Chapitre 34.

[Chalet ; Yantis, Texas ; soir]

Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 1 an, 10 mois et 18 jours ;


La nuit était tombée depuis plusieurs heures déjà, enveloppant le lac et les environs dans l'obscurité. Le groupe, fatigué mais soulagé, avait réussi à franchir un second pont, cette fois sans encombre, ce qui leur avait permis d'atteindre un petit chalet en bois niché à l'écart de la route. À l'intérieur, le calme régnait, à peine troublé par les respirations des survivants endormis, bercés par la fatigue. Dehors, sur le perron, les murmures de Kole, Lyla et Gabby, qui montaient la garde, formaient un bruit bourdonnant agréable.

Malgré son épuisement, Sasha ne parvenait pas à trouver le sommeil. Son esprit refusait de s'apaiser. Elle s'était retirée discrètement du lit de fortune où elle était blottie avec les autres filles du groupe, veillant à ne pas les réveiller. Le choix s'était offert à elle de rejoindre les autres dehors mais elle avait plutôt décidé de s'isoler. Maintenant assise sur une banquette usée près d'une fenêtre, elle observait l'extérieur sombre. Le ciel était couvert, sans lune pour éclairer le paysage, mais malgré l'obscurité, l'atmosphère semblait étrangement paisible, presque irréelle. Les bruits de la forêt environnante, le vent faisant craquer les vieilles planches du chalet, une chouette qui hululait au loin...

Lucas entra un moment après elle, ses pas à peine perceptibles sur le plancher qui craquait sous son poids. Il s'approcha doucement, sans un mot, mais son regard croisa celui de Sasha. Ils n'avaient pas eu beaucoup de moments seuls depuis qu'ils avaient quitté leur maison fortifiée des mois plus tôt. Entre les dangers constants et la présence de leur groupe, ces instants étaient devenus presque inexistants. L'homme s'approcha et s'assit à côté d'elle sur la banquette, passant un bras protecteur autour de ses épaules. Il la tira doucement contre lui et déposa un baiser sur sa tempe. Ni l'un ni l'autre ne parla immédiatement, profitant de la quiétude un moment avant qu'il ne finisse par chuchoter :

‒ Je pensais que tu dormirais déjà.

‒ J'aurais voulu, soupira-t-elle en se laissant aller contre son torse, se blottissant contre lui. Mais tu sais... c'est toujours la même chose. Je ferme les yeux, et je vois des visages. Des souvenirs.

Sentant la tension dans son corps, Lucas laissa glisser son bras autour de sa taille et resserra son emprise, essayant de lui transmettre un peu de chaleur et de sécurité. Il la connaissait suffisamment bien pour comprendre ses silences, pour savoir que son esprit luttait contre des démons invisibles. Tout ce qu'ils avaient vécu ensemble les avait rapprochés d'une manière qu'il n'aurait jamais imaginée avant que le monde ne s'effondre

‒ Tu n'es pas seul, dit-il doucement en caressant son bras du bout des doigts. On est là. Je suis là.

Reconnaissante, la jeune femme hocha la tête et lui offrit un petit sourire mais celui-ci était un peu triste. Elle posa une main sur son torse, jouant distraitement avec un pli de sa chemise, ressentant la chaleur de son corps à travers le tissu.

‒ Parfois, ça me dépasse encore. Toi et moi. Ce qu'on vit. Tout ça...

D'un geste vague de la main, elle indiqua le monde extérieur, englobant les dangers, les infectés, la peur...

‒ Je sais même pas comment expliquer ce qu'on est, Lucas.

Ce dernier fronça les sourcils, une légère confusion s'installant sur son visage. Il ne comprenait pas pourquoi elle se questionnait ainsi sur leur relation. Délicatement, il se déplaça pour s'assurer que leurs regards se rencontraient. Ses yeux bruns cherchaient les siens, cherchant à capter toute l'intensité de ses émotions.

‒ Qu'est-ce que tu veux dire ?

Sasha hésita un instant, mordillant sa lèvre inférieure avant de continuer.

‒ Ça fait presque neuf mois qu'on... enfin, qu'on s'est embrassés pour la première fois. Mais on continue à le garder pour nous. C'est toujours caché. Je veux dire, je comprends pourquoi on a fait ça au début. Pour le groupe, pour Amy, pour garder tout... simple.

Elle baissa les yeux, soudain nerveuse, son cœur battant plus vite à mesure qu'elle s'ouvrait à lui.

‒ Mais maintenant, j'ai l'impression que ça pèse sur nous. Chaque fois que nous nous embrassons en cachette, je ressens un mélange de bonheur et de frustration. J'aimerais pouvoir tenir ta main sans avoir à surveiller les autres, pouvoir partager un sourire sans crainte d'être découverts. Y a des moments où j'ai l'impression que tout ça c'est juste une illusion, avoua-t-elle en détournant le regard. Je sais pas si on pourrait vraiment être quelque chose de plus, quelque chose de solide.

Lucas resta silencieux quelques secondes, prenant le temps de digérer ses paroles. Puis, sans un mot, il releva son menton pour que leurs regards se croisent à nouveau, et l'embrassa tendrement. Ses lèvres trouvaient toujours les siennes avec une familiarité réconfortante. Ce baiser fut tendre mais chargé de sentiments. Lorsqu'ils se séparèrent, un léger souffle échappa à Sasha, son cœur résonnant comme un tambour dans sa poitrine. Il lui caressa la joue, ses doigts effleurant délicatement sa peau.

‒ Je comprends ce que tu ressens, affirma-t-il en ancrant son regard au sien, déterminé à lui montrer qu'il était sincère. On voulait pas précipiter les choses, c'est pour ça qu'on a pris notre temps, mais je veux pas que tu te sentes obligée de cacher ce qu'on est l'un pour l'autre. Si tu veux qu'on le dise au groupe, on peut le faire. Je suis prêt à officialiser.

‒ Tu es sûr ?

‒ Oui. Ils sont notre famille, après tout, et je pense qu'ils doivent le savoir. Fini de vivre dans l'ombre. On ne doit pas avoir peur de ce qu'on ressent, on a déjà tellement perdu... Si on chérit pas ce qu'on a maintenant, alors qu'est-ce qui nous reste ?

Alors qu'il lui souriait presque niaisement, Lucas passa ses doigts dans ses cheveux et joua avec quelques mèches rebelles qui tombaient sur son front. Il se pencha et déposa un léger baiser sur ses lèvres avant de reprendre.

‒ Alors ? On leur dit demain ? demanda-t-il, son regard pétillant d'excitation.

‒ Oui, demain, acquiesça-t-elle avec conviction, un sourire plein d'espoir illuminant son visage.

Elle tendit ses muscles pour se redresser, prenant un instant pour savourer la chaleur de sa proximité. En retour, elle l'embrassa tendrement, leurs lèvres se rencontrant dans un contact doux mais significatif. Ce baiser était comme une promesse, une affirmation de ce qu'ils allaient construire ensemble. 


◇ ◇ ◇

[Chalet ; Yantis, Texas ; matin]

Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 1 an, 10 mois et 19 jours ;


Les premiers rayons du soleil filtraient à travers les stores poussiéreux, dessinant des traits dorés sur le parquet. Sasha se réveilla lentement, blottie contre Lucas, dont la présence lui apportait un réconfort bienvenu et un sentiment de sécurité. Pendant un instant, c'était comme si le monde extérieur disparaissait avec tous ses dangers. Paisiblement blottie contre son dos, Winnie ajoutait à cette sensation de cocon protecteur. Le petit chalet en bois était exigu, les forçant à dormir les uns sur les autres, mais pour le moment cette promiscuité était source de soulagement.

Sasha garda ses yeux fermés plus longtemps, savourant ce moment de paix. Les événements des jours précédents avaient été si chaotiques, remplis de combats et de stress, mais ici, elle pouvait enfin se permettre de se détendre, même si ce n'était que pour un instant. Ses pensées tourbillonnaient autour d'un même sujet : Lucas. Ce dernier avait été un soutien constant depuis leur rencontre. Ces derniers temps, elle avait commencé à réaliser à quel point il occupait une place spéciale dans son cœur, plus profonde qu'elle ne l'aurait imaginé.

La douce odeur de quelque chose qui cuisinait attira finalement l'attention de son estomac. Il émit un gargouillement plaintif. La jeune femme ouvrit lentement ses paupières, repoussa la couverture avec précaution puis se leva en prenant soin de ne pas bousculer ceux qui dormaient près d'elle. L'air frais lui fit frissonner. En traversant la pièce, elle observa les silhouettes endormies de ses compagnons, leurs traits éclairaient par la douce lumière du matin. Elle se dirigea vers la petite cuisine, attirée par l'odeur du café qui flottait de cette direction. Dans un coin de la pièce, Toby et Adam étaient déjà debout, affairés à préparer le petit déjeuner. Leurs maigres provisions se limitaient à quelques boîtes de conserve et de la viande séchée, mais leur détermination était visible dans leurs gestes. Ils cherchaient toujours à tirer le meilleur parti de ce qu'ils avaient. Toby était penché sur la poêle au-dessus du réchaud, une spatule à la main, et faisait sauter des morceaux de viande séchée avec une concentration digne d'un chef étoilé. Pendant ce temps, Adam remuait une casserole avec des restes de nourriture dont l'odeur forte de tomate s'élevait.

‒ Qu'est-ce qu'on a ce matin ? questionna Sasha en se servant une tasse de café fumant.

‒ Un genre de ragoût. Viande séchée, soupe de tomate, et quelques haricots. C'est pas un festin, mais au moins ça nous tiendra au corps.

‒ Va falloir qu'on améliore notre art culinaire, hein ? plaisanta Adam en lui jetant un coup d'œil par-dessus son épaule, un sourire malicieux aux lèvres. Peut-être qu'un jour, on aura assez de provisions pour un vrai banquet !

Les rires et les voix se mêlaient au crépitement des aliments qui cuisaient. Peu à peu, le groupe commença à émerger de son sommeil, les yeux encore embrumés. Alec et Simon, qui montaient la garde à l'extérieur, firent leur entrée, un air de fatigue sur le visage mais un sourire aux lèvres.

‒ Bonjour, les dormeurs ! lança le plus jeune d'un ton enjoué, secouant la neige de sa veste.

Simon, derrière lui, émit un léger soupir de soulagement en sentant la chaleur de la pièce l'envelopper. Il s'empressa de refermer la porte, empêchant le froid glacial de s'infiltrer dans le chalet.

‒ Ça sent bon ici ! J'espère que vous avez préparé quelque chose de bon, parce que j'ai une faim du loup !

Les échanges furent légers, et l'ambiance dans la pièce se détendait. Les survivants se regroupaient lentement autour du petit déjeuner, chacun prenant place sur les différentes surfaces disponibles, de la banquette aux chaises usées. Leurs visages étaient souriants, comme si le simple fait d'être ensemble était un baume pour leurs cœurs. Alors que tout le monde se servait, Lucas s'installa près de Sasha, leurs épaules se touchant. Quand il la regarda, elle sentit une vague de chaleur l'envahir, mais elle ne pouvait pas ignorer le stress qui pesait sur ses épaules. Elle savait que le moment était venu de partager leur décision.

‒ Euh, les gars ? Je peux avoir votre attention une minute ? J'ai quelque chose à dire, commença l'homme, incertain.

Le bruit des couverts se tut lentement, tous les regards se tournant vers lui, curieux.

‒ Sasha et moi...

Lucas lui jeta un regard, un mélange d'hésitation et de détermination, qu'elle lui rendit avec une assurance silencieuse, son souffle se ralentissant dans l'attente.

‒ Nous sommes ensemble. Ça peut paraître inattendu, mais on est en couple depuis un moment maintenant... on a décidé de plus se cacher.

À ces mots, un silence s'installa. Certains membres du groupe échangèrent des regards surpris, leurs visages passant de l'étonnement à une douce compréhension, tandis que d'autres affichèrent des sourires complices, comme s'ils savaient déjà. Les questions et remarques fusèrent de toutes parts.

‒ Enfin ! s'exclama Adam avec un sourire moqueur, ses yeux pétillants de malice. On se doutait bien qu'il se passait un truc entre vous deux, Simon et moi.

‒ On avait même commencé un petit pari entre nous sur quand vous alliez l'annoncer à tout le monde.

‒ Pourquoi ne pas l'avoir dit plus tôt ? demanda Alec à son tour.

‒ Vous vous êtes embrassés en secret tout ce temps ? S'enquit Winnie, feignant l'indignation de manière exagérée. Je suis choquée ! Comment avez-vous osé me cacher une telle information ?

Les rires éclatèrent autour de la table, dissipant l'appréhension initiale. Le couple échangea un regard complice, leurs visages se réchauffant d'un mélange de gêne et de bonheur. Sasha sentit ses joues chauffer et rougir sous l'attention, mais elle ne pouvait s'empêcher de sourire, trouvant du réconfort dans l'acceptation de ses amis.

‒ C'est merveilleux ! Vous méritez d'être heureux, les félicita Lyla.

‒ On a besoin de bonnes nouvelles, continua Gabby avec un sourire chaleureux. Ça fait plaisir de voir que même dans le chaos, l'amour peut fleurir.

Un sourire radieux illuminait son visage, et elle sentit un poids se lever de ses épaules. Ils n'étaient plus seuls. Ils avaient leur groupe, leur famille, prête à les soutenir, peu importe les défis à venir.


◇ ◇ ◇

[Station-service ; Bogata, Texas ; après-midi]

Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 1 an, 10 mois et 25 jours ; 


La station-service devant eux était dans un état déplorable. C'était un bâtiment en béton au look désuet, dont les fenêtres brisées laissaient entrevoir des débris éparpillés à l'intérieur. L'enseigne, à moitié tombée, pendait à un fil et oscillait dans le vent froid. Une odeur âcre d'essence stagnante et de poussière flottait dans l'air, mêlée à celle de la rouille.

À l'arrière du bâtiment, un vieux camping-car se tenait là, à moitié enfoui dans des herbes folles qui avaient envahi l'espace. Des feuilles mortes s'étaient accumulées autour des pneus tandis que la rouille commençait à ronger le métal. Les vitres, ternies et crasseuses, étaient presque opaques, mais quelqu'un avait pris le temps de dessiner des visages souriants à travers la poussière. Sa carrosserie était éraflée mais, dans l'ensemble, il semblait étonnamment en bon état. Le groupe s'était rassemblé autour du véhicule, leurs esprits débordant d'espoir et de curiosité.

‒ Vous pensez qu'il pourrait encore démarrer ? interrogea Sasha, les mains sur les hanches et les yeux fixés sur le camping-car.

‒ Peut-être, il a l'air en assez bon état, répondit Lucas en s'approchant pour inspecter les détails.

Il scruta les contours du véhicule, les couleurs fanées par le temps, et fit glisser son doigt sur la carrosserie éraflée, laissant une traînée de poussière derrière lui. Du bout de son couteau, il gratta la rouille qui s'accumulait sous une des fenêtres.

‒ On a rien à perdre en essayant, non ?

‒ Ça pourrait être notre chance d'avoir un peu plus d'espace et de confort pendant notre voyage, ajouta Toby en hochant la tête.

‒ Faut voir s'il y a du carburant, indiqua Kole en se penchant pour examiner le réservoir. Ou alors, on peut toujours essayer de le pousser pour le faire démarrer.

‒ On devrait vérifier les roues aussi. Si elles sont bloquées, ça ne sert à rien d'essayer de le démarrer, contribua Lyla, un peu plus loin, alors qu'elle aidait sa petite sœur à refaire ses lacets.

Déjà accroupi au sol, Kole s'attaqua à vérifier les pneus avec une concentration minutieuse, faisant rouler ses doigts sur la gomme craquelée, tentant de déterminer s'ils étaient encore en état de rouler. De là, les membres du groupe se mirent au travail, chacun prenant une tâche. Sasha se dirigea vers le côté du camping-car et tenta d'ouvrir la porte. Elle tourna la poignée, mais celle-ci était coincée. Après quelques efforts, elle réussit à l'ouvrir en tirant avec force. La porte s'ouvrit dans un grincement sinistre, révélant l'intérieur du véhicule, sombre et poussiéreux. Une main sur le manche de son couteau, elle mit un pied sur l'escalier et se leva d'une marche pour scruter l'intérieur. Des vieux papiers, des canettes vides et même un coussin usé gisaient à l'intérieur.

‒ Besoin de lumière ? proposa son jeune frère qui s'était approché avec une lampe de poche et était entré à sa suite. Hé, cool ! Ça a l'air encore habitable.

‒ Regardons si on trouve les clés.

En fouillant les tiroirs et les placards, ils ne tombèrent d'abord sur des boîtes vides et des vieux magazines de chasse et de pêche parmi d'autres objets plus ou moins utiles, comme des piles usées et une lampe torche éteinte. Mais après quelques minutes de recherche plus approfondie, un cri de joie éclata depuis l'arrière du véhicule.

‒ Je les ai trouvées !

Il revient vers elle en courant, brandissant fièrement un trousseau de clé. La mexicaine les récupéra et, sans perdre un instant, se glissa dans le siège conducteur. Ses mains tremblaient légèrement alors qu'elle insérait la clé dans le contact. Elle tourna lentement, et le moteur toussa, hésitant, comme réveillé d'un long sommeil.

‒ Allez, marmonna-t-elle pour elle-même.

À la seconde tentative, le moteur ronronna enfin avant de rugir puissamment. Les applaudissements et les exclamations de joie éclatèrent à l'extérieur autour du camping-car. Sasha ne put alors s'empêcher de sourire, un mélange de soulagement et d'excitation l'envahissant.


◇ ◇ ◇

[Base militaire ; Jacksonville, Arkansas ; après-midi]

Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 1 an, 10 mois et 30 jours ; 


Le camping-car roulait lentement sur la route désertée qui menait aux abords de la base militaire de Little Rock. De chaque côté de la chaussée, des champs de mauvaises herbes s'étendaient à perte de vue, parsemés de débris de ce qui avait été une vie normale : des pneus usés, des morceaux de métal tordus et des panneaux de signalisation à moitié enterrés dans la terre. Des grillages barbelés entouraient l'intégralité du périmètre de la base, leurs pointes rouillées semblant pointer vers le ciel comme des griffes menaçantes. Sasha, assise à l'avant du véhicule, observait attentivement le paysage à travers le pare-brise.

‒ Vous voyez quelque chose ? questionna Gabby, ses mains serrées sur le volant, son regard scrutant l'horizon.

‒ Rien... Il y a personne. Pas de soldats, pas de mouvements, rien.

Le véhicule approcha lentement de l'entrée principale de la base, un endroit qui, autrefois, était animé par des visiteurs affairés, accueillis par des militaires en uniforme. De l'autre côté du grillage barbelé, une vaste zone de bâtiments délabrés s'étendait, mais elle semblait aussi morte que les terres qui l'entouraient. Gabby ralentit encore, le véhicule roulant presque au pas.

‒ Vous pensez que la base est toujours habitée ? demanda Lyla, penchée par-dessus l'épaule de Sasha.

‒ J'en doute, rétorqua Simon en plissant les yeux. On aurait vu des patrouilles, ou au moins des gardes.

Mais alors que le camping-car s'approchait de l'entrée, Sasha se figea, ses yeux s'élargissant.

‒ Stop. Regardez là-bas.

À travers le pare-brise, ils purent voir ce qui se trouvait juste au-delà du portail d'entrée, sur le parking visiteurs. Une horde. Une horde énorme de rôdeurs, peut-être une cinquantaine, déambulait lourdement. Elle formait un mélange de couleurs avec des individus en uniforme militaire et des civils. Les créatures se bousculaient et trébuchaient les unes contre les autres, leurs corps décomposés heurtant les véhicules abandonnés avec des bruits métallique. Leurs mouvements étaient lents, chaotiques, mais leur simple nombre suffisait à remplir l'air d'une tension palpable.

‒ Putain...

Sasha sentit son estomac se nouer en voyant les créatures se cogner sans fin contre le grillage. Les râles de leurs souffles hachés résonnaient jusqu'au véhicule, même à travers les fenêtres fermées. Leurs griffes décharnées raclaient le métal rouillé du grillage. Tout cela créait une mélodie qui lui glaçait le sang. Le groupe échangeait des regards inquiets, chacun ressentant l'écrasante pression de la situation.

‒ Pas moyen de passer.

‒ Non. Même s'il y a des vivants là-dedans, on n'arrivera jamais à les atteindre, ajouta Simon en secouant la tête, ses sourcils froncés.

Un quasi-silence pesant s'installa alors qu'ils observaient les rôdeurs se heurter au grillage, leur détermination implacable contre une barrière. À l'arrière, la jeune femme pouvait entendre Lucas et Toby jouer avec les fillettes pour les distraire.

‒ S'il y a des gens, douta Sasha avec une grimace. Je pense pas que ce soit le cas. Ils auraient dû se montrer.

‒ Peut-être qu'ils sont terrés à l'intérieur, terrifiés par ces choses, proposa Adam alors qu'il essayait d'apercevoir quelque chose par-dessus la horde grouillante.

‒ Et si on passe quand même ? On pourrait essayer de s'infiltrer par l'arrière.

‒ Ça serait du suicide, coupa rapidement Kole. Si on se fait attraper par la horde, on n'aura aucune chance.

‒ Ils sont trop nombreux, et le bruit de nos mouvements ne ferait qu'attirer leur attention, l'épaula Gabby.

Sasha regarda la horde, son cœur battant à tout rompre. La masse grotesque continuait de grogner et de s'agiter, le bruit de leurs mouvements remplissant l'air d'une menace omniprésente. Les visages de ses compagnons reflétaient une montée d'angoisse.

‒ On ne peut pas rester ici éternellement, murmura Winnie, sa voix tremblante, de là où elle s'était blottie sous le bras d'Adam en quête de protection. On fait quoi maintenant ?

‒ On passe à la prochaine étape, ordonna Kole qui ne flanchait jamais quand il devait jouer le leader du groupe. On erre plus sans but vous vous souvenez. On choisit un endroit où il y aurait possiblement un campement et on s'y rend.

Et ce fut ce que le groupe fit. Gabby enclenchait la marche arrière, ses mains crispées sur le volant, alors que Lyla sortit les cartes qu'ils avaient regroupées dans un des tiroirs du camping-car. Elle se réunit avec Kole, Simon, Adam et Alec. Ensemble, ils scrutèrent les cartes à la recherche de potentielles zones sécurisées, pointant des emplacements qui pourraient abriter des survivants ou des ressources. De son côté, Sasha s'enfonça un peu plus dans son siège et jeta un regard vers son petit-ami qui lui offrit un petit sourire avant de se reconcentrer sur le jeu avec les fillettes. Dans l'habitacle, les discussions fusaient, chacun partageant ses idées sur les prochaines étapes. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top