Chapitre 31.
[Route ; Texas ; matin]
Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 1 an, 8 mois et 30 jours ;
L'annonce d'un refuge militaire à Waco avait été une lueur dans l'obscurité, une possibilité de trouver non seulement de la sécurité, mais aussi un semblant de normalité. Depuis plusieurs semaines, ils avaient lutté pour survivre dans un environnement de plus en plus hostile, les ressources devenant rares et les menaces croissantes. Le froid mordant et la neige fondue n'avaient fait qu'ajouter à leur sentiment de désespoir croissant. Face à cette détérioration croissante, la perspective de se retrouver dans un endroit où une forme d'ordre et de structure pouvait exister offrait un répit bienvenu. Waco, avec ses promesses d'aide humanitaire et de soins médicaux, représentait une véritable opportunité pour retrouver un semblant de vie normale. Lyla, se basant sur des rumeurs qu'elle avait entendues sur la relative sécurité des refuges militaires, avait convaincu le groupe que cela valait la peine de faire le détour. Le besoin de sécurité et de stabilité primait sur les risques associés à ce voyage incertain.
Les rayons du soleil n'arrivaient même pas à percer les nuages gris de cette journée blafarde. Un voile épais de brume hivernale recouvrait le paysage et semblait étouffer toute lumière. L'air était saturé d'humidité. Le groupe avançait lentement sur la route déserte, le sol boueux crissant sous leurs pas. Les conditions de marche étaient pénibles, avec la neige fondue qui se transformait en une boue glaciale sous les bottes.
Au centre du groupe, les enfants marchaient sous la surveillance attentive de Sasha et Winnie, chacune tenant la main de l'une d'elle. Elles bavardaient joyeusement, leurs rires cristallins flottaient dans l'air et personne n'avait le cœur à leur demander de baisser le son. Amy était adorable avec ses petites tresses faites à la hâte le matin même s'étaient déjà partiellement défaites, laissant quelques mèches blondes s'échapper de sous son bonnet tricoté. Son sac à dos violet, trop grand pour elle, sautillait à chaque pas, tandis que ses bottes de pluie jaune frappaient le sol avec un rythme joyeux. Malgré le froid glacial de cette matinée, la fillette semblait parfaitement insouciante, serrant fermement sous son bras sa peluche qui ne la quittait jamais.
‒ Moi, quand on arrive à Waco, je veux une vraie chambre à moi ! déclara Amy avec enthousiasme.
‒ Et une grande fenêtre, pour voir les étoiles ! ajouta Arden, tout aussi rêveuse.
‒ Tu crois qu'il y aura des glaces là-bas ?
‒ Oui ! J'en veux à la fraise !
‒ Ca serait trop bien ! On pourra faire la fête avec des gâteaux et des bonbons !
Les rires des deux petites résonnaient dans l'air froid, une note de légèreté au milieu de leur marche silencieuse. Sasha, en les écoutant, sentit un sourire se dessiner sur ses lèvres. La chaleur réconfortante de la main d'Amy dans la sienne lui apportait un sentiment de paix.
Tout à coup, un silence inhabituel s'installa autour d'eux. Même le vent, qui n'avait cessé de souffler depuis des heures, semblait s'être calmé, cessant de soulever les quelques feuilles mortes et les débris qui jonchaient la route. La mexciaine sentit son estomac se nouer. Elle ralentit inconsciemment, tirant légèrement sur la main d'Amy pour qu'elle fasse de même. La petite fille tourna son regard interrogateur vers sa mère, mais elle lui répondit seulement d'un sourire rassurant, bien qu'une inquiétude sourde commençait à se former au creux de son ventre.
‒ Y a un truc qui cloche, chuchota-t-elle en direction de Gabby, qui marchait non loin d'elle.
L'homme fronça les sourcils et balaya les alentours du regard puis il jeta un coup d'œil aux autres. Devant, Lyla, Simon et Kole continuaient d'avancer, leurs pas devenus plus lourds à mesure que la fatigue se faisait sentir. Leurs yeux étaient rivés sur l'horizon, concentrés sur leur destination. Adam, Alec et Lucas, qui fermaient la marche, paraissaient presque détendus, discutant tranquillement. Aucun d'eux ne semblait avoir remarqué le changement d'ambiance. Un frisson parcourut l'échine de Sasha. Elle resserra sa prise sur la main de sa fille, gardant ses sens en alerte.
Le crissement soudain de gravier sous des pas lourds résonna à gauche du groupe. La jeune femme tourna la tête vivement, ses yeux plissés en tentant de percer le brouillard dense et les ombres mouvantes des arbres qui bordaient la route. La visibilité était réduite, les formes indistinctes se fondaient dans le paysage grisâtre. Derrière le bruit métallique d'un panneau rouillé qui claquait au vent, un autre son plus inquiétant se fit entendre : un raclement lourd et saccadé, comme si quelque chose ou quelqu'un traînait sur le sol, suivi de grognements gutturaux.
‒ Vous entendez ça ? demanda Alec en s'arrêtant brusquement.
Sasha échangea un regard rapide avec le médecin, dont le visage trahissait également sa préoccupation. Les membres du groupe, maintenant en alerte, se mirent à se regrouper instinctivement. Les rires des enfants s'étaient tus, remplacés par une anxiété palpable.
Un premier rôdeur émergea lentement derrière des buissons touffus, traînant une jambe mutilée qui traînait péniblement dans les débris de la route. Ses yeux, vides et vitreux, étaient figés sur le groupe, reflétant une absence totale de conscience. De la fumée grisâtre s'échappait de sa gorge déchirée à chaque respiration rauque. Puis un autre rôdeur émergea de l'ombre, ses vêtements déchirés pendants sur son corps squelettique. Il fut suivi de près par une silhouette encore plus grotesque, un décharné dont le visage était à moitié dévoré par des morsures. En quelques secondes, une horde se dévoila derrière les arbres, surgissant de la végétation comme des ombres malveillantes.
Les membres du groupe se mirent en position, chacun préparant son arme avec une concentration palpable. Les regards se croisèrent, des gestes rapides et efficaces se déroulèrent tandis que les rôdeurs se rapprochaient. Avant même que l'un d'eux puisse en éliminer un, un autre bruit attira leur attention : un grondement caverneux venait de leur droite. Sasha tourna la tête juste à temps pour voir un rôdeur plus imposant que les autres émerger des buissons. Ce n'était pas un simple zombie décharné ; il se distinguait par son apparence impressionnante. Ses vêtements, déchirés et couverts de boue, étaient également maculés de traces de décomposition. Le corps du rôdeur, tuméfié et pourri, trahissait des mois de délabrement. Il portait encore des traces d'une ancienne armure de protection, probablement celle d'un ancien militaire. Le gilet pare-balles troué pendait sur son torse, ajoutant un poids supplémentaire à ses mouvements déjà lents. Mais c'était le casque militaire, à moitié enfoncé et déformé par des impacts de balles, qui attirait le plus l'attention. Les éclats de métal, éparpillés autour du casque, scintillaient faiblement sous la lumière grise du jour.
‒ Merde, jura Sasha en tirant sa fille derrière elle, son cœur battant la chamade.
Le rôdeur militaire avança d'un pas lourd, sa mâchoire claquant dans un bruit sinistre, tandis que ses mains tendues s'ouvraient et se refermaient comme s'il essayait de saisir quelque chose.
‒ On doit bouger, et vite ! Cria Kole, alors qu'il tentait de rassembler le groupe.
Ses ordres se perdaient presque dans le chaos mais Lyla réagit néanmoins rapidement. Elle attrapa sa sœur et la souleva dans ses bras avec une force déterminée, ses yeux scrutant les environs à la recherche de la moindre menace supplémentaire. Sasha serra Amy contre elle, ses bras enveloppant la petite fille comme un rempart protecteur. Les enfants, le visage pâle et les yeux écarquillés, se cramponnèrent à elles avec une peur palpable. Adam se plaça instinctivement en retrait, il épaula son fusil et tira avec précision, abattant les rôdeurs les plus proches d'une balle entre les yeux. Chaque coup de feu résonnait dans l'air. Toby, de son côté, bien qu'un peu décontenancé, brandit son pied-de-biche avec détermination et se jeta sur le militaire. Le choc du métal contre le casque déformé résonna violemment, mais l'infecté, semblant indifférent à l'attaque, continua d'avancer avec la même lenteur implacable.
‒ Putain de merde ! hurla-t-il, frappant de nouveau, sans grand succès.
‒ On doit bouger ! cria Lyla, repoussant un marcheur d'un violent coup de pied qui envoya la créature tituber en arrière.
Dans ses bras, sa petite sœur s'accrocha fermement pour ne pas basculer, ses yeux grands ouverts de terreur. La rousse la serra plus fort, son visage crispé par l'effort. Tout autour, le chaos régnait. Gabby, posté à côté de Sasha, se battait avec acharnement pour protéger les filles au centre. Il balançait sa machette avec précision, abattant un rôdeur d'un coup net à la gorge, envoyant la créature s'effondrer dans la boue. Un autre se rapprocha, mais il fut rapidement intercepté par Lucas, qui fonça avec un bâton renforcé de métal, frappant avec rage pour dégager un chemin.
‒ Foutus monstres ! grogna-t-il, la sueur perlant sur son front malgré le froid.
Alec, de son côté, tentait de contenir un autre groupe de rôdeurs qui approchaient par la droite. Il utilisait une barre de fer, frappant et repoussant les créatures, mais son souffle devenait court, sa fatigue de plus en plus visible.
‒ On va se faire submerger ! cria-t-il en direction de Simon, qui lui tirait sur les plus proches avec son pistolet.
Sentant la panique s'intensifier, la jeune mère tira Amy plus près d'elle, se préparant à fuir. Derrière elle, Adam rechargeait frénétiquement son arme, essoufflé, mais tirant avec précision sur les rôdeurs les plus proches. Les détonations se succédaient, mais les rôdeurs continuaient d'avancer inexorablement. Il fallait partir, et vite.
‒ En avant ! On fuit ! Ordonna Kole après un moment.
Le groupe commença immédiatement à battre en retraite. Adam restait en arrière, couvrant leur fuite d'une pluie de balles. Toby, bien qu'encore frustré de son échec contre le rôdeur militaire, abandonna sa lutte vaine contre la créature imposante. Il jeta un dernier coup d'œil au zombie au casque criblé de balles avant de rejoindre les autres. Ils se mirent à courir, leurs pieds frappant la terre humide dans un rythme frénétique, chaque respiration devenant plus difficile à mesure que l'adrénaline montait. La horde, lentement mais sûrement, continuait de les suivre, grognant et traînant des pieds. Ils savaient que s'ils trébuchaient, un seul faux pas suffirait pour signer leur fin. Alors que le groupe s'éloignait, les râles sinistres des rôdeurs se perdaient peu à peu dans la brume épaisse, mais personne ne se permettait de ralentir. Le danger était encore trop proche.
◇ ◇ ◇
[Musée d'histoire ; Cuero, Texas ; nuit]
Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 1 an, 8 mois et 31 jours ;
La nuit était tombée depuis un moment, enveloppant le musée d'histoire dans une obscurité oppressante. Les vieilles vitrines poussiéreuses et les mannequins figés dans des poses historiques rendaient l'endroit encore plus lugubre. À peine éclairé par quelques lampes de camping, l'intérieur du bâtiment donnait une impression de calme factice.
Sasha se tenait à une des fenêtres, le visage appuyé contre le cadre froid, scrutant l'obscurité à travers les carreaux. Dehors, on ne voyait que des ombres diffuses. De temps en temps, un bruissement ou un grognement lointain perçait le silence, et son cœur se serrait instinctivement. Elle n'osait pas baisser sa garde, même ici. Elle laissa son regard se perdre dans le paysage nocturne et se serra un peu plus dans sa veste usée, sentant le froid pénétrer ses os malgré la protection des murs. Un craquement discret derrière elle la sortit de ses pensées. Avant qu'elle n'ait le temps de réagir, deux bras familiers l'enveloppèrent doucement par derrière, et elle se tendit un instant, avant de reconnaître le contact rassurant de Lucas. Il posa son menton sur son épaule et murmura doucement à son oreille.
‒ Amy dort, enfin. Elle était épuisée.
Sasha ferma les yeux un instant, soulagée, et posa ses mains sur celles de Lucas.
‒ Merci, souffla-t-elle, à peine audible. Je sais qu'on est à l'abri pour cette nuit... mais je ne peux pas m'empêcher de penser à demain, au jour d'après. Ça ne s'arrête jamais, Lucas. On court, on fuit... et je me demande si ça finira un jour. Si Amy pourra avoir une vraie vie.
Lucas soupira doucement, comprenant son angoisse sans même qu'elle n'ait à l'exprimer complètement. Lui aussi ressentait ce poids constant. Il pressa ses lèvres contre sa tempe avant de répondre.
‒ Elle est forte, comme sa mère. Et tant qu'on est tous ensemble, on trouvera un moyen de s'en sortir. Waco... ce refuge, peut-être que c'est notre chance.
‒ Je veux y croire Lucas, vraiment, mais chaque fois qu'on pense être en sécurité, il y a toujours quelque chose. On est toujours rattrapés.
‒ Je sais...
Le silence les enveloppa de nouveau. Les bruits de la nuit semblaient se dissiper, et le battement de leurs cœurs, synchronisé par l'angoisse, se calmait peu à peu. Ils restèrent ainsi, simplement réconfortés par la chaleur de l'autre. Puis il l'amadoua doucement vers le repos et lui assura que Simon et Gabby prenait le premier tour de garde. Elle avait hésité un instant mais la fatigue finit par l'emporter et elle le laissa l'entraîner vers le coin où Amy dormait entre Echo et Winnie.
Le lendemain matin, un froid mordant enveloppait le petit musée d'histoire. Le groupe émergeait lentement de leur sommeil, leurs corps fatigués protestant contre chaque mouvement. Ils étaient endoloris par la marche et les combats de la veille. Les paupières de Sasha s'ouvrirent avec des battements lents tandis qu'elle prit un moment pour se réorienter. Le musée était silencieux, seules les voix basses de ceux déjà réveillés résonnaient faiblement dans les vastes salles, comme un murmure lointain. Amy, enroulée dans une vieille couverture poussiéreuse trouvée dans une des vitrines, dormait encore paisiblement. La jeune mère observa un instant son visage détendu et, d'un geste tendre, effleura les petites tresses, remettant en place quelques mèches rebelles. Puis, avec précaution, elle se leva pour ne pas la réveiller.
Se frottant les bras pour repousser le froid qui semblait s'infiltrer jusque dans ses os, elle rejoignit Lucas, Kole, et Lyla, qui étaient rassemblés près d'une vieille vitrine. Leurs visages trahissaient l'épuisement et l'inquiétude alors qu'ils murmuraient des plans pour la journée. Simon, en retrait, ajustait la lanière de son sac à dos, l'air concentré, tandis que Gabby terminait de rassembler quelques provisions.
‒ Déjà prêts à repartir ? demanda-t-elle, la voix encore un peu rauque de sommeil.
‒ On a pas vraiment le choix, lui répondit Lucas en passant un bras autour de ses épaules pour partager sa chaleur. Vaut mieux qu'on parte avant que la horde d'hier nous rattrape.
‒ J'avais espoir qu'ils aient dépassé la ville pendant la nuit, dit Sasha plus pour elle-même que pour les autres.
‒ Waco est encore loin, renchérit Kole en jetant un regard à la carte abîmée qu'il tenait. Si on veut y arriver rapidement, il faut bouger maintenant. Chaque minute compte.
L'idée de reprendre la route aussi tôt n'enchantait personne. Ils avaient à peine eu le temps de se reposer, leurs corps encore meurtris. Mais l'endroit n'était pas sûr, et rester ici plus longtemps était un pari trop risqué.
‒ Prépare Amy, dit doucement Lucas à la jeune femme. On part dans trente minutes.
La mexicaine se détacha de lui et s'approcha de l'endroit où sa fille dormait qu'elle secoua doucement pour la réveiller. La fillette émergea lentement du sommeil, baillant à s'en décrocher les mâchoires. Les yeux encore embrumés de sommeil, elle regarda sa mère avec un mélange de confusion et de fatigue. Sasha lui offrit un sourire rassurant et bienveillant.
‒ Il est temps de repartir ma puce, chuchota-t-elle, passant une main douce sur son front pour balayer les mèches de cheveux éparses.
Encore embuée par le sommeil, Amelia frotta ses yeux mais hocha la tête en signe d'accord et se leva lentement, la couverture glissant de ses épaules. Avec des gestes doux mais efficaces, Sasha l'aida à enfiler son manteau, le serra bien autour d'elle pour la protéger du froid et s'assura qu'il était bien fermé avant de se pencher pour l'aider à mettre ses bottes de pluie jaune. Elle vérifia que les lacets étaient bien noués et les chaussures confortablement ajustées avant de lui demander de préparer ses affaires dans son petit sac. Lorsque la fillette demanda si elle pouvait prendre un livre dans la petite bibliothèque pour enfants aménagée plus loin, Sasha acquiesça avec l'ordre de n'en choisir qu'un.
◇ ◇ ◇
[Route ; Yoakum, Texas ; début d'après-midi]
Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 1 an, 8 mois et 31 jours ;
Le groupe avançait en silence le long de la périphérie de la ville de Yoakum, leurs pas s'enfonçant légèrement dans l'herbe détrempée. Le ciel était d'un gris uniformément terne, comme si toute la lumière avait été aspirée par la morosité ambiante. La route se déroulait devant eux, déserte et sinistre, s'étirant à l'infini. Ils avançaient d'un pas déterminé, chacun absorbé dans leurs pensées ou dans la vigilance nécessaire pour traverser cette ville.
Alors qu'ils marchaient à un bon rythme, une église se dévoila lentement à eux. D'abord, elle n'était qu'un petit point flou et vague à l'horizon, cachée en partie par le brouillard et les arbres dénudés. À mesure qu'ils se rapprochaient, les contours de l'édifice se précisèrent, révélant un bâtiment en pierre aux murs usés et à la toiture effritée.
Sasha ralentit instinctivement, son attention attirée par une étrange collection de panneaux plantés dans l'herbe qui bordait le bâtiment. Des dizaines de panneaux en carton, tels des pancartes de manifestation, étaient éparpillés autour de l'église. Certains étaient penchés, déchirés ou écrasés par le poids de la pluie et du vent. Le carton était trempé et abîmé, avec des coins effrités et des bords décolorés. Les inscriptions manuscrites, tracées à la main en lettres noires sur fond marron, étaient à moitié effacées, les mots devenant indistincts sous l'effet des intempéries pour certains. Ils étaient directement inspirés de l'Apocalypse, évoquant des images de jugement dernier et de fin des temps.
Une certaine inquiétude se fit sentir dans le groupe à mesure qu'ils approchaient de l'église. Les panneaux en carton semblaient presque placés là comme des avertissements désespérés, des proclamations d'un désespoir religieux face à l'effondrement du monde. Ils offraient des messages troublants : « Le jugement est proche », « Les ténèbres couvriront la terre », « Préparez-vous à la fin » ... Ces mots étaient presque trop appropriés. En marchant plus près, les inscriptions sur le mur de l'église attirèrent leur attention. Là, les mêmes versets étaient peints en grandes lettres blanches sur la pierre, comme un cri du cœur. Les versets se succédaient, proclamant des oracles de destruction et de châtiment divin, leur noirceur presque palpable. « Les hommes chercheront la lumière, mais la nuit les engloutira », disait l'un d'eux, tandis qu'un autre annonçait : « Les épreuves de la fin sont à la porte ».
Winnie se tourna vers Sasha, un sourcil haussé dans un mélange d'intrigue et de scepticisme. La jeune mère la connaissait depuis suffisamment longtemps pour reconnaître aussi la crainte voilée dans ses yeux. Bien que l'adolescente essayait de garder un masque de calme, le malaise se reflétait clairement dans ses traits.
‒ Vous avez déjà vu quelque chose comme ça ?
‒ Non, c'est... intimidant, répondit-elle en secouant la tête alors qu'elle scrutait les pancartes tordues et détrempées. C'est comme si l'endroit lui-même nous mettait en garde.
Le malaise s'intensifia autour du groupe. Simon, qui fixait les inscriptions, la voix soudain tendue, lança :
‒ On devrait peut-être se dépêcher de passer. Ces signes m'inspirent pas confiance. Je préfère ne pas traîner ici plus longtemps.
‒ Je suis d'accord. On ferait mieux de se remettre en marche, approuva Gabby, son visage trahissant la méfiance. Il y a quelque chose de vraiment bizarre ici.
Un silence tendu s'installa. Le vent soulevait des feuilles mortes, et le ciel, gris et lourd, semblait peser sur leurs épaules. Même Amy, habituellement curieuse et vive, semblait ressentir l'étrange ambiance, serrant la main de sa mère avec plus de force.
‒ Allez, finit par dire Lucas, prenant la main de la fillette dans la sienne et l'entraînant doucement en avant. On continue.
Ils avancèrent lentement, leurs pas résonnant faiblement sur la route détrempée. Le regard de Sasha se posa à nouveau sur l'église, qui se rapprochait à mesure qu'ils marchaient. À présent, les détails étaient plus clairs : une structure ancienne avec des murs en briques usées qui étaient recouverts par endroit de mousses. Les vitraux étaient pour la plupart brisés, laissant des éclats de verre coloré s'étendre sur le sol boueux. Quelques fragments pendaient encore tristement aux fenêtres. Autour du bâtiment, l'herbe était haute et sauvage, à moitié noyée par l'eau de pluie. Des croix de bois, plantées de manière désordonnée, s'élevaient de la terre, marquant d'anciennes tombes ou peut-être des mémoriaux improvisés.
Ce fut alors qu'elle le vit.
‒ Oh mon dieu... murmura-t-elle, ses pas ralentissant jusqu'à s'arrêter net, une main portée instinctivement à sa bouche.
Alertés par son ton, les autres s'immobilisèrent à leur tour. Leurs regards suivirent la direction du sien, et un silence lourd tomba sur le groupe. Fixé au mur de l'église, suspendu par les poignets, un rôdeur pendait en croix, comme une parodie macabre du Christ. Ses bras étaient étirés et maintenus en place par des cordes effilochées, et sa tête pendait mollement vers l'avant. Malgré sa posture grotesque, le mort-vivant bougeait encore faiblement, ses yeux vitreux roulant de manière erratique dans leurs orbites, tandis que sa bouche, entrouverte, laissait échapper un grognement guttural et étouffé. Son corps était en lambeaux, couvert de cicatrices et de plaies béantes. Sa peau, d'un gris cadavérique, se détachait par endroits, laissant apparaître des os et des muscles décharnés. Le vent agitait lentement les morceaux de chair pendants, ajoutant une dimension morbide à la scène. Mais ce qui frappa le plus le groupe, ce n'était pas l'état de décomposition avancée, mais la posture imposée dans laquelle il avait été laissé.
Suspendu comme un martyr des temps modernes, il trônait là, au-dessus des versets bibliques proclamant la fin du monde. Les panneaux en carton qui l'entouraient, proclamant des messages de jugement divin, semblaient faire écho à cette vision grotesque. L'infecté, bien qu'à peine capable de bouger, donnait l'impression de lutter contre ses liens, mais ses mouvements étaient lents, trop faibles pour être une menace.
‒ Qui ferait ça ? souffla Toby, son visage se tordant de dégoût.
‒ Peu importe qui, rétorqua Lyla d'un ton sec. Ce qui est sûr, c'est qu'il vaut mieux ne pas rester pour le découvrir.
Toujours troublée par la scène, Sasha sentit une légère pression sur sa main. Amy, accrochée à elle, regardait le marcheur avec des yeux grands ouverts, sa petite bouche tremblante de peur. Son visage était pâle, et elle pouvait sentir le tremblement de ses doigts dans sa main.
‒ Maman... pourquoi il est comme ça ? chuchota la petite fille, sa voix à peine audible.
Essayant de cacher son propre malaise, la jeune mère sentit son cœur se serrer alors qu'elle se penchait vers elle. Comment expliquer quelque chose d'aussi horrible à une enfant de cinq ans ? Elle chercha désespérément les mots justes, essayant de dissimuler son propre malaise derrière un sourire rassurant.
‒ C'est... quelqu'un de très méchant qui a fait ça. Mais ne t'inquiète pas, ma chérie. Ça ne peut pas nous faire de mal. Je suis là.
Amelia se blottit davantage contre elle, son petit corps tremblant de peur. Elle enfouit son visage dans le manteau de sa mère, mais ses yeux, malgré elle, continuaient de jeter des regards furtifs vers la créature suspendue. Son souffle était court, trahissant son angoisse grandissante.
‒ Regarde-moi, ma puce, murmura-t-elle d'un ton plus ferme, posant une main douce sous le menton de sa fille pour l'inciter à relever la tête. Ne regarde pas ça, d'accord ? Concentre-toi sur moi. Tout va bien, je te le promets.
Ses yeux larmoyants fixés sur ceux de sa mère, la petite fille hocha lentement la tête et s'accrocha à elle avec plus de force, cherchant désespérément une sécurité dans son contact. Lucas, qui n'était pas loin d'elles, se rapprocha et vient s'accroupit à sa hauteur. Son regard était plein de douceur et de réconfort.
‒ Hé, petite guerrière, dit-il en posant délicatement une main sur son épaule. Tu es très courageuse, tu le sais ça ? Mais ta maman a raison, tout va bien aller. On va reprendre notre route et laisser ça derrière nous, d'accord ?
Amy hocha timidement la tête, mais ses yeux restaient grands ouverts, marqués par la peur de ce qu'elle venait de voir. La pression de ses petites mains s'accentua sur les bras de Sasha, cherchant un refuge, une sécurité. Cette dernière, malgré sa propre angoisse, lui sourit doucement. Lucas vit néanmoins la fatigue dans ses traits.
‒ Je vais la porter un moment, proposa-t-il d'une voix apaisante.
Après une seconde d'hésitation, la jeune femme acquiesça et se décala pour le laisser la hisser contre lui. Il la tient fermement, comme si rien au monde ne pouvait l'atteindre. La petite fille, enfonçant son visage contre son cou, se laissa apaiser par sa chaleur rassurante et s'endormit presque instantanément. Voir Amelia se blottir contre lui, trouvant refuge et réconfort dans son étreinte, lui réchauffa le cœur. Ce n'était pas seulement une question de sécurité ou de protection ; c'était bien plus. Il prenait soin de sa fille comme si c'était la sienne, sans aucune hésitation. Elle se surprit à penser que, peut-être, ils avaient trouvé quelque chose de précieux dans ce chaos : une nouvelle forme de famille.
‒ Allez, on y va.
Tous ensemble, le groupe se remit en marche, laissant l'église et son terrible message derrière eux.
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