6- Le lièvre
TW : évocation enlèvement, traumatisme, stupidité, racisme sur les handicapés
Résumé des chapitre précédents :
Ira Ranowich, le champion cycliste a rencontré le directeur du centre d'entrainement de Rochefort et ça s'est mal passée.
C'est dommage, Ira risque de partir sans découvrir que le fils Ioni, est Maxou la jeune star d'internet qu'il adore.
Maxance lui lutte contre ses traumatismes après avoir été enlevé par un follower qui a tué sa mère et l'a retenu trois jours en captivité.
Personnages principaux :
Ira Ranowich, 19 ans
Maxance Ioni, 20 ans
Personnages secondaires :
Le directeur Ioni : le responsable du centre sportif de Rochefort
David Ioni : oncle de Maxance
Robert Dalambert : le psychiatre de Maxance
Les coéquipiers d'Ira : Achille, Joachim, Luis, Mehdi, Diego.
Le coach Grégoire, le directeur des courses Eric.
***
Maxance Ioni
Mon père ne se remet pas du refus d'Ira Ranowich.
Je ne vois pas comment le raisonner, la vérité c'est qu'il mettait trop d'espoir dans ce garçon.
Chez nous l'ambiance n'est jamais très gaie mais alors là c'est pire que tout ! Mon père est complétement déprimé.
Je suis venu manger chez lui pour un triste anniversaire : trois ans jour pour jour que maman est morte.
Ce jour-là, je me rappelle que je rentrais du lycée en vélo faisant le fou. Je n'ai pas vu que j'étais suivi. Quel dommage qu'il ne m'est pas enlevé sur le trajet !
Ma mère cuisinait à la maison, elle m'a embrassé et câliné comme toujours. Elle ne savait pas ce que je trafiquais mais elle m'a admiré faire une exhibition de danse avec un ballon, le thème de ma prochaine vidéo. Elle m'a applaudi, elle était ma première fan.
L'homme est rentré chez nous et elle l'a affronté. Elle n'allait pas le laisser m'emmener sans rien faire. Elle était courageuse.
Pour me changer les idées et comme discuter ne sert à rien, mon père est parti se mettre devant la télévision. Je me rends utile en rangeant la maison sacrément en bordel. Je lance une lessive. Mon père, visiblement pas concentré, il est devant une série en espagnol, alors qu'il ne parle pas la langue.
Mon oncle David qui est médecin arrive après sa tournée du soir. Il va rester dormir cette nuit, moi je ne peux pas. J'ai l'impression d'étouffer. Il vient me faire la conversation, alors que je range la cuisine. Il grimace en constatant combien mon père est mal.
─ Tu sais, je vais déménager et acheter une plus grande maison avec un cabinet médical au rez-de chaussée. J'en ai assez de perdre mon temps en déplacement. J'ai proposé à ton père de s'installer avec moi, explique mon oncle.
Je regarde le cachottier qui ne m'a rien dit.
Mon oncle soupire, il a compris.
─ Je le pousse à vendre cette maison, mais il ne veut rien entendre.
Nous parlons de lui et il ne s'est toujours rendu compte de rien.
Je suis fâché à mort après Ira, il a un caractère de merde et il est nul ! Il a détruit un peu plus mon père et la preuve, il a critiqué mes chiens. Il a même réclamé à ce que mon père les enferme. Il a eu l'impression qu'Ira était sur le point de les cogner.
Il ne s'est pas fait remarquer à l'adolescence et maintenant c'est une idole ...moi je me suis exposé et maintenant je suis un zombie. L'inversion des rôles est frappante, la roue tourne !
Quand le gars m'a retenu prisonnier... je ne me rappelle plus très bien, mon cerveau m'a aidé en effaçant les mauvais souvenirs.
Je sais qu'il m'obligeait à chanter, alors que j'avais tellement peur.
J'avais une voix sucrée, elle l'est toujours, mais cassée désormais, avec un écho rauque, comme si le sanglot n'était jamais parti.
─ Ils sont sortis avec les filles ce soir, tu aurais pu aller avec eux ! marmonne mon père.
Mon oncle me fait un clin d'œil, le vieux reprend vie.
─ Merci papa mais je n'ai pas envie. Je suis crevé j'ai fait du sport tout à l'heure.
Mon père hoche la tête et retourne à ses pubs qu'il regarde avec attention.
C'est vrai que j'ai été faire du sport, mais ce qui est particulier pour moi c'est que je suis obligé de courir accompagné de mes chiens.
Avant j'aimais nager en mer, j'en suis incapable maintenant. Il me faudrait un dauphin à moi !
─ Je vais y aller papa et tonton.
─ Oui bien sûr fiston, rentre bien.
A la cité U je retrouve ma colocataire Corinne. C'est bizarre d'être parti en logement étudiant alors que nous habitons à côté de la fac, mais c'était une question de survie pour moi.
Corinne grogne, elle est furieuse car les filles font une sortie avec les coureurs masculins, mais les handis n'ont pas été invités.
─ On va sortir nous aussi il n'y a pas de raison, rouspète t'elle.
─ On fait quoi ? me demande Mario.
Il a eu un accident de snowboard et est paralysé des jambes en fauteuil il fait partie de l'équipe volley.
─ Allons au Lagon bleu, je propose je sais que les autres n'y seront pas. L'endroit est accessible la vue sympa et la musique est bonne.
─ Tu nous chanteras des chansons, demande Mario.
─ Si vous voulez je peux essayer.
Corinne est une battante ! Elle faisait de la moto en championnat, elle a chuté sous sa moto, qui lui a broyé la jambe. Elle est lesbienne et moi gay, donc tout va bien. Surtout moi, je ne pouvais pas partager une coloc avec un mec. Elle n'a pas trouvé l'amour et moi je ne pourrais jamais le trouver.
Elle est fan d'Ira, qui est aussi un passionné de moto, c'est pour cela qu'elle est particulièrement déçue que les filles ne les aient pas invités à rencontrer les champions. Quand elle a su qu'ils venaient un mois s'entrainer avec nous elle a été particulièrement ingérable. Elle a écrit à son agent, pour lui demander un rendez-vous pendant son séjour à Rochefort, mais ce sale con a refusé de la rencontrer. Encore une preuve qu'il n'est pas sympa.
***
Ira Ranowich
Dire que cela ne fait qu'une semaine que nous sommes là. Le diner avec les filles c'est bien passé, Achille et Luis sortent avec deux cyclistes. Achille roucoule avec Daphné, la capitaine des filles et Luis a flashé sur une rousse aux cheveux longs qui s'appelle Aude. Elle a des taches de rousseur et ressemble vraiment à Maxou. Je voudrais pouvoir tomber amoureux à nouveau de quelqu'un d'autre avec un minois comme celui-là.
Comme je la regarde beaucoup, Luis me bouscule mi-amusé, mi-fâché.
─ Elle est prise !
─ Par qui ? Je suis un peu perdu parce que je croyais qu'il la draguait justement.
─ Par moi ! ricane l'idiot.
─ Ok pas d'inquiétude.
Je retourne à l'observation du fond de mon verre. Je n'ai jamais été bavard mais depuis qu'on est dans ce bar, j'ai un étrange sentiment de malaise, une sensation d'urgence. Je perds de vue quelque chose d'important sans voir quoi, c'est super énervant. Un truc me turlupine sans que je comprenne.
Je checke mentalement : nos courses se passent bien, le matériel est vérifié, toutes nos inscriptions et courses sont faites. J'ai confiance dans le coach, il n'y a aucune raison, alors qu'est ce qui ne va pas ?
Cette fille qui ressemble à Maxou m'a tourné la tête sans doute. Elle m'a rendu triste sans que j'en comprenne la raison.
Depuis le diner, les deux équipes cyclistes se retrouvent pour des sorties, au cinéma ou des balades.
L'équipe des jeux paralympique a demandé à me rencontrer. Ça me déprime !
Il y en a une qui a eu un accident de moto et qui demande à venir voir ma moto. Je rêve ! Quel sans gêne d'aller imposer son handicap aux autres !
Les gars me disent qu'on devrait faire une sortie au restaurant avec les handis aussi.
Dès qu'il s'agit de sortir et de s'amuser, ils sont toujours partants, quelle bande de charlots !
Je leur rappelle qu'on vise l'or aux J.O., si on pouvait arrêter de se disperser cela m'arrangerait.
Ils retrouvent déjà les filles et les handis, tous les soirs après les entrainements à la piscine, ça devrait leur suffire quand même !
Les gars me parlent du lièvre des filles, ils voudraient qu'on fasse une course avec lui. Je sais bien à quoi ils pensent dans leurs petites têtes, ils veulent le lièvre avec les filles, mais je refuse.
De toute façon je n'ai pas besoin de lièvre pour les courses, c'est moi le lièvre.
Je refuse encore plus, quand je découvre qui est le lièvre : le fils Ioni.
La famille Ioni moins je la vois, mieux je me porte. J'ai réussi à éviter le directeur depuis une semaine bien qu'il m'appelle tous les jours pour des prétextes foireux. Cependant je l'ai croisé hier soir à une réception organisée par la région ou j'ai dû faire une apparition d'une petite heure.
Les mondanités, les relations c'est si dur ! Ioni m'a saoulé, il m'a demandé à ce que je rencontre les handis pour faire des photos avec eux. Il m'a aussi proposé d'utiliser son fils comme lièvre. Je le soupçonne d'espérer peut-être que je vais l'embaucher comme coureur, mais il rêve mon équipe est complète.
Les gars rouspètent que je ne suis pas sympa. Ils vont à la piscine avec le fils Ioni et ils l'aiment bien. Ils m'ont dit qu'il était spécial, je veux bien le croire vu comment le père est bizarre.
Moi je ne vais pas avec eux, je préfère nager dans l'océan.
Comme je dois m'absenter deux jours à Paris, pour rencontrer le responsable de la fédération pour signer un contrat pour les championnats du monde, je propose qu'ils s'entrainent avec le lièvre.
La vacherie est une seconde nature chez moi, je leur laisse mes consignes de course qui sont limite infaisable pour le lièvre, cela lui fera les pieds. Je vais le crever leur lièvre.
Ioni ne pourra pas dire que je n'ai pas tenu compte de sa proposition, mais il va s'en mordre les doigts.
Les deux jours à paris ont été infernaux. Je n'ai pas pu faire de sport, j'ai l'impression d'être un lion en cage. Ma mère a voulu que je passe la voir chez elle, à Fresnes. C'est l'enfer pour moi de m'enfermer dans son appartement minuscule et de l'écouter dégoiser sur notre passé. Je ne pourrais jamais oublier qu'elle m'a balancé en centre de rééducation, trop contente de se débarrasser de moi.
─ Tu pourrais revenir habiter en région parisienne avec moi, fait-elle assise à table avec moi.
Elle n'a cuisiné que des trucs que je n'aime pas, mais cela tombe très bien, je n'ai pas faim.
Je marmonne des excuses il n'en est pas questions. Après les championnats du monde je m'installe à Bordeaux, je reprends mes études et je pars à la recherche de Maxou, point final.
Le soir il y a une réception organisée par la fédération de cyclisme. Il y a des anciens coureurs qui m'abreuvent de conseils.
Lassé de tout ce cirque, je m'isole et mets mes écouteurs pour regarder la dernière vidéo de Maxou. Il y parle de ses projets pour les prochaines séances pourquoi n'a-t-il pas tenu parole ?
Dans le train pour le retour, sur notre appli de suivis sportif, je découvre que les gars ont fait ce que j'ai demandé. Je vérifie leur temps et remarque malgré moi que le lièvre a assuré.
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