Chapitre 21.

[Parc ; Cherry Tree, Pennsylvanie ; aube]

Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 11 mois et 31 jours ;


La lumière de l'aube projetait sur le paysage un filtre grisâtre. Combinée au silence, elle conférait à la scène une atmosphère lugubre. Sous ses yeux, des silhouettes se dessinaient à côté de deux véhicules à l'arrêt, et derrière eux, un parc laissé à l'abandon. Le vent faisait très légèrement osciller les balançoires, rajoutant à l'ambiance un poids supplémentaire. Faisant fi de cela, Sasha sauta hors de son siège à peine Zak stoppait sur le petit parking en gravier et chercha du regard sa fille. Cette dernière était blottie dans les bras de Lucas, portée sur sa hanche et la joue écrasée contre son épaule. Elle semblait à moitié somnolente, bien que ses yeux soient toujours ouverts. Des traces de larmes pouvaient encore être discerner sur ses joues, et elle paraissait si vulnérable dans son pyjama et avec son visage froissé par une peur non apaisée.

‒ Hé mon cœur, murmura la jeune femme après s'être approchée d'eux et avoir écarter ses cheveux de son visage d'une main douce. Ça va ?

À l'instant même où elle reconnut sa voix, Amy se détacha de l'homme, la fatigue oubliée, et se pencha vers elle pour l'attirer dans une étreinte.

‒ Maman ! chouina-t-elle.

Sasha sentit immédiatement son cou se mouiller de larmes. Difficilement, avec l'aide de Lucas, elle travailla à transférer la fillette dans ses bras. Un calme surprenant se dispersa dans son corps dès qu'elle eut son enfant contre elle. Emue, elle embrassa plusieurs fois sa tête et respira son odeur.

‒ Je suis là mon amour. Je suis là... Tu vas bien ?

‒ J'ai mal maman.

‒ Où ça ? Montre à maman, paniqua-t-elle, son état d'esprit changea en un claquement de doigts.

Mais Amelia refusa de laisser ne serait-ce qu'un centimètre entre elles et resserra plutôt sa prise autour du cou de sa mère.

‒ C'est ma faute, je crois que je l'ai attrapé un peu trop fort, grimaça Lucas, rappelant ainsi sa présence. Je pense qu'elle aura un bleu.

Rassurée, la jeune femme jeta un coup d'œil du mieux qu'elle put au bras de sa fille pour voir qu'il était effectivement rouge. Pendant un instant, son cerveau avait formulé milles scénarios allant d'une blessure par balle à une morsure d'infecté. Un bleu était une bonne alternative. Un enfant se faisait souvent des bleus en jouant.

‒ Je suis désolé.

‒ C'est bon Lucas, ça arrive.

‒ J'aime pas savoir que je l'ai blessé.

‒ Elle va vite s'en remettre. Ne t'inquiète pas.

Bien plus tard dans la matinée, le petit groupe se sentait suffisamment apaisé pour s'accorder quelques heures de sommeil. Ils avaient amené les voitures jusqu'à la forêt de l'autre côté du parc et les avaient garées de manière qu'elles soient moins visibles depuis la route mais toujours de façon qu'ils puissent partir sans problème au moindre mouvement suspect. Simon, Kole et Toby s'étaient portés volontaire pour monter la garde chacun au volant d'un véhicule. Les trois hommes étaient les plus protecteurs d'entre eux, ils ne pourraient pas se reposer tant que plus de kilomètres ne les distancerait du lieu de la fusillade et leur groupe. Pour le reste, avec la retombée du stress et de l'adrénaline, il ne leur avait pas fallu beaucoup de temps pour tomber comme des mouches dans un sommeil qui serait, espérons-le, réparateur.

Quand Sasha s'éveilla, le soleil était déjà bien haut dans le ciel même s'il avait du mal à percer à travers la canopée. Une espèce de brume envahissait son cerveau et rendait difficile de penser. Elle se sentait un peu perdue tandis qu'elle observait autour d'elle. Afin de garantir un maximum de confort –autant qu'il était possible quand on dormait dans une voiture-, elle s'était installée dans le coffre avec sa fille. Celle-ci dormait dans une position qui paraissait inconfortable mais qui ne l'empêchait pas de pousser de légers ronflements, sa peluche lézard coincée sous le menton. Cadeau d'Adam trouvé pendant un de ses ravitaillements. Cependant, il existait une présence chaude dans son dos qui rendait la jeune mère confuse avant qu'elle ne se rappelle avec un rougissement qu'elle avait invité Lucas à s'allonger avec elles. Sans en connaître la raison précise, quelque chose au fond d'elle l'avait poussé à chercher la présence de l'homme et se sentait rassurée par lui. Alors qu'elle s'apprêtait à se retourner, il se colla à son dos et enroula son bras autour de sa taille.

‒ Shh, marmonna-t-il à son oreille, pas vraiment conscient. Dors.

Le souffle chaud contre sa nuque la figea un instant puis elle osa regarder par-dessus son épaule. Lucas avait ses paupières fermées et une respiration calme, il dormait. Le nez enfoui dans ses cheveux. Son cœur se mit à accélérer mais la jeune femme repoussa toute pensée et émotion à ce sujet et se força à se rendormir, non sans difficulté.

Sasha n'osait plus croiser le regard de Lucas après leur sieste. Dès qu'elle pensait à leur réveil entrelacé, elle pouvait sentir une méchante chaleur monter dans ses joues. Qu'est-ce qui lui prenait ? À se comporter comme une gamine de quinze ans avec son premier béguin. Heureusement, le groupe avait été assez occupé toute la journée. Une fois tout le monde réveillait, ils avaient repris la route et avaient roulé pendant deux bonnes heures avant de décider d'établir un campement pour la nuit. Alec et Adam avaient trouvé un centre communautaire avec un terrain de baseball grillagé, cela leur fournirait une certaine protection. Être de nouveau dehors, à la merci des infectés... cela leur laissait un goût amer. Ces mois à l'abri dans une maison les avaient rendues trop complaisants. Ils n'étaient plus habitués semblait-il.

‒ C'est du super boulot Sasha, la félicita Gabby en scrutant ses points de suture.

L'homme avait été installé sur une couverture et adossé à son sac à dos dans une position mi-allongée mi-assise pendant que le reste d'entre eux montait le camp. Il avait meilleure mine que quand elle l'avait soigné mais ce n'était pas non plus la joie. Il était pâle, avec de d'affreuses cernes et un sourire bancal qui ne cachait en rien sa souffrance.

‒ Tu as bien retenu mes conseils.

‒ Je pense que tu auras une vilaine cicatrice quand même.

‒ Si c'est que ça, haussa-t-il les épaules. Au moins je suis en vie. Et comme ça tu peux t'entraîner sur une vraie blessure.

‒ Eh bien, de ce point de vue...

La plaie recousue fut inspectée, désinfectée et le pansement changé sous les directives de l'apprenti médecin. Il ne cessa de complimenter ses compétences et son habilité à garder son sang-froid plus tôt lorsqu'elle l'avait recousu dans la voiture au milieu d'une fusillade. Finalement, la jeune femme le laissa avec un ordre de se reposer et alla aider Adam à monter une tente.


◇ ◇ ◇

[Forêt près du centre communautaire ; Pennsylvanie ; fin de matinée]

Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 1 an et 3 jours ;


Sasha n'aurait jamais dû partir sans régler sa dispute avec sa fille ce matin. Lorsqu'elle s'était préparée à aller en forêt vérifier les pièges, Amy était venue la supplier de l'emmener avec elle. Avec raison, la mère avait refusé. Elle était bien trop petite pour s'aventurer comme ça, surtout pour être témoin d'animaux luttant pour leur vie. Pour la première fois depuis une éternité, Amelia avait fait un caprice. Elle avait crié et pleuré puis s'était réfugiée dans sa tente en lui hurlant qu'elle la détestait. La jeune femme avait senti son cœur s'effriter mais accusait le coup. La petite était épuisée émotionnellement, la fusillade et la fuite l'avaient complétement chamboulée. Et l'abandon de leur abri n'avait pas aidé. Alors Sasha avait confié sa garde à son frère et était partie en direction de la forêt avec Simon, convaincue que la fillette irait mieux à son retour. Sauf que ce n'était pas exactement ce qui s'était passé. À la place, il semblerait qu'elle ait échappé à la surveillance d'Alec et soit partie bouder ailleurs.

La main sur la crosse de son arme toujours coincée dans son pantalon, la jeune mexicaine balisait les bois avec la moitié de son groupe –Kole, Toby, Simon & Lucas. Son frère avait déjà cherché dans les environs du campement, et c'était un soulagement de savoir qu'Amy n'avait pas essayé d'entrer dans l'espèce de salle des fêtes plus bas. Quand ils avaient dépassé le bâtiment la première fois, le bruit à l'intérieur leur avait laissé penser que des gens y avaient cherché un abri. On ne saurait jamais ce qui s'était passé mais ils s'étaient transformés en rôdeur à un moment donné. Si Amelia avait tenté de... Sasha ne voulait pas y songer. Jusqu'ici la forêt avait semblé déserte. Pas un animal ou un infecté n'avaient croisé leur chemin. Ils avaient bien parcouru un bon kilomètre depuis qu'ils avaient quitté le terrain de baseball. La fillette avait-elle fait autant de chemin ? Et soudainement, des grondements. En masse. Ils provenaient tous du même endroit, comme si quelque chose les attirait. Un échange de regards plus tard et les cinq survivants se précipitèrent vers la source de ce raffut. Toute prudence s'était envolée alors qu'ils courraient à travers les arbres sans prendre la peine de s'assurer que c'était sûr. La direction les ramenait plus près du campement, ils rebroussaient chemin tout en se rendant plus à l'ouest. Après deux bonnes minutes de course, des silhouettes émergeaient enfin dans leur champ de vision. La végétation luxuriante de la forêt rendait difficile d'apercevoir correctement quoique ce soit mais c'était suffisant pour constater qu'ils encerclaient une sorte de promontoire rocheux. Et que ces individus grognaient vicieusement et tentaient d'attraper une silhouette plus petite réfugiée en haut.

‒ Amy !

Le cri de détresse s'était échappé sans qu'elle ne puisse le retenir et attira quelques infectés. Ceux-ci se détachèrent lentement du groupe et marchèrent d'un pas vif vers eux. Lucas, Toby et Kole sortirent leurs couteaux et s'éloignèrent les uns des autres pour couvrir plus d'espace, prêts à se défendre, tandis que Simon attrapa son avant-bras et l'empêcha d'avancer.

‒ Tu peux pas foncer tête baissée ! la gronda-t-il en lui fourrant un couteau dans la main. C'est trop dangereux !

‒ Mais Amelia est-

‒ Je sais ! On doit d'abord se débarrasser des zombies avant l'atteindre ! Tiens, prends ça !

Il dégaina l'arme blanche qu'elle gardait à sa ceinture et la fourra dans sa main avec un regard encourageant avant de rejoindre les autres pour se battre. Sasha détourna les yeux de sa fille et reprit ses esprits à temps pour voir un infecté se diriger vers elle avec détermination. Elle le repoussa d'un coup de coude dans l'estomac et n'hésita pas à lever son couteau pour l'abattre tandis qu'il tentait de retrouver un équilibre précaire. Une gerbe de sang éclaboussa la manche de son t-shirt quand elle retira la lame du cerveau. Le corps s'effondra devant elle comme une poupée de chiffon. Il n'y avait pas le temps pour autre chose que se jeter sur le prochain adversaire. Elle esquiva une main crochue, manqua de tomber à cause du cadavre au sol et se rattrapa in extrémis en s'agrippant au gilet en laine effiloché devant elle. Une poignée de fils en laine resta dans son poing serré alors que le rôdeur s'écroula et s'écrasa tête la première dans la terre. Le sang bouillonnant d'adrénaline -et de peur-, Sasha se surprit alors qu'elle enfonçait avec force le talon de sa chaussure dans la nuque de son adversaire. Le crâne, rendu mou par la décomposition, craqua dans un bruit écœurant.

‒ Maman !

Sur les rochers, la fillette avait remarqué l'arrivée de sa mère et s'était rapprochée du bord. Ses yeux étaient écarquillés, la peur visible même à plusieurs mètres de distance, et ses mains tordaient sa peluche d'angoisse. Au-dessous d'elle, les quelques infectés qui la préféraient aux nouveaux arrivants grognaient avec plus de vigueur et griffaient la pierre comme si cela les permettrait de l'atteindre.

‒ Reste où tu es Amy ! cria Sasha, le cœur au bord des lèvres. Ne bouge pas, je viens te chercher !

Tout en parlant, elle aida Simon à se débarrasser d'un infecté particulièrement tenace. Celui-ci avait réussi à le coincer contre un tronc d'arbre et claquait ses mâchoires à quelques centimètres à peine de son visage. L'homme le retenait d'un bras contre la gorge et cherchait une ouverture pour lui planter le couteau. La mexicaine arriva alors par derrière, attrapa une touffe éparse de cheveux et tira vers elle afin de permettre à Simon d'exécuter son geste sans soucis. Elle reçut un signe de la tête comme remerciement avant qu'il ne la suive pour aller s'occuper du petit groupe qui gardait position au pied des rochers. Le passage s'était peu à peu dégagée grâce à l'acharnement des cinq survivants ; Sasha n'avait plus qu'à grimper l'amas rocheux pendant que les siens terminaient de dégager la zone.

‒ J'arrive mon amour, je suis là.

‒ Maman, pleura la fillette en réponse.

Dès qu'elle arriva à sa hauteur, la jeune femme rangea son couteau dans son fourreau et tira son enfant contre elle. Frénétiquement, elle tâtonna ses bras et ses jambes à la recherche de toute blessure ou tout tissu mouillé qui pourrait indiquer qu'elle saignait. Quand elle ne sembla rien trouver, elle ramena ses mains à son visage et repoussa ses cheveux pour voir ses yeux larmoyants.

‒ Amy mon cœur, tu n'as rien ?

Les lèvres tremblotantes et à deux doigts des sanglots, Amelia secoua sa tête et ne se fit pas prier pour se blottir contre sa mère. À peine cette dernière eut refermé ses bras autour d'elle que de gros hoquets déchirèrent le silence et secouèrent son petit corps.

‒ Shh tu vas bien, la consola Sasha en frottant son dos et en embrassant sa tempe à multiple reprise. Mais ne fais plus jamais ça d'accord ? Tu peux pas partir du camp et t'aventurer toute seule, c'est très dangereux. Et s'il t'était arrivé quelque chose ?

‒ Pardon maman ! Je recommencerais plus, promis !

‒ Elle va bien ? s'enquit Kole au bas des rochers.

‒ Ca va, plus de peur que de mal.

‒ Bien, mais on doit bouger maintenant. Je veux pas qu'on reste ici au cas où d'autres rappliqueraient.

‒ D'accord, aide-moi à descendre.

Il était hors de question qu'elles se détachent l'une de l'autre ; la peur engrangée par les récents évènements les empêchait même d'y songer. Au contraire, Sasha souleva sa fille quand elle se redressa et l'encouragea à enrouler ses jambes autour de sa taille pour garantir une meilleure répartition de son poids et donc une meilleure prise. Kole et Simon s'empressèrent de l'aider à descendre et revenir au sol en toute sécurité. Après avoir rassurée tout le monde sur l'état du plus jeune membre du groupe, ils reprirent la route vers le campement.


◇ ◇ ◇

[Centre communautaire ; Pennsylvanie ; soirée]

Temps écoulé depuis le début de l'épidémie : 1 an et 3 jours ;


La journée s'était perdue dans un sentiment de malaise. Personne n'avait quitté la relative sûreté du terrain de baseball après leur retour de la forêt, tous trop anxieux. Ils vaquaient à des occupations aléatoires mais chacun jetait inlassablement des coups d'œil méfiant par-delà le grillage à l'affut de toute présence néfaste. Encore bouleversée, Amelia n'avait pas dit un mot de l'après-midi et était restée blottie contre la poitrine de sa mère qui la câlinait avec joie. La nuit venue, cette dernière l'avait emmené dans leur tente pour la coucher mais c'était comme si la fillette luttait contre le sommeil. Sa main était agrippée avec fermeté sur la chemise de Sasha qui tenait sur ses genoux et la berçait lentement. Dans l'espoir de l'apaiser, elle fredonnait une berceuse qu'elle se souvenait lui avoir chantonner à l'époque où elle n'était qu'un tout petit bébé et qu'elle faisait ses dents. La douleur la gardait éveillée des heures durant à ce moment-là.

De l'autre côté de l'habitacle, Winnie était enfouie dans son sac de couchage déjà endormie. Une de ses mains était posée de manière lâche sur le pied d'Amy comme pour s'assurer qu'elle se trouvait toujours à proximité. Echo était au-dessus de sa tête, ses yeux suivaient chaque geste de Sasha ; ce fut elle qui remarqua en première Lucas. Fidèle gardienne, elle se redressa et émit une sorte de court aboiement quasi silencieux avant de reposer sa tête sur ses pattes.

‒ Pardon Echo, je voulais pas te surprendre, murmura l'homme.

Accroupi à l'entrée de la tente, il tenait le rabat d'une main afin qu'il ne gêne pas sa vision. La lampe de camping diffusait une lumière tamisée à peine assez forte pour en éclairer la moitié de ses traits. C'était néanmoins suffisant pour que la jeune femme distingue son regard soucieux.

‒ Comment elle va ?

‒ Pas mal secouée, soupira Sasha en caressant ses cheveux. Mais elle s'est enfin endormie y a quelques minutes.

‒ Espérons qu'elle se remette vite de cette expérience.

‒ Les enfants sont stupéfiants, ils récupèrent plus rapidement que nous.

‒ Mmh, je vais te croire là-dessus. Hé, j't'ai préparé une assiette si tu veux ? proposa-t-il en pointant derrière lui de son pouce.

‒ Merci, je meurs de faim. Laisse-moi une seconde et j'arrive.

‒ D'accord, prends ton temps. Je vais la mettre sur le feu pour la réchauffer.

Alors qu'il s'éloignait, sa silhouette se découpa de l'obscurité grâce au feu de camp placé au centre des tentes. Il s'accroupit près de lui, son dos faisant face à Sasha. Cette dernière détacha son regard de lui après une minute et le ramena plutôt sur sa fille. En douceur afin de ne pas la réveiller, elle passa un bras sous ses épaules et un sous ses genoux, l'allongea dans son sac de couchage et la borda à l'intérieur pour qu'elle soit bien au chaud. Avec un baiser sur le front et une caresse pour la chienne, la jeune femme s'extirpa de la tente et ne put retenir le gémissement soulagé de pouvoir étirer ses membres douloureux. Tout en s'étirant, elle observait les alentours : Kole et Simon, toujours debout, partageaient une cigarette près d'un des grillages et faisaient le guet ; Gabby était en train d'inspecter sa propre blessure à la lueur d'une lampe torche dans sa tente une place ; Zak, Adam et Alec ronflaient déjà, le premier dans un sac de couchage à la belle étoile et les deux plus jeunes dans la dernière tente que le groupe possédaient ; Toby était de l'autre côté du feu en train de nettoyer son couteau. La jeune femme passa derrière celui-ci et lui tapota amicalement l'épaule avant de rejoindre Lucas. Epuisée par la journée et les récents évènements, elle se laissa tomber à côté de lui par terre et marmonna un merci quand il lui tendit un bol fumant. C'était presque trop fatiguant de manger. Si son estomac ne criait pas famine, elle aurait peut-être attendu le lendemain.

‒ J'ai parlé avec Toby et Gabby, commença prudemment l'homme en remontant ses genoux et appuyant ses bras croisés dessus. On peut pas rester ici. On est trop vulnérable.

‒ Mmh, fredonna Sasha en accord alors qu'elle venait poser sa tête sur son épaule et fermait ses yeux, le tout en marchant lentement chaque bouchée qu'elle prenait. J'aimais la maison.

‒ Moi aussi.

‒ Je m'y sentais en sécurité.

‒ Je sais... on le pensait tous.

Trop fatigués pour débattre sur un tel sujet, ils n'échangèrent plus un mot durant les prochaines minutes tandis que Sasha se contentait de manger et Lucas de contempler le feu crépitant. Quand elle eut fini son bol, la jeune femme se pencha avec un grognement pour le déposer devant eux et revient s'appuyer contre lui. C'était avec plaisir qu'elle profitait de sa présence et de sa chaleur corporelle.

‒ Tu devrais aller te coucher.

‒ Mmh.

‒ Allez Sasha, tu tiens à peine debout.

‒ Je suis bien là.

‒ Allonge-toi au moins, soupira-t-il de défaite. Viens.

Presque trop maladroitement, les deux survivants manœuvrèrent pour s'installer sur le sac de couchage derrière eux et se blottir sous le duvet. Lucas s'assura qu'elle était à l'aise et bien au chaud avant de passer un bras autour de sa taille et de la rapprocher de lui. C'était une preuve de son état d'épuisement que Sasha ne rougisse même pas à cela et qu'elle cherche plutôt à bloquer la lumière projetée par le feu en enfouissant son visage dans le cou de l'homme.

‒ Bonne nuit, murmura celui-ci avec un baiser sur son front.

‒ Mmh.

En moins de temps que pour dire "ouf", la mexicaine ferma ses paupières et se laissa entraîner dans le sommeil.  

Pour la seconde fois en l'espace de peu de jours, Sasha se réveilla confuse et blottie contre Lucas. Comme toujours, elle chercha à chasser plus rapidement le sommeil de son esprit en clignant des paupières. Elle était allongée sur le flanc, un bras autour de sa taille et un souffle chaud dans son cou. À chaque expiration de l'homme, ses cheveux près de son oreille s'agitaient et lui caressaient la peau. Dans son champ de vision, elle pouvait apercevoir le foyer éteint où les braises fumaient encore. Cela pouvait expliquer le froid de ce début de journée, bien que la présence de Lucas dans son dos lui procurait assez de chaleur pour éviter de grelotter. Autour d'elle, le groupe s'éveillait petit à petit sous les piaillements des oiseaux et les quelques murmures des uns et des autres. Dans la lumière grisâtre de l'aube, la mexicaine remarqua qu'Adam était assis à l'entrée de sa tente, les cheveux partants dans tous les sens et le sommeil encore présent dans ses yeux. Il l'observait en silence, les sourcils froncés, consterné de ce qu'il voyait. Rougissant, Sasha repoussa doucement le bras autour de sa taille et se redressa sur un coude. Elle ouvrit la bouche pour lui parler mais Simon apparut devant elle, enroulé dans une couverture.

‒ Je suis frigorifié, se plaignit-il.

Ce fut le mot magique pour que Zak, le pro des feux, sorte de son propre sac de couchage et vienne rallumer le feu au grand soulagement de tout le groupe.  

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