Chapitre 37.
[Magasin ; Rural Retreat, Virginie ; matin]
Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 2 ans, 8 mois et 5 jours ;
L'épicerie avait clairement vu de meilleurs jours. Ses fenêtres étaient fêlées, des fissures serpentant à travers le verre, et sa façade écaillée laissait entrevoir les couleurs ternies de ce qui avait été autrefois un commerce animé. Des affiches fanées et déchirées flottaient encore sur les vitrines, vantant des promotions sur des produits désormais introuvables, comme des boîtes de céréales colorées et des snacks croustillants. À l'intérieur, les allées étaient en désordre, avec des étagères à moitié vides, et d'autres couvertes de poussière. Le sol, recouvert d'un mélange de débris et de morceaux de carton, craquait sous les pieds. Avant d'entrer, Kole avait proposé à ce que le groupe se sépare pour aller fouiller d'autres bâtiments mais ils avaient refusé. Ce genre d'idée les rendait fébrile depuis qu'ils avaient perdu Gabby. Ils se sentaient vulnérables.
Le groupe se dispersa en petits groupes dans l'épicerie, chacun se concentra sur une zone spécifique. Simon était chargé de garder les petites à l'avant. Accompagnée de son petit ami et de Winnie, la mexicaine se dirigea vers le rayon des conserves. Les bruits de métal des boîtes déplacées et du verre brisé sous ses pieds étaient agréables à ses oreilles.
‒ Vous croyez qu'il reste un truc exploitable ? demanda distraitement la jeune femme, faisant tourner un bocal de sauce tomate à l'envers, sans grande conviction.
Elle n'attendait pas de réponse, ses yeux cherchaient dans les étagères des aliments non périssables. Winnie, qui était restée un peu en retrait, observait les rayons d'un air absent, perdue dans ses pensées. Lucas s'approcha d'elle, posant une main réconfortante sur son épaule.
‒ Tu vas bien ?
‒ Mmh ? Oh, oui oui... répondit l'adolescente avec un sourire fade.
Au même moment, au fond du magasin, alors qu'elle inspectait une étagère, Sasha fut interrompue par un bruit derrière elle. Le son, comme un léger fracas de carton écrasé, lui fit l'effet d'un coup de fouet. Elle se retourna vivement, le cœur battant à tout rompre, pour découvrir que Lucas avait également entendu quelque chose. Leurs yeux se croisèrent, et un frisson d'angoisse lui parcourut l'échine.
‒ C'était quoi ? chuchota son petit ami, sa main vient chercher le manche de son couteau à sa ceinture.
‒ Je sais pas.
Le couple resta immobile, l'oreille tendue pour tenter d'identifier la source du bruit, et scrutait les ombres dans le magasin, cherchant des signes d'intrus ou de dangers cachés. Un son métallique de chariots de courses se fit entendre, suivi de murmures indistincts. Sasha se glissa doucement vers le coin de l'allée, Lucas à ses côtés, prêts à réagir à tout moment. En se penchant légèrement autour du coin, la jeune femme aperçut deux silhouettes humaines occupées à fouiller les étagères de l'autre côté. Les inconnus semblaient concentrés sur leurs recherches, ignorant complètement leur présence. L'un d'eux était un homme grand, à la carrure musclée, vêtu d'une veste de camouflage usée. Des cheveux courts en désordre et une barbe mal taillée. Il était penché, cherchant dans une boîte en carton. À côté de lui, une femme plus petite, avec des cheveux bruns tressés, était accroupie en train de farfouiller dans un chariot de courses. Elle portait une chemise en flanelle qui semblait trop grande pour elle.
Sans savoir ce qui avait attiré son attention, la femme leva soudainement les yeux vers eux. Son expression surprise se transforma instantanément en méfiance alors qu'elle sortait une arme de derrière son dos et la pointait sur le couple.
‒ Reculez ! ordonna-t-elle, la tension palpable dans sa voix.
Prise au piège, Sasha leva les mains en l'air et se força à afficher une attitude non menaçante, malgré l'adrénaline qui pulsait dans ses veines. Elle pouvait voir l'inquiétude dans les yeux de l'inconnu, mais également une lueur de détermination. L'autre survivant avait lui aussi sorti une arme, un fusil à pompe, et se tenait prêt, solidement ancré dans une position défensive, comme un lion prêt à bondir.
‒ Nous ne voulons pas de problèmes, parla Lucas d'une voix calme. Nous cherchons juste de la nourriture.
La femme évalua rapidement la situation, scrutant leurs visages pour déceler toute menace.
‒ Vous êtes seuls ?
‒ Non, nous sommes un groupe, répondit Sasha, inclinant légèrement la tête pour montrer qu'elle avait d'autres membres qui attendaient un peu plus loin. Nous sommes simplement à la recherche de provisions.
Comme si elle les avait évoqués, une partie de son groupe apparut derrière elle, sortant de l'ombre des étagères poussiéreuses. Le regard de la femme se tourna d'abord vers son partenaire, puis balaya le groupe, notant leurs expressions tendues et leurs postures prêtes au combat. Elle s'attarda brièvement sur les fillettes qui tentaient de se camoufler derrière Simon. La tension était palpable, chaque membre du groupe scrutant l'autre avec méfiance. Avec un soupir, la femme hocha la tête :
‒ Je m'appelle Elena, et voici David. Nous faisons partie d'un petit groupe qui a établi une base non loin d'ici.
L'homme, qui avait maintenu son arme levée jusque-là, commença à la baisser lentement, restant néanmoins prudent.
‒ Vous pourriez nous rejoindre. Dans notre communauté, on partage c'qu'on trouve. La sécurité est primordiale, et être ensemble nous aide à survivre.
Sasha échangea un regard avec Lucas, dont l'expression révélait un mélange d'hésitation et de soulagement. L'idée d'un refuge était tentante, et l'union pouvait leur donner une chance de mieux se défendre contre les dangers qui les guettaient. Rangeant à son tour son arme, la femme acquiesça et laissa son regard passer de l'un à l'autre avec une certaine intensité.
‒ Les temps sont durs, et il est difficile de faire confiance, mais nous avons besoin de renforts. Si vous êtes prêts à vous engager, nous pourrions vous offrir un refuge.
‒ Quelles sont les règles de votre communauté ? demanda Kole, le visage impassible mais les bras croisés, montrant qu'il restait sur ses gardes.
‒ Nous avons des règles simples, assura Elena. Chacun doit contribuer selon ses capacités. Nous avons des veilles pour protéger le campement, des tours de guet, et des équipes de patrouille pour surveiller les environs. Nous travaillons ensemble pour cultiver la terre, et nous partageons les ressources. La confiance est essentielle. Nous savons tous à quel point la solidarité est vitale dans ce monde.
‒ Nous avons tous perdu des amis et de la famille, mais on en forme une nouvelle, ajouta David avec un sourire pour sa camarade.
Un frisson de détermination parcourut le groupe alors qu'ils se regardaient les uns les autres. L'idée de pouvoir partager le poids de leur survie, de faire partie d'une communauté qui se souciait vraiment des autres, était réconfortante et insufflait une nouvelle énergie à leurs âmes fatiguées.
‒ Ça pourrait être une chance pour nous tous, murmura Lyla, sa voix empreinte d'espoir, cherchant à cimenter une décision qui n'était pas encore totalement formulée.
‒ Nous acceptons, déclara Kole avec un hochement de tête résolu. Nous sommes prêts à essayer.
David sourit légèrement, visiblement soulagé.
‒ Très bien. Suivez-nous.
Les deux survivants se retournèrent, et le groupe d'amis, un peu plus unis que jamais dans leur épreuve, les suivit. Ils avançaient à travers la petite ville dévastée, conscients que chaque pas les rapprochait d'un refuge.
◇ ◇ ◇
[Route ; Virginie ; midi]
Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 2 ans, 8 mois et 5 jours ;
La route défilait lentement sous les roues du vieux pick-up, dont la carrosserie cabossée et le moteur rugissant témoignaient d'années de dur labeur. David conduisait, le visage tendu, concentré sur chaque crevasse de la route et obstacle qui pourrait immobiliser leur véhicule. Dans l'habitacle exigu, les fillettes étaient entassées, serrées entre Winnie et Adam. Les yeux mi-clos, Amy se laissait bercer par les secousses de la route tandis que Arden observait la campagne de Virginie défiler à travers la fenêtre avec une curiosité muette. Soucieux de la sécurité des plus jeunes, Kole avait grimpé côté passager, l'œil attentif.
À l'arrière, sur la grande remorque ouverte attachée au véhicule, le groupe de survivants était regroupé, chacun essayant de maintenir son équilibre alors que le pick-up négociait les virages cahoteux. La brise froide leur fouettait le visage, ajoutant au sentiment d'inconfort. La jeune mère se tenait à côté de son petit ami, leurs épaules se frôlant dans une tentative silencieuse de se rassurer l'un l'autre. De l'autre côté, son petit frère était assis et regardait distraitement le paysage. En face, Toby et Lyla discutaient à voix basse. Simon, lui, caressait machinalement la tête d'Echo qui semblait étonnamment calme et se tortillait sous sa main. Au bout de la remorque, Elena était assise en tailleur, une main posée négligemment sur son arme, prête à intervenir si nécessaire.
‒ Alors, parle-nous un peu plus de votre communauté. C'est comment là-bas ? questionna Lucas avec curiosité
‒ C'est un endroit sûr, affirma la femme en tournant les yeux vers eux, une lueur de fierté dans le regard. On a commencé avec juste quelques personnes et une ferme, puis on a fortifié le tout. On a récupéré des matériaux au fur et à mesure, où et quand on pouvait. Aujourd'hui, on est plus d'une soixantaine, et on essaie de s'organiser comme une petite ville. C'est pas le paradis, mais c'est ce qu'on a de mieux.
Ses mots étaient simples, mais portaient un poids immense.
‒ Et vous avez des enfants là-bas ? demanda Lyla, son esprit se tournant plus jeunes de leur groupe.
‒ Oui, il y a des enfants. Ils sont une dizaine. La plupart sont nés avant l'apocalypse. On fait de notre mieux pour qu'ils aient une vie à peu près normale, autant que possible. On leur apprend à lire, à cultiver... à survivre aussi. Je suis sûre que les petites s'intégreront très bien. Elles se feront des amis de leur âge.
Sasha échangea un regard entendu avec son amie, qui hocha la tête, soulagée. L'idée d'un endroit où les enfants pouvaient jouer, rire et grandir était réconfortante.
‒ Comment ça fonctionne, la sécurité ? reprit Lucas. J'imagine que les murs ne suffisent pas toujours.
‒ On a des patrouilles régulières. La zone autour de la ferme est bien surveillée, et on a des postes de garde. Le mur... il est fait de bric et de broc, mais il tient. On a déjà repoussé quelques attaques, des rôdeurs comme des humains. Mais on fait attention à ne pas provoquer inutilement la violence, expliqua Elena, son regard sérieux balayant le groupe, comme si elle cherchait à ancrer chaque mot dans leur esprit.
‒ Ça a l'air bien pensé, observa Simon, impressionné par le niveau d'organisation. Mais, et les décisions importantes ? Vous devez avoir un leader, non ?
‒ Oui, Martha. C'est... quelqu'un d'incroyable.
Sur son visage et dans ses paroles, les survivants pouvaient percevoir l'admiration et le respect qu'elle ressentait pour son leader.
‒ Elle a été là depuis le début, et sans elle, on n'en serait pas là. Elle écoute tout le monde, et quand il y a une grosse décision à prendre, on vote. Mais c'est elle qui nous guide, qui nous rappelle qu'on doit rester humains dans tout ça. Elle a établi quelques règles simples : personne ne prend de risques inutiles, personne ne se met en danger ou ne met en danger la communauté... et on a tous des responsabilités.
‒ Ca a l'air d'être un endroit où on peut vraiment se reconstruire j'ai l'impression, sourit Lucas en entrelaçant ses doigts avec ceux de Sasha. Un lieu où l'on peut enfin apprendre à vivre à nouveau, plutôt que simplement survivre.
La jeune femme lui sourit tendrement, ses yeux pétillants de douceur, puis frotta le bout de son nez contre sa mâchoire, un geste intime qui réchauffa le cœur de Lucas. Elle se laissa aller contre son épaule, ferma ses paupières et écoutait Elena les questionner sur leur propre histoire, le souffle apaisé.
Sasha nourrissait de grandes espérances pour cette nouvelle communauté, bien qu'une part d'elle restait sur ses gardes, incapable d'ignorer les leçons apprises depuis le début de l'apocalypse. Son instinct maternel, renforcé par près de deux ans à protéger Amy des rôdeurs et des humains désespérés, lui murmurait de rester prudente. Pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de rêver d'un endroit où elles pourraient enfin s'installer durablement, loin des camps temporaires, des trajets interminables et de l'angoisse constante. Cette communauté, avec ses murs de fortune et son organisation solidaire, représentait l'espoir d'un futur plus stable. Sasha s'imaginait sa fille courant dans les champs, riant avec d'autres enfants, apprenant à lire et à écrire dans une ambiance sécurisée. Elle rêvait d'un environnement où la fillette n'aurait pas à se méfier de chaque bruit, de chaque ombre, où elle pourrait redevenir une petite fille, libérée de la peur omniprésente.
Sasha espérait que la communauté permettrait à son groupe de poser enfin ses valises, de ne plus vivre au jour le jour, constamment sur le qui-vive. Les mois passés à errer, à fuir les dangers omniprésents des rôdeurs et à naviguer dans un monde devenu hostile, avaient laissé des cicatrices profondes sur leurs âmes. Mais avec l'arrivée à cette communauté, elle percevait une lueur d'espoir, comme un phare dans l'obscurité.
◇ ◇ ◇
[Communauté ; Virginie ; midi]
Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 2 ans, 8 mois et 5 jours ;
Le son grinçant des freins résonna alors que le véhicule ralentissait à l'approche d'un grand portail en métal. Tous se redressèrent pour observer l'endroit qui se dressait devant eux. Le portail semblait solide malgré son apparence de bric-à-brac, construit avec des matériaux de récupération : des morceaux de tôle ondulée, des panneaux de bois, et quelques barres de métal soudées de manière grossière. Au-dessus, un panneau légèrement de travers portait le nom de cet endroit : "New Dawn Community", peint à la main en lettres noires.
‒ On y est, murmura Elena, un soupir de soulagement dans la voix.
Deux hommes apparurent derrière le portail, armés de fusils, leur posture alerte mais pas menaçante. Ils jetèrent un coup d'œil rapide à l'intérieur du véhicule avant de se parler brièvement, puis commencèrent à ouvrir manuellement le lourd portail. Le grincement métallique des charnières mal huilées étaient désagréables. Les battants s'ouvrirent lentement, révélant l'intérieur du campement.
Le véhicule reprit sa route, roulant au pas sur un chemin de terre battue, pénétrant dans la communauté. Derrière les murs, tout semblait calme. Les bâtiments étaient simples : des cabanes en bois et des structures improvisées, éparpillées autour d'une ferme ancienne au centre. Tout autour, des champs bien entretenus s'étendaient, leurs cultures poussant en rangs ordonnés, protégées par des clôtures en bois rudimentaires. Les murs qui encerclaient le camp étaient faits du même mélange hétéroclite que le portail, assemblés à partir de tout ce que les survivants avaient pu trouver : planches disjointes, tôles bosselées, et grilles de métal. Ils atteignaient une hauteur respectable, pas imprenables, mais suffisamment élevés pour tenir les rôdeurs à distance et dissuader les pillards potentiels. Des postes de garde se trouvaient çà et là, des plateformes de bois surélevées d'où des hommes et des femmes armés surveillaient les alentours. Tout dans cet endroit évoquait la débrouillardise.
La voiture s'immobilisa près d'un espace dégagé, visiblement le centre névralgique de la communauté. Quelques survivants allaient et venaient, s'affairant à diverses tâches. Elena et David descendirent en premiers et leur fit signe de faire de même. Le groupe descendit lentement du pick-up, chacun lançant des regards prudents aux survivants armés qui se tenaient à proximité. Les armes n'étaient pas pointées vers eux, mais leur simple présence était suffisante pour les tendre. Sasha, tout en sortant de la remorque, jetait des coups d'œil à sa fille et son petit ami. Une étrange pression lui serrait la poitrine. Bien que cet endroit semblait sûr et prometteur, elle restait sur ses gardes. Il y avait toujours une part de danger, toujours un risque de voir les choses déraper. Lucas, qui sentait la tension chez elle, n'attendit pas qu'elle dise quoi que ce soit. Avec un sourire rassurant, il attrapa délicatement Amy et la souleva pour la porter sur sa hanche.
‒ Allez, petite, reste près de nous, murmura-t-il en posant un baiser sur son crâne.
S'agrippant à son cou, la fillette gloussa et battit légèrement des jambes. Sasha sentit aussitôt un poids quitter sa poitrine : savoir sa fille près d'eux, protégée, la calmait, même si son instinct restait en alerte face à cet environnement inconnu. Lucas avait compris ses craintes sans qu'elle n'ait eu besoin de les formuler.
‒ Bienvenue à New Dawn, leur sourit Elena en revenant vers eux après avoir échanger deux mots avec une autre femme. On va vous montrer les endroits importants, puis on ira rencontrer Martha. Vous verrez, c'est pas grand, mais on a de quoi faire.
Tandis qu'ils suivaient Elena et David, la mexicaine scrutait chaque détail, évaluant l'endroit. Le campement semblait bien organisé malgré son apparence rudimentaire. Les survivants ici avaient manifestement travaillé dur pour maintenir une certaine normalité, aussi fragile soit-elle. Ils croisèrent quelques visages curieux : des hommes et des femmes aux visages marqués par la fatigue. Ils allaient d'une tâche à l'autre, certains armés de fusils rudimentaires tandis que d'autres poussaient des brouettes pleines de matériaux ou de nourriture. Un petit groupe réparait une section du mur en bois, clouant des planches de façon méthodique. Les enfants, rares dans ce nouveau monde, jouaient sous l'œil attentif d'adultes.
‒ Vous avez fait tout ça vous-mêmes ? demanda Simon, sincèrement impressionné par la quantité de travail que tout cela devait représenter.
‒ Oui, répondit David avec fierté. Ça a demandé des efforts, mais ça en valait la peine.
‒ Chaque construction a une histoire, acquiesça Elena. Ce bâtiment là-bas, c'était un ancien abri de jardin, et maintenant, c'est notre réserve de nourriture. On a même réutilisé des vieilles palettes pour créer des meubles. Rien ne se perd ici, tout se transforme.
Elle les conduisit vers un espace où des adultes s'affairaient autour d'une grande table en bois brut, discutant avec entrain tout en épluchant des légumes fraîchement cueillis. Leurs mains étaient pleines de terre, mais leurs sourires rayonnaient de satisfaction. Les arômes d'aliments mijotés et de pain frais embaumaient l'air. Le ventre de Sasha gargouilla sous l'odeur alléchante.
‒ C'est ici que nous nous réunissons pour les repas et les réunions. Nous avons un système de rotation pour la cuisine.
Ensuite, ils passèrent devant une petite école improvisée, où quelques enfants apprenaient à lire et à écrire sous la supervision d'un homme âgé qui avait autrefois été enseignant. Ils s'arrêtèrent devant un espace de rangement, où des provisions étaient soigneusement triées et entreposées. L'ancien abri de jardin mentionné plus tôt était devenu un véritable trésor de nourriture, avec des bocaux de conserves alignés sur des étagères de fortune. En s'approchant des murs de la ferme qui servait désormais de centre communautaire, Sasha remarqua des affiches faites maison, rappelant les règles de sécurité, de respect et d'entraide. Chaque affiche était décorée de dessins d'enfants, illustrant des scènes de vie en communauté : des familles réunies autour d'une table, des gens travaillant ensemble dans les champs. Ces créations naïves mais pleines de sens apportaient une chaleur inattendue à l'endroit.
Le petit groupe s'arrêta devant une jolie porte en bois sur laquelle Elena frappa doucement. Elle s'ouvrit presque immédiatement, révélant une femme d'une cinquantaine d'années, aux cheveux châtains poivre et sel noués en un chignon désordonné. Son regard perçant, mais chaleureux, semblait capable de déchiffrer les intentions de chaque personne dans la salle. Vêtue d'une blouse de travail usée et d'un jean, son apparence dégageait une autorité naturelle.
‒ Vous devez être les nouveaux arrivants, déclara la femme avec un sourire aimable. Je suis Martha, la responsable de New Dawn. Bienvenue.
D'un geste de la main, elle les invita à entrer dans la pièce, un espace simple mais bien organisé, avec des fauteuils disposés en demi-cercle devant un bureau en bois patiné. Des cartes de la région, des affiches rappelant les règles de sécurité et des dessins d'enfants ornaient les murs.
‒ Prenez place, les encouragea Martha en désignant la pièce. Nous allons discuter un peu. Je vais vous présenter comment nous fonctionnons ici puis j'aimerais vous poser quelques questions pour mieux vous connaître et comprendre comment vous pourriez contribuer à notre communauté. Nous croyons que chaque personne a des compétences uniques à offrir, et j'aimerais en savoir plus sur vous.
Le groupe s'installa lentement, chacun prenant le temps d'observer l'environnement. Sasha, en particulier, notait chaque détail : les étagères remplies de livres usés, les plantes en pot qui apportaient une touche de verdure, et les cartes épinglées sur les murs, indiquant les lieux clés de la région.
Winnie et Arden se glissèrent sur un fauteuil ensemble, leurs visages illuminés par l'excitation et la curiosité. Pendant ce temps, Amy, pleine d'enthousiasme, se pencha en avant, ses yeux pétillants de curiosité alors qu'elle tentait d'apercevoir le bureau de Martha. Lucas, remarquant son déséquilibre, ajusta sa prise autour pour la remettre droite et lui intima de rester sage. Ils ne quittèrent pas les côtés de Sasha. Les trois autres fauteuils furent pris par Toby, Alec et Adam. Quant à Lyla, elle alla observer de plus près les étagères pleines de livres, ses doigts glissant sur chaque volume. Kole et Simon prirent place un peu à l'écart, échangeant des regards chargés de signification, l'un affichant une curiosité vive, l'autre une expression soucieuse, conscient des enjeux de cette rencontre.
David et Elena se tinrent en retrait, leurs expressions mêlant fierté et appréhension. Lorsque tout le monde fut enfin installé, Martha se redressa légèrement, son regard balayant la pièce avec une précision calme, prenant le temps d'évaluer les visages anxieux qui l'entouraient. Ses yeux perçants se posèrent sur chacun d'eux, décelant leurs craintes et leurs espoirs, avant qu'elle ne prenne une grande inspiration, prête à entamer cette conversation cruciale.
‒ Nous avons mis en place un système pour accueillir les nouveaux arrivants. Vous serez accompagnés pendant la première semaine par un membre de la communauté pour vous familiariser avec nos routines et nos valeurs. C'est crucial pour nous de nous assurer que tout le monde est sur la même longueur d'onde.
L'idée de recevoir un soutien direct était à la fois rassurante et encourageante. Cela leur donnait une chance de s'intégrer plus facilement et de ne pas se sentir perdus dans un environnement inconnu.
‒ Nous avons également un processus de décision collective, ajouta-t-elle, son ton serein apaisant bizarrement les appréhensions de chacun. Lorsque des questions se posent, nous nous réunissons pour discuter et voter. Chaque voix compte.
Chacun était attentif, buvant ses paroles comme une source d'eau dans un désert. Elle avait toujours pensé que les décisions devaient être partagées, que la force d'un groupe résidait dans sa diversité d'opinions.
‒ Pour ce qui est des règles, continua Martha alors qu'elle prenait finalement place derrière son bureau. Ici, nous croyons en la confiance et en la transparence. Chaque membre doit contribuer selon ses compétences, et nous évitons de prendre des risques inutiles. La sécurité de notre communauté est notre priorité.
Les nouvelles recrues hochèrent la tête, comprenant l'importance de ces règles. Leurs expressions, autrefois marquées par l'inquiétude, laissaient place à une lueur d'optimisme.
‒ Une fois que vous vous serez familiarisés avec tout cela, vous serez libres de participer à nos discussions communautaires. Chaque semaine, nous avons une réunion où nous abordons les problèmes qui surviennent et où nous partageons nos idées pour améliorer notre vie ici. Vous aurez votre mot à dire, et j'insiste pour que chacun se sente en sécurité et respecté.
Sasha observa les visages des autres, se rendant compte qu'ils semblaient tous animés par l'espoir et l'enthousiasme. Leurs doutes se dissipaient peu à peu, remplacés par l'anticipation d'un nouveau départ. Simon échangea un regard complice avec Adam, et Toby se pencha en avant, visiblement intriguée par tout ce qui se disait.
‒ Est-ce que tout le monde est impliqué dans ces discussions ? demanda Kole, curieux.
‒ Absolument. Même les enfants ont leur place. Nous croyons que chacun, peu importe son âge, a quelque chose à apporter.
‒ C'est ainsi que nous bâtissons notre communauté, sur les forces de chacun et le respect mutuel, compléta Elena.
C'était une pensée réconfortante. Sasha se projeta dans l'avenir, imaginant sa fille et Arden grandir dans un endroit où elles pourraient s'exprimer librement et apprendre la valeur de l'entraide. Elle se souvint de la peur qu'elle avait ressentie en traversant le pays, l'incertitude qui les avait toujours suivis. Mais ici, elle pouvait sentir une énergie différente, une volonté de bâtir quelque chose de durable.
‒ Et que se passe-t-il si quelqu'un enfreint les règles ? interrogea Lyla, un peu anxieuse.
‒ Cela arrive parfois, mais nous avons une approche constructive. Nous croyons en la résolution de problèmes plutôt qu'en la punition. Chaque erreur est une occasion d'apprendre. Bien sûr, des mesures peuvent être prises si nécessaire, mais nous nous efforçons toujours de dialoguer en premier lieu.
Cela semblait juste.
‒ Vous avez d'autres questions ?
Les regards se croisèrent, certains se grattaient la tête, d'autres réfléchissaient intensément, cherchant s'ils avaient des préoccupations. Ils s'échangèrent quelques murmures, hésitant. La mexicaine leva son visage vers Lucas et tenta de déchiffrer ses pensées à travers ses yeux, mais il semblait tout aussi pensif. Le silence s'étira, mais finalement, après quelques instants, ils secouèrent tous la tête.
‒ Bien, maintenant parlons un peu de vous. Que pouvez-vous apporter à notre communauté ? demanda Martha, son regard passant de l'un à l'autre.
‒ J'étais mécanicien, commença Kole, toujours le leader implicite de leur groupe. Je peux aider à entretenir les véhicules et à réparer les équipements.
‒ Excellent. Nous avons quelques véhicules qui nécessitent des réparations. Votre aide sera très appréciée.
La prochaine à se manifester fut Lyla. Elle se détourna complètement des livres, croisa les bras sur sa poitrine et observa la leader de New Dawn avec détermination.
‒ J'ai travaillé dans le droit de la famille, je venais de passer l'examen du barreau. Je pense que je peux apporter un soutien en matière de médiation et de résolution de conflits.
Martha leva les sourcils, visiblement impressionnée par cette annonce.
‒ C'est une compétence précieuse, répondit-elle en hochant la tête. La gestion des conflits est essentielle dans une communauté comme la nôtre, où les émotions peuvent parfois s'intensifier. Imaginez un espace où les gens peuvent discuter ouvertement de leurs préoccupations et trouver des solutions ensemble. Votre expertise pourrait vraiment aider à apaiser les tensions et à renforcer la cohésion au sein du groupe.
Les présentations se poursuivirent, et chacun exposa ses compétences. Martha hochait la tête, son visage s'illuminant à mesure qu'elle écoutait, appréciant l'enthousiasme de chacun. Sa curiosité grandissait à l'idée de découvrir comment ces compétences variées pourraient enrichir leur communauté. L'atmosphère devenait progressivement plus détendue, et des sourires s'échangeaient.
‒ Vous vous intégrerez rapidement, je le sens, affirma la quinquagénaire avec un sourire encourageant. Nous allons maintenant vous montrer vos logements, puis nous vous assignerons des mentors. Prenez le temps de vous installer confortablement. Elena ? Tu leur montres leur cabane ?
Elena acquiesça, son visage rayonnant d'enthousiasme, illuminant la pièce d'une énergie contagieuse. Ses yeux pétillaient d'anticipation alors qu'elle se détacha du mur contre lequel elle était adossée et les invita à la suivre une nouvelle fois, ses cheveux bruns flottant légèrement autour d'elle.
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