Prologue.
[Maison des Morrow-Varela ; Costa Mesa, Californie ; soir]
Jours avant le début de l'épidémie : 3
Perdue dans ses pensées, Sasha frottait machinalement une assiette et la passa à sa mère qui l'essuya et la rangea dans les placards. Un coup de coude dans ses côtes la ramena à la réalité, Sasha faillit laisser tomber le verre qu'elle lavait alors qu'elle jeta un regard à sa mère qui la fixait avec les sourcils froncés.
‒ Tu as des problèmes d'audition ma chérie ? Ça fait trois fois que je t'appelle.
‒ Pardon mama, j'étais dans mes pensées. Tu disais ?
‒ J'ai réfléchi à emmener Amy à Tijuana. Elle est assez grande pour voyager et profiter, et puis ta grand-mère ne l'a plus vu depuis qu'elle est née, je pense que ça lui ferait plaisir. Si tu arrives à avoir quelques jours de congé au travail, tu pourrais venir avec nous, proposa Marcela.
‒ C'est une bonne idée, j'essaierai de voir avec Anita. Tu aimerais partir quand ?
‒ Le mois prochain.
‒ Si tu attends juillet, tu pourrais proposer à Alec de venir aussi. Il vient pour mon anniversaire, réfléchit Sasha. En plus Anita nous donne toujours notre journée le jour de notre anniversaire et ça tombe un vendredi. J'aurai donc au minimum trois jours de repos, et si je me débrouille bien je pourrais en poser d'autres.
‒ Oui, ça nous ferait du bien un petit voyage en famille vers notre ancien chez-nous. Je me demande si Alexander se souvient de notre vie là-bas... il était assez jeune quand j'ai décidé de rejoindre pour de bon votre père aux Etats-Unis.
‒ Il a quelques souvenirs dont on a discuté déjà mais pas énormément.
Marcela allait questionner plus en profondeur sa fille mais une sonnerie la coupa. Sasha reposa le verre qu'elle tenait dans l'évier, essuya ses mains sur son jean et chercha des yeux son téléphone. Elle le retrouva abandonner près du micro-onde et décrocha immédiatement après avoir vérifié l'identité de celui qui l'appelait.
‒ Allô ?
‒ Maman ! cria une voix fluette.
‒ Hé mon amour. Je suis contente de t'entendre, comment tu vas ?
‒ Bien.
‒ Tu t'amuses avec tante Lauren ?
‒ Oui ! J'ai même eu Rowie.
‒ Rowie ?
‒ C'est mon nouveau copain ! C'est oncle Alec qui me l'a gagné !
‒ Alec t'a gagné un nouvel ami ? répéta Sasha incertaine.
‒ Oui ! Et je m'en occupe trop bien, je lui ai fait une trop belle maison.
‒ D'accord... Tu vas aller dormir ? demanda la jeune mère en jetant un œil à l'heure sur ton téléphone.
‒ J'ai pas envie.
‒ Je crois pas que ce soit à toi de décider mon cœur.
‒ Mais maman ! Pas envie !
‒ Amy, laisse-moi parler avec ta maman un instant, demanda une voix plus loin. Sasha ?
‒ Salut Lauren. C'est quoi cette histoire de nouvel ami ?
‒ Oh, Alec a emmené Amy à la fête foraine et lui a gagné un poisson rouge. J'ai peur de la crise de larmes que je sens arriver quand on devra le laisser à New York.
‒ Si cela lui brise vraiment trop le cœur, je réfléchirai à lui en acheter un ici.
‒ Super. Euh, je voulais te parler parce que ton frère m'a demandé si je pouvais lui laisser Amy toute la journée de demain pour qu'ils aillent rendre visite à ton père et sa compagne.
‒ Il en est hors de question, refusa-t-elle sans réfléchir un seul instant tandis qu'elle se déplaçait vers sa chambre pour éviter que sa mère n'entende pleinement la discussion. Il n'avait même pas à te le demander. Il sait très bien que je ne veux pas que Jake voie ma fille sans que je sois présente.
‒ C'est bien ce que je pensais mais j'ai un peu hésité... apparemment il a quémandé après elle.
‒ Il peut le faire auprès de moi au lieu de passer par des tierces personnes pour voir Amy. Il connait mon avis là-dessus et ça me rend folle qu'il essaie de le faire dans mon dos. Il ne s'est jamais autant soucié de la rencontrer quand elle est née malgré mes supplications et maintenant c'est moi la méchante qui le prive de sa petite fille ?
‒ Ne t'inquiète pas Sasha, je ne laisserai pas Alec l'emmener le voir. Je voulais juste revérifier avec toi que c'était toujours ce que tu souhaitais. Je vais te repasser Amy.
‒ Merci Lauren.
Pendant le quart d'heure suivant, Sasha se força à écouter attentivement son enfant pour calmer sa colère bouillonnante. Amy, intarissables d'histoires sans lien, ne lui laissa pas le temps de s'attarder plus que cela sur ce qui venait d'être discuté. De plus, elle s'était toujours fait un devoir d'accorder pleinement son attention à sa fille quand celle-ci le demandait. Alors que la conversation se prolongeait, elle remarqua que la voix de son enfant perdait de son excitation et qu'elle devenait un peu plus endormie alors elle décida qu'il était temps que l'appel se termine.
‒ Je vais te laisser mon amour, tu dois aller te coucher.
‒ D'accord maman. On se voit quand ?
‒ Bientôt.
‒ Bientôt quand ?
‒ Bientôt bientôt. Tu verras le temps passera vite avec tante Lauren et oncle Alec. Tu vas bien t'amuser jusqu'à ce qu'on se retrouve, en attendant n'oublie pas que je t'aime mon cœur.
‒ T'aime.
Le cœur serré, Sasha raccrocha après avoir mimer des bruits de baisers à sa fille. Elle laissa son téléphone sur son lit et retourna à la cuisine pour voir que sa mère séchait la dernière assiette. Marcela la regarda avec les sourcils relevés, interrogateur.
‒ Tout va bien ?
‒ Tout va très bien mama, Amy s'amuse bien à New York et a maintenant un poisson rouge comme animal de compagnie.
◇ ◇ ◇
[Diner ; Costa Mesa, Californie ; soir]
Jours depuis le début de l'épidémie : 4
‒ Augmentez le son s'il vous plaît, demanda un homme qui dinait au bar.
Sasha jeta un regard par-dessus son épaule vers la télévision allumée sur une chaîne d'informations H24. Elle déposa l'assiette devant lui et alla chercher la télécommande sous le comptoir près de la caisse enregistreuse pour augmenter légèrement le volume. Les titres qui défilaient en bas de l'écran firent froncer les sourcils de la jeune femme : « une maladie jusqu'ici inconnue a été découverte en Pologne il y a quatre jours », « un mort se relève de sa tombe », « un SDF fou mord les passants dans Paris ». La présentatrice parlait de la possibilité que tous ces comportements étranges seraient symptomatiques de ce nouveau virus découvert il y a peu et dont les scientifiques cherchaient à connaître la cause et ses manifestations afin de trouver un médicament.
‒ C'est quoi ce bordel ? marmonna Sasha, les bras ballants face à ces absurdités.
‒ J'en ai aucune idée, mon collègue de travail vient de m'appeler et m'a dit d'allumer ma télévision en rentrant.
Des images de foules paniquées et des gros plans d'hôpitaux se succédaient à l'écran tandis que la présentatrice énumérait les faits connus de cette nouvelle maladie ; elle se propageraient rapidement en Europe et se manifesterait sous la forme d'une sorte de grippe dont la fièvre serait meurtrière, les patients auraient semble-t-il tous été contaminé par la morsure d'un malade.
‒ Le premier cas de cette maladie appelée « Virus René » a été recensé en Europe, dans une petite ville de Pologne il y a quatre jours et le chiffre des victimes n'a cessé de croitre depuis, répéta la présentatrice. La maladie n'a pas atteint encore les Etats-Unis mais le président-
‒ Eteins ces conneries Sasha, tu vas effrayer les clients, ordonna Patrick.
‒ Tu as vu cette histoire Pat ? Ils parlent d'une éventuelle pandémie mondiale.
‒ Ce sont des mensonges, grommela l'homme en retournant à sa cuisine. On en a jamais entendu parler jusqu'à ce matin mais soi-disant c'est là depuis plusieurs jours ? Mon cul.
‒ Ma fille travaille dans un hôpital de Virginie, elle dit qu'ils sont en effervescence, se mêla une vieille dame quelques tabourets plus loin, la mine inquiète. Ils se préparent à accueillir des victimes.
Sentant l'anxiété monter en elle, Sasha mordilla l'intérieur de sa joue alors qu'elle coupait la télévision. Elle repéra un client levé une main pour avoir une recharge de café, elle s'empressa d'aller répondre à cette demande pour se focaliser sur autre chose que ces nouvelles inquiétantes.
◇ ◇ ◇
[Diner ; Costa Mesa, Californie ; soir]
Jours depuis le début de l'épidémie : 8
Ces derniers jours s'étaient écoulés sous une ambiance étrange et pesante alors que tout le monde n'avait qu'à la bouche ce nouveau virus. La télévision avait diffusé en continue des reportages et des flash infos sur son évolution fulgurante et sur le manque de remède, cela n'avait pas aidé à calmer la population. Ça s'était empiré ce matin quand un lanceur d'alerte avait affirmé que le gouvernement essayait de cacher le fait qu'une victime du Virus René avait été admise à l'hôpital de Washington dans la nuit il y a deux jours. Le président avait gardé le silence sous de tels accusations malgré le fait que des gens manifestaient dans les rues à la recherche de vérité. Le pays s'agitait et commençait à sombrer dans le chaos entre les gens en colère et ceux paniqués.
Quand Sasha avait émis l'idée que le diner ferme le premier matin après cette nouvelle, Anita avait affirmé qu'ils ne pouvaient pas se le permettre avec les soucis d'argent et les dettes qui s'étaient accumulés. Soucieuse des manifestants agressifs qui cassaient et vandalisaient des magasins, la jeune femme avait travaillé d'arrache-pied entre servir les rares clients et essayer de mettre en place un moyen de protéger les vitres du bâtiment.
‒ Un burger spécial, Pat ! annonça Sasha en glissant le papier par le passe-plat et en déposant une tasse sale de l'autre côté.
‒ Sasha, téléphone pour toi ! appela Anita, levant le téléphone du restaurant dans sa direction.
Elle se dépêcha de faire le tour du comptoir, récupéra le téléphone de sa patronne et mima un « merci » avant de le coller à son oreille, les yeux voyageant dans la salle presque vide du diner.
‒ Oui, allô ?
‒ Sasha, c'est Lauren. Avant que tu t'inquiètes, tout va bien. Amy s'amuse beaucoup et ton frère est content de passer du temps avec elle.
‒ Je n'ai aucun doute là-dessus, mais il y a un problème ? Tu ne m'appelles généralement pas pendant que je suis au travail. Tout se passe bien à New York ?
‒ C'est la panique, comme partout ailleurs dans le pays je crois, mais on évite essentiellement de sortir. Amy est un peu contrariée de rester enfermée tous les jours mais je crois que nous arrivons bien à la divertir, assura son amie de l'autre côté du combiné. Par contre, notre vol a de nouveau été reporté. Ils l'ont mis à lundi prochain mais la compagnie pense l'annuler... j'ai essayé de voir s'il y avait de la place dans d'autres avions ou dans des trains et des bus qui se dirigent aux alentours de la Californie mais tous sont complets ou ont été annulé.
‒ Oh.
‒ Je continue à regarder si un vol se libère mais je crois qu'il va falloir qu'on vienne en voiture. Alec a parlé de nous prêter la sienne pour qu'on puisse rentrer, il dit qu'il n'en n'aura de toute façon pas besoin parce que son université est fermée jusqu'à ce que tout se calme.
‒ Tu es sûre que c'est une bonne idée ? Amy est encore très petite et c'est un long voyage pour traverser le pays. Il vaudrait peut-être mieux que vous restiez à New York le temps que cette histoire se tasse et je vous rejoindrai dès que je le pourrai. Je pense que je peux demander des congés à Anita.
‒ Oui, c'est peut-être mieux... en tout cas ça me stresserait moins que d'emmener Amy dehors avec tout ce chaos. En plus ton frère va profiter de ce temps libre pour aller camper avec ses potes, il nous laisse son appartement. Tu penses que tu pourrais partir quand ?
‒ Je sais pas, ce weekend ? Il faut aussi que je vois avec maman, je ne veux pas la laisser seule.
‒ Dépêche-toi, j'ai peur que les routes ne soient-
Le téléphone se coupa soudainement au milieu de la phrase de Lauren alors qu'en même temps les lumières du diner s'éteignirent. Une femme cria de surprise quelque part au fond de la salle. Sasha abandonna le téléphone fixe pour attraper son portable et tenta de rappeler son amie mais elle n'avait pas de réseau.
‒ Quelqu'un a du réseau ? fit écho une voix près de la femme qui a crié.
Sasha se précipita vers les interrupteurs et appuya dessus pour rallumer la lumière mais rien ne se passa. Dans la cuisine, elle entendit Patrick lâchait un juron suivi d'un bruit d'ustensiles tombants au sol. Très rapidement, la panique gagna du terrain parmi les rares clients du diner alors qu'un homme entra en s'écriant que toute la ville était plongée dans le noir et qu'il ne pouvait joindre personne.
‒ Que tout le monde garde son calme s'il vous plaît, cria Anita par-dessus le brouhaha. Il ne sert à rien de paniquer cela doit être une panne de courant généralisée. Rentrez tous chez vous, nous vous offrons vos consommations.
Personne ne se fit prier alors qu'ils se précipitaient vers la sortie, se bousculant pour être les premiers dehors. Sasha retira son tablier alors qu'elle regardait Anita fermer la porte derrière le dernier client. Patrick sortait de la cuisine, l'avant-bras rouge comme s'il s'était brulé.
‒ Rentrez vous aussi, ordonna leur patronne en les entrainant vers la porte de service. Considérez ça comme des vacances payées, je vous appellerai quand vous pourrez revenir bosser.
‒ Je vais aller rejoindre ma fille à New York dès que je pourrais prendre la voiture, l'informa Sasha. Si tu as besoin de monde pour le service mais que je ne suis pas encore rentrer, tu peux me virer.
‒ C'est un souci pour un autre jour Sasha. Je ne vais pas te virer.
‒ Mais-
‒ Rentre vite avant que la nuit ne soit trop sombre pour voir où tu mets les pieds, et fais attention !
Mordillant l'intérieur de sa joue, Sasha hésita un instant avant d'hocher la tête et de se précipiter dans la direction de sa maison. Sur le chemin, elle alterna entre s'éclairer grâce à son téléphone et appeler en vain sa famille et ses amis. Quand elle arriva devant la porte de leur appartement, sa mère ouvrit la porte avant même qu'elle ait pu sortir les clés et l'attira dans une étreinte.
‒ J'étais si inquiète ! J'ai essayé de t'appeler mais le téléphone ne marchait pas et-
‒ Ca va mama, je vais bien, la rassura Sasha en l'entraînant dans l'appartement et en refermant la porte derrière elle. Anita nous a renvoyé chez nous jusqu'à ce que ça se calme.
‒ Les informations étaient en train de parler de la grosse coupure qui avait plongée Washington dans le noir et au même moment, tout s'est coupé ici.
Au stade où les choses avançaient, le stress allait faire ronger l'intérieur de sa joue à Sasha. Elle se força à faire le vide dans son esprit et à calmer l'angoisse pour diriger sa mère vers sa chambre.
‒ Prépare une valise et tout ce que tu penses nécessaire mama, je vais demander à monsieur Cohen si nous pouvons emprunter sa voiture.
‒ Pour aller où ?
‒ Lauren et Amy sont bloquées à New York, j'ai dit que nous les rejoindrions et c'est que qu'on va faire.
Marcela n'eut pas besoin de plus d'informations alors qu'elle se pencha sous son lit pour traîner une valise et commencer à la remplir. Sasha, quant à elle, se précipita vers l'appartement du rez-de-chaussée pour aller demander à leur vieux voisin ronchon mais sympathique les clés de son véhicule. Alors qu'elle descendait les marches deux à deux, elle priait pour que sa fille reste en sécurité et qu'elle parvienne à elle le plus rapidement possible.
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