Chapitre 38.
[Communauté ; Virginie ; matin]
Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 2 ans, 8 mois et 6 jours ;
Le lendemain de leur arrivée à New Dawn, Sasha se réveilla dans la petite cabane en bois qui leur avait été assignée, le soleil à peine levé. La lumière filtrait à travers les rideaux faits à la main, confectionné à partir d'un tissu récupéré, usé mais propre, qui apportaient une touche de douceur à l'intérieur rudimentaire. La cabane elle-même, construite grâce aux compétences de certains survivants, reflétait leur savoir-faire artisanal. Sa charpente robuste était faite de poutres en bois local, renforcées par des morceaux de métal et des planches récupérées. Les murs étaient solides, bien isolés, malgré l'apparence hétéroclite des matériaux. L'extérieur avait un charme rustique, avec des touches de peinture écaillée ici et là. Elle avait été clairement conçue pour résister aux intempéries.
La cabane comprenait trois petites chambres sommaires, chacune à peine assez grande pour contenir un matelas posé sur des caisses en bois et un vieux meuble faisant office de rangement. L'espace était restreint, mais cela faisait longtemps qu'ils avaient appris à vivre de manière compacte. Sasha partageait l'une d'elles avec Lucas et Amy. Leur chambre, bien que simple, avait quelques touches personnelles : une couverture usée mais douillette, une petite étagère où quelques livres, soigneusement rangés, étaient entreposés, et une lampe à huile. La seconde chambre était occupée par son petit frère. Son espace était encore plus spartiate mais il avait une espèce de petit bureau bricolé à partir de planches dans un coin. La troisième chambre, plus près de l'entrée, était pour Winnie et leur chienne. Pour le moment, cette dernière devait se contenter d'une couverture pliée à même le sol comme lit mais Martha avait promis d'ajouter des fournitures pour elle à la liste de la prochaine expédition.
La pièce commune était modeste mais fonctionnelle. Un canapé usé, dont le tissu était élimé par endroits, trônait contre le mur, ses coussins affaissés ayant vu de meilleurs jours. Autour de lui, un ensemble de fauteuils dépareillés, chacun semblant provenir d'une époque ou d'une maison différente, créait un cercle accueillant. Une grande table en bois, au centre de la pièce, dominait l'espace. Son plateau portait les marques du temps et de l'usage intensif : des éraflures, des gravures faites à la va-vite, et des taches d'anciens repas. Sur un côté, séparant les deux espaces, un vieux poêle à bois servait à chauffer la pièce lors des nuits fraîches.
La cuisine, ou plutôt le coin prévu à cet effet, se limitait à un réchaud d'appoint posé sur une petite table. Il n'y avait pas de vraie installation pour cuisiner, juste un espace suffisant pour chauffer de l'eau ou préparer un repas simple. Au-dessus du réchaud, des crochets accueillaient une vieille poêle cabossée et une casserole dont le fond montrait des traces de brûlures. Un placard rudimentaire contenait quelques boîtes de conserve et provisions de base, mais tout ce qui nécessitait une vraie cuisine devait être fait ailleurs.
La salle de bain n'était en réalité qu'un espace réservé aux soins d'hygiène de base. Il n'y avait ni douche ni toilettes dans la cabane. À la place, un lavabo rudimentaire avait été installé, relié à une cuve d'eau à l'extérieur par un tuyau d'arrosage. Sasha devait pomper l'eau manuellement à chaque utilisation. Un petit meuble accueillait des rangements pour leurs produits d'hygiène : du savon, des lingettes, et quelques articles récupérés lors de leurs expéditions.
Malgré la simplicité et le côté rudimentaire de leur cabane, Sasha se surprit à apprécier ce petit refuge. Certes, il n'y avait ni cuisine moderne, ni véritable salle de bain, mais après tant de temps passé à dormir à la belle étoile ou dans des ruines abandonnées, cet endroit représentait un véritable luxe. Ils avaient un toit au-dessus de leur tête, des lits, et surtout, ils étaient ensemble. Ou presque. La cabane, bien que construite pour accueillir une famille, ne pouvait pas tous les regrouper comme avant. À la place, ils avaient été divisés en trois abris : Lyla et sa petite sœur partageaient leur cabane avec Kole, tandis qu'Adam, Simon et Toby avaient pris place dans une autre, juste à côté. Bien que chacun soit à une courte distance de marche, cette séparation ajoutait une nouvelle dynamique. Sasha avait toujours trouvé du réconfort dans la proximité du groupe.
Elle prit une profonde inspiration, sentant l'odeur de la terre humide et de la végétation environnante. Leur première nuit à New Dawn avait été tranquille, la fatigue du voyage apaisant ses inquiétudes. Cependant, une légère nervosité l'envahit à l'idée de ce que la journée allait leur réserver. À côté d'elle, Amy dormait encore paisiblement, sa petite silhouette recouverte d'une couverture épaisse. Sasha sourit en la voyant, son cœur se réchauffant à la vue de sa fille qui tenait fermement sa peluche contre son visage. Mais l'absence de son petit ami lui fit froncer les sourcils et éveilla un sentiment de malaise. Se levant discrètement pour ne pas réveiller Amy, elle sortit silencieusement de la cabane.
L'air frais du matin l'enveloppa aussitôt, la poussant à resserrer son manteau autour d'elle. La mexicaine resta sur le petit perron de leur cabane et observa les champs qui s'étendaient autour d'elle. Tout était calme, à l'exception de quelques silhouettes qui se déplaçaient dans la brume matinale, déjà prêtes à entamer la journée de travail. C'était si différent de tout ce qu'elle avait connu depuis le début de l'apocalypse. Elle ne put s'empêcher de penser à ce que Martha avait dit la veille : ils allaient devoir s'intégrer, apprendre les routines de la communauté et trouver comment contribuer. Sasha, qui avait passé tant de mois à se battre uniquement pour survivre, n'avait pas encore totalement réalisé ce que cela signifiait de vivre dans un endroit où la survie ne dictait pas chaque instant.
Quelques minutes plus tard, elle aperçut Lucas qui s'approchait, portant deux tasses fumantes dans les mains. Son visage était marqué par la fatigue, mais son sourire était tendre et sincère.
‒ Bien dormi ? lui demanda-t-il en montant les marches du perron.
Il se pencha pour lui déposer un baiser doux sur les lèvres, une caresse familière qui l'apaisa instantanément. Elle se détendit légèrement sous son attention.
‒ Mieux que je l'aurais pensé, répondit-elle, cherchant instinctivement un second baiser, qu'il lui donna avec plaisir. Et toi ?
‒ Ça va. Le matelas était confortable.
Sasha acquiesça. Cependant, il sembla sentir son hésitation et ne la poussa pas plus loin. Avec un sourire complice, il lui tendit une des tasses, l'odeur riche du café flottant dans l'air frais du matin. Le couple se blottit l'un contre l'autre, accoudé à la rambarde du perron, leurs épaules se frôlant dans une intimité apaisante. Ils savourèrent leur boisson chaude en silence, les premières lueurs du jour éclairant le paysage paisible qui les entourait, et un sentiment de tranquillité commença lentement à s'installer. Un à un, les membres de leur groupe les rejoignirent, émergents de la brume matinale, chacun portant l'empreinte de leur propre sommeil sur le visage. Après quelques minutes, ils furent tous rassemblés. Les voix s'élevèrent doucement, discutant à voix basse des détails de leur nuit, échangeant des banalités sur leurs rêves ou la tranquillité de la nuit passée. Des sourires timides et des rires nerveux ponctuaient leurs conversations, mais des questions plus sérieuses se glissèrent bientôt dans leurs échanges, portant sur les ressentiments de la veille et les inquiétudes concernant leur intégration dans la communauté. Sasha observa attentivement chacun d'eux, ses pensées oscillant entre l'espoir et la nervosité, réalisant que malgré leurs différences, ils partageaient tous ce même besoin de se sentir en sécurité et acceptés dans ce nouvel environnement.
Alors que la matinée commençait timidement, un duo de femmes s'approcha, un grand sourire aux lèvres. Georgia et Jenny, deux sœurs au charisme évident, avaient été désignées comme leurs mentors. Georgia, la plus âgée, était menue et semblait avoir dans la trentaine, avec de jolis cheveux bruns tressés jusqu'au bas de son dos, qui dansaient légèrement au gré du vent. Jenny, la cadette, était à la fin de sa vingtaine. Ses cheveux blonds, coupés courts, encadraient son visage parsemé de taches de rousseur, allant jusqu'à se perdre sous le col de son manteau. Elle avait un sourire contagieux qui illuminait son visage. Georgia se présenta avec un ton amical mais direct, tandis que Jenny ne put s'empêcher de plaisanter, faisant un commentaire léger.
‒ Nous allons vous montrer un peu de la communauté avant le déjeuner. Vous verrez, dit l'aînée en les entraînant à sa suite avec sa sœur. Une fois que vous avez appris les routines, la vie devient plus facile ici. On travaille dur, mais au moins, on sait pourquoi.
Ces mots résonnaient en elle plus qu'elle ne l'aurait admis. C'était une idée qui lui semblait à la fois étrange et attirante.
‒ Ne vous inquiétez pas, vous risquez pas de vous perdre ici, ajouta Jenny avec un clin d'œil.
Les rires timides fusèrent alors qu'ils se mettaient en route. Leurs premières escales les menèrent à travers les champs soigneusement entretenus qui entouraient la ferme. Georgia expliqua comment chaque membre de la communauté avait contribué à l'agriculture, cultivant des légumes de saison.
‒ Vous verrez, les carottes et les choux fleurissent en ce moment, et l'automne apporte de belles récoltes, précisa-t-elle.
Au fur et à mesure de leur promenade, ils arrivèrent à une petite zone dédiée aux animaux, où quelques poules picoraient le sol. Amy, les yeux écarquillés d'émerveillement, gloussa en voyant une poule s'approcher d'elle, curieuse. Elle ne put s'empêcher de s'avancer, mais lorsque l'animal essaya de picorer sa botte, un cri aigu de surprise s'échappa de ses lèvres et elle courut se réfugier derrière son oncle, entraînant Arden avec elle pour se cacher.
‒ Ces petites dames nous fournissent des œufs frais chaque jour.
‒ On a aussi quelques chèvres, mais elles sont bien plus capricieuses, grimaça Jenny, ce qui provoqua de nouveaux rires parmi le groupe.
Le repas du midi était pris en petits groupes autour de la communauté, chacun s'installait là où il était occupé, formant ainsi de petites bulles de conversation animées. Certains apportaient des sandwichs, d'autres des gamelles de plats chauds qu'ils avaient préparés eux-mêmes. Les sœurs avaient prévu le coup et avaient préparé des sandwichs pour eux, s'installant sur une couverture colorée étendue sous un arbre dont les feuilles dansaient doucement au gré du vent. En s'installant, Sasha observa la scène autour d'eux : les rires et les discussions fusaient, des histoires et des anecdotes se mêlant dans une harmonie chaleureuse. Les sœurs se penchaient en avant, captivées par chaque mot échangé, et le groupe se liait peu à peu. Amy, assise en tailleur, s'amusait à chipper des morceaux de son sandwich. Sasha la laissa faire, amusée, alors qu'elle se sentait peu à peu immergée dans cette ambiance conviviale.
‒ C'est pas si mal, hein ? dit Lucas en prenant une bouchée de son propre repas, ses yeux cherchant ceux de Sasha qui acquiesça avec un sourire sincère.
L'après-midi, les survivants furent séparés en deux groupes. Un premier groupe suivit Jenny pour découvrir les ateliers de réparation et les compétences artisanales de la communauté, tandis que le second, composé uniquement de femmes de leur groupe, se dirigea vers l'école sous la conduite de Georgia. Celle-ci leur expliqua le fonctionnement de l'école, où les enfants apprenaient non seulement les bases académiques, mais aussi des compétences pratiques indispensables à leur survie et à leur intégration dans la communauté.
‒ Les enfants de six à treize ans sont dans la même classe, expliqua la femme en pointant du doigt le petit bâtiment en bois où se déroulaient les cours. Mr. Harrison est notre instituteur. Il fait un excellent travail, malgré les ressources limitées.
L'école, bien que modeste, avait été aménagée avec soin. À l'intérieur, des tables et des chaises dépareillées avaient été récupérées et installées, formant une salle de classe fonctionnelle. Les murs étaient décorés de dessins d'enfants et des affiches éducatives, toutes faites à la main, présentaient des alphabets, des tableaux de multiplication, et des illustrations des plantes cultivées dans les champs.
‒ Pour les adolescents de 14 à 18 ans, c'est Kitty qui prend la relève. Elle leur enseigne des matières plus complexes et les aide à se préparer à prendre des responsabilités dans la communauté. Ils apprennent l'histoire, les sciences, et même des compétences pratiques comme le jardinage ou la réparation.
Elle fit une pause, observant Amy et Arden qui regardaient le bâtiment scolaire avec curiosité, puis leur sourit avec encouragement.
‒ Vous allez adorer les leçons ici, les filles. Mr. Harrison aime quand les enfants posent des questions, alors n'hésitez pas à être curieuses, ajouta-t-elle d'un ton chaleureux. Ça rend l'école encore plus amusante. Vous vous y plairez, j'en suis sûre.
Amy hocha timidement la tête, bien que son excitation soit palpable dans la manière dont elle serrait la main de sa mère. Arden, quant à elle, affichait plus de confiance, son regard déterminé comme si elle s'était déjà imaginée parmi les autres enfants. Elle se souvenait sûrement de l'école d'avant l'apocalypse, ayant eu environ sept ans lorsque l'épidémie avait frappé.
Puis, le regard de Georgia se tourna vers Winnie qui était restée un peu en retrait. Elle semblait plus hésitante à l'idée de retourner dans une structure scolaire. À dix-huit ans, elle allait se retrouver avec Kitty et les autres adolescents, une transition peut-être plus délicate. Pour une jeune fille qui avait été confronté à la maturité de devoir survivre, reprendre un rythme scolaire pouvait sembler déroutant et infantilisant.
‒ Et toi, Winnie, dit Georgia avec un sourire bienveillant, je suis sûre que tu t'en sortiras à merveille avec Kitty. Tu verras, elle saura te trouver une place où tu pourras vraiment contribuer.
Malgré ses réserves, l'adolescente esquissa un petit sourire, et Sasha, sentant son hésitation, attrapa doucement sa main. Elle la serra brièvement, un geste silencieux pour lui apporter son soutien et lui rappeler qu'elle n'était pas seule dans cette nouvelle étape.
‒ Les cours pour les enfants commencent généralement à neuf heures du matin, après le petit-déjeuner. Ils ont une pause à midi pour le déjeuner et les cours reprennent jusqu'à quinze heures. Ensuite, ils ont du temps libre pour jouer ou participer à d'autres activités, expliqua-t-elle avec un sourire en direction des fillettes. Pour les adolescents, les horaires sont un peu différents. Kitty commence ses cours à dix heures. Ils sont plus courts, car l'apprentissage est plus spécialisé. En général, les cours finissent vers treize heures, après quoi les adolescents peuvent choisir de se concentrer sur des activités spécifiques : jardinage, mécanique, ou même de l'entraînement pour aider à la sécurité de la communauté.
Le reste de l'après-midi se passa tranquillement, ponctuée d'explications et de présentations. Elles rencontrèrent brièvement les deux professeurs. Winnie fut immédiatement charmée par Kitty Palmer, une jeune femme pas plus âgée que trente ans, joviale et débordante d'enthousiasme. Une fois la classe des plus jeunes terminée, Amy et Arden rejoignirent les autres enfants pour jouer. Sasha les observa à distance et sentit son cœur s'alléger alors qu'Amy se lia presque instantanément d'amitié avec un petit garçon.
Lorsque la journée s'acheva et que le soleil commença à disparaître à l'horizon, une atmosphère de quiétude enveloppa la communauté. New Dawn avait une coutume : chaque soir, tous les membres se réunissaient pour partager un repas ensemble. Ce n'était pas seulement une manière de se nourrir, mais un rituel pour renforcer les liens entre eux, discuter des événements de la journée ou simplement profiter de la compagnie des autres. Ils s'installaient autour de longues tables, sous un arbre imposant qui semblait les protéger. Des lanternes à huile avaient été accrochées à ses branches et diffusaient une lumière chaleureuse. L'odeur réconfortante de la nourriture embaumait l'air.
Le groupe se retrouva au complet, un soulagement palpable se lisant sur leurs visages. Ils avaient tous ressenti une certaine appréhension à l'idée d'être séparés dans un endroit inconnu, et le fait de se retrouver ensemble apaisa leurs inquiétudes. Lucas tapota amicalement Winnie sur l'épaule en passant, puis s'installa près de sa petite amie, prenant Amy sur ses genoux et embrassant son crâne. Sasha sourit en voyant la petite se blottir contre lui, son visage illuminé par la lumière vacillante des lanternes. Les rires et les discussions émanaient des membres du groupe, chacun échangeant des nouvelles et vérifiant que les leurs allaient bien. Toby plaisantait avec Lyla, tandis que Winnie et Arden partageaient des anecdotes sur leur journée à Simon.
‒ Tu m'as manqué, murmura Lucas à son oreille quand les assiettes furent passées de main en main, son souffle chaud la faisant frémir.
‒ Toi aussi. Ta journée a été bonne ?
‒ Mmh mmh, fredonna-t-il en approbation. Mais maintenant que tu es là, elle est bien meilleure.
‒ Charmeur, le poussa Sasha avec un gloussement puis elle lui déposa un baiser sur la joue.
Soucieuses de continuer à les intégrer, leurs mentors vinrent s'installer avec eux. L'aînée présenta sa fille, Mary-Ann, une fillette de dix ans aux cheveux bouclés et aux yeux pétillants qui les observait avec curiosité. Elle était fascinée par les nouveaux visages. À ses côtés, Dick, le fiancé de Jenny, les accueillit avec un grand sourire. Son humour jovial et désinvolte, similaire à celui de sa compagne, mettait tout le monde à l'aise.
Les rires et les conversations de toute la communauté continuèrent à résonner autour des tables. Le temps semblait suspendu, comme si les soucis du monde extérieur s'étaient évaporés dans l'air frais du soir. Alors que la nuit avançait, les étoiles brillaient au-dessus d'eux, promettant un lendemain plein d'espoir.
◇ ◇ ◇
[Communauté ; Virginie ; matin]
Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 2 ans, 8 mois et 8 jours ;
Le quatrième matin à New Dawn, Sasha se réveilla en entendant des bruits doux de marteaux au loin. Elle tourna la tête pour voir Lucas encore endormi, son bras protecteur autour d'Amy, qui dormait paisiblement entre eux. Le visage de sa fille était serein, illuminé par les rayons du matin, et elle ne put s'empêcher de sourire en la voyant. La jeune femme prit un moment pour savourer la tranquillité du moment. Elle se leva doucement, veillant à ne pas réveiller ses deux amours, et se dirigea vers la fenêtre. L'extérieur semblait vibrant de vie : les oiseaux chantaient, les feuilles bruissaient sous la brise matinale, et des éclats de rire d'enfants qui étaient déjà dehors malgré le froid.
Aujourd'hui, leur groupe devait se joindre aux tâches communautaires. Les premiers jours avaient été marqués par des explications, des présentations et de longues discussions avec leurs mentors qui leur expliquaient les principes de la communauté. Sasha ressentait un mélange d'excitation et de nervosité. C'était étrange de devoir à nouveau s'adapter à une vie en société, où chaque geste avait une portée collective.
‒ Bonjour, marmonna une voix rauque derrière elle.
Elle détacha ses yeux de la fenêtre pour regarder son petit ami par-dessus son épaule. Lucas était toujours allongé sur le dos, son bras rejeté sur ses yeux pour se protéger de la lumière du jour, mais la main qui grattait son ventre ne laissait aucun doute sur son état éveillé. Amy s'était redressée en position assise à côté de lui, ses cheveux en bataille tombant sur son visage et ses yeux encore embrumés de sommeil. Sa peluche était fermement serrée sous son menton, elle regardait sa mère avec une moue boudeuse.
‒ Prêt pour ta première journée d'école, mon cœur ? demanda sa mère en grimpant de nouveau sur le matelas pour l'attirer dans un câlin.
La petite fille hocha la tête avec mollesse. Ses pensées étaient visiblement ailleurs. Sasha la serra un peu plus fort contre elle, espérant calmer son appréhension, puis se laissa tomber en arrière avec un grognement joyeux et sourit quand elle gagna un petit rire de sa fille. Un son qu'elle chérissait.
‒ Et moi, j'ai pas le droit à des câlins ? râla Lucas en se tournant sur le flan, feignant une blessure.
Riant de sa comédie, la mexicaine lui tira doucement le bras et l'encouragea à se rapprocher. Lucas s'étira lentement, ses muscles se déployant comme ceux d'un chat paresseux, avant de se glisser près d'elles et s'installer confortablement à moitié sur elles.
‒ Voilà qui est mieux !
La petite Amy, encadrée de toutes parts, se mit à gigoter, incapable de contenir son excitation, et perdit sa moue pour un grand sourire quand sa mère commença à la chatouiller. Ses rires résonnaient dans la pièce, remplissant l'espace de chaleur et de bonheur.
‒ Bon, petit cœur, il est temps de se préparer pour l'école ! ordonna-t-elle après un moment, poussant doucement pour qu'elle se lève.
Après un petit-déjeuner frugal, ils furent assignés à différentes tâches. Sasha se retrouva dans les champs, les mains plongées dans la terre fraîche, avec Adam. Agenouillée entre des rangs de carottes, elle arrachait les mauvaises herbes avec méthode. À ses côtés, Lou, le propriétaire originel de la ferme et responsable agricole de la communauté, travaillait en silence.
C'était un homme au visage sévère, mais dont les yeux trahissaient une bonne humeur constante. Il lui rappelait un peu Sully, ce mentor bienveillant qui l'avait encouragée à se dépasser au début de tout ça. Lou leur avait montré les bases du travail aux champs, il avait expliqué comment planter, arroser et vérifier l'état des récoltes. Sa voix profonde et rassurante faisait écho aux gestes précis qu'il exécutait avec aisance.
‒ Ces carottes sont prêtes pour la récolte, annonça l'homme avec un air satisfait. On doit tout faire avant que le sol ne gèle.
Sasha observa avec attention alors qu'il leur montrait comment évaluer les carottes en les tirant doucement, puis en vérifiant la couleur et la fermeté du sol. Elle sentit une vague de satisfaction l'envahir chaque fois qu'une carotte sortait de terre, sa surface lisse et brillante témoignant du travail acharné fourni.
À la fin de la journée, après un repas partagé dans la convivialité sur la place centrale, Sasha s'effondra de fatigue dans son lit. Ses muscles étaient déjà endoloris par l'effort, mais c'était une fatigue douce, agréable, celle qui émerge après une journée de travail productif, loin de la lutte désespérée pour la survie. Lucas l'avait suivie dans leur cabane, tenant Amy endormie dans ses bras. Avec délicatesse, il borda la fillette d'un côté du lit, veillant à ne pas la réveiller, avant de s'allonger derrière sa petite amie. Il l'attira pour un câlin serré et déposa un baiser sur sa nuque. Sans échanger un mot, il s'endormit comme une souche, sa respiration régulière et paisible résonnant dans la nuit silencieuse. Sasha, réconfortée par sa présence, ne tarda pas à le suivre dans le pays des rêves.
◇ ◇ ◇
[Communauté ; Virginie ; début d'après-midi]
Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 2 ans, 8 mois et 11 jours ;
Le septième jour, Sasha fut appelée à rejoindre un groupe de patrouille le long des murs de la communauté avec Toby. Elle ressentait un mélange d'excitation et de nervosité à l'idée d'apprendre à protéger ce nouvel endroit qu'elle avait commencé à considérer comme un foyer. En traversant la place principale, où Winnie participait à la lessive collective, elle retrouva David, l'homme qui les avait amenés dans cette communauté en premier lieu. D'après ce que leur avait dit Jenny, il était l'un des membres permanents de la sécurité et des patrouilles, ce qui lui conférait un certain statut parmi les habitants.
‒ Prête à apprendre les ficelles du métier ? demanda-t-il en lui lançant un sourire encourageant.
Sasha hocha la tête, impatiente de commencer, tandis que Toby apparaissait derrière elle. Ils attendirent son binôme, Elena, qui les rejoignit en grignotant une pomme. Elle leur distribua à chacun une arme puis fit signe de se mettre en route. Ils avancèrent le long du mur. L'homme leur montra comment vérifier les barricades, s'assurer que les clôtures étaient intactes, et signaler toute activité suspecte. À chaque arrêt, il leur expliquait l'importance de chaque section du mur, mettant en évidence les points vulnérables où une attaque pouvait survenir.
‒ Si l'un de ces segments était endommagé, ça pourrait ouvrir la voie aux rôdeurs ou à d'autres groupes, dit-il d'un ton grave.
‒ Comment faites-vous pour savoir si quelque chose ne va pas ? questionna Toby, visiblement curieux des méthodes de surveillance.
‒ Chaque patrouille est formée pour reconnaître les signes. Les bruits, les changements dans l'environnement, même le comportement des animaux autour de nous peuvent indiquer qu'il y a un problème, expliqua David puis il ajouta : Je vous montrerai comment évaluer ces éléments.
À mesure qu'ils progressaient le long des murs, ils s'arrêtaient de temps en temps pour examiner les barrières, cherchant des signes d'usure ou de dommages. David était un bon enseignant, partageant ses connaissances sans réserve.
‒ Et si on rencontre quelqu'un pendant notre patrouille ? demanda Sasha.
‒ Ne soyez pas trop rapide à dégainer votre arme, conseilla Elena. Évaluez d'abord la situation. Si la personne semble en détresse, essayez de dialoguer. Les humains peuvent être tout aussi dangereux que les rôdeurs, mais parfois un geste de compassion peut faire toute la différence.
‒ On a eu des problèmes par le passé, se confia David avec une grimace, ses yeux se plissant au souvenir. Un groupe qui voulait entrer de force, des pillards qui n'hésitaient pas à s'en prendre aux plus vulnérables. C'est pour ça que la sécurité est une priorité ici. On ne peut pas se permettre de baisser notre garde.
Sasha hocha la tête en silence, absorbant ses mots. Elle connaissait cette réalité. Les rôdeurs étaient une menace constante, bien sûr, mais les humains, eux, étaient souvent bien plus dangereux. Poussés par la peur ou par le désespoir. Ou parfois par la méchanceté pure. Dans ce monde chaotique, où les gouvernements et les lois étaient tombés, qui était là pour maintenir l'ordre ? L'absence d'autorité rendait certaines personnes sans pitiés.
Leur conversation fut interrompue par un bruit soudain. Les quatre se figèrent, leurs instincts en alerte. David leva une main pour signaler le silence, puis il se pencha légèrement pour mieux entendre. Le cœur de Sasha battait la chamade alors qu'elle s'efforçait d'identifier la source du bruit.
‒ Qu'est-ce que c'est ? chuchota Toby, une lueur d'inquiétude dans ses yeux.
‒ Probablement un animal, mais restons prudents, murmura Elena en scrutant l'horizon à travers la lunette de son arme.
La respiration suspendue, ils attendirent que le bruit se répète. C'était un froissement, suivi d'un bruit de pas feutrés. David s'éloigna et se déplaça avec une agilité étonnante pour un homme de sa taille. Sasha et Toby le suivirent de près, l'adrénaline montante. Ils atteignirent un coin du mur où la vue était dégagée. En observant la zone, la mexicaine aperçut une silhouette se déplaçant entre les arbres à l'extérieur de la communauté.
‒ C'est une biche, signala Elena avec soulagement.
La tension se relâcha immédiatement dans le petit groupe.
◇ ◇ ◇
[Communauté ; Virginie ; matin]
Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 2 ans, 8 mois et 12 jours ;
La mexicaine avait emmené sa fille à l'école improvisée chaque matin, où elle rejoignait Arden et les autres enfants de la communauté. Aujourd'hui ne faisait pas exception. Amy se faufilait entre les cabanes de bois avec un enthousiasme contagieux, sa petite main serrée autour de celle de sa mère.
‒ Tu restes avec moi, maman ? quémanda-t-elle avec une étincelle dans les yeux.
S'arrêtant à quelques pas du bâtiment, Sasha lui sourit et s'accroupit à sa hauteur pour réajuster l'écharpe qui pendait négligemment autour de son cou.
‒ Tu sais bien que je peux pas, mon cœur. Mais je ne serai pas loin, d'accord ? Écoute bien ton professeur et amuse-toi.
Amy fit une moue mais ne protesta pas et se laissa faire quand sa mère lui déposa un baiser sur le front. La fillette lui sourit, puis leva la main en guise d'au revoir avant de courir rejoindre les autres enfants qui jouaient déjà sous la surveillance attentive de leur instituteur. La jeune femme resta un moment, observant la scène de loin, un sourire tendre sur les lèvres.
Son cœur se réchauffait en la voyant s'intégrer avec tant de facilité. Elle interagissait avec les autres enfants, riant et courant, sa joie presque palpable dans l'air frais du matin. Chaque éclat de rire de sa fille était comme un rayon de soleil, illuminant son âme. Cela lui rappelait combien l'apocalypse avait volé tant de choses à Amy, mais pas son innocence. Pas encore.
Alors que Sasha fermait les yeux pour prendre une grande inspiration, une vague de gratitude l'envahit. Cette communauté avait réussi à créer un semblant de normalité, offrant à sa fille un environnement sûr où elle pouvait encore apprendre et jouer.
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