par s'ouvrir sur une petite femme très menue, voire maigre. Les trais tirés, les joues creuses, trouées, des cernes enflées sous ses yeux marron. Vanessa avait l'air totalement éteinte, ses cheveux en bataille, emmêlés à souhait tout autour de son visage. Alice la toisa, ne sachant quoi penser, quoi lui dire. Elle avait peine à croire que tout ce qu'elle avait lu dans le dossier envoyé par Alain soit vrai. Plus encore, maintenant qu'elle avait sa mère en face d'elle, elle ne voulait plus rencontrer son père. Les yeux de la femme s'ouvrirent en grand :

- Seigneur...

La brune serra les dents, inspira à fond. Elle sentit le regard de Jonas sur elle, et se sentit tout de suite un peu mieux.

- Bonjour, dit-elle simplement.

- Qui êtes-vous ? Cracha Vanessa. Vous n'êtes pas de la police.

- Non effectivement. Mais je viens bien pour te parler de ta fille.

Alice, pendant un instant, avait cru que sa mère l'avait tout de suite reconnue. Elle s'était trompée, et ça la mettait à présent dans une colère si noire que Jonas aurait du mal à la retenir.

- Je n'ai pas de fille.

- Non effectivement, tu l'as abandonné aux portes d'un foyer.

- Je ne voulais pas tomber enceinte.

- C'est sûr, ça la foutrait tellement mal pour une pute camée d'avoir un gosse avec son dealer.

La jeune femme ne se contenait plus. Elle avait envie de gifler cette femme, de la secouer en lui demandant pourquoi elle avait autant ruiné sa vie.

- Comment t'ont-ils appelé ? finit par demander Vanessa, les yeux dans le vague, sa main grattant son pli du coude nerveusement.

Alice laissa échapper un rire strident, hystérique.

- Comment oses-tu ?!!! Comment ?!!! hurla-t-elle. Tu t'en es foutue de moi pendant vingt ans. Vingt ans que t'es.... camée, que t'as fait une erreur de parcours que tu n'as jamais cherché à racheter, et là tu viens me demander comment je m'appelle ?

Vanessa resta silencieuse. Elle ne trouvait pas les mots, avait l'esprit embrouillé. Le manque d'héroïne se faisait sentir. De toute façon, elle se fichait de tout ça. Elle avait posé la question par pure politesse, mais sa rencontre avec sa fille ne renouerait jamais les liens qu'elle n'avait jamais voulu tisser.

Dans l'appartement d'à côté, un aboiement rauque résonna. Alice s'emportait peut-être un peu trop, alors Jonas s'approcha d'elle pour glisser ses doigts sur son épaule. Celle-ci sembla se radoucir, juste assez en réalité pour ne plus s'égosiller devant une génitrice qui en avait plus à foutre de s'envoyer en l'air à grand coup de shoot que de faire connaissance avec celle qu'elle avait mis au monde. Dans le fond, la jeune femme n'avait rien raté à ne pas avoir connu ses parents. Elle était juste venue pour s'en assurer.

Elle allait d'ailleurs partir quand des pas se firent entendre dans le couloir sombre. Quelques instants plus tard, un homme tatoué jusqu'aux joues apparut sur le pas de la porte. Alice n'avait absolument rien contre les tatouages, mais ceux de cet homme lui faisait froid dans le dos. Clairement, elle sentait émaner de lui un désir de violence, des yeux menaçants, une aura malsaine qui lui donnait envie de fuir à toutes jambes. C'était donc lui, Kevin Ramirez, son père, dealer de sa mère, et la raison pour laquelle elle est ici aujourd'hui, bien vivante. Quel dommage, pensa-t-elle. Quelques tatouages et les ravages de la drogue en moins, son père serait certainement beau, et ça pourrait expliquer bien des choses sur son physique. Tel qu'il était là, la ressemblance était vague. Mais Alice était certaine que c'était de lui qu'elle tenait le plus, et il se dégageait de cet homme quelque chose qui la rendait presque curieuse. Comme si tout son être n'était que l'héritage d'une vie malheureuse, couronnée d'un seul mauvais choix qui l'aurait fait sombrer dans le mal, contrairement à sa mère, qui avait l'air d'avoir sauté à pied joints dans la merde, jusqu'à en éclabousser tout son entourage.

- Bonjour, murmura Alice, fascinée par son père.

Celui-ci garda ses yeux marron foncé bien ancrés dans ceux de sa fille, parut perturbé l'espace d'un instant. La brune en oublia sa mère, toujours plantée sur le pas de la porte. Elle n'entendit pas les marmonnements de Vanessa dans l'oreille de Kevin, mais elle distingua ce changement radical d'attitude. La coquille menaçante de son père s'endurcit encore plus et elle ne réagit pas à temps quand celui-ci leva le poing et le lança vers elle. Pourtant, le coup ne vint jamais. Alice resta pantoise devant la scène, sortant de son envoûtement en entendant le gémissement de douleur de Jonas.

- Mon Dieu, ça va ? s'écria-t-elle en se penchant sur son ami, qui tenait son nez ensanglanté entre ses mains.

- Au poil, marmonna-t-il.

- Je suis désolée, je ne sais pas ce qui m'a pris... j'aurais dû réagir, pardon.

Jonas leva vers elle des yeux d'un calme qu'elle ne sut décrire. Comme s'il n'avait pas mal, et que le poing qui s'était abattu sur son visage n'était pas plus dangereux qu'une piqûre de moustique.

- Allons nous-en Jo', je ne veux pas rester ici une minute de plus.

Le brun allait s'excuser pour le dérangement, puis se ravisa. Après tout, il n'était plus le plus en tord ici. Pas après s'être fait refaire le portrait par un junkie. Les deux attendirent l'ascenseur dans un silence pesant qui dura jusqu'à leur arrivée chez Alice. Ce fut une fois devant la porte d'entrée que Jonas lâcha avec un sourire, pensant alléger l'atmosphère :

- Je suis fier de toi Alice.

Celle-ci ne répondit pas, fixant résolument la porte.

- Va-t'en. 


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Oui, Alice ne sait pas du tout ce qu'elle veut. De toute façon, je pense que peu de gens peuvent la comprendre à cet instant. Jonas n'en fait malheureusement pas partie. 

Enfin, vous verrez bien tout ça au prochain chapitre :) 

Encore pardon pour l'attente, d'ailleurs, mais j'ai très peu envie d'écrire en ce moment : j'ai en vain essayé de faire une fin à l'eau de rose, mais ça n'est définitivement pas mon style, désolée pour ceux et celles qui aiment les Harlequin ;) 

Du coup j'ai attendu d'avoir fini l'histoire (ça n'est pas le cas, j'ai toujours pas fini) pour poster la suite, mais je pense que si je fais comme ça vous n'aurez pas la suite avant l'année prochaine XD 

J'espère que ça vous a plu, n'hésitez pas à me laisser votre avis, je le lis toujours et ça me fait très plaisir ! 

Alice. 

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