Chapitre 5.
[Station-service ; Oklahoma ; après-midi]
Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 3 mois et 15 jours.
Sa poitrine montait et descendait à toute vitesse alors que sa respiration était frénétique. Sasha sentait la panique prendre possession de son corps. Un danger pouvait se trouver dans le coin, seulement elle ne pouvait rien voir à cause de l'obscurité du bâtiment. De plus, elle n'entendait plus sa jeune partenaire. Ni sa voix, ni sa respiration, ni même du chahut prouvant qu'elle se débattait avec quelqu'un ou quelque chose. Alors qu'elle débattait avec elle-même sur l'intelligence de l'appeler, une petite voix s'éleva du silence.
‒ Aïe.
‒ Winnie ? murmura Sasha. Winnie, tu vas bien ?
‒ Ca va, grommela cette dernière. Je crois que j'ai trébuché sur quelque chose. On y voit rien ici !
‒ Attends un instant.
Obligeant son cœur à calmer ses battements, Sasha baissa enfin son arme de fortune et se précipita vers la fenêtre. D'un geste imprécis de la main, elle arracha une épaisse bande de papier journal, permettant enfin à la lumière de pénétrer dans la pièce. Elle pouvait désormais voir Winnie, étalée par terre dans une position disgracieuse qui l'aurait fait rire si elle n'avait pas encore le corps tremblant de panique.
Oh beurk, s'exclama la jeune fille avec un bruit de dégoût.
Sasha dirigea son regard au même endroit qu'elle et comprit son dégout, et l'odeur qui régnait dans la pièce par la même occasion. Un cadavre était avachi contre un canapé dans une position pas tout à fait assise mais pas allongée pour autant. Ses jambes étaient tendues devant lui, ce qui avait sûrement fait trébucher Winnie, et ses bras étaient ballants à ses côtés. Dans une de ses mains se trouvait un pistolet semi-automatique lâchement tenu. Il devait être mort depuis plus d'un mois et, même si sa tête penchée dans un angle inconfortable, Sasha pouvait voir qu'il s'était mis une balle dans la tête.
‒ C'est Stu. Il... il s'est tué ?
Hésitante, Sasha se rapprocha de l'homme mort et vient s'accroupir à ses côtés. Dans la main devant elle, il tenait un bout de papier. Délicatement, comme pour ne pas le déranger dans son sommeil éternel, elle attrapa le papier et le déplia.
‒ À quiconque lit ça, je suis désolé. Elles sont toute ma vie, je ne peux pas sans elles. Je les rejoins auprès de Dieu, lit-elle à voix haute.
‒ Oh... pauvre Stu. Je suis triste pour les Farley. Ils étaient si gentils ! On peut les enterrer ? Ils méritent quelque chose de sympa dans lequel reposait et où on pourra venir se souvenir d'eux.
‒ Euh, on a pas le matériel pour faire ça Winnie. Et je suis même pas sûre qu'on soit capable de les trainer jusqu'à des tombes. Surtout qu'on serait vulnérable aux infectés si on faisait ça. Je suis désolée... mais je suis sûre qu'une fois tout ce bordel terminé, quelqu'un s'en occupera.
‒ Tu penses ?
‒ Bien sûr. Le gouvernement ne va pas laisser toutes ces personnes pourrir dehors et sans obsèques.
Avec un encouragement, Sasha l'aida à se relever, lui remit sa poêle entre les mains puis retourna vers la fenêtre pour se débarrasser complètement des journaux collés dessus. Elle lui demanda ensuite de fouiller la pièce à la recherche de toutes choses utiles pendant qu'elle se rendait dans le magasin. Avant de partir, elle se pencha sur le cadavre et récupéra le pistolet.
‒ Tu fais quoi ?
‒ Il en aura plus besoin.
‒ Mais tu sais tirer ?
‒ Un peu. Enfin je crois.
‒ Tu crois ? répéta l'adolescente. Sasha, c'est dangereux ces trucs !
‒ Je connais les bases pour m'en servir. Mon père m'a emmené une fois pour un moment père-fille dans un champ de tir. J'ai pas aimé.
‒ Tu m'apprendras alors ?
‒ Si tu veux.
‒ C'est vrai ? Merci Sasha !
‒ Mais je te garantis pas que tu sois capable de tirer après !
‒ Je suis sûre que tu arriveras à me montrer !
Sans lui laisser le temps d'ajouter quoique ce soit, Winnie s'empressa de l'éteindre et, entrainée par son enthousiasme débordant, elle serra un peu trop fort la taille de Sasha.
‒ Doucement Winnie.
‒ Oh, pardon !
‒ C'est pas grave, lui sourit gentiment la plus âgée. Mais finis les bavardages, mettons-nous au travail.
‒ Tu as raison ! Et puis comme tu dis, plus vite c'est fait plus vite je serais à la maison !
‒ Exactement.
Après cet échange de mots, les deux survivantes se séparèrent et commencèrent à fouiller chacune leur espace à la recherche de fournitures.
◇ ◇ ◇
[New Prue Road ; Oklahoma ; fin d'après-midi]
Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 3 mois et 15 jours.
Depuis qu'elles avaient traversé un énième pont quelques kilomètres plus tôt que Winnie avait juré être le dernier pour atteindre Prue, celle-ci marchait d'un pas déterminé et en tête. C'était presque amusant de la voir si enthousiasme à l'idée d'avancer alors qu'elle était toujours un peu ronchon dès qu'il fallait marcher.
‒ On devrait tourner ici si on était en voiture, indiqua-t-elle avec son doigt pointé vers une intersection visible à l'horizon. La maison de Granny est juste au bout de l'allée ! D'ici, on peut apercevoir le toit, tu le vois ?
Sasha n'eut pas de temps de confirmer ou d'infirmer qu'elle vit sa jeune partenaire de survie partir en trompe vers la direction indiquée. Elle lui cria d'attendre mais c'était trop tard. Soit elle ne l'avait pas entendue, soit elle l'avait ignorée. Avec un juron, elle s'empressa de la suivre à travers les fourrés. La petite était rapide quand elle le souhaitait. Des branches d'arbustes s'accrochaient à ses vêtements et freinaient son allure, certains griffèrent la peau visible. Elle resta cependant concentrée pour ne pas perdre la trace de Winnie parmi la végétation étouffante. Finalement, Sasha quitta les fourrés et réussit à la rattraper. Elle se plia en deux et appuya ses mains sur ses genoux pour reprendre sa respiration. Elle devait travailler son cardio.
‒ Winnie, gronda-t-elle, essoufflée. Ne fais plus jamais ça ! Tu m'as fait peur !
‒ On y est Sasha... on est à la maison, répondit l'adolescente d'une voix emplie d'émotions.
De nouveau, elle s'élança droit devant elle. En revanche, cette fois-ci, Sasha n'eut pas la force de la poursuivre, elle reprenait encore sa respiration. À la place, elle se redressa et la regarda grimper deux à deux les marches d'un vaste perron entourant une maison encore plus vaste. Elle était grande et magnifique, clairement faite pour accueillir une famille avec ses deux étages. Les volets -d'ailleurs fermés- et la porte d'entrée étaient d'une jolie teinte de vert qui était apaisant.
‒ Granny ! Maman ! s'écria Winnie en frappant à la porte de toutes ses forces. C'est moi ! Je suis là !
Après s'être remis de sa course effrénée, Sasha traversa le chemin de terre qui servait d'allée et rejoignit la maison. Elle se sentait incertaine de sa place dans ce qui se jouait devant elle alors elle resta au bas des marches du perron et attendit. Quelque chose dans cette scène rendait Sasha mal à l'aise mais elle ne pouvait pas mettre le doigt sur quoi.
‒ Debbie ? Eh oh, c'est moi, Winnie ! Venez m'ouvrir !
L'adolescente était frénétique : elle appelait chacun de ses proches, frappait de manière répétitive à la porte et se penchait aux fenêtres pour essayer d'apercevoir à l'intérieur. Il y avait une atmosphère étrange dans cet endroit. Les environs étaient calmes, comme partout où elle était passée ces dernières semaines, mais ici... c'était bizarre. Le silence était lourd. Il pesait sur ses épaules.
‒ Pourquoi personne ne répond ? se plaignit Winnie.
‒ Peut-être qu'ils sont sortis ?
‒ Mais, ils iraient où ?
‒ Chercher des provisions ?
‒ La cave de Granny est remplie jusqu'au plafond de conserves, et elle a un potager. Ils auraient de quoi manger pendant plusieurs semaines avant d'avoir à s'inquiéter pour ça.
‒ Je sais pas trop quoi te dire...
La sensation de plus tôt commençait à prendre de plus en plus de place chez Sasha. Elle recula d'un pas et jeta un regard vers le second étage. Aucun détail ne lui donna un indice sur ce qui se tramait ici.
‒ Tu es sûre qu'il y a pas un autre endroit où ils auraient pu aller ?
‒ Non, c'est notre maison familiale. C'est ici qu'on se réunit tous, ils ne seraient pas partis avant qu'on soit tous là.
‒ La maison paraît plutôt vide... personne n'est venu t'ouvrir ou même enquêter sur le bruit...
Refusant d'en entendre plus, Winnie se détourna d'elle et recommença à taper sur la porte d'entrée. Chaque fois qu'elle appelait un membre de sa famille, Sasha sentait la boule dans son ventre grossir jusqu'à ce qu'elle ne soit plus capable d'attendre -quoi, elle ne savait pas. Elle délogea son pied-de-biche de sa ceinture dans laquelle elle l'avait coincé et décida de faire le tour de la maison par la gauche. Peut-être que la famille de sa jeune partenaire était à l'extérieur, ou bien qu'une autre porte à l'arrière était déverrouillée. Ses yeux voyageaient à l'horizon à la recherche d'une -ou plusieurs- silhouette, humaine ou infectée. C'était sans doute pour cette raison qu'elle buta contre quelque chose et manqua de trébucher. La jeune femme se reprocha de ne pas assez prêter attention à où elle mettait les pieds. Elle baissa son regard et fronça les sourcils quand elle vit trois planches de bois dressées dans la terre les unes à côté des autres. Des noms étaient inscrits sur chacune d'elles. Le sang dans les veines de Sasha se glaça alors que le souvenir des Farley lui revient. Horrifiée, elle eut un mouvement de recul.
‒ Oh mon dieu.
C'étaient des tombes. Le cœur battant la chamade, la jeune femme se pencha et lut les noms. Des prières silencieuses furent dirigées vers une quelconque divinité pour qu'il ne s'agisse pas des personnes que les deux survivantes s'attendaient à trouver ici. Cependant, dans ce nouveau monde, l'espoir ne semblait pas avoir sa place.
Temperance Lee Geller. Sarah Winifred Geller. Deborah Ruth Geller.
‒ Non... non, non, non. Merde !
Les histoires que lui avait raconté Winnie étaient assez nombreuses pour qu'elle puisse les identifier : sa grand-mère, sa mère et sa sœur. Trop stupéfaite pour faire attention aux bruits de pas qui se rapprochaient, elle sursauta quand la voix de Winnie lui parvient, soudainement trop proche.
‒ ... cache une clé dans un pot de fleur à l'arrière, on devrait peut-être qu'on- Euh... Sasha ? Qu'est-ce que tu regardes ?
Aucun mot ne parvient à franchir la barrière de ses lèvres.
‒ Sasha ?
Tout ce dont la jeune femme était capable était de révéler son regard vers elle et d'observer sa partenaire de ses yeux écarquillés, une main sur sa bouche.
‒ Sasha, qu'est-ce qui a ? Tu me fais peur.
Comme elle n'obtenait toujours aucune réponse, elle décida d'enquêter par elle-même. Winnie possédait un visage tellement expressif que Sasha vit l'instant exact où elle comprit devant quoi elle se tenait.
‒ Non. Non ! Sasha ! Non !
‒ Winnie, je suis désolée...
‒ Non !
‒ Je suis sincèrement désolée.
Sasha tendit une main compatissante et voulut la poser sur le bras de Winnie mais cette dernière l'esquiva. Sa tête fouetta dans sa direction et elle braqua sur elle un regard noir. L'effet fut néanmoins diminué à cause des larmes qui coulaient librement le long de ses joues. Sasha recula encore d'un pas et la regarda essayer de digérer sa découverte.
◇ ◇ ◇
[Maison familiale des Geller ; Prue, Oklahoma ; matin]
Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 3 mois et 16 jours.
Encore embrumée par le sommeil, Sasha n'ouvrit pas immédiatement ses paupières. Elle se laissa le temps de savourer les sensations d'un corps plutôt bien reposé. Dormir dans un lit n'était pas arrivé depuis une éternité à ce stade, la nuit avait été confortable. Distraitement, elle glissa une main sur le matelas et chercha la présence de Winnie à ses côtés. Ses doigts ne rencontrèrent que des draps froids, preuve qu'elle était partie depuis un moment. Sasha se tourna sur le flanc et ouvrit ses yeux pour s'en assurer ; Winnie avait bel et bien quitté le lit. L'inquiétude ne fit pas tout de suite son chemin dans son esprit mais bientôt, son cerveau s'éveilla complètement et émit des hypothèses sur l'absence de la jeune fille.
La veille, les deux survivantes avaient passé un temps considérable à fixer les tombes des trois femmes Geller avant que l'aînée ne se décide à bouger. Elle était partie à trouver la clé cachée qu'avait évoqué Winnie, avait déverrouillé la porte arrière et s'était assurée que l'endroit était sécurisé. La maison était vide et poussiéreuse. Des araignées comme seules habitantes des lieux. Sasha était montée à l'étage et avait ouvert un certain nombre de volets pour s'offrir une vue à 360 degrés. Tandis que le soleil se couchait sur cette dure journée, elle était ressortie chercher l'adolescente et l'avait amadoué dans l'espoir qu'elle rentre se mettre à l'abri pour la nuit. Ce n'étaient pas tant ses arguments sur sa sécurité mais plutôt l'insistance de Sasha à ne pas quitter ses côtés, se rendant elle-même vulnérable, qui l'avaient convaincue de se laisser entraîner dans sa maison familiale. Toute la soirée, Winnie l'avait passé dans une sorte de brouillard étrange. Elle obéissait à Sasha et se mouvait comme un robot jusqu'à ce que cette dernière l'accompagne dans la première chambre qu'elle avait trouvé et la borde comme elle l'aurait fait pour sa petite fille. Si elle n'était pas tombée de sommeil dès que sa propre tête avait touché l'oreiller, Sasha était certaine qu'elle aurait veillé sur sa partenaire toute la nuit. Qui sait ce que le deuil faisait faire aux gens.
Soudainement prise de panique, la jeune femme repoussa les draps et se précipita hors du lit à sa recherche. Le calme qui régnait dans la maison n'apaisa pas ses craintes. Elle fouilla tout l'étage, en vain, avant de descendre les escaliers pour faire de même avec le rez-de-chaussée. Un pied sur la première marche de l'escalier, elle jeta un coup d'œil par la fenêtre et se stoppa net quand elle repéra une tête blonde familière. Winnie était à genoux devant les tombes découvertes la veille, ses mains profondément enfoncées dans la terre comme si elle souhaitait pouvoir atteindre sa famille. Au pied de chaque planche de bois, Sasha vit des maigres bouquets de fleurs sauvages qui semblaient avoir été fraichement cueillis. Même de là où elle se trouvait, la jeune femme pouvait apercevoir les traces de larmes sur les joues rebondies. Elle resta là, à la regarder, jusqu'à ce que son cœur reprenne un rythme normal puis, déterminée à lui laisser de l'intimité pour dire au revoir, elle décida de fouiller un peu la maison. Jamais elle ne se permettrait de se servir en fournitures sans l'accord de Winnie mais peut-être qu'elle trouverait quelque chose, un indice, sur ce qui avait bien pu se passer dans cette maison. Bien sûr, trois femmes étaient mortes, mais qu'était-il advenu du reste de la famille ? Un oncle et deux cousins auraient dû être là. Pas d'autres tombes avaient été trouvé, cela ne voulait pas dire pour autant qu'ils étaient vivants. Au moins l'un d'eux l'avait été cependant puisque la grand-mère, la mère et la sœur de Winnie ne s'étaient décemment pas enterrées toutes seules. Un mot avait peut-être été laissé quelque part ? Ou quelqu'un avait tenu un journal... Sasha ramassa une petite figurine taillée dans du bois, « meilleur grand-père du monde » pouvait-elle lire sur la pancarte que l'ours tenait. L'écriture était maladroite, des pattes de mouches difficiles à lire, clairement celle d'un enfant. Winnie avait évoqué un grand-père absent de sa vie, il était mort quelques années après sa naissance mais elle ne l'avait jamais connu. Une histoire à propos de son père qui s'était brouillé avec lui et qui était parti très jeune de la maison pour vivre dans un autre état. Winnie n'avait rencontré sa grand-mère paternelle qu'à l'âge de cinq ans. Cette petite décoration n'était donc surement pas du fait de l'adolescente ou de sa sœur aînée.
Le bruit d'un fusil qu'on arme attira l'attention de Sasha hors de ses pensées. Les deux survivants n'avaient, à sa connaissance, qu'un pistolet et il était rangé en sécurité au fond de son sac à dos depuis qu'elle l'avait récupéré du corps de Stu Farley de la station-service. Une sensation inconfortable monta. La jeune femme reposa la figurine et alla enquêter à la fenêtre. Winnie était toujours là où elle l'avait vu plutôt, rien d'autre n'était visible. Cependant, depuis une autre fenêtre exposant un point de vue sur l'avant de la maison, elle repéra une silhouette qui se dessinait dans la lumière du matin. C'était un homme, un plutôt vieux. Avec un fusil de chasse à la main et un visage fermé. Et il se rapprochait dangereusement de Winnie. Arme prête et en position pour tirer à vue.
Petite Winnie, vulnérable, seule et inconsciente de la menace.
Le cœur de Sasha s'emballa de plus bel. Elle s'élança vers les escaliers sans prendre le temps d'aller chercher son pied-de-biche -pas qu'il fasse le poids face à un fusil de chasse- ou même le semi-automatique et, dans la précipitation, loupa une marche. La chute qu'elle fit lui coupa le souffle un instant, elle se força néanmoins sur ses deux pieds. Sa cheville droite pulsa sous une vive douleur et chaque pas qu'elle faisait dessus lui provoquait de la souffrance. Cependant, l'adrénaline lui permit de l'ignorer au maximum pour se presser dehors.
‒ Winnie ! cria-t-elle dès qu'elle fut sur le perron.
La vue qui l'accueillit ne fut pas ce à quoi elle s'attendait. L'homme avait réussi à atteindre sa jeune partenaire avant elle mais plutôt que de l'attaquer, il la tenait fermement contre lui avec un bras autour de sa taille. Son fusil de chasse était tenu à l'écart. Sasha, stupéfaite, vérifia le visage de Winnie. Celle-ci avait les yeux fermés et semblait comme soulager d'une charge.
‒ Winnie ?
◇ ◇ ◇
[Maison voisine ; Prue, Oklahoma ; matin]
Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 3 mois et 16 jours.
L'homme, Ronald Sullivan -« appelez-moi Sully »-, se trouvait être le voisin des Geller. Malgré une apparence rustre de bûcheron grincheux, il était d'une gentillesse et d'une douceur. Après que Winnie ne se soit détachée de lui et qu'elle ait fait les présentations, il avait accueilli Sasha avec un sourire et une accolade comme s'il la connaissait depuis toujours. Sans accepter « non » comme réponse, il leur avait intimé de récupérer leurs affaires et de le suivre jusqu'à chez lui où il les avait installées sur un canapé douillé et leur avait préparées un thé chaud. Sully n'avait de cesser d'exprimer son soulagement de voir la jeune Geller saine et sauve.
‒ Quand tu ne t'es pas pointé avec ton père après plusieurs semaines, nous étions inquiets, confia-t-il en déposant des petits gâteaux sur la table ainsi que du sucre et du miel.
La scène était un peu abstraite, surtout pour Sasha. On aurait dit que dehors l'apocalypse n'existait plus et que les deux survivantes n'étaient que des jeunes femmes venues visiter un grand-parent.
‒ Ta grand-mère s'est fait un sang d'encre pour vous deux. Tout ce stress n'était pas bon pour elle, ça l'a rendu sujette aux malades et, sans de bons médecins et avec ses soucis de santé... je suis désolé ma petite, y avait rien à faire pour elle.
‒ J'ai vu leurs tombes.
‒ C'était une terrible épreuve de les perdre toutes les trois à des dates si proches.
‒ Qu'est-ce qu'il est arrivé à maman et Debbie ?
‒ Un groupe de ces choses macabres est passé par là y a un mois ou deux. Avant que ta grand-mère ne tombe malade, situa le vieil homme. Ta sœur était dehors en train de ramasser des légumes, elle n'a pas eu le temps de se mettre à l'abri. Ta mère, oh cette gentille fille... elle s'est précipitée dehors pour l'aider. Un de ces trucs l'a mordu, sévèrement, avant que ton oncle ait pu la ramener à l'intérieur. On ne savait pas, on pensait qu'elle irait bien, mais en deux jours son état a empiré. Elle est devenue une de ses choses.
‒ Oh mon dieu, s'horrifia Winnie, les yeux brillants de larmes non versées. Et oncle Francis ? Harry et Joe ?
‒ Ils sont partis, grimaça Sully. Joe a dit que si le gouvernement cherche à rassembler les survivants alors ils se baseraient dans les grandes villes ou proche d'elles.
‒ Alors... ils ne m'ont pas attendue ? Ils sont juste partis sans moi ?
Quelque chose dans la voix de Winnie brisa le cœur de Sasha. Sans réfléchir, elle passa son bras autour de ses épaules et l'attira contre elle dans une étreinte qu'elle espéra réconfortante.
‒ Je suis sûr qu'ils ne voulaient pas te causer de la peine, ma petite. On vous a attendu pendant des semaines, ils ont dû penser que... je suis désolé, s'arrêta-t-il en voyant ses larmes couler librement.
‒ Ils sont partis sans moi, répéta la jeune fille, comme abasourdie.
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