Chapitre 23.

[Maison de santé ; Algood, Tennessee ; matin]

Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 1 an, 1 mois et 11 jours ;


Le bruit sourd s'était dissipé, remplacé par un silence oppressant. Les survivants s'aventurèrent prudemment hors du bâtiment, les armes prêtes à faire feu. Trop curieuse pour son propre bien, Sasha prit la place de son frère près de la fenêtre et observa l'extérieur par les interstices entre les planches de bois. Le paysage était calme, de ce genre trop calme qui rendait la tension palpable. Les rares arbres autour de la maison projetaient des ombres longues et inquiétantes, renforçant cette atmosphère. La jeune mère les vit descendre les quelques marches du perron et progresser vers le côté nord. Elle repéra la source du bruit en même temps qu'eux.

Une partie de la vieille clôture, partiellement effondrée en plus d'être rouillée, gisait au sol, des morceaux de métal tordus et éparpillés un peu partout. Au milieu de ce chaos, une silhouette se mouvait difficilement, manifestement blessée, traînant une jambe ensanglantée. Sasha plissa les yeux pour mieux voir, son cœur battant à tout rompre, se demandant s'il s'agissait d'un ennemi ou d'un survivant tout aussi perdu qu'eux. Lucas, Alec et Simon échangèrent des regards tendus avant de décider d'enquêter. La silhouette, une femme, se tourna vers eux en entendant leurs pas. Elle trébucha, se rattrapa in extremis à un morceau encore debout de la clôture et sembla chercher une arme pour se défendre autour de sa taille. Simon et Alec s'arrêtèrent à une poignée de mètre tandis que Lucas continua à avancer encore un peu, les mains levées en signe universel de paix. Anxieuse, la jeune mère observait chaque mouvement de ses compagnons, ses yeux scrutant leurs gestes avec une attention presque désespérée. Sa main était désormais enroulée autour du collier d'Echo. Elle avait attrapé l'animal juste avant qu'elle ne la dépasse, la chienne étant prête à s'élancer à l'extérieur pour les protéger tous. Désormais, elle grognait doucement, les oreilles dressées et les muscles tendus. Un seul relâchement sur le collier et elle serait dehors aux côtés des trois hommes.

‒ Calme, Echo, murmura-t-elle en caressant sa tête à l'aide de son autre main pour essayer de la rassurer.

Les mots échangés par Lucas et l'inconnue n'étaient pas audibles de là où elle se trouvait mais Sasha remarqua néanmoins la détresse sur le visage de l'autre femme. Le bref regard de Lucas vers la maison lui fit comprendre que quelque chose d'important se passait. Celui-ci fit signe à ses deux compagnons d'aider la nouvelle venue et de la soutenir jusqu'à l'intérieur. Kole rouvrit la porte presque à contrecœur, ne lâchant pas la femme du regard, tandis que Gabby se précipita vers elle dès qu'ils entrèrent dans la salle commune. Enfin, se précipita autant que son état fragile le lui permettait. Il guida ses amis vers un matelas près du feu où l'inconnue pourrait être examinée et recevoir des soins.

‒ Allongez-la ici. Qu'est-ce qui s'est passé ?

Les explications que donnèrent les trois hommes étaient brèves et ne contenaient que très peu d'informations sur l'identité de cette femme. Bien que Sasha soit toujours à l'écart et retenait Echo, elle en saisît quelques bribes. L'essentiel fut compris : l'inconnue était à la recherche d'une chose -ou de quelqu'un, avait supposé Simon- et avait remarqué de l'activité dans cette vieille bâtisse. Elle était venue enquêter mais, en fuyant des rôdeurs qui zonaient dans le coin, elle avait fini par se blesser.

‒ Cette coupure date de quand ? questionna Gabby, qui prenait son rôle de médecin du groupe à cœur.

‒ Hier soir. J'ai essayé de la nettoyer mais j'avais rien sous la main.

Sasha observait discrètement la scène, tentant de reconstituer le puzzle à partir des fragments d'informations. Les vêtements de l'inconnue étaient déchirés par endroits et couverts de boue, témoignage d'une vie sur la route et de fuite. Ses yeux, bien que tombant de fatigue, trahissaient une méfiance et une détermination farouche tandis qu'elle répondait aux questions de Gabby et Kole. Ces derniers essayaient d'en apprendre plus sur elle sans la brusquer ou l'effrayer. De son côté, Toby fouillait minutieusement dans son sac à dos, à la recherche de quoi que ce soit de suspect. Ses mains parcouraient chaque poche, chaque recoin. Il sortit des vêtements de rechange, quelques rations de survie en mauvais état, et un couteau de poche émoussé. Rien ne semblait particulièrement menaçant ou compromettant.

‒ Rien d'anormal ici.

Avec des gestes mesurés, Toby remit soigneusement les affaires dans le sac, le referma et le posa délicatement aux pieds de la femme. Il épousseta ses mains, se redressa et reprit position près de la sortie, une main lâche posée sur le manche de son couteau.

‒ Qu'est-ce que vous cherchez exactement ? s'intéressa Kole avant de continuer quand elle ne répondit pas immédiatement. On peut peut-être vous aider, mais pour ça vous devez nous dire ce que vous cherchez.

Le hasard des choses fit que ce fut à cet instant précis que Winnie choisit de venir voir ce qui se passait dans la salle commune. Elle avait été envoyée par Gabby dans l'une des chambres plutôt avec les fillettes pour les éloigner de l'agitation. Mais il semblerait que l'adolescente ressemble à Sasha sur un point : la curiosité les motivait. La porte grinça légèrement en s'ouvrant, et Winnie entra et se faufila jusqu'à Alec sur la pointe des pieds.

‒ Qu'est-ce qui se passe ? murmura-t-elle en balayant la pièce du regard.

Cependant le jeune homme n'eut pas le temps de répondre. Winnie ayant desserrer sa vigilance sur les deux enfants, ces dernières avaient décidé de la suivre et de voir aussi ce qui se déroulait. Le cri de joie d'Arden les étonna tous. L'adolescente, prise de court, ne réussit pas à la retenir tandis que la petite fille se jetait vers la nouvelle venue.

‒ Arden ! s'exclama-t-elle horrifiée.

‒ C'est ma grande sœur ! Lyla !

Les bras tendus en avant, elle s'effondra sur la femme qui grimaça mais accueillit l'étreinte de bon cœur. La dénommée Lyla sourit faiblement, ses yeux s'illuminant, et leva une main pour la poser sur la tête d'Arden afin de caresser ses cheveux. Elle jouait avec les mèches rousses comme pour s'assurer que la fillette était bien là, qu'il ne se s'agissait pas d'un mirage de son cerveau affaibli et épuisé.

‒ Denny, je t'ai cherché partout, j'étais inquiète.

‒ Je suis désolée d'être partie et de ne pas être restée cachée dans la maison, mais Sasha et Lucas m'ont trouvée et m'ont emmenée avec eux. Ils étaient tellement gentils ! Ils m'ont donné à manger et à boire, et j'ai pu dormir sur un vrai matelas cette nuit ! raconta-t-elle avec enthousiasme, on aurait dit qu'elle avait participé à une soirée pyjama. Amy a même partagé ses jouets avec moi. Et ils ont un chien super sympa aussi !

‒ Tu as l'air d'avoir passé un bon moment. Je suis soulagée que tu ailles bien.

Pendant ce temps, Gabby s'activait autour de sa jambe et en examinait avec précaution la blessure. Ses mains expertes manipulaient les bandages et outils rudimentaires qu'il avait à sa disposition pour soigner cette coupure. Quant au reste du groupe, ils oscillaient entre soulagement de voir les retrouvailles des deux soeurs et inquiétude face à l'incertitude que présentait Lyla. Les souvenirs des dernières interactions avec d'autres survivants les rendaient prudents ; et malgré la chaleur de cette scène, la méfiance persistait.

La nouvelle venue semblait avoir à peu près son âge, réfléchit Sasha de son coin où elle observait tout en silence. Malgré son aspect fatigué et poussiéreux, elle dégageait une beauté austère et résiliente qui captivait le regard. Ses cheveux, partiellement rasés, montraient des repousses d'un roux profond, semblable à celui d'Arden, mais avec des reflets cuivrés éclatants à la lumière du feu. Une cicatrice fine mais prononcée marquait son visage : elle débutait près de sa narine gauche, se prolongeait en une ligne fine et irrégulière, remontant jusqu'au coin externe de son œil gauche ; juste une histoire silencieuse gravée sur sa peau.

‒ ... soin de ma sœur, je m'appelle Lyla.

Sa voix sortit Sasha de sa contemplation. Leurs regards s'étaient croisés et elle avait dû percevoir l'intensité de l'observation de la jeune mère.

‒ Bien sûr, ce n'était pas un problème, répondit Kole sincèrement. Arden semblait avoir besoin d'un endroit sûr, nous sommes ravis d'avoir pu l'aider.

‒ Je ne sais pas comment vous remercier pour ça. Dans ce monde... c'est rare de trouver des gens aussi... généreux.

‒ Vous n'avez pas à nous remercier, assura alors Sasha avec un doux sourire. Nous sommes tous dans le même bateau ici. Chacun essaie de survivre comme il peut.

‒ Arden et moi... nous avons rencontré notre lot de personne qui n'avait pas de bonnes intentions.

‒ Nous comprenons, nous venons tous juste de sortir d'une situation difficile aussi, grimaça Adam en rejoignant le médecin et la femme près du feu. Certains types sont justes des enflures.

‒ Adam, les enfants, le gronda son frère aîné, en jetant d'abord un regard vers Amy puis vers Arden.

‒ Quoi ? C'est juste la vérité. Et puis les petites ont vécu pire qu'entendre un gros mot.

‒ En tout cas, je suis désolée que vous ayez dû vivre ça toutes les deux, compatit la jeune femme. Vous êtes en sécurité ici, autant que possible.

‒ Oui, nous sommes un petit groupe mais nous nous entraidons, affirma Winnie avec un grand sourire, les mains posées sur les épaules d'Amy.

‒ Merci, répéta la femme avec un sourire. Ça fait longtemps que je rêvais d'entendre des mots de ce genre.

‒ Tu dois avoir faim ! Je vais préparer un truc ! s'exclama l'adolescente, toujours à la recherche d'un moyen de faire plaisir aux autres. Tu aimes la soupe de légumes ? On en a un tas !

Elle n'attendit pas la réponse de Lyla et s'éloigna vers leur stock de nourriture avec la sérieuse intention de préparer le repas. Elle fouilla dans les caisses, sortant des légumes qui avaient soigneusement été mis de côté. Chaque mouvement était empreint de détermination, comme si le simple fait de cuisiner pouvait renforcer les liens au sein de leur groupe hétéroclite.

‒ Elle est pleine d'énergie, commenta Lyla, presque en murmure.

‒ C'est peu dire, confirma Sasha avec un rire.

‒ Merci encore. De m'avoir aidé.

‒ Vous êtes les bienvenues ici, Arden et toi, si vous n'avez pas d'endroits où aller, déclara alors Kole. On ne sait jamais ce que l'avenir nous réserve mais ensemble, on est plus forts.


◇ ◇ ◇

[Maison de santé ; Algood, Tennessee ; matin]

Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 1 an, 1 mois et 11 jours ;


Après que Winnie et Zak eurent terminés de préparer leurs petits déjeuners, le groupe s'était rassemblé autour du feu de camp. Les premiers rayons du soleil matinal se glissaient à travers les interstices des vieilles planches qui couvraient les fenêtres ; elles diffusaient une faible lumière dans la salle commune. C'était agréable, plus que de se réveiller avec le soleil qui tapait fort quand ils dormaient au milieu du terrain de baseball. La luminosité était assez suffisante pour qu'ils puissent distinguer les formes des meubles dans la pièce, la lueur des flammes compensant le reste. Bien que les mois les plus froids commençaient à se retirer, le feu continuait d'offrir un réconfort bienvenu aux membres du groupe.

‒ Ce ragoût est une bénédiction, murmura Lyla, les mains autour d'un bol fumant et les yeux fermés de plaisir. Ça faisait trop longtemps qu'on avait pas mangé un truc aussi bon !

‒ Ouais, c'est pareil pour nous. On a galéré un peu ces dernières semaines mais on a eu de la chance. La cafétéria était pleine de conserves de qualité et Zak a trouvé des légumes sauvages à quelques kilomètres de la maison.

Alors que des murmures amicaux remplissaient l'air et que les conversations allaient de bon train, Sasha sentit que le moment était propice pour en apprendre davantage sur les deux soeurs. La veille, le groupe n'avait pas cherché à interroger Arden. La fillette était déjà assez secouée et peureuse, ils ne voulaient pas en faire trop.

‒ Lyla, d'où vous venez, toi et ta sœur ?

L'aînée releva les yeux de son ragoût, rencontrant les regards attentifs de tous les membres du groupe qui s'étaient tus pour l'écouter raconter.

‒ On vient d'un petit village à l'est de la Caroline du Nord. Creswell, si vous connaissez. Avant que tout s'effondre partout, nous avions une vie paisible. Notre communauté est... était ? assez soudée. Pas plus de trois cents habitants, ça créé des liens vous savez. Mais quand les choses ont dégénéré, notre village a été attaqué par des pillards. Des types qui se croyaient tout permis après que le gouvernement soit tombé et que les forces de l'ordre soient débordées, cracha-t-elle avec colère. Ils ont tout pris, ils ont mis le feu à nos maisons. Nos parents... ils ont pas survécu.

Ses yeux brillants de larmes non versées, elle fit une pause tandis qu'elle serrait doucement la main de sa petite sœur. Cette dernière s'était rapprochée d'elle quand elle avait commencé à parler, cherchant refuge dans ses bras. Ses yeux étaient plein de tristesse et cela brisait le cœur de Sasha.

‒ Denny et moi, on a réussi à se cacher et à nous enfuir avant qu'ils nous trouvent. Depuis, on erre de refuge en refuge, on essaie de trouver un endroit sûr. Une maison... nos rencontres ont parfois été bonne, d'autres fois moins, avoua-t-elle avant de marquer une nouvelle pause, son regard se perdant dans le vide et sa main caressant machinalement les cheveux d'Arden. Récemment, un groupe est tombé sur nous ; ils semblaient amicaux au début, mais ils ont vite montré leur vrai visage. Ils nous traitaient comme des esclaves, nous obligeaient à travailler pour eux en échange de maigres rations.

‒ Je suis sincèrement désolé que vous ayez du vivre ça, soupira Simon toujours plein d'empathie.

‒ Nous aussi. Mais on a jamais cessé de croire qu'il y avait encore du bien chez les gens, pas vrai Denny ?

‒ Si ! Papa dit toujours que si tu es bon alors les choses s'arrangeront pour toi ! Et que tu rencontreras d'autres personnes bonnes aussi !

‒ Ca va peut-être être difficile à croire au début, mais c'est ce qu'on est : des gens bien, assura Gabby avec un petit sourire. Vous verrez.

‒ Ouais, on est comme une grande famille ! ajouta Toby en levant son bol comme s'il portait un toast. Avec ses hauts, ses bas et ses disputes. Hourra !

‒ Et comme je l'ai déjà dit, nous sommes toujours prêts à accueillir plus de monde dans cette famille, précisa Kole.

‒ C'est gentil, et ça donne envie. Et vous, vous vous êtes tous rencontrés comment ? demanda curieusement Lyla par la suite, son regard se baladant d'un visage à un autre, avide d'en apprendre plus sur leurs compagnons de fortunes.

‒ Les gars, Amy et moi faisions partie d'un groupe plus grand à l'origine, commença Alec, désireux de partager leur histoire, tandis qu'il pointait Lucas, Toby, Zak, Gabby et Kole. On avait tous trouvé refuge dans un camping à des kilomètres de New York.

‒ Je sais pas ce qui nous a tous amené à choisir cet endroit en particulier mais il nous semblait sécurisant, contribua Lucas. C'était chaotique chez nous aussi, tout s'est effondré si rapidement.

‒ On avait entendu dire que c'était moins pire vers la côte ouest, poursuivit le jeune mexicain. Des murmures d'autres survivants qui voulaient tenter leur chance là-bas. Ils parlaient de zones où le gouvernement avait repris le contrôle, de camps sécurisés. Mais quand Sasha nous a rejoint, elle nous a affirmé que c'était partout pareil. Elle a traversé tout le pays pour venir nous retrouver, Amy et moi. Elle savait mieux que nous ce qui se trouvait là-dehors.

‒ Sasha est la sœur d'Alec, et la mère d'Amy, intervient Adam en ébouriffant les cheveux de la fillette qui gloussa. Elle était en Californie quand tout ça a débuté.

‒ Ca a dû être un sacré voyage, dit Lyla en se tournant vers Sasha.

‒ Oui, ça l'a été. Mais j'ai eu l'occasion de faire plus de bonnes rencontres que de mauvaises, je considère que j'ai eu beaucoup de chance. Winnie est l'une d'entre elles, probablement la première à avoir tant apporté à ma survie.

Les instants de sa rencontre avec l'adolescente lui revinrent en tête, et elle se perdit dans ses souvenirs. Elle se souvenait de la profonde solitude qui l'avait envahie durant les premiers temps de sa survie, une solitude qui menaçait de la rendre folle. La rencontre avec Winnie avait été une véritable bouée de sauvetage. L'adolescente, avec sa résilience et sa détermination, avait apporté une lumière dans les jours les plus sombres de Sasha. Son sourire éclatant malgré les circonstances avait redonné à Sasha un espoir qu'elle avait presque perdu. Depuis, elles étaient devenues inséparables, formant un duo complémentaire. Ensemble, elles avaient surmonté de nombreux obstacles, partagé des moments de joie comme de peine, et tissé un lien indéfectible. Sasha se rendait bien compte que sans Winnie, son voyage aurait été infiniment plus difficile.

‒ Winnie a été ma première vraie alliée, poursuivit-elle en sortant de sa rêverie. Elle m'a appris que, même dans le pire des cas, il y a toujours de l'espoir. Et depuis, nous avons continué à avancer ensemble.

‒ Il ne faut pas oublier Echo ! S'exclama alors l'adolescente, les joues rouges, rendue timide par les mots de son mentor. On l'a trouvé en chemin. Elle était seule aussi, tremblante et affamée ; on ne pouvait pas la laisser derrière nous, alors on l'a adopté !

La mention de son nom fit réagir la chienne, qui se trouvait loyalement à ses côtés. Elle leva la tête, aboya et remua la queue. Sasha grimaça quand elle remarqua que sa fourrure autrefois dorée était pleine de terre, de sang et d'autres tâches aux origines inconnues. Comme tout le monde ici, Echo avait bien besoin d'un bain.

‒ Puis elles sont tombées sur nous peu après, continua le plus jeune des frères Matthews, souriant en se rappelant leur rencontre fortuite. C'était comme si le destin avait enfin décidé d'être un peu de notre côté. Les filles sont arrivées comme des anges gardiens dans un moment où on avait vraiment besoin d'aide.

‒ Nous étions dans une situation similaire à la vôtre, admit Simon avec un signe de la tête vers Lyla pour lui signifier qu'il parlait d'elle. Notre groupe a été dispersé pendant une attaque de rôdeurs. Tout notre campement a été détruit, et nous avons décidé de descendre vers le sud. Cette rencontre avec vous a été un vrai tournant pour nous. On s'est vite rendu compte qu'on avait plus de chance ensemble que chacun de notre côté.

Winnie, assise à côté de Simon, rit doucement et entoura son cou de ses bras, évitant de peu de faire basculer le bol qu'il tenait. À côté, Echo, troublée par le mouvement brusque, émit un léger aboiement mécontent avant de se retirer pour se blottir près d'Amy.

‒ Et depuis, on ne s'est jamais quittés ! sourit l'adolescente avec joie.

‒ Si j'ai mon mot à dire, alors ça restera ainsi pour très longtemps, assura l'homme en acceptant son étreinte de bon cœur.

Le petit déjeuner se déroula dans une bonne ambiance, ponctuée de rires et de petites anecdotes sur les rencontres des uns avec les autres et sur les premiers jours vécus ensemble. Il était évident que tous partageaient une connexion profonde, forgée par leur survie et leurs expériences communes au fil du temps. Et Lyla s'intégrerait bien au groupe si elle décidait de rester avec sa sœur ; elle apportait avec elle un humour léger qui faisait souvent rire les autres. Ses commentaires bien placés et son sourire espiègle illuminaient les conversations, créant un sentiment de camaraderie encore plus solide autour du feu de camp. Quant à Arden, il était certain qu'elle formait avec Amy un joli petit duo. Les fillettes étaient inséparables depuis qu'elles s'étaient trouvées. Le lien qui se tissait entre elles était nourri par leur jeunesse et leur étonnante capacité à faire face à ce type d'horreur et pourtant garder leur innocence. Pour Sasha, voir sa fille ainsi entourée d'une enfant de son âge était une véritable bénédiction. Après des mois passés avec principalement que des adultes, la voir s'épanouir aux côtés d'Arden lui procurait un réconfort indéniable. C'était donc avec tendresse qu'elle les observait jouer ensemble.

Lentement, les conversations prirent un tournant plus sérieux alors que le groupe amena le sujet sur leur plan pour l'avenir. Ce fut Kole qui rompit le premier cette bonne ambiance avec une grimace coupable.

‒ Faut qu'on pense à la suite. On peut pas se permettre de rester trop longtemps ici, les types qui nous ont attaqué ou ceux que Lyla et Arden ont fui pourraient débarquer à n'importe quel moment. On doit continuer à avancer vers l'ouest, et vite.

‒ Le plan initial était de partir ce matin, en espérant que Gabby soit assez fort pour voyager après son infection, continua Simon toujours au fait. Mais maintenant, avec Lyla blessée aussi...

Sa phrase fut laissée en suspens pour que chacun puisse lui-même saisir l'ampleur de la situation. Ils n'étaient pas dans la meilleure des formes pour la plupart mais deux éléments faisaient défauts. Et ce n'était pas leur voiture qui les sauverait. Une seule pour quatorze personnes posaient un problème logistique majeur. Pensif, Zak croisa les bras sur son torse et se mordilla l'intérieur de la joie avant de suggérer :

‒ On pourrait peut-être s'organiser en groupes plus petits. Certains partiraient en avance vers un lieu choisi avec les provisions les plus essentielles, puis les autres suivraient à pied en empruntant des routes moins fréquentées. Ça rallongerait le trajet, mais ce serait faisable. Et au moins Gabby, Lyla et les petites seraient en voiture.

‒ Ça pourrait marcher, approuva Lucas avec un hochement de tête. Mais il faudrait s'assurer que les groupes soient équilibrés en termes de compétences et de force physique. Certains d'entre nous pourraient aussi rester en arrière pour sécuriser notre campement actuel et assurer notre retraite en cas de besoin.

‒ Non, personne ne reste derrière, refusa immédiatement Simon.

‒ Je suis d'accord, approuva alors Sasha. Il vaut mieux rester ensemble le plus possible.

Pendant de longues minutes, la discussion se poursuivit sans qu'un choix ne soit réellement arrêter. Les idées surgissaient de tous les côtés pour résoudre leur dilemme logistique. Finalement ce fut Adam qui proposa le plan que tout le monde approuva.

‒ Pourquoi on n'essaierait pas de localiser d'autres véhicules abandonnés en étant de marche dans les environs ? J'ai vu un petit garage à quelques kilomètres d'ici quand on est arrivé. Ça vaudrait le coup d'aller voir, suggéra-t-il, son regard scrutant la carte que Zak avait sorti de son sac au début de la conversation.

‒ Oui, et on peut envoyer un petit groupe en reconnaissance. Voir si le garage est encore utilisable et s'il y a d'autres véhicules, proposa à son tour Alec. Et si on trouve une voiture, on la prend. Sinon, on improvise.

‒ Ce ne sera pas sans risques, prévint Sasha. Mais nous n'avons pas vraiment le choix. Plus tôt nous trouverons une solution, mieux ce sera pour tout le monde.

‒ Il nous faut aussi des vivres, et des armes. Ça devient crucial.

Les membres du groupe hochèrent la tête en accord. Décidant de structurer leur plan d'action et de faire une synthèse de ce qui avait été abordé, Lucas reprit la parole.

‒ OK alors voilà ce qu'on va faire. On va partir en deux groupes, décida-t-il. Un groupe pour le garage, et l'autre pour la nourriture et les armes. On se retrouve ici ce soir, ou plus tôt si on trouve quelque chose de crucial.

L'air vibrait d'une nouvelle énergie alors que chacun se préparait mentalement pour les tâches à accomplir. Les préparatifs commencèrent, des sacs furent préparés, des armes vérifiées.



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