Chapitre 26.

[Hôtel ; Loretto, Tennessee ; milieu de nuit]

Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 1 an, 1 mois et 13 jours ;


Le silence pesait sur l'hôtel, interrompu seulement par les bruits occasionnels du vent qui sifflait à travers les fenêtres brisées. Le groupe était profondément endormi, entassé dans une ancienne salle de réception autrefois élégante, mais maintenant décrépite. Ils avaient fait tout leur possible pour barricader les portes avec de vieux meubles et bloquer les fenêtres avec des lambeaux de rideaux et des tissus usés, mais cela ne suffisait pas à stopper les courants d'air glacials qui s'engouffraient. Leurs corps épuisés reposaient sur des matelas de fortune, certains à même le sol, d'autres sur des coussins déchirés trouvés dans les recoins poussiéreux de l'hôtel.

Frissonnante sous la fine couverture qui l'entourait, Sasha jeta un dernier coup d'œil en direction de sa fille. Celle-ci semblait si fragile, blottie sous plusieurs couvertures. Son visage pâle contrastait avec les joues légèrement rougies par la fièvre, un signe que la bataille contre l'infection continuait dans son petit corps. Sasha s'était penchée sur elle plus tôt, passant une main protectrice sur son front brûlant. La température restait élevée, mais il n'y avait rien de plus à faire pour l'instant, sauf espérer que la fièvre finirait par tomber.

Sasha retourna vers le canapé où Lucas l'attendait en silence. Le vieux meuble, autrefois probablement luxueux, n'était plus qu'un amas de tissus délavés et poussiéreux, mais il offrait un semblant de confort comparé au sol froid. Assis l'un à côté de l'autre, ils veillaient pendant que les autres dormaient. La pièce était baignée dans une faible lueur grâce aux flammes vacillantes des bougies disséminées un peu partout.

‒ Comment elle va ? chuchota Lucas quand elle s'installa à côté de lui.

‒ Toujours fébrile. Mais elle dort. Pour l'instant, c'est déjà ça.

‒ Tu t'en sors vraiment bien. Je sais même pas comment tu fais, surtout avec tout ce qui se passe.

S'enfouissant un peu plus sous son drap, la jeune femme esquissa un sourire fatigué. Son esprit ressassait tous ces moments par le passé où elle n'avait pas eu d'autre choix que de se montrer à la hauteur, même lorsque tout en elle criait de peur et d'épuisement.

‒ Je fais ce que je peux, répondit-elle en soupirant. Quand Amelia était bébé, elle tombait souvent malade. C'était terrifiant. Je passais des nuits entières à la bercer dans mes bras, à surveiller chaque petit souffle qu'elle prenait. J'avais peur... peur qu'elle s'arrête de respirer si je détournais les yeux ne serait-ce qu'une seconde. Cette peur me consumait, elle m'empêchait de dormir, mais je ne pouvais pas m'arrêter. Parce que... eh bien, parce que c'est ce que les parents font, pas vrai ?

Lucas l'écoutait attentivement, ses yeux bruns brillant de cette lueur de compréhension profonde qui réchauffait un peu le cœur de Sasha. Il resta silencieux, la laissant parler, sachant instinctivement qu'elle avait besoin de se confier.

‒ La toute première fois qu'elle a eu de la fièvre, c'était après un vaccin. Elle n'avait que quelques mois, et tout à coup, elle est devenue brûlante. J'étais paniquée, vraiment. J'avais l'impression de ne rien savoir, de ne pas être prête pour ça. C'est là que j'ai compris ce que c'était vraiment d'être parent. Ce n'est pas juste nourrir ou changer les couches, c'est cette peur constante. C'est un besoin viscéral de la protéger à tout prix. Et même maintenant, je me demande souvent si c'est suffisant. Si je fais vraiment ce qu'il faut pour qu'elle soit en sécurité... surtout dans ce monde.

Elle baissa les yeux, le poids de ses doutes la rattrapant, mais Lucas intervint doucement, son regard se faisant plus chaleureux.

‒ Tu sais, j'avais huit ans quand ma sœur et mon frère sont nés, dit-il, cherchant à alléger un peu la conversation tout en partageant un morceau de son propre passé. Je me souviens de mes parents... ils avaient l'air de zombies, épuisés par les nuits blanches et les cris de bébés. Ma mère travaillait beaucoup à l'époque, alors c'est souvent mon père qui était seul avec eux. Il n'arrêtait jamais de se demander s'il faisait les choses correctement. Il passait des nuits entières à veiller sur eux, à vérifier qu'ils respiraient encore, qu'ils allaient bien. Mais tu sais quoi ? Ils ont grandi, et ils ont réussi. Parce qu'il était là. Comme tu l'es pour Amy.

La chaleur de sa voix et la sincérité dans ses paroles touchèrent Sasha plus profondément qu'elle ne l'aurait imaginé. Un sourire délicat et émouvant se dessina sur ses lèvres, un sourire qui disait tout ce qu'elle ne parvenait pas à exprimer en mots. Peut-être, pensait-elle, malgré toutes ses inquiétudes et ses peurs, qu'elle était en train de faire ce qu'il fallait, qu'elle était sur le bon chemin.

‒ Merci Lucas, murmura-t-elle, sa voix tremblante d'émotion. Ça me fait vraiment du bien de te parler.

‒ C'est réciproque. Je suis vraiment content que tu puisses te confier à moi.

‒ Ouais, ça fait longtemps que je n'ai pas eu l'occasion de parler comme ça avec quelqu'un.

Leurs mains se rapprochèrent lentement, les doigts effleurant presque ceux de l'autre. Le contact furtif fit naître un frisson le long de l'échine de la jeune femme, une sensation de chaleur douce et inattendue. À cet instant, leurs visages étaient si proches que leurs souffles se mélangeaient, créant une danse subtile de chaleur et de proximité. Sasha sentit son cœur battre plus fort, le rythme rapide soulignant l'atmosphère chargée d'une intimité palpable. Le monde extérieur, avec ses dangers omniprésents et ses incertitudes, semblait soudainement s'évanouir, se diluer dans le cocon fragile qu'ils avaient formé autour d'eux.

Sans vraiment y penser, la mexicaine posa doucement sa main sur celle de Lucas, leur contact devenant plus assuré, plus chargé de signification. C'était un geste simple mais lourd de sens, un pont entre leurs âmes fatiguées. L'homme répondit en serrant légèrement sa main, un geste tendre qui scellait un pacte silencieux entre eux, un lien né dans l'obscurité d'une nuit difficile.


◇ ◇ ◇

[Hôtel ; Loretto, Tennessee ; matin]

Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 1 an, 1 mois et 13 jours ;


Le rugissement de la tempête brisait la quiétude précaire qui régnait dans l'hôtel. Le vent hurlait à travers les fenêtres brisées, soufflant violemment. Sasha, encore engourdie par le sommeil, se redressa en sursaut lorsque le premier coup de tonnerre résonna, si proche qu'il semblait secouer l'édifice tout entier. Elle frotta ses yeux fatigués et leva lentement pour aller regarder par la fenêtre. Ses pieds en chaussettes fines effleurèrent le sol froid. Les bougies avaient été éteinte par les rafales de vent à un moment donné. Cela rendait chaque pas difficile ; elle devait faire attention à ne pas trébucher sur les corps endormis du groupe.

Arrivée près de la fenêtre, elle repoussa doucement le vieux drap qui faisait office de rideau. Un éclair jaillit soudain, déchirant le ciel assombri de nuages et projetant une lumière fugace à l'intérieur de la pièce. Le paysage extérieur n'était qu'une vaste étendue chaotique de pluie battante et de branches d'arbres secouées par le vent furieux. La tempête semblait vouloir tout emporter sur son passage.

‒ Putain, ça peut pas s'arrêter un instant ? demanda rhétoriquement Kole dans un murmure.

L'homme se tenait juste derrière elle et observait par-dessus son épaule le déchainement des éléments avec un air désabusé.

‒ De quoi ?

‒ Notre malchance. On enchaîne les merdes dernièrement. Entre les mecs qui nous ont attaqué, l'apocalypse, la maladie d'Amy, et maintenant cette foutue tempête... je sais pas combien de temps encore on va pouvoir tenir à ce rythme.

Partageant son sentiment de lassitude, la jeune femme hocha la tête avant de pousser un long soupir. La fatigue pesait lourd sur ses épaules, bien au-delà de la simple fatigue physique. C'était épuisant cette lutte constante pour survivre, pour maintenir un semblant de normalité, même quand tout semblait vouloir les détruire.

‒ Bon... c'est pas aujourd'hui qu'on va partir d'ici.

Elle était résignée, mais pas abattue. Il était nécessaire d'attendre que la tempête se calme ; la route serait impraticable, et le moindre faux pas leur pourrait leur coûter bien plus que quelques heures perdues.

‒ T'as raison. Mais putain, ça fait chier d'être coincés ici.

Le silence s'étira entre eux, ponctué seulement par le grondement de la tempête et les souffles réguliers des autres qui dormaient encore à l'intérieur.

‒ Je suppose qu'on doit en profiter pour se reposer autant qu'on peut, ajouta-t-elle, plus pour elle-même que pour Kole.

‒ Ouais, mais je sais pas si j'y arriverai. Parfois, j'aimerais juste tout ça soit fini. Ce serait tellement plus facile.

La mexicaine l'observa un instant, ses paroles résonnant en elle plus qu'elle ne voulait l'admettre. Elle aussi avait ressenti cette envie irrésistible de tout laisser tomber, de céder à la tentation de la facilité. Mais chaque fois qu'elle regardait Amy, même maintenant, malade sous ses couvertures, elle se rappelait qu'abandonner n'était pas une option.

‒ Ca serait facile, ouais, mais à quel prix ? On a encore des gens qui comptent sur nous. Des gens qu'on doit protéger, même quand on est au bout du rouleau.

‒ Je sais... mais c'est dur.

Un appel étouffé venant du fond de la salle interrompit leur conversation. Ils se tournèrent simultanément vers l'origine du son, leurs regards se fixant sur la plus jeune membre du groupe. Cette dernière bougeait sous ses couvertures, ses petits poings frottant mollement ses yeux encore alourdis par le sommeil. Son visage était toujours pâle, sa fièvre ne l'avait pas quitté, mais son regard cherchait instinctivement celui de sa mère. Sasha se précipita aussitôt vers elle et s'accroupit à son chevet, son visage adouci par l'amour et l'inquiétude.

‒ Hey, ma puce, murmura-t-elle avec tendresse, ses doigts glissant doucement dans ses cheveux humides de sueur. Tu te sens comment ?

La petite fille ne répondit pas immédiatement, clignant des yeux comme si elle tentait de comprendre où elle était, ou peut-être d'oublier l'inconfort que la fièvre lui imposait. Puis, d'une voix rauque et faible, elle murmura :

‒ Maman, j'ai soif...

Sasha se redressa à moitié pour attraper une petite gourde d'eau qui traînait près du matelas. Elle la déboucha avec des gestes sûrs et rapides avant de la porter aux lèvres d'Amelia, l'aidant à boire lentement.

‒ Doucement, chérie... voilà... doucement.

La fillette but à petites gorgées, ses paupières mi-closes, soulagée par la fraîcheur de l'eau qui apaisait un peu sa gorge enflammée. Dehors, la tempête continuait de faire rage, le vent et la pluie tambourinant sans relâche contre les murs fragiles de l'hôtel. Pourtant, à cet instant, ni les hurlements du vent ni les grondements lointains du tonnerre ne purent troubler la bulle de quiétude qui s'était tissée entre elles. Sasha resserra délicatement sa fille contre elle, sentant la chaleur fébrile du petit corps fragile lové contre le sien. Malgré la rudesse de la situation, ce simple contact réchauffa son cœur, lui rappelant pourquoi elle continuait à se battre chaque jour. Amy se nicha un peu plus contre elle, recherchant inconsciemment cette sécurité que seule une mère peut offrir, même dans les moments les plus sombres.


◇ ◇ ◇

[Hôtel ; Loretto, Tennessee ; après-midi]

Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 1 an, 1 mois et 15 jours ;


La pluie n'avait cessé de tomber pendant plus de deux jours, gardant le groupe confiné dans l'hôtel. À chaque heure qui passait, l'ennui s'était fait plus oppressant. L'endroit n'avait plus aucun secret pour eux, après des explorations minutieuses motivés par la monotonie. Chaque couloir, chaque chambre dévastée par le temps et l'abandon, chaque recoin caché derrière des meubles poussiéreux avait été examiné sous tous les angles. Ils avaient découvert des objets oubliés par le temps — de vieux journaux jaunis, des bibelots insignifiants, des éclats de souvenirs appartenant à une époque révolue. Rien de spectaculaire, mais ces trouvailles suffisaient à occuper leurs esprits usés.

Arden, débordant d'énergie malgré l'isolement, finit par lancer une idée pour briser la torpeur : un jeu de cache-cache. C'était enfantin, mais cela promettait d'apporter une bouffée de légèreté dans un quotidien qui en manquait cruellement. Amy, dont la fièvre était retombée mais qui restait encore faible, s'était ranimée à cette perspective. Cela lui permettait aussi de se dégourdir un peu les jambes, après des jours alitée. Gabby, toujours convalescent après sa blessure, accepta de jouer le rôle de surveillant, s'assurant que les fillettes ne s'aventurent pas dans des endroits dangereux. Avec un sourire indulgent, il guida Amy jusqu'au grand hall d'entrée, où la petite s'assit par terre, couvrant ses yeux avec ses mains.

‒ Tu sais compter jusqu'à cent Amy ? Moi je sais ! lança Arden, la voix vibrante d'une joie pure.

‒ Moi aussi, mentit la fillette, son ton trahissant son incertitude.

La première se chargea alors de crier les chiffres enthousiasme, Amy faisant écho avec hésitation. Pendant ce temps, le reste du groupe se dispersa rapidement dans les méandres de l'hôtel, cherchant des cachettes où ils pourraient se faire oublier pendant quelques minutes. Sasha s'éloigna du hall et suivit un couloir plus sombre, cherchant un coin tranquille où elle pourrait se dissimuler. La lumière était faible en cet fin d'après-midi, filtrée à peine par des fenêtres sales et fissurées. Alors qu'elle scrutait autour d'elle, une main se posa soudain sur son épaule. Elle sursauta, un frisson de surprise remontant le long de son échine.

‒ Hé, attends, murmura une voix derrière elle.

C'était Lucas, un sourire espiègle aux lèvres et les yeux pétillants de malice.

‒ Viens avec moi, j'ai trouvé une cachette parfaite.

Sans réfléchir, elle le suivit, se glissant silencieusement dans le dédale labyrinthique de l'hôtel. Ils avancèrent rapidement à travers les couloirs, le bruit de leurs pas étouffé par l'épaisse couche de poussière qui recouvrait le sol. L'homme la conduisit jusqu'à une petite pièce presque entièrement envahie par des piles de rideaux lourds et de draps poussiéreux. Lorsqu'il ouvrit la porte avec précaution, elle grinça légèrement, et Lucas se retourna pour lancer un regard rapide autour d'eux avant de refermer doucement la porte derrière eux. Le clic du verrou semblait faire écho dans le silence.

La pièce était exiguë, à peine assez grande pour accueillir deux personnes. Une vieille commode en bois, recouverte de couches de poussière et de toiles d'araignées, était adossée contre un mur décrépi. Dans un coin, une chaise décolorée par le temps semblait avoir été abandonnée là pour des années. L'air était lourd et sentait légèrement le renfermé, mais cette odeur était étrangement rassurante, comme une couverture protectrice, un petit cocon isolé du reste du monde.

Les deux survivants se faufilèrent entre une pile de tissus et le mur, leurs corps se frôlant involontairement à chaque mouvement. La pièce était plongée dans une obscurité presque totale, avec seulement des éclats de lumière d'après-midi faiblement filtrés par les rideaux usés. Le seul bruit qui parvenait à leurs oreilles était le rire distant d'Arden et d'Amy, mélangé au martèlement incessant de la pluie contre les fenêtres brisées.

‒ T'es sûr que c'est une bonne cachette ? chuchota Sasha, son souffle se mélangeant avec celui de Lucas.

Son corps battait à un rythme effréné qu'elle tenta de calmer en même temps qu'elle essayait de repousser ses pensées de divaguer vers la proximité troublante de l'homme.

‒ C'est parfait. Les filles ne penseront pas à regarder ici, répondit-il sur un ton léger, mais il avait remarqué la tension palpable entre eux.

Un silence s'installa, rempli d'une sorte d'électricité douce. Dans l'obscurité, leurs corps se frôlaient à chaque mouvement imperceptible, comme des vagues s'entrechoquant doucement dans un espace clos. Sasha sentit ses joues s'échauffer malgré elle, un rougissement qu'elle essayait désespérément de maîtriser. Elle tourna la tête vers Lucas, leurs visages se trouvant à peine à quelques centimètres l'un de l'autre dans la pénombre enveloppante. Il se rapprocha d'elle, lentement, laissant leurs nez presque se toucher. Leurs souffles se mêlèrent, et la jeune femme sentit son cœur tambouriner dans sa poitrine. Chaque respiration était un écho du désir latent qu'ils avaient tenté d'ignorer pendant des semaines. Le monde extérieur, avec ses tumultes et ses dangers, semblait avoir disparu un instant, laissant seulement cette bulle fragile d'intimité autour d'eux.

Puis, sans vraiment réfléchir, Sasha combla la distance qui les séparait. Leurs lèvres se rencontrèrent dans un baiser d'abord doux et hésitant, mais qui prit rapidement de l'intensité. C'était comme si toutes les émotions refoulées et les désirs silencieux se déchaînaient enfin.

‒ Ça... c'était inattendu, murmura Sasha, incapable de contenir un sourire malgré elle.

Lucas sourit également, plongeant son regard dans le sien avec une chaleur nouvelle et sincère.

‒ Je dirais plutôt que c'était attendu depuis longtemps. 

Un rire léger, mêlé de soulagement et de bonheur, s'échappa de Sasha, dissipant un instant la lourdeur qui pesait sur ses épaules. Leurs lèvres se retrouvèrent dans un baiser plus assuré, empreint d'une tendresse et d'une passion qui avaient été longtemps mises en veilleuse. Mais ce moment de calme fut brutalement interrompu par une voix forte, étranglée par une panique palpable, qui traversa le silence de l'hôtel comme une détonation.

‒ Alec ! Zak !

Les mots, chargés de peur et de désespoir, percutèrent les deux amants comme un coup de tonnerre. Ils se détachèrent précipitamment l'un de l'autre, leurs visages rougis par l'émotion et la surprise. Le contraste entre la douceur de leur étreinte et l'urgence de la situation était brutal.

‒ Simon ? s'interrogea la jeune femme, reconnaissant la voix chargée de peur.

Les rires des fillettes s'étaient tus instantanément, remplacés par le tumulte de voix inquiètes et les bruits de pas précipités. Un frisson d'angoisse parcourut Sasha alors qu'elle échangeait un regard alarmé avec Lucas, son cœur se serrant à la vue de l'urgence dans les yeux de son compagnon. Sans un mot de plus, ils se précipitèrent vers la porte de leur cachette. En chemin pour le hall, ils croisaient des membres du groupe qui se précipitaient dans la même direction, leurs visages marqués par l'inquiétude. Simon, avec son air tendu, était en train de rassembler tout le monde près de la salle principale. Il se déplaçait rapidement, appelant les noms des personnes manquantes.

‒ Il faut se dépêcher ! Y a une horde de marcheurs qui se dirige vers nous !

‒ On fait quoi ?

‒ On peut pas rester ici, dit Simon avec un ton ferme. L'hôtel tombe en ruine, il ne résistera pas s'ils décident de rentrer. Faut qu'on y aille.

‒ Alors rassemblons nos affaires et partons !

‒ Sous cette pluie ?

Comme pour appuyer les inquiétudes de Lyla, le vent hurla à l'extérieur et battait contre les fenêtres, accompagnant les grondements incessants de la tempête. Les rafales faisaient vibrer les vitres, et l'odeur humide de la pluie pénétrait chaque recoin du bâtiment.

‒ On peut pas prendre de risque, lui répondit Kole, soutenant la décision de son ami. La sécurité de tout le monde est en jeu.

‒ Alors on fait ça. On rassemble ce qu'on peut emporter, on évacue dans la direction opposée à celle des marcheurs, et on cherche un abri temporaire jusqu'à ce que la tempête se calme, décida Lucas avec une voix résolue.

Les membres du groupe hochèrent la tête en signe d'accord et se mirent en route, leurs mouvements furtifs dans l'hôtel créant un contraste étrange avec le tumulte extérieur. Sasha échangea un regard avec Lucas, leur moment intime semblait soudainement un souvenir lointain.

Les sacs furent rapidement chargés avec ce qu'ils pouvaient emporter, et chaque membre fut assigné à une tâche précise pour accélérer le processus. La préparation était frénétique, chacun essayant de se concentrer sur la tâche à accomplir pour éviter que la panique ne prenne le dessus. Une fois tout le monde prêt, ils se dirigèrent vers la sortie arrière de l'hôtel, qui était moins exposée aux regards des infectés.

‒ Restez proches et ne faites pas de bruit, ordonna Simon. On avance en ligne droite jusqu'à ce qu'on soit dans les voitures, ensuite je prends la tête et vous me suivez.

Lorsque le dernier d'entre eux franchit le seuil, ils se retrouvèrent enfin à l'extérieur, accueillis par le déluge implacable de la tempête. Les éclairs illuminaient le ciel en éclats intermittents, leur offrant de brefs aperçus de la route devant eux, alors qu'ils avançaient avec précaution sous la pluie battante.  


◇ ◇ ◇

[Route ; Alabama ; début de soirée]

Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 1 an, 1 mois et 15 jours ;


Le véhicule avançait péniblement sur la route détrempée, les essuie-glaces luttant désespérément contre la pluie battante. Chaque goutte de pluie semblait frapper la voiture avec une violence rancunière. La nuit tombait lentement, le crépuscule se teintant de nuances sombres et inquiétantes alors que la faible lumière du jour cédait progressivement la place à l'obscurité. Les phares du véhicule découpaient un chemin fragile à travers la tempête, illuminant de maigres tronçons de route.

À l'intérieur de l'habitacle, le silence était presque total, seulement entrecoupé par le bruit régulier de la pluie martelant le toit et le cliquetis des essuie-glaces. Simon, au volant, avait les yeux fixés sur la route, son visage crispé par la concentration. À côté de lui, Sasha jetait de fréquents coups d'œil anxieux au rétroviseur pour s'assurer que l'autre voiture les suivait bien. Arden et Amy, épuisées par l'urgence de leur départ précipité, s'étaient endormies, blotties l'une contre l'autre sous une couverture, tandis que Lyla et Lucas, assis de chaque côté, veillaient sur elles.

Soudain, une silhouette surgit de nulle part, se précipitant sur la route devant eux. Le choc de l'apparition soudaine la fit sursauter, un cri s'échappant de ses lèvres.

‒ Attention ! hurla Sasha en pointant du doigt la route.

Réagissant instinctivement, le conducteur fit un écart brutal pour éviter l'impact. Les pneus hurlèrent en perdant brièvement leur adhérence sur le bitume mouillé. La voiture dériva dangereusement vers le bas-côté, se rapprochant des arbres menaçants qui bordaient la route. Simon serra les dents et lutta pour reprendre le contrôle du véhicule, ses mains crispées sur le volant. Le véhicule vacilla un instant avant de retrouver sa trajectoire.

‒ C'était quoi ça ? souffla Lyla, brisant enfin la tension pesante.

‒ Je sais pas... murmura Simon, visiblement troublé. Un infecté ? Ou... quelqu'un d'autre.

Son esprit tournant à toute vitesse, Sasha fixait toujours la route devant eux. Elle sentait l'adrénaline couler dans ses veines, chaque fibre de son être en alerte.

‒ Je... je crois que c'était une personne, répondit-elle, sa voix à peine audible.

‒ On devrait vérifier.

Sasha hocha la tête sans un mot. Elle sentait que quelque chose n'allait pas, une impression désagréable qui s'insinuait en lui, une sorte d'intuition difficile à ignorer. Ses yeux rencontrèrent ceux de Lyla dans le rétroviseur central, qui détourna rapidement le regard pour observer la route par la vitre embuée. Simon hésita un instant, le pied léger sur la pédale de frein. Les risques étaient élevés. Arrêter le véhicule en pleine tempête, sur une route mal éclairée, était loin d'être idéal. Mais Sasha le connaissait assez pour savoir que l'idée de laisser quelqu'un, vivant ou mort, errer seul dans ces conditions lui était insupportable.

‒ Je vais jeter un œil, annonça Simon en détachant sa ceinture.

‒ Je viens avec toi, affirma Lucas, déjà en train de récupérer son arme.

Les deux hommes sortirent du véhicule, leurs silhouettes se fondant rapidement dans les ténèbres de la tempête. Le silence à l'intérieur de l'habitacle devenait presque insupportable. Lyla et elle échangèrent un bref regard, mais aucune des deux ne trouva les mots pour exprimer l'angoisse qui les saisissait. Le seul son perceptible était celui du vent qui hurlait à l'extérieur, ajoutant une touche de malaise à l'atmosphère déjà lourde. Sasha se pencha légèrement en avant, son regard fixé sur l'obscurité à travers le pare-brise, les mains crispées sur ses genoux pour tenter de contrôler le tremblement qui menaçait de la submerger.

Les secondes se transformèrent en minutes interminables. Le souvenir de la silhouette vue un instant plus tôt ne la quittait pas. Ce n'était pas un marcheur, elle en était convaincue. Il y avait quelque chose d'humain, de désespéré, dans la façon dont cette personne s'était jetée sur la route, comme une dernière tentative désespérée d'échapper à quelque chose.

Soudain, dans la lumière vacillante des phares, Sasha distingua à nouveau les silhouettes de Simon et Lucas revenant vers la voiture. Mais cette fois, ils n'étaient plus seuls. Un frisson glacé parcourut son dos lorsqu'elle réalisa qu'ils portaient quelqu'un. Leur progression était laborieuse, comme s'ils luttaient contre le vent et la pluie, mais aussi contre le poids du corps qu'ils soutenaient. Lorsqu'ils furent enfin à portée de la lumière des phares, Sasha put distinguer la forme qu'ils portaient. C'était une jeune femme. Ses vêtements étaient en lambeaux, imbibés d'eau et collés à son corps tremblant. Ses cheveux, également trempés, lui collaient au visage, masquant en partie ses traits. Mais ce qui attira immédiatement l'attention de Sasha, c'était la pâleur effrayante de sa peau, presque translucide sous l'éclat artificiel des phares, et les taches sombres de boue et de sang qui maculaient son corps.

‒ Installons-la dans le coffre, cria la voix de Simon à travers la tempête. Sasha ouvre nous !

Sans attendre, Sasha ouvrit sa portière, le vent s'engouffrant dans la voiture avec une force surprenante, faisant claquer les gouttes de pluie contre ses joues. Elle se précipita hors du véhicule et vient leur ouvrir le coffre. Ils la déposèrent avec précaution, essayant de la ménager. L'inconnue semblait à peine consciente, ses lèvres bougeant faiblement comme si elle essayait de parler, mais aucun son intelligible n'en sortait. Son corps frissonnait violemment, ses yeux clignant dans un effort désespéré pour rester ouverts. Mais ce qui glaça le sang à Sasha était la morsure, béante et infectée, qui marquait sa chair déchiquetée. 

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