Chapitre 13 : Noël en famille

Le réveillon de Noël arriva si vite qu'aucun des deux n'eut le temps de s'ennuyer. Durant les quelques jours de calme qu'ils avaient eu ensemble, Jonas avait appelé son père à plusieurs reprises, juste pour discuter. Pendant qu'Alice était au travail, il allait faire un tour rue Saint-Dizier pour faire les boutiques, ne rentrant plus dans ses chemises. Cette idée d'avoir repris assez de poids pour ne plus rentrer dans ses vêtements l'avait d'abord hanté, puis en regardant de plus près, il était finalement normal qu'un jeune homme de dix-huit ans et mesurant un mètre quatre-vingt ne rentre pas dans des chemises taille quatorze ans. À présent qu'il avait un physique normal, il avait dû refaire une grande partie de sa garde-robe.

Sauf s'il avait rendez-vous à l'hôpital pour une consultation, Jonas attendait souvent Alice pour qu'ils mangent ensemble le midi. Il l'attendait aussi le soir, quand elle faisait la fermeture de la librairie, et ils allaient manger un bagel à l'Arlequin, sous les yeux attendris de Berthe et Marcus qui raffolaient de les voir ensemble. Une sorte de vie commune s'était faite naturellement, et Jonas redoutait le moment de se quitter pour qu'il retourne dans sa chambre impersonnelle à l'hôpital. Et bien que le Docteur Martin lui assurait qu'il allait pouvoir sortir sous peu (à condition de continuer encore pendant un temps les antidépresseurs), le jeune homme peinait à y croire.

Alice de son côté, voyait bien que quelque chose tracassait son ami. Mais pour la première fois, tous les moyens qu'elle employa pour le faire parler furent sans succès. Jonas n'avait plus envie d'en parler. Alors elle attendait juste le moment où il s'ouvrirait à elle. Être une amie, se disait-elle souvent, ça n'était pas que tirer les vers du nez à l'autre pour le faire parler. C'était aussi être là, tout simplement, et accepter le silence.

C'était donc le jour de Noël et les deux jeunes gens étaient attendus chez Paul pour réveillonner. Jonas s'était vêtu d'une toute nouvelle chemise noire et d'un jean droit dont il n'avait plus à serrer la ceinture au point de créer des nouveaux trous. Il avait coiffé ses cheveux en une queue haute et pendant qu'Alice paniquait devant son miroir, lui se regardait dans celui de la salle de bain, passant ses doigts sur ses lobes d'oreilles.

- J'me ferais bien percer les oreilles, tu crois que ça serait une bonne idée ? s'exclama-t-il depuis la salle de bain.

Alice ne lui répondit pas. Il l'appela. Toujours pas de réponse. Il quitta donc la pièce pour la rejoindre dans la chambre, non sans avoir frappé avant. Il avait très peu envie d'être gêné à la vue de la jeune femme en sous-vêtements. Il la trouva devant un miroir de pied, dans une robe moulante à manches en dentelles grise. Sur le lit, un amas de vêtements en tout genre, du jean en passant par les jupes jusqu'à des hauts échancrés qu'elle n'était pas certaine de vouloir porter pour la soirée.

- Je ne sais pas quoi mettre, avoua-t-elle.

Jonas la détailla du regard. Alice était magnifique, avec ses cheveux jusqu'aux épaules, à présent domptés par le lisseur. Il dévia ses yeux sur les tenues posées en vrac sur le lit et tenta de l'imaginer dans ces vêtements. Rien n'y faisait. La robe lui allait certainement mieux, de son point de vue, mais quelque chose lui disait que pour le réveillon de Noël, cette robe faisait trop "cocktail". Mieux valait porter quelque chose de plus simple.

- Elle est très belle cette robe Alice, lui dit-il enfin. Mais tu sais, je pense aller chez mon père comme ça, et lui n'aura pas mis son plus beau costard. Cette robe sera beaucoup trop belle pour la soirée.

- Tu crois ?

- Oui, tu seras aussi bien dans une tenue plus simple.

Le regard d'Alice partit dans le vague, puis elle s'activa. Elle ouvrit à la volée les portes de son armoire, dévoilant une penderie variée. Elle en sortit un chemisier en satin beige, très près du corps, et donc le dos était ouvert en un grand V. Jonas lui adressa un sourire.

- Tu seras la plus belle, t'en fais pas.

Alice fut à peine rassurée. Elle lui fit signe de sortir de la chambre et retira sa robe. Mais que pouvait lui trouver Jonas ? Elle serait la plus belle de la soirée parce qu'elle serait la seule femme, mais sincèrement, elle avait tout à envier aux autres. C'est ce qu'elle ne pouvait s'empêcher de penser depuis qu'elle avait constaté les progrès de Jonas. Le jeune avait fait grandir sa beauté, sa force intérieur, et maintenant il resplendissait. La jeune femme soupira avant d'enfiler le chemisier. Avec un jean moulant et des escarpins, ça irait à merveille.

Elle sortit de la chambre quelques minutes plus tard après avoir mis sa tenue, et s'être maquillée légèrement. Étant une piètre artiste en la matière, elle s'était bien gardée d'essayer de faire un trait d'eye-liner. Du fard doré avec des paillettes conviendrait parfaitement, ainsi qu'un rouge à lèvre écarlate. Jonas lui sourit sans la reconnaître. À partir de quand Alice était aussi belle ? Depuis quand, en fait, s'était-il rendu compte du pouvoir de séduction qui émanait d'elle ? La réponse était simple : à l'instant. Il avait été si focalisé sur lui-même et ses sentiments qu'il n'avait jamais fait attention aux gens autour de lui. Peut-être que si c'était arrivé, ses parents n'auraient pas divorcé. Mais d'après son père, ça n'aurait fait qu'empirer les choses. Avec cette séparation, Irène se concentrait sur son travail : c'était ça qui la rendait heureuse. De son côté, Paul pensait à lui-même. Il se retrouvait, lui et ses passions, ses rêves, ses envies. Finalement, tout le monde allait mieux. Il suffisait de le décider.

Alice lui sourit et agita la main devant ses yeux. Perdu dans ses pensées, il ne l'avait pas vu enfiler sa veste rembourrée et son écharpe. Jonas se dépêcha de faire de même et ensemble, ils prirent la direction du domicile familial. Le trajet fut silencieux, aucun des deux ne sachant quoi dire pour lancer la conversation, ni même pour l'entretenir.

Paul les accueillit très chaleureusement, et sut mettre Alice à l'aise. Elle découvrit derrière ce père de famille manipulé par sa femme un personnage très charismatique, brillant, et avec une culture cinématographique qu'elle ne lui aurait jamais soupçonné. Elle se rendit compte au fil des conversations autour des steaks hachés de Noël (Paul n'ayant pas les talents culinaires nécessaires pour faire un repas de Noël digne de ce nom, il avait improvisé), que Paul était un homme au même titre que Jonas, et tout de suite, elle lui avait pardonné la scène à l'hôpital, où ses deux parents avaient semblé se dresser contre leur fils. Il n'avait pour sa part jamais essayé de briser son fils. Et cette nouvelle facette du père de Jonas la rendait admirative.

Assis en face d'elle pendant le repas, Jonas avait pu apercevoir tous les regards que son amie lançait à son père. Plus ça allait, moins il savait comment les interpréter. Avant d'arriver, Alice était en panique. Devant la porte d'entrée, elle lissait les manches de son chemisier. Et maintenant qu'elle était à table avec lui, elle passait son temps à lui lancer des sourires carmin et à ajuster ses cheveux. Jonas restait en apparence très calme, mais au fond de lui, il bouillonnait.

Le soir même, après avoir passé l'après-midi à regarder des films, ils prirent l'apéritif dînatoire (bien alcoolisé) au salon, et Paul leur annonça qu'il avait déjà prévu de les faire dormir sur place. Alice serait dans la chambre d'amis et Jonas dans sa chambre, comme d'habitude. Bien sûr, s'ils voulaient changer la configuration (Paul envoya un clin d'œil à Alice, qui rougit), ils étaient libres de faire comme bon leur semblait. Jonas marmonna un oui presque inaudible et lança un regard froid à Alice, qui lui avait sourit tendrement. Celle-ci eut un mouvement de recul, confuse. Elle secoua la tête pour chasser cette peur sourde qui commençait à grossir dans son ventre et repris sa conversation comme si de rien était.

Les trois s'échangèrent leurs cadeaux un peu plus tard dans la soirée. Jonas avait trouvé une dent de requin dans une petite boutique qui vendait des bijoux et des accessoires un peu exotiques, et pour Alice, ne sachant bien quels goûts elle pouvait avoir et ce qu'elle possédait déjà dans sa bibliothèque, un bon d'achat de trente euros pour une marque de jeans qu'elle aimait bien. Du moins dans le cas contraire, elle pourrait toujours essayer d'y trouver son bonheur. Alice avait été réellement touchée qu'il lui fasse un cadeau. Elle le fut d'ailleurs encore plus quand Paul lui offrit un exemplaire d'une ancienne édition reliée des Misérables, de Victor Hugo. Jonas reçut une nouvelle paire de Converses hautes bordeaux. Elle avait profité des quelques jours qu'ils avaient passé ensemble pour regarder sous les semelles de ses chaussures et ainsi choisir la bonne pointure. Elle n'avait cependant rien choisi pour Paul, ne s'attendant pas à ce qu'elle ait un cadeau de sa part.

Tous les trois ne tardèrent pas à aller se coucher. Alice n'ayant pu récupérer la nuit dernière, elle fut la première à demander le chemin vers sa chambre. Jonas lui montra l'étage. La chambre d'amie était impersonnelle, faite d'une vieille tapisserie à fleurs et de meubles en bois massifs d'époque. Un lit double à la tête de lit en ferraille trônait au milieu de la chambre. Elle y déposa le grand t-shirt à manches longues que lui avait prêté son ami et s'avança pour fermer les volets.

- Tu sais, finit-elle par dire, brisant le silence qui pesait de plus en plus lourd, je ne comprends pas du tout pourquoi tu m'en veux. C'est évident que tu considères que j'ai fait quelque chose de mal, vu comment tu me regardes, mais je n'arrive pas à saisir quoi, et à quel moment.

Jonas ne répondit rien. Il se contenta de la regarder, froidement, comme il en avait pris l'habitude depuis quelques heures. Il ne lui apporta aucune réponse et s'affaira à aller fermer le volet en toile de son Velux, puis de sortir un pyjama de son armoire. Il avait enfilé le bas quand Alice frappa deux coups secs à la porte avant de se permettre d'entrer, ne laissant pas le temps à Jonas d'enfiler le haut, et ferma la porte à clé derrière elle.

- Maintenant tu vas arrêter de faire comme si tu ne m'entendais pas, Jonas Conrad, et tu vas me dire ce que tu me reproches.

Le jeune homme se leva, laissant tomber son pull, et s'avança vers elle. Alice, par réflexe, baissa les yeux pour jauger le torse de Jonas. Elle fut admirative un instant de constater la disparition de ses côtes. Bien qu'elle ne les avait jamais vu, elle les avait à maintes reprises senti lors d'une étreinte. Il était clair en le voyant maintenant que ça n'arriverait plus. Quand elle remonta les yeux vers son visage, il n'était plus qu'à quelques centimètres du sien, les lèvres pincées, les prunelles azure semblant aussi froids que l'Antarctique. Il posa ses deux mains sur la porte, de chaque côté du visage de la jeune femme, et approcha sa bouche de la sienne. 


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Salut ! 

J'essaye de me détacher un peu de Wattpad et de cette mentalité empoisonnante de toujours aller vérifier si j'ai des notifications. 

Du coup, j'ai un petit peu oublié de poster le chapitre samedi, j'suis désolée XD 

J'espère que ce chapitre vous aura plu, et que vous passez un bon week-end de trois jours ! 

(Ou des bonnes vacances pour ceux qui le sont encore). 

À la semaine prochaine donc ! 

Bisous, 

Alice

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