Chapitre 29.

[Maison de Ronald Sullivan ; Prue, Oklahoma ; fin de matinée]

Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 1 an, 4 mois et 2 jours ;


Deux mois s'étaient écoulés depuis la mort de Zak, et pourtant la douleur de sa perte restait vive dans le cœur de Sasha. Le groupe, maintenant réduit à une personne de moins, avait continué à avancer, laissant derrière eux la caserne qui avait été leur refuge pendant un temps. Ce départ, bien que nécessaire, leur avait laissé un goût amer, comme s'ils abandonnaient une partie d'eux-mêmes avec la tombe de leur ami.

Le premier mois après sa mort avait été particulièrement difficile. Une ombre avait été jeté sur le groupe, les plongeant dans un état de deuil silencieux. Ils avaient erré de ville en ville, de maison en maison, cherchant désespérément un abri plus sûr, mais chaque lieu semblait plus hostile que le précédent. Les villes étaient des zones mortes, remplis de bâtiments délabrés, de rues désertes et de cadavres abandonnés. Mais même dans cette mort apparente, les rôdeurs étaient toujours présents, errant sans but.

L'un des plus grands défis auxquels ils avaient dû faire face était le manque de fournitures. Les supermarchés dans lesquels ils s'étaient rendus avaient été pillés depuis longtemps, les étagères vides et les magasins abandonnés ne laissaient que des miettes derrière eux. Trouver de la nourriture était devenu un exercice de survie hebdomadaire, un combat constant contre la faim qui ne faisait que grandir. Ils fouillaient chaque recoin, chaque placard, espérant trouver ne serait-ce qu'une boîte de conserve oubliée. Mais souvent, il ne restait rien. Chaque fois qu'ils mettaient la main sur de quoi se nourrir, cela ne suffisait jamais pour apaiser leur faim, seulement pour la repousser temporairement. L'eau potable était tout aussi rare. Les sources qu'ils trouvaient étaient souvent stagnantes, leur surface recouverte d'une pellicule douteuse, rendant chaque gorgée un pari dangereux entre la soif et la maladie. À plusieurs reprises, Sasha avait vu Simon murmurer des prières silencieuses, suppliant pour une pluie qui n'était jamais venue. 

Ils n'avaient plus de voiture, une perte survenue quelques semaines plus tôt après avoir épuisé leurs dernières réserves d'essence. Trouver du carburant était devenu un défi aussi, chaque station-service étant soit totalement pillée, soit rendue inaccessible par les hordes de rôdeurs. Plusieurs fois, ils avaient risqué leur vie en fouillant les stations désertes, seulement pour découvrir des pompes sèches et des réservoirs vidés depuis longtemps. Depuis lors, le groupe avait dû poursuivre sa route à pied. Le soleil impitoyable pesait sur leurs épaules, et leurs pieds, meurtris par des journées entières de marche, souffraient à chaque mouvement. Le poids des sacs, remplis du strict nécessaire, alourdissait leur avancée.

L'été battait son plein, et la chaleur écrasante n'avait rien de réconfortant. Au contraire, elle rendait leur existence encore plus éprouvante. Le soleil, impitoyable, brûlait sans relâche leurs peaux déjà asséchées par les privations, et la poussière soulevée par leurs pas alourdissait l'air, rendant chaque respiration laborieuse. La chaleur les épuisait, affaiblissait leurs corps déjà affamés, mais ils n'avaient d'autre choix que de continuer, toujours plus loin, toujours plus vite. Les journées paraissaient interminables, et les nuits, bien que plus fraîches, n'apportaient qu'un répit illusoire. De plus, cette température accélérait la décomposition des corps des infectés, rendant leur présence encore plus insupportable. L'odeur pestilentielle de la chair en décomposition imprégnait l'air, forçant le groupe à avancer sans cesse, la nausée au bord des lèvres.

Quant aux rôdeurs, ils étaient partout. Ils apparaissaient sans prévenir, surgissant des recoins sombres, des ruelles oubliées, des forêts sinistres. Le groupe avait appris à se déplacer en silence, à éviter les routes principales et à contourner les zones où les rôdeurs étaient plus nombreux. Mais même avec toutes ces précautions, les rencontres étaient inévitables. Ils avaient dû se battre à maintes reprises, utilisant tout ce qu'ils avaient sous la main pour se défendre. Le bruit des combats attirait souvent plus de rôdeurs, les obligeant à fuir précipitamment, abandonnant derrière eux ce qu'ils ne pouvaient pas emporter. C'était un cercle vicieux : plus ils se battaient, plus ils attiraient de dangers, et plus ils étaient forcés de se déplacer.

Après des semaines d'errance sans fin et de lutte désespérée pour leur survie, Sasha et Winnie avaient convaincu le groupe de se diriger vers Prue, le village où vivait Sully, cet homme bienveillant qui les avait accueillis il y a un an. C'était avant qu'elles ne trouvent Echo, et les frères Matthews. Ce souvenir, bien qu'il soit récent, semblait appartenir à une autre époque, à un monde différent. Le temps, depuis, avait filé à une vitesse déconcertante, chaque jour se fondant dans le suivant, marqué par la fatigue, la peur, et le chagrin. Pourtant, ce bref séjour chez Sully était gravé dans la mémoire de Sasha avec une netteté surprenante.

Quand ils étaient finalement arrivés à Prue, le village paraissait presque figé dans le temps, aussi paisible que dans le souvenir de Sasha. Les maisons, bien que vieillies par les intempéries, semblaient relativement intactes, épargnées par la violence qui avait ravagé tant d'autres lieux. Les pelouses, autrefois soigneusement entretenues, étaient maintenant envahies par des herbes folles, mais il n'y avait pas de signes évidents de destruction. La route principale était déserte, aucun bruit ne venait troubler le silence oppressant qui régnait. L'atmosphère était étrangement calme, presque trop calme, comme si le village lui-même retenait son souffle. À mesure qu'ils s'approchaient de la maison de Sully, une appréhension sourde se mit à grandir dans le cœur de Sasha. L'homme serait-il toujours là ? Et s'il ne l'était plus ? L'idée qu'ils aient fait tout ce chemin pour trouver la maison vide, abandonnée comme tant d'autres, ou pire encore, habité par des rôdeurs, était presque insupportable. 

‒ Ici, indiqua Winnie en pointant un virage dans la route principale que le groupe prit immédiatement.

La première chose que Sasha vit en tournant dans l'allée de terre fut l'imposante maison de grand-mère Geller, se dressant fièrement au loin. Elle était presque identique à son souvenir, mais un an avait passé, et les marques du temps se faisait désormais visibles, même d'aussi loin. Le vaste perron portait les traces de mois d'abandon, envahi par des mauvaises herbes qui avaient poussé entre les planches de bois. Les volets et la porte d'entrée, peint d'un joli vert, avaient perdus de leur éclat, leur surface écaillée par le soleil et les tempêtes de l'hiver passé. Le toit était recouvert de mousses et de lierre.

À quelques mètres d'elle, une autre bâtisse était visible, plus modeste mais tout aussi frappée par le passage du temps. La peinture blanche qui recouvrait ses murs s'était elle aussi écaillée par endroits, laissant apparaître le bois vieilli et grisé par les intempéries. Le jardin, autrefois si bien entretenu, était devenu un fouillis sauvage de plantes grimpantes et de buissons envahissants. Les fenêtres, recouvertes d'une fine couche de poussière, reflétaient faiblement la lumière du soleil.

Sasha échangea un regard rapide avec Winnie, dont les yeux étaient remplis d'une anxiété similaire à la sienne. Il sembla qu'elles communiquaient sans mots, partageant la même pensée : il fallait savoir, tout de suite. Elles se mirent à marcher plus vite, leurs pas devenant de plus en plus précipités. L'incertitude devenait insupportable. L'allée, qui paraissait interminable quelques instants plus tôt, se réduisait maintenant sous leurs foulées pressées. Leurs bottes soulevaient des nuages de poussière sèche à chaque pas, mais ni l'une ni l'autre ne s'en souciait. Le monde autour d'elles se réduisait à cette allée et à la maison qui se rapprochait de plus en plus. Chaque foulée était plus rapide que la précédente, jusqu'à ce qu'elles se retrouvent presque à courir, le souffle court, le cœur battant à tout rompre.

Les mains tremblantes, la mexicaine poussa la porte d'entrée qui s'ouvrit dans un léger grincement. Juste derrière elle, Winnie s'arrêta un instant, comme pour rassembler son courage, avant de la suivre. L'air était épais, chargé d'une odeur de poussière et de renfermé, comme si la maison avait été fermée depuis des mois. Mais sous cette odeur se cachait quelque chose de plus sinistre, un parfum métallique et âcre que Sasha reconnut immédiatement : l'odeur du sang. Son estomac se noua, et elle échangea un regard rapide et inquiet avec Winnie.

‒ Sasha ? hésita l'adolescente. C'est calme... non ?

‒ Je... Oui. On va au salon ?

‒ D'accord.

Leurs pas résonnaient dans le couloir alors qu'elles s'avançaient prudemment vers le salon, leurs yeux rivés sur l'obscurité qui régnait dans la pièce. Le souffle court, elles franchirent enfin le seuil, et ce qu'elles découvrirent les cloua sur place.

Sully était bien là, affalé dans son vieux fauteuil préféré. Son corps inerte, et sans vie. Dans sa main droite, il tenait fermement un cadre photo, celui de Betsy sa défunte épouse, son grand amour. L'image jaunie montrait une femme souriante, pleine de vie, un contraste cruel avec la réalité. Dans son autre main reposait un pistolet. Un mince filet de sang, séché depuis un moment, s'écoulait de la blessure mortelle à sa tempe. À ses pieds, une bouteille de whiskey vide gisait sur le sol, renversée, le liquide brunâtre s'étant répandu en une flaque trouble sur le tapis. Mais ce qui attira le plus son attention, c'était la morsure sur la main de Sully. La plaie, nette et déchirante, ne laissait aucun doute sur ce qui s'était passé. Sasha sentit son cœur se briser en comprenant la vérité : Sully avait été infecté. Plutôt que de succomber à la transformation, plutôt que de devenir l'une de ces créatures qu'il avait tant redoutées, il avait choisi de mettre fin à ses jours.

Sasha sentit sa gorge se nouer douloureusement. Elle tenta de retenir ses émotions mais les larmes, brûlantes et incontrôlables, commencèrent à couler sur ses joues. Le choc de voir Sully comme ça... c'était trop. À côté d'elle, Winnie étouffa un sanglot, sa main tremblante portée à sa bouche comme pour empêcher la douleur de s'échapper en cris déchirants. Ses yeux, grands ouverts et emplis de larmes, étaient rivés sur le corps inerte de Sully. L'adolescente, qui avait tant enduré ces derniers mois, semblait sur le point de s'effondrer. Puis, tout à coup, elle se laissa tomber à genoux. Sasha, sentant ses propres jambes céder sous le poids de la douleur, la rejoignit au sol. Une partie des autres, attirés par les sanglots, arrivèrent bientôt. Simon fut le premier à entrer. Son visage, habituellement si impassible, était cette fois marqué par une profonde tristesse. Il s'avança sans un mot, se baissant à leur hauteur pour leur offrir un soutien silencieux. Sa main, ferme mais réconfortante, se posa sur l'épaule de Winnie.

‒ On est là, murmura-t-il.

Lucas, incapable de rester en retrait, s'approcha doucement de Sasha et se pencha pour l'entourer de ses bras. Dévastée, elle se tourna vers lui et se blottit contre son torse, ses sanglots ébranlant tout son corps. Ses larmes imbibaient le tissu de sa chemise, mais il ne bougea pas, la tenant fermement comme pour l'empêcher de s'effondrer davantage.

‒ Chut. Je suis là... on est tous là.

‒ Il a fait ce qu'il pensait être le mieux, souffla Kole alors qu'il recouvrait le corps d'une couverture qui traînait afin que les petites ne tombent pas dessus. Il a choisi de partir en homme libre, pas comme l'un de ces monstres. Il a pu faire ce choix.

Les mots se frayèrent un chemin à travers le brouillard de sa douleur. Mais même en sachant cela, même en comprenant la logique derrière cet acte désespéré, c'était trop dur à supporter. Tout cela arrivait bien trop tôt, trop près de la perte de Zak. Une autre mort, une autre personne arrachée à sa vie, et l'angoisse de se demander qui serait le prochain. La pensée se faufila dans l'esprit de Sasha, inéluctable et glaciale : combien de temps encore pourraient-ils tenir avant que tout ne s'écroule ? Combien de temps avant qu'elle ne soit à son tour brisée, incapable de continuer ? 


◇ ◇ ◇

[Maison de Ronald Sullivan ; Prue, Oklahoma ; début d'après-midi]

Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 1 an, 4 mois et 2 jours ;


Après avoir retrouvé un semblant de calme, les deux femmes avaient laissé à leur groupe le soin de s'occuper du corps de Sully, de le préparer pour l'enterrer. Elles s'étaient alors rendues sans attendre dans la maison d'en face où vivait autrefois la grand-mère de Winnie. Cette dernière s'accrochait désespérément à un mince fil d'espoir. Il y a un an, elle avait laissé un mot pour son père dans cette maison, dans l'espoir qu'il revienne un jour. Aujourd'hui, il la guidait, la poussant à avancer malgré le poids du chagrin.

Mue par une urgence palpable, l'adolescente se précipita immédiatement vers la cuisine. Pendant ce temps, Sasha s'aventura de manière plus hésitante dans les couloirs poussiéreux de la maison. En passant devant un vieux buffet, son regard fut attiré par un petit objet familier posé dessus : une figurine en bois représentant un ours tenant une pancarte où l'on pouvait lire « meilleur grand-père du monde ». Elle sentit un pincement au cœur en le reconnaissant, elle se rappela l'avoir vu exactement au même endroit un an auparavant, lorsqu'elles s'étaient brièvement rendues ici. Mais aujourd'hui, la figurine semblait plus solitaire, comme si elle avait attendu patiemment, figée dans le temps, que quelqu'un revienne. Sasha tendit la main, ses doigts effleurant doucement la surface rugueuse de l'ours en bois. La poussière s'accrocha à sa peau, laissant une trace grise sur ses doigts.

Un bruit attira soudainement son attention. Elle se retourna pour voir Winnie revenir dans le couloir, un morceau de papier froissé serré dans ses mains tremblantes. La jeune mère retient de peu une grimace quand elle vit son expression de son amie. L'espoir semblait s'être envolé, remplacé par une tristesse encore plus profonde.

‒ Il est encore là, indiqua-t-elle avec tristesse, la voix brisée.

‒ Oh Winnie...

Sans hésiter, Sasha fit un pas en avant, refermant la distance qui les séparait, et tendit les bras pour l'attirer dans une étreinte. La jeune fille se laissa faire et enfouit son visage dans son épaule tandis que de nouvelles larmes dévalaient ses joues. La mexicaine caressa doucement ses cheveux et déposa un baiser sur sa tempe.

‒ Je suis tellement désolé Winnie.

Les deux jeunes femmes restèrent ainsi, enlacées, partageant le poids de leur douleur. Le papier froissé tomba des mains de Winnie, flottant doucement jusqu'au sol, comme une feuille morte emportée par le vent. 


◇ ◇ ◇

[Maison de Ronald Sullivan ; Prue, Oklahoma ; après-midi]

Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 1 an, 4 mois et 2 jours ;


Le groupe s'était rassemblé dans la petite clairière à côté de la maison, un lieu baigné de lumière, où les rayons du soleil éclairaient une herbe verte et tendre, parsemée de fleurs sauvages. L'air y était léger, c'était agréable en plein été. C'était un endroit paisible, empli du chant discret des oiseaux et du bruissement des feuilles. Un lieu parfait, proche du foyer chéri de Sully. S'il avait pu choisir, il aurait approuvé.

Toby et Kole avaient travaillé en silence, s'armant de quelques outils bien entretenus qu'ils avaient dénichés dans la cave de Sully. Une pelle en métal, encore robuste malgré son âge, et une pioche usée mais fonctionnelle. Le sol était tendre, leur facilitant la tâche, mais cela ne rendait pas le moment moins éprouvant. Enterrer quelqu'un, même qu'ils ne connaissaient pas... c'était douloureux. Pendant ce temps, Lyla avait pris les filles avec elles pour cueillir des fleurs sauvages. Par ce geste, elle les gardait à l'écart tout en préparant un joli hommage pour le décédé.

Après les derniers coups de pelle, le son métallique résonnant encore dans l'air, Simon s'avança avec une lenteur respectueuse, portant le corps de Sully enveloppé dans une couverture. Il avait insisté pour le faire seul, refusant l'aide de Kole et des autres. L'homme semblait presque plus léger maintenant, comme si la mort avait emporté tous ses fardeaux avec elle. Ses pas étaient lents et mesurés. Lorsqu'il se redressa, une fois le corps déposé dans la tombe, il essuya rapidement la sueur de son front du revers de la main, et recula pour laisser place à Winnie. L'adolescente, en proie à l'émotion, avançait avec lenteur. Chacun de ses pas semblait peser plus lourd que le précédent. Ses mains tremblaient tandis qu'elle tenait fermement le cadre photo de Betsy, celle que Sully avait tant aimée. Elle s'arrêta au bord du trou, hésita, ses doigts se crispant sur le cadre comme si elle avait du mal à s'en détacher. Ses lèvres se pincèrent légèrement, les yeux embués de larmes, tandis qu'elle déposait délicatement le cadre à côté de lui.

Encore engourdie par le choc, Sasha se tenait en retrait, blottie contre Lucas. Elle sentait les larmes monter, mais elle n'arrivait pas à laisser le chagrin éclater.

‒ J'espère que tu l'as retrouvée, là où tu es, murmura la mexicaine presque imperceptiblement, s'adressant plus à elle-même qu'aux autres, comme une prière silencieuse à l'univers, un dernier adieu empreint d'espoir. 


◇ ◇ ◇

[Maison de Ronald Sullivan ; Prue, Oklahoma ; après-midi]

Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 1 an, 4 mois et 2 jours ;


Alors que la majorité du groupe s'était dispersé à la recherche de nourriture et de fournitures, Sasha et Winnie, épuisées par les récents évènements, avaient choisi de rester dans la maison du vieil homme avec les enfants et les blessés. L'atmosphère était calme et silencieuse tandis qu'ils s'étaient installés pour une sieste.

Sasha était allongée dans une petite chambre au décor simple mais soigné, probablement la chambre d'amis où avait séjourner l'adolescente un an plus tôt. Les meubles étaient modestes, mais chaque détail reflétait une touche de chaleur, comme si l'espace avait été conçu pour offrir un peu de réconfort. La douce lumière de l'après-midi filtrait à travers les rideaux mal tirés, projetant des faisceaux dorés sur le visage d'Amy. La fillette, incapable de trouver le sommeil, se tortillait doucement sur le matelas. Ses paupières, lourdes mais encore ouvertes, papillonnaient tandis que ses petites mains jouaient avec sa peluche. En silence, la mexicaine passait tendrement sa main dans les cheveux de sa fille, espérant calmer ses pensées agitées. 

‒ Maman ?

La voix d'Amy, hésitante et un peu faiblarde, brisa le calme de la pièce et sortit Sasha de son propre esprit.

‒ Mmh ? Fredonna-t-elle, sans cesser son geste apaisant.

‒ Ils vont où les gens quand on les met dans la terre ?

Son cœur manqua un battement à ces mots. Elle avait redouté cet instant, redouté le moment où sa fille, avec son innocence désarmante, commencerait à poser des questions sur la mort. Elle savait que c'était dans la nature des enfants d'être curieux, de vouloir comprendre même les choses les plus complexes, les plus douloureuses. Amy, si vive et observatrice, ne ferait pas exception. Les quelques mois qui avaient suivi la mort de Reed avaient été un tourbillon d'émotions, de larmes, et de moments où elle avait eu l'impression de se perdre sous le poids de la peine. La jeune mère s'était demandé comment elle pourrait lui expliquer tout cela quand elle sera plus grande. Le moment était arrivé semble-t-il. Elle hésita un instant, cherchant une réponse simple mais réconfortante, adaptée à l'innocence de sa fille.

‒ C'est difficile à dire ma chérie... souffla-t-elle après une longue pause. Parfois les gens comme Zak... ou ton amie Petra, ils ne peuvent plus rester avec nous et ils doivent partir.

‒ Pour aller où ? demanda Amy, ses yeux se levant vers les siens, pleins d'innocence et de curiosité.  

‒ Dans un autre endroit, plus calme, où ils peuvent se reposer.

‒ Mais ils reviennent après ? insista-t-elle avec un mélange d'espoir et de confusion.

Le cœur de Sasha se serra encore plus. Elle savait qu'à cet âge, la permanence de la mort était difficile à saisir.

‒ Non ma chérie, ils ne reviennent pas... Mais ils restent avec nous d'une certaine manière, dans nos cœurs. On se souvient d'eux à travers les histoires qu'on raconte et les choses qu'ils ont laissées derrière eux. Tant qu'on pense à eux, ils ne nous quittent jamais vraiment.

La petite fille sembla réfléchir à cela, ses petites mains serrant sa peluche. Son regard se perdit un moment dans le vide, comme si elle tentait de visualiser cet endroit mystérieux et lointain dont parlait sa mère. Puis, avec une douceur presque hésitante, elle hocha la tête, acceptant l'explication, même si tout n'était pas encore parfaitement clair dans son esprit.

‒ C'est là-bas qu'il est aussi ?

‒ Qui ça ?

‒ Mon papa.

‒ Oh mon cœur... Oui, c'est là où il est maintenant, murmura la mexicaine, sa voix un peu cassée à cause de l'émotion. Je sais que tu étais encore toute petite quand il est parti, mais je sais aussi qu'il t'aimait beaucoup. Et il aurait aimé être là pour te voir grandir.

Les larmes commencèrent à monter dans ses yeux, et elle essaya de les repousser discrètement, ne voulant pas que sa fille voie l'étendue de sa propre douleur. Elle la serra un peu plus fort contre elle, comme si sa chaleur pouvait effacer une partie de la tristesse. La perte de Reed, même après tout ce temps, restait une douleur vive, un trou dans son cœur que rien ne pouvait vraiment remplir. Elle se souvenait des jours heureux avant que tout ne change, de la façon dont il l'avait regardée avec amour et admiration. De ses rires, de ses sourires, et de la tendresse qu'il avait pour elle. Et de la manière dont il avait tout gâché.

‒ Allez Amy, il faut se reposer maintenant. Ferme les yeux, et quand tu te réveilleras, nous pourrons lire un livre ensemble.

Les paupières lourdes, la fillette hocha lentement la tête et se laissa aller contre le matelas, serrant sa peluche contre elle comme un précieux trésor. Elle émit un léger soupir, ses cils papillonnant avant de finalement se fermer complètement. Sasha la regarda un instant, caressant encore une fois ses cheveux, veillant à ce que sa fille se sente en sécurité et apaisée, avant de s'allonger doucement à ses côtés. Elle se sentait fatiguée, le poids des émotions récentes pesant lourdement sur ses épaules. Le silence de la pièce, entrecoupé du souffle régulier de sa fille, était apaisant, comme un baume temporaire sur ses pensées tourmentées. Peut-être qu'un peu de repos l'aiderait à trouver la force d'affronter ce qui viendrait ensuite. 

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