Chapitre 22.
[Maison de santé ; Algood, Tennessee ; après-midi]
Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 1 an, 1 mois et 10 jours ;
Le mois écoulé avait été une épreuve pour le groupe tout entier. Depuis leur fuite de l'abri sécurisé à Unionville, les survivants n'avaient rencontré que des difficultés. Là-bas, ils avaient cru pouvoir reprendre lentement une vie normale, espérant laisser derrière eux les horreurs vécues. Quel doux rêve cela avait été. Si seulement...
Alors qu'ils débattaient de leur prochaine destination – certains plaidaient en faveur d'un camp militaire pour obtenir de l'aide, d'autres préconisaient de rester discrets – la blessure de Gabby s'était infectée, bouleversant leurs plans. La priorité était alors de trouver des antibiotiques. Sasha avait été accablée par la culpabilité et la honte pendant des jours, malgré les assurances de l'apprenti médecin selon lesquelles elle avait fait de son mieux avec les moyens du bord. L'infection avait, heureusement, été contrôlé avant qu'elle ne s'empire en une septicémie de laquelle il aurait pu succomber.
Cependant, la quête avait été coûteuse en termes de pertes matérielles pour le groupe. Une première voiture avait vu un de ses pneu crevé alors qu'ils cherchaient à s'échapper d'une ville trop peuplée de rôdeurs. Une seconde était tombée en rade d'essence au beau milieu de nulle part. Les survivants avaient dû se séparer d'une partie de leurs affaires et s'entassaient dans la dernière. C'était un miracle qu'ils tombent sur cette maison de santé dans le Tennessee qui avait les bons médicaments après des jours de voyage à travers plusieurs États. Une semaine plus tard, ils étaient toujours là, attendant que Gabby retrouve suffisamment de forces. Son état trop fragile l'empêchait de se tenir debout et donc de voyager.
‒ C'est pas grave si tu en trouves pas, assura Simon avec un haussement d'épaules alors que Sasha étudiait la liste des fournitures nécessaires qu'il lui avait donnée. C'est juste que Kole a mentionné qu'il adorait ça alors... j'avais envie qu'on lui fasse plaisir, tu sais.
Sasha examina la liste, le front légèrement plissé. Elle savait que trouver ces fournitures spécifiques serait difficile dans ce monde en ruines, mais elle était déterminée à essayer pour remonter le moral du groupe.
‒ Je vais voir ce que je peux faire.
‒ Tu es sûre que tu ne veux pas que je t'accompagne ? demanda-t-il, l'expression soucieuse.
‒ Non, ce n'est pas nécessaire. Lucas s'est déjà proposé. On va faire vite et on sera de retour avant la nuit.
Pendant une seconde, l'homme ne dit rien, mais un petit sourire taquin se dessina sur son visage.
Sasha leva un sourcil, amusée par la tentative de Simon de la taquiner.
‒ Et toi et Kole alors ? rétorqua-t-elle en le poussant doucement.
Simon rit doucement, secouant la tête.
‒ Oh, nous ? Ce vieux grincheux et moi, c'est une histoire compliquée. Mais bon, on se supporte.
Kole, qui était en train de vérifier son équipement à quelques pas de là, leva la tête avec un air faussement offensé.
‒ Hé, je ne suis pas vieux ! Je suis juste expérimenté.
Simon éclata de rire devant la réponse de Kole, secouant la tête.
‒ D'accord, d'accord, tu as raison. Expérimenté, alors.
Sasha sourit devant l'échange léger entre les deux hommes, puis se tourna vers Lucas, prête à partir. Après avoir quitté la maison de santé, Lucas et Sasha marchaient silencieusement à travers les rues désertes, le bruit étouffé de leurs pas seulement ponctué par le vent qui soufflait entre les bâtiments en ruine. Sasha ne pouvait s'empêcher de sentir une tension latente entre eux. Quand Lucas rompit enfin le silence, sa voix était empreinte d'une hésitation perceptible.
‒ Tu penses souvent à l'avenir ? choisit-il ses mots avec soin.
‒ Parfois... Mais c'est difficile. On vit au jour le jour, tu sais. Il est difficile de penser à un avenir stable dans un monde comme celui-ci.
Ils avaient rarement eu l'occasion d'aborder des sujets aussi intimes, elle n'était pas sûre de se sentir prête à partager ses pensées avec lui. Lucas acquiesça lentement, ses pensées visiblement ailleurs.
‒ Je comprends. Mais parfois, je me demande... si nous survivons à tout ça, que ferons-nous après ? Est-ce qu'il y aura un "après" ?
Sasha le regarda avec sérieux, captivée par la profondeur de ses paroles.
‒ J'aimerais croire qu'il y aura un "après". Une chance de reconstruire quelque chose de normal. Peut-être retrouver un endroit sûr, vivre sans avoir peur à chaque instant...
‒ J'ai peur que même si nous trouvons un refuge sûr, le poids de tout ce que nous avons vécu nous suive. Que nous ne puissions jamais vraiment oublier. Pardon, je ne veux pas te mettre mal à l'aise, se reprit-il. C'est juste que, je veux que tu saches que je suis là, pour toi et pour Amy. Peu importe ce qui arrive.
Un poids se leva de ses épaules. Lucas ne mentionnait pas explicitement leur relation naissante, mais son soutien inconditionnel était clair. Elle se tourna vers lui, croisant son regard intense.
‒ Merci, Lucas. Ça signifie beaucoup pour moi, murmura-t-elle, sentant une connexion plus profonde se former entre eux, au-delà de la simple survie.
Lucas lui offrit un sourire chaleureux en retour. Ils continuèrent leur chemin en silence chacun plonger dans ses propres pensées, mains presque se touchant. Arrivés au bout du quartier, ils tournèrent dans une rue résidentielle et cherchèrent une maison à inspecter. La jeune mère repéra une qui semblait prometteuse. Un peu isolée des autres bâtiments, elle était entourée d'un mur de briques avec des panneaux solaires sur le toit. Sasha la désigna du doigt et Lucas hocha la tête. Au portail, ils échangèrent un regard rapide avant de pousser doucement la grille métallique rouillée. Le grincement des gonds fit palpiter leurs cœurs. Après avoir refermé la porte derrière eux pour se protéger des rôdeurs errants, ils gravirent l'allée pavée menant à la porte d'entrée principale. L'homme, armé et vigilant, prit la tête et enfonça la porte avec une lenteur calculée, s'attendant à chaque instant à être accueilli par un infecté tapi dans l'ombre. Après un moment tendu où rien ne leur sauta dessus, ils s'aventurèrent tous deux dans le hall d'entrée. L'obscurité et l'odeur de renfermé les enveloppèrent alors qu'ils vérifiaient méticuleusement chaque coin et recoin, cherchant tout signe de danger ou de présence humaine. Ils montèrent ensuite les escaliers étroits et grinçants qui menaient à l'étage supérieur, où chaque pas résonnait dans le silence oppressant de la maison abandonnée. Alors que Lucas inspectait la salle de bain avec une lampe de poche, Sasha avança prudemment jusqu'à la dernière chambre au bout du couloir.
La chambre semblait tout droit sortie d'un conte de fées, avec ses murs peints en rose vif et ses draps à l'effigie de "Raiponce", éparpillés sur le lit défait. Des jouets colorés jonchaient le sol, témoins de jeux interrompus depuis longtemps. Sasha baissa son arme et s'accroupit pour ramasser une peluche délavée, autrefois blanche, avant de la replacer délicatement parmi les autres trésors abandonnés. Alors qu'elle se relevait, un léger bruit étouffé émana du placard la mit en alerte. Son cœur battait la chamade dans sa poitrine lorsqu'elle s'approcha lentement, son arme pointée droit devant elle. La main gauche crispée sur la poignée, elle inspira profondément avant de tirer brusquement la porte. La porte s'ouvrit dans un grincement sourd, révélant une petite fille, les yeux écarquillés par la terreur, levant les mains en signe de soumission.
La mexicaine baissa lentement son arme, bouleversée par la vision de la petite fille recroquevillée dans le coin sombre du placard, tremblante. La fragilité de cette enfant était frappante, si éloignée de la violence et de la cruauté qui régnaient désormais et auxquelles le groupe s'était habituée. Dans ce monde devenu hostile, les enfants étaient parmi les plus vulnérables mais aussi paradoxalement parmi les plus résilients. Ils savaient se cacher, se taire, ils croyaient aux monstres avant même qu'ils n'arrivent.
‒ Y a rien dans les autres pièces, annonça Lucas en entrant dans la chambre. Qu'est-ce que tu regardes dans le placard ?
La petite fille se recroquevilla encore plus profondément à l'approche de Lucas, ses grands yeux effrayés fixant le nouveau venu avec une appréhension palpable.
‒ Qu'est-ce que-
Essayant de calmer l'atmosphère tendue, la jeune femme s'accroupit doucement en posant son sac devant elle. Avec précaution, elle en sortit une bouteille d'eau et en retira le bouchon.
‒ Tu fais quoi ? s'inquiéta Lucas à voix basse. Elle pourrait être dangereuse !
‒ Ce n'est qu'une enfant, Lucas, répondit-elle calmement, tout en tendant lentement la bouteille d'eau à la petite fille. Tiens ma puce, prends-la. Tu dois avoir soif.
La fillette, après un moment d'hésitation prudente, tendit la main pour saisir la bouteille. Ses doigts tremblaient légèrement en tenant fermement le plastique, comme si elle craignait encore un piège dans cette scène trop belle pour être vraie. Elle dévisagea Sasha avec une méfiance mêlée à l'espoir. Elle approcha lentement la bouteille de ses lèvres et but avec une avidité surprenante, comme si elle n'avait pas eu accès à de l'eau potable depuis longtemps.
‒ Est-ce que tu as faim ?
La fillette hocha la tête timidement.
‒ Attends quelques secondes.
Sasha fouilla dans son sac à dos et en sortit une barre chocolatée qu'elle lui tendit.
‒ Je suis désolée, je n'ai que ça.
Elle la remercia d'un murmure étouffé avant de déballer la barre chocolatée et de commencer à manger avec précaution.
‒ De rien, répondit Sasha tandis qu'elle examinait rapidement la fillette pour s'assurer qu'elle n'était pas blessée. Je m'appelle Sasha et lui, c'est Lucas, continua-t-elle en désignant son partenaire d'un léger geste de la tête. C'est quoi ton nom ma puce ?
‒ Arden.
‒ D'accord, Arden. Tu veux bien sortir de ce placard ? Je te promets qu'on ne te fera pas de mal.
Elle les regarda quelques instants avec méfiance, puis s'avança lentement à quatre pattes hors du placard avant de se relever, restant près du lit avec une prudence palpable. En voyant son hésitation, la jeune femme lui adressa un sourire doux et encourageant.
‒ Viens avec nous, Arden. Nous avons un endroit sûr où tu pourrais être en sécurité, un groupe avec qui restait. Nous pourrons t'aider.
Arden baissa les yeux un instant, semblant réfléchir. Puis, elle hocha lentement la tête, ses cheveux roux tombant autour de son visage pâle et poussiéreux.
‒ D'accord, murmura-t-elle à peine audible.
Avec ses grands yeux clairs, la fillette ressemblait à une incarnation de l'innocence et la naïve. Comment avait-elle pu survivre jusque-là ? Avait-elle été seule ? C'était un soulagement de l'avoir trouver et qu'elle ait accepté de les suivre. Sasha ne pouvait s'empêcher de comparer Arden à sa propre fille. Malgré leur jeune âge, les deux partageaient une insouciance apparente et une force de caractère surprenante. Elle se demanda comment Amy réagirait dans une telle situation, et son cœur se serra à cette pensée. Sa fille avait la chance d'avoir une famille pour la protéger, mais Arden avait dû survivre seule, développant une résilience qui ne devait pas être nécessaire pour un enfant.
‒ Nous devrions rentrer au campement, dit Lucas doucement dont le regard était teinté de préoccupation. Elle pourrait avoir besoin de soins supplémentaires.
Ensemble, ils quittèrent la chambre et descendirent prudemment les escaliers, Arden restant près de Sasha comme si elle cherchait un peu de réconfort dans sa présence maternante. Une fois dehors, Sasha et Lucas prirent la tête, guidant Arden à travers les rues désertes vers leur campement. Arden marchait silencieusement, ses yeux scrutant les environs comme si elle cherchait quelque chose ou quelqu'un. Après un moment, Sasha décida de briser le silence.
‒ Arden, est-ce que tu as des membres de ta famille quelque part ? Des personnes qui pourraient s'inquiéter pour toi ?
‒ Non... je suis seule.
Sasha remarqua une lueur de tristesse dans les yeux d'Arden, mais elle n'insista pas. Elle se contenta de lui sourire doucement et de lui assurer qu'elle serait en sécurité avec eux, qu'ils ne la laisseraient pas tomber.
◇ ◇ ◇
[Maison de santé ; Algood, Tennessee ; après-midi]
Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 1 an, 1 mois et 10 jours ;
La maison de santé, bien que quelque peu délabrée, présentait une façade en briques rouges marquée par le temps et l'abandon, souvenirs d'une époque révolue bien avant l'apocalypse. Malgré son état, elle offrait au groupe une structure solide et des espaces relativement sécurisés. Une clôture en fer forgé, partiellement rouillée, entourait la propriété, protégeant à la fois le bâtiment et la petite cour envahie par les mauvaises herbes et les déchets. En passant la porte d'entrée, aussi vieille que massive, on débouchait sur une réception poussiéreuse. Les murs étaient ornés d'anciennes affiches de prévention médicale et les sols, recouverts de carreaux blancs et noirs au style vintage, montraient des signes de vieillissement : certains étaient fissurés, d'autres manquaient. Le bâtiment comprenait plusieurs chambres, offrant suffisamment d'espace pour que chaque membre du groupe puisse avoir son propre coin. Cependant, par prudence et besoin de sécurité, ils s'étaient regroupés dans une poignée d'entre elles, préférant rester proches les uns des autres.
Les doigts se resserrant instinctivement sur la poignée de la lourde porte d'entrée, la jeune femme frappa trois fois, une série de coups convenus pour annoncer leur retour, avant de reculer légèrement pour laisser place à Alec qui ouvrit presque immédiatement. Son visage tendu par l'inquiétude se détendit légèrement lorsqu'il reconnut sa sœur et Lucas, mais son regard s'arrêta avec surprise sur la petite silhouette timide qui se tenait à côté d'eux.
‒ Qui c'est ? demanda-t-il, ses yeux se plissant de curiosité mêlée de méfiance.
‒ Elle s'appelle Arden, répondit Sasha d'une voix douce, posant une main réconfortante sur l'épaule de la fillette. On l'a trouvée seule dans une maison abandonnée. Elle... elle n'a plus personne.
Lucas entra le premier, maintenant la porte pour les deux autres. Intriguée par la nouvelle arrivée, Amelia s'approcha lentement, comme si elle avait peur de la faire fuir, et lui offrit un sourire.
‒ C'est ma fille Amy, la présenta Sasha.
‒ Tu veux jouer avec moi ? demanda-t-elle avec l'innocence et la curiosité propres aux enfants.
Arden regarda Sasha avec une lueur d'incertitude, cherchant la confirmation qu'elle pouvait accepter l'invitation muette. Sasha lui adressa un sourire encourageant et lui fit un léger signe de la main. Après un bref moment d'hésitation, la fillette hocha timidement la tête. Amy, visiblement ravie d'avoir une nouvelle amie à ses côtés, sautilla autour d'elle avec une énergie contagieuse. Les deux enfants se lancèrent dans une sorte de cache-cache improvisé autour des fauteuils usés de la salle commune. Amy, avec sa vivacité enfantine, faisait de grands gestes et riait aux éclats, essayant de montrer à Arden comment jouer. Cette dernière suivait doucement le rythme, ses gestes plus hésitants, mais elle esquissait parfois un sourire timide en réponse aux tentatives enthousiastes de sa nouvelle amie.
Le groupe, observant silencieusement la scène, sentait le besoin pressant de comprendre l'histoire de cette petite fille. Finalement, c'est Adam qui brisa le silence.
‒ Comment vous l'avez trouvée ?
‒ On explorait une maison abandonnée et je l'ai trouvée là, cachée dans un placard, expliqua la jeune mère. Elle était seule, terrifiée. On a dû la rassurer avant qu'elle accepte de nous suivre.
Les membres du groupe écoutaient attentivement, comprenant la gravité de la situation, et jetaient des coups d'œil à la fillette. Derrière son sourire timide se lisait une profonde détresse. Lorsqu'ils l'avaient trouvée, Arden semblait perdue, affamée et assoiffée. Ses vêtements étaient sales et en lambeaux, ses cheveux emmêlés, et son visage marqué par la fatigue et la peur. Même dans cet abri temporaire, elle gardait une aura de vulnérabilité qui fendait le cœur de tous ceux qui la regardaient.
‒ On va lui trouver un endroit où dormir, assura Simon. Et on va s'assurer qu'elle se sente chez elle avec nous.
Avec un soupir de soulagement, Sasha se laissa tomber sur un canapé usé, sentant enfin le poids de la journée sur ses épaules. Lucas s'installa doucement à côté d'elle, leur proximité offrant un réconfort silencieux dans la pénombre de la pièce.
‒ On a bien fait, murmura-t-il en regardant Sasha. On ne pouvait pas la laisser là-bas.
Un léger sourire se dessina sur les lèvres de Sasha, reconnaissante pour le soutien évident de l'homme.
‒ Oui, on a bien fait, répondit-elle, les yeux fixés sur les deux enfants qui jouaient dans un coin de la pièce. Maintenant, il faut qu'on s'assure qu'elle soit en sécurité ici, avec nous.
Ses pensées se tournèrent vers l'avenir, réfléchissant à la façon dont ils allaient intégrer Arden à leur groupe.
◇ ◇ ◇
[Maison de santé ; Algood, Tennessee ; soir]
Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 1 an, 1 mois et 10 jours ;
Dans la douce quiétude de la soirée, l'abri temporaire résonnait des murmures apaisants des membres du groupe, des craquements occasionnels du vieux bâtiment et du léger crépitement du feu allumé par Zak au milieu de la salle commune. Amy et Arden étaient assises côte à côte sur un matelas improvisé au sol, entouré de quelques couvertures usées mais réconfortantes. La journée avait été longue et épuisante, tant pour les adultes préoccupés par la survie que pour les enfants qui, malgré leur innocence, ressentaient l'atmosphère pesante. Sasha s'approcha doucement des deux filles, un sourire chaleureux sur les lèvres. Elle portait une lampe de poche pour éclairer leur chemin dans l'obscurité croissante de la pièce.
‒ Il est temps d'aller au lit, dit-elle avec un regard évident pour sa montre, sachant que la routine offrait un semblant de normalité dans leur vie perturbée.
Amy hocha la tête, ses grands yeux brillants de curiosité et d'excitation.
‒ Je vais montrer à Arden où elle peut dormir ! s'exclama-t-elle avec un enthousiasme contagieux alors qu'elle la tirait vers une pièce adjacente.
Arden, habituée à être timide et réservée, regarda timidement autour d'elle, incertaine. La journée avait été particulièrement éprouvante pour elle, qui se retrouvait soudainement entourée d'étrangers. Elle était toujours en train de s'adapter à ce nouveau cadre et aux visages inconnus. La chaleur de la pièce et la gentillesse d'Amy la rassuraient peu à peu, mais elle restait réservée. Ses mouvements hésitants trahissaient sa fatigue et son appréhension.
‒ Regarde ! C'est ton matelas. Il est doux, même s'il est vieux, déclara Amelia, tapotant le matelas comme pour lui assurer qu'il était confortable. Le mien est juste là ! Et celui de maman là ! Winnie et Echo dorment dans une autre pièce parce que Echo ronfle en ce moment et ça m'empêche de dormir.
La nouvelle venue esquissa un faible sourire, caressant la couverture et prenant un moment pour apprécier le confort simple qu'elle offrerait.
‒ Allez, il est temps de se reposer. Demain sera un nouveau jour.
Les enfants acquiescèrent en chœur, se glissant sous les couvertures avec une hâte. À l'extérieur de leur petit cocon, les bruits du groupe s'affairant à préparer le repas du soir et à sécuriser l'abri pour la nuit remplissaient l'air et créaient une ambiance de foyer improvisé. Les flammes dansaient dans l'âtre, projetant des ombres réconfortantes sur les murs, tandis que l'odeur du repas en préparation flottait dans la pièce. Les tintements de la vaisselle se mêlaient aux conversations feutrées et aux rires discrets des autres membres du groupe, apportant une touche de chaleur humaine. Echo, sentant l'heure du coucher approcher, vint se blottir à côté des enfants. Elle posa sa tête sur les petites jambes d'Arden, offrant une présence apaisante. Amy, quant à elle, caressait distraitement la chienne.
‒ Si tu as besoin de quelque chose, n'hésite pas à nous le dire. Echo veillera sur vous.
Serrant la couverture usée contre son petit torse, Arden hocha timidement la tête. Pour elle, chaque bruit était encore une source d'anxiété, chaque ombre un potentiel danger. Pourtant, la chaleur des couvertures et la douceur des voix autour d'elle commençaient lentement à dissiper ses peurs. Sasha embrassa le front de sa fille puis se leva pour retourner dans la salle commune. Dans son dos, elle pouvait entendre Amy commencer à discuter à voix basse avec sa nouvelle amie et à lui poser des questions, des murmures curieux qui trahissaient leur désir de tisser des liens. De l'autre côté de la pièce, Lucas l'observa traverser la salle, son regard attentif suivant chaque mouvement de Sasha. Lorsqu'elle revint s'asseoir à ses côtés, elle posa sans un mot sa tête sur son épaule, trouvant dans ce geste un soutien silencieux.
‒ Comment va la petite ?
‒ Elle a l'air de s'adapter.
La soirée continua dans cette atmosphère apaisante. Les adultes terminaient de préparer le repas, une odeur alléchante de soupe mijotant lentement se répandant dans la pièce, et discutaient des plans pour les prochains jours. Les enfants, épuisés par les événements de la journée, avait fini par s'endormir. Sasha se leva discrètement pour ajuster leurs couvertures, veillant à ce qu'elles soient bien au chaud. Elle s'attarda un moment, observant les deux petites endormies, un sentiment de protection grandissant en elle, une promesse silencieuse de veiller sur elles coûte que coûte. Dans la salle commune, les discussions s'intensifièrent.
‒ Nous devrions peut-être explorer un peu plus loin vers le sud, suggéra Simon, un regard concentré tourné vers la carte étalée sur le sol.
‒ Oui, et on pourrait vérifier la zone près de la rivière qu'on a repéré, acquiesça Zak.
Les discussions étaient animées, chaque participant apportant ses idées et ses observations. Ils créaient ainsi un plan détaillé pour maximiser leur exploration tout en assurant la sécurité du groupe. Sasha écoutait distraitement, son esprit partagé entre la quiétude de la soirée et l'anticipation des dangers à venir.
‒ Cela semble être une bonne idée, intervint Kole, son visage marqué par la fatigue et la détermination. Nous aurons besoin de vérifier les provisions demain matin et de préparer les sacs. Assurons-nous que tout le monde soit prêt à partir au lever du jour.
Le groupe continua à discuter des détails logistiques, parlant des itinéraires sûrs pour éviter les hordes de zombies et des endroits où ils pourraient se réfugier en cas d'attaque. Ils débattirent des meilleures stratégies pour récupérer des ressources tout en minimisant les risques. Une heure plus tard, les derniers murmures s'estompèrent doucement, chacun trouvant sa place pour la nuit. Le feu crépitait doucement, projetant une lueur dorée sur les visages endormis.
◇ ◇ ◇
[Maison de santé ; Algood, Tennessee ; matin]
Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 1 an, 1 mois et 11 jours ;
Le lendemain matin, la lumière douce de l'aube filtrait à travers les fenêtres poussiéreuses de l'abri, baignant la salle commune d'une lueur dorée. Les premiers à se lever étaient déjà à l'œuvre, s'affairant silencieusement pour ne pas réveiller les autres. Zak, assis près du feu mourant, ajoutait du bois pour raviver les flammes, tandis que Winnie préparait quelques maigres rations pour le petit déjeuner. L'odeur de la nourriture, bien que simple, se répandait doucement dans l'air, promettant un moment de répit et de réconfort.
Sasha émergea de son sommeil, s'étirant doucement avant de se lever. Elle jeta un coup d'œil à Amy et Arden, encore profondément endormies, leurs visages paisibles. Silencieusement, elle ajusta les couvertures sur les deux fillettes avant de se diriger vers la salle commune. Lucas était déjà debout, discutant à voix basse avec Simon. À la vue de Sasha, il lui fit un signe de tête et lui tendit une tasse de thé chaud qu'il avait préparé.
‒ Bien dormi ?
‒ Autant qu'on peut, répondit-elle avec un sourire fatigué mais reconnaissant. Merci.
Un à un, tous les membres du groupe se réveillèrent, attirés par l'odeur de nourriture. Echo, la queue remuante, vient lécher les visages du groupe pour les aider à sortir de leur lit. Les deux fillettes furent parmi les dernières à émerger de leur sommeil, se frottant les yeux. Amy, toujours pleine d'énergie, courut vers sa mère en entraînant Arden à sa suite.
‒ Bonjour les filles, salua Sasha en leur faisant signe de s'asseoir près du feu. Prêtes pour le petit déjeuner ?
Arden, encore timide mais moins craintive qu'à son arrivée, hocha la tête. Amy, quant à elle, était déjà en train de décrire avec enthousiasme ce qu'elles allaient faire aujourd'hui, sa voix claire résonnant joyeusement dans la pièce. Le groupe s'installa autour du feu, partageant le maigre repas. Chaque bouchée de nourriture, bien que frugale, était appréciée à sa juste valeur. Les conversations tournaient autour des plans pour la journée et des tâches à accomplir.
Le calme matinal fut soudain brisé par un bruit sourd, résonnant dans les murs de l'abri temporaire. Tous se figèrent, l'angoisse montant instantanément. Sasha se redressa, son regard cherchant instinctivement Amy et Arden, qui étaient assises près du feu. Les filles, effrayées, se tournèrent vers elle, cherchant la sécurité dans ses yeux. Alertée par le bruit et l'agitation des humains, Echo se mit en position de garde, ses oreilles dressées et ses yeux fixés sur la porte.
‒ Restez calmes, murmura-t-elle en se levant précipitamment. Alec, vérifie l'extérieur.
Son cadet hocha la tête et se précipita vers une fenêtre barricadée, essayant de discerner l'origine du bruit à travers une ouverture étroite. Les autres membres du groupe, en alerte, commencèrent à se rassembler, leurs visages marqués par la tension. Chaque souffle était retenu comme si le moindre bruit pouvait trahir leur présence.
‒ Qu'est-ce que c'était ? demanda Simon, son regard anxieux posé sur Alec.
‒ Je ne sais pas encore, répondit-il en scrutant les environs. Ça venait du côté nord.
Lucas s'avança, son visage fermé par la concentration. Il échangea un regard avec Sasha, un accord tacite passé entre eux. Ils savaient qu'il fallait agir rapidement, mais prudemment.
‒ Gabby, occupe-toi des enfants, ordonna l'homme. On va voir ce qui se passe.
L'apprenti médecin acquiesça, prenant les enfants sous sa protection. Il les guida vers un coin plus sécurisé de la salle, loin des fenêtres et des portes, tandis que les autres se préparaient à investiguer. Les petites mains d'Amy tremblaient alors qu'elle agrippait fermement les vêtements de Gabby.
‒ Soyez prudents, souffla Sasha en regardant Lucas, son cœur battant la chamade et ses pensées obscurcies par l'inquiétude pour les hommes qui allaient s'aventurer dehors.
Lucas et Simon s'approchèrent de la porte, suivis de près par Alec. Zak, Toby et Kole se positionnèrent stratégiquement autour de la pièce, prêts à intervenir en cas de besoin. Les minutes s'étiraient, chaque seconde semblant interminable. Finalement, Alec ouvrit la porte lentement, un filet de lumière extérieure pénétrant dans l'abri, illuminant les visages tendus de ceux qui restaient à l'intérieur. Le grincement de la porte ajouta une tension supplémentaire à l'atmosphère déjà électrique.
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