Chapitre 6

Hi! J'espère que vous allez bien?

Encore merci mille fois pour vos réactions, vos commentaires. Ça me touche plus que tout, vraiment, merci infiniment de faire vivre ce partage entre nous! C'est si encourageant. Je n'ai pas eu le temps de répondre à tous vos commentaires encore mais je vais me rattraper promis!!!

J'espère que ce chapitre vous plaira!

...

CHAPITRE 6

(Just Like You_NF)

HARRY.

Un seul écouteur dans les oreilles, j'avance les mains dans les poches dans le quartier. Aujourd'hui, j'ai la chance de commencer un peu plus tard. Neuf heures au lieu de sept heures trente. Information qui a bien fait râler Inès hier soir. Mais elle ne râle que pour la forme. Elle aime bien le lycée. Elle aime bien les cours et y retrouver Alexandre et Suzie tous les jours. Elle s'entend bien avec tout le monde mais il n'y a que Suzie qu'elle considère réellement comme une amie. Et j'aime bien Suzie aussi. En cinq ans, elle m'a prouvé plus d'une fois qu'Inès pouvait avoir confiance en elle. C'est important pour moi. Même si Inès et moi sommes assez pudiques sur nos sentiments je sais qu'elle a conscience de l'amour que je lui porte. Elle est la personne la plus importante à mes yeux.

Je sors de mes pensées en voyant du mouvement dans une ruelle devant laquelle je passe tout le temps. Une ruelle que j'ai bien connu durant mes années lycée. Une ruelle que j'ai juste à regarder pour entendre de nouveau les cris du passé, les insultes, les menaces. Je ralentis le pas et des voix s'élèvent derrière les poubelles. Je retire mon écouteur, m'arrêtant totalement.

« Il est où mon fric espèce d'enfoiré?! »

Mon coeur se serre. Cette voix, c'est la voix d'un gamin. Comme celui que j'étais. Je secoue la tête et regarde l'heure sur mon téléphone. Je risque d'être en retard si je m'en mêle. Mais je sais aussi que, même si je ne l'assumais pas, j'étais bien content quand on s'en mêlait pour moi à l'époque. Alors je range mon téléphone et soupire en m'enfonçant dans la ruelle et en contournant les poubelles.

Mon coeur se serre dès que j'arrive devant eux. Un mélange de colère et de tristesse. Le passé qui s'entrechoque avec le présent. C'es cruel de réaliser que, les années sont passées, mais que rien n'a vraiment changé.

Ce ne sont seulement plus les mêmes gamins dans cette ruelle.

« Vous foutez quoi là?! » Je lâche, contrôlant comme je peux les tremblements dans ma voix.

On a beau s'y habituer, ça a toujours le même effet.

Pour moi en tout cas. 

Deux garçons d'à peine quinze ans en tiennent un autre contre le mur. Le pire, c'est que je les connais tous les trois. Kevin et Pablo tiennent Yanis dont le regard s'éclaire en me voyant. Il est déjà bien amoché. Je secoue la tête, l'estomac noué, et m'approche en attrapant Kevin et Pablo par leurs capuches pour les éloigner de Yanis et les obliger à lâcher prise.

« Lâche-moi connard! » S'énerve Kevin.

« Je suis pas sûr que ta mère apprécierait de savoir que t'es là au lieu d'être en cours.

-Mais de quoi tu te mêles! »

Si Kevin continue de s'énerver, Pablo est plus sur la réserve. Il a peut-être plus de respect pour moi aussi. Quand il était gosse, je le prenais avec moi pour aller jouer au basket pendant que son père se bourrait la gueule dans leur appart et que sa mère partait se réfugier chez les voisins pour éviter qu'il s'en prenne à elle.

« Barrez-vous, tout de suite. » Je leur ordonne en jetant Kevin loin de Yanis.

« J'en ai pas fini avec toi! » Il le menace tout de même avant de cracher et de partir avec Pablo.

Yanis lâche un long soupir lorsqu'ils disparaissent et je desserre mes poings en me tournant vers lui, le regard sévère. Il sait déjà ce que je vais lui dire.

« Tu t'es remis à vendre, sérieusement?

-J'ai besoin de cet argent... » Il marmonne, n'osant pas me regarder.

Je secoue la tête.

« Putain Yanis, ton frère est en taule pour ça! T'as vraiment envie de le rejoindre? »

Il déglutit et ne répond pas. Je soupire à mon tour et m'approche de lui pour poser ma main sur son épaule.

« Allez, je te ramène chez toi.

-Mais ma mère...

-Va bien t'engueuler, ouais. » Je le coupe.

Mais, surtout, elle va le soigner et régler cette histoire. Au moins temporairement. Je la connais, c'est une femme de caractère qui doit élever quatre garçon toute seule. Dont un qui est en prison depuis un an maintenant. Il était dans ma classe au lycée. Et j'étais là lorsqu'ils sont venu le chercher. Je rentrais du travail et suis passé devant leur immeuble alors qu'il se faisait embarquer. Nos regards se sont croisés et j'ai eu du mal à accepter que c'était donc ça, son avenir. Alors que ,quelques années plus tôt, on se marrait ensemble dans les couloirs du lycée.

Yanis soupire mais est bien content que je le ramène lorsque, en traversant le quartier, nous tombons de nouveau sur Pablo et Kevin qui l'attendaient. Je leur hurle de se barrer avant que j'en fasse une affaire personnelle et c'est Pablo qui finit par tirer Kevin par le bras pour qu'ils prennent le chemin du lycée. Là où je devrais me rendre moi aussi.

Lorsque je toque à l'appartement de la mère de Yanis, cette dernière nous ouvre. Elle a d'abord le sourire en me voyant mais son sourire se fane lorsqu'elle voit l'état du visage de son fils. Mon coeur se serre alors encore plus. Cette expression, je l'ai vu plus d'une fois sur le visage de ma propre mère. J'en ressens encore de la honte aujourd'hui.

« C'est Pablo et Kevin qui lui ont fait ça.

-Mais... pourquoi? » Elle demande en prenant le visage de son fils entre les mains.

Je me pince les lèvres et elle comprend rien qu'en regardant son fils. La colère se mélange alors à la tristesse et, pour se justifier, Yanis lui dit rapidement:

« On a deux loyers de retard!

-Et c'est mon problème! Tu veux que je vienne te voir au parloir toi aussi?! »

Yanis déglutit difficilement et je peux voir de la culpabilité traverser le regard de sa mère avant qu'elle ne finisse par soupirer, posant une main sur son front.

« Rentre tout de suite, j'arrive. »

Son fils s'exécute et elle me regarde, les yeux larmoyants, avant de finalement me dire:

« Merci de l'avoir ramené.

-C'est normal. Je suis désolé. »

Je ne sais pas quoi dire de plus. Parce qu'il n'y a rien à dire. On se comprend. Tout ce que je sais, c'est que j'en parlerais à ma mère et ma tante qui seront d'accord avec moi pour qu'on lui fasse quelques courses afin de l'aider elle et ses fils.

Elle me sourit tristement puis attend que je fasse quelques pas en arrière pour refermer la porte. Je déglutis difficilement en sortant de l'appartement, croisant des jeunes qui, je le sais déjà, seront sur ma liste d'élèves absents aujourd'hui. Parce qu'il y en a tellement. Je secoue la tête et passe une main dans mes cheveux avant de presser le pas.

En traversant le quartier, je repense à ce jour-là, lorsqu'on était tous en train de jouer dans le quartier. Je devais avoir douze ans. Sacha et Louis faisaient une partie de foot avec d'autres jeunes du quartier tandis que j'étais assis sur un muret, une canette à la main et une clope dans l'autre. Je me rappelle de chaque détails. C'était l'été. Il faisait chaud et je secouais mon t-shirt alors que Raphaël, le grand-frère de Sacha, venait s'asseoir à côté de moi. Il n'allait pas bien. Un ami à lui avait été tué lors d'un règlement de compte. Je lui ai demandé comment ça allait et je me rappelle mot pour mot ce qu'il m'a répondu. Ces phrases qui me font encore écho aujourd'hui:

Regarde les gens autour de toi, Harry. Regarde tous ce qui nous entourent. Parmi ces gamins qui font du foot, il y en a qui disparaîtront. Il y en a que la pauvreté rendra fous. Il y en a qui sombreront dans la drogue, dans l'alcool. Il y en aura qui seront en prison. Il y en a qui tu verras faire la manche. Il y en a qui ne seront plus là, du jour au lendemain. Et il y en a qui réussiront. Mais on ne peut pas sauver tout le monde.

J'ai fait ce qu'il m'a dit.

J'ai regardé autour de moi. A m'imaginer qui ne serait plus là dans quelques années.

Mais je n'ai pas pensé une seule fois à regarder Louis.

(Feel_Montell Frazier, MFHD)

« C'est vrai que c'est aujourd'hui l'exercice avec l'alarme intrusion tout ça? »

La voix d'Alexis me fait lever les yeux de l'écran de l'ordinateur, là où s'affichent les mails que je suis en train de traiter. Du moins que j'essaye de traiter alors qu'Alexis et ma cousine sont accoudés au bureau, en train de me parler mais aussi de se chamailler. A ma gauche, Lucas est concentré sur les absences des élèves et enchaine les appels pour prévenir les familles et tout noter sur pronote.

« Je sais pas. » Je réponds en regardant à peine Alexis.

« Bien-sûr que tu sais. T'as juste pas le droit de nous le dire.

-Alors pourquoi tu lui poses la question, idiot? » Intervient Inès.

Je souris discrètement, croisant le regard de Lucas qui a la même réaction que moi. Il vérifie l'heure sur l'horloge derrière nous. Effectivement, l'exercice intrusion ne devrait pas tarder. Mais on ne nous a pas dit l'heure exacte. Entre quatorze et quinze heures. Michael est parti faire un tour au niveau du foyer et de la cafétéria des élèves tandis que Samia et Juliette sont au niveau des couloirs.

« Arrête. Plus t'es méchante avec moi plus je tombe amoureux. »

En même temps qu'il lâche cette phrase, Alexis se tourne complètement vers Inès, un grand sourire aux lèvres. Mais cette dernière grimace et lève les yeux au ciel, blasée.

« Tu risques de vivre des relations vachement toxiques, alors.

-Pour toi je prends le risque.

-Je suis en couple. Si jamais deux mois d'été ont suffit à ton petit cerveau de l'oublier.

-C'est pas parce qu'il y a un gardien de but qu'on peut pas...

-Tu me dégoûtes! Sérieux, Harry, comment tu fais pour apprécier ce gamin?

-Ce gamin? J'ai redoublé. Alors je suis plus grand que toi, ma petite. Si jamais les vacances ont suffit à ton petit cerveau de l'oublier. »

Inès soupire longuement, se baissant pour récupérer son sac qu'elle balance sur son épaule. Elle fusille Alexis du regard mais je la connais assez pour savoir que, au fond, il réussit à la faire rire parfois. Même s'il peut être lourd, je le reconnais. Au fond, c'est un bon gars. Je dirais même qu'il est beaucoup plus sensible que ce qu'il veut montrer. Surtout lorsqu'on sait ce que la vie lui a fait endurer. Mais ça Inès l'ignore. Et je n'oserais jamais le lui dire à la place d'Alexis.

« Je vais rejoindre Suzie au CDI. A plus tard. » Me lance ma cousine.

« A plus tard.

-A plus tard aussi! » S'incruste Alexis en la regardant partir.

« Dans tes rêves!

-J'ai hâte d'aller me coucher alors! »

Inès soupire pour la énième fois et ça fait rire Alexis qui se tourne vers moi seulement lorsque ma cousine est partie. Je lève les yeux au ciel et secoue la tête avant de lui conseiller:

« Tu devrais revoir tes techniques de drague. Et pas avec ma cousine, de préférence.

-Désolé mais c'est la femme de ma vie.

-Elle a pas l'air d'être au courant. » Intervient Lucas tout en tapant un numéro sur le téléphone fixe.

Je ris doucement mais nous sommes rapidement coupés par madame Martin qui sort de son bureau, collé à la vie scolaire. Elle s'approche de moi, une convocation à la main. Mais elle ne me la tend pas tout de suite, se tournant d'abord vers Alexis dont le sourire est maintenant plus crispé.

« Bonjour Alexis, il me semble que tu as été absent à ton premier cours ce matin?

-Je ne me suis pas réveillé, madame.

-J'apprécie ton honnêteté mais j'espère que ça sera exceptionnel. A moins que tu veuilles aussi passer l'année prochaine avec moi?

-Non! » Il répond beaucoup trop rapidement.

Ça me fait sourire, et madame Martin aussi même si elle tente de le cacher.

« D'ailleurs j'allais me rendre au CDI pour rattraper le cours que j'ai manqué ce matin. » Il ajoute.

Tu parles. Pour emmerder Inès surtout.

« Belle initiative! » Lui dit sa CPE avant qu'il ne sorte de la vie scolaire.

Elle sourit un peu plus une fois qu'il n'est plus là et se tourne complètement vers moi pour me tendre une convocation.

« Peux-tu aller distribuer ça maintenant mon grand? Je veux voir cette élève à seize heures.

-Pas de soucis j'y vais. »

Madame Martin me tapote chaleureusement l'épaule alors que je récupère la convocation. Je dis rapidement à Lucas que je reviens et qu'il n'hésite pas à m'appeler s'il rencontre un soucis. L'élève à qui je dois emmener la convocation se trouve dans le bâtiment deux, au premier étage. Je m'y rend, tentant d'ignorer la salle d'art plastique qui se trouve au même étage.

Une fois la convocation donnée, je m'apprête à quitter le bâtiment. Mais, bien-sûr, c'est à ce moment là que l'alarme intrusion se met à retentir. Je connais les consignes par coeur. Je suis censé aller m'enfermer dans la première salle que je trouve et embarquer avec moi les élèves aux alentours. Sauf qu'il n'y a aucun élève dans ce couloir.

Je me dis que je vais aller à l'étage au dessus pour vérifier mais, au même moment, la porte de la salle d'art plastique s'ouvre sur Louis qui semble surpris de me trouver là. Alors on reste là, à se regarder pendant que l'alarme continue de retentir autour de nous. Comme un silence qui n'en est pas vraiment un. Et ces quelques secondes me suffisent à perdre du temps. Parce que, soudainement, la proviseur arrive des escaliers et dit en me voyant:

« Allez vous enfermer dans une salle.

-Vous ne préférez pas que j'aille vérifier si aucun élève se trouve dans les couloirs?

-Votre collègue est déjà sur le coup. »

La proviseur lance un regard en direction de Louis avant de me dire:

« Vous n'avez qu'à vous mettre avec monsieur Tomlinson. »

Evidemment, lorsque c'est la proviseur qui parle, je ne prends même pas la peine de la contredire ou d'insister. Je me retiens même de soupirer et finis par entrer dans la salle d'art plastique, ne relevant pas la tête lorsque je passe devant Louis. Je l'entends fermer la porte derrière moi et, aussitôt, l'atmosphère devient plus lourde. Je n'ai aucune envie d'être là. Et je sens déjà la gêne s'installer entre nous.

« On devrait suivre les consignes. » Je l'entends simplement me dire.

Alors je hoche la tête et commence à suivre ces fameuses consignes que je connais par coeur. Louis le fait également, toujours dans le silence. Il verrouille la porte et nous barricade pendant que j'éteins les lumières et ferme les volets. Il y en a un qui est cassé, alors la lumière du jour s'infiltre tout de même d'un côté. Je mets mon téléphone en silence puis m'éloigne des fenêtres et de la porte, m'asseyant à même le sol contre une table.

Louis me lance un regard puis se pince les lèvres en allant s'asseoir par terre également, son dos appuyé contre son bureau. Il amène ses jambes contre son torse et je ne peux m'empêcher de sentir mon coeur se serrer. Je savais qu'il allait se mettre dans cette position. C'est un détail idiot. C'est complètement débile. Mais, à cet instant, je le revois des années en arrière, assis en face de moi dans un couloir, ses genoux repliés contre lui et des écouteurs dans les oreilles. On pouvait rester comme ça des heures, sans se parler, mais à se lancer quelques regards et quelques sourires. Ce silence n'avait rien à avoir avec celui qui nous entoure aujourd'hui.

Je déglutis lorsqu'il surprend mon regard sur lui et baisse la tête, n'ayant plus qu'à espérer que cet exercice se termine vite.

Je me sens inutile, ici. Je n'ai pas d'élèves à encadrer. Pas de consignes à expliquer. Pas de silence à demander. Non. Je me retrouve avec la dernière personne avec qui j'avais envie d'être enfermé. Et je pense que ça se ressent puisque, soudainement, il lâche:

« Désolé que tu te sois retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment. »

Je relève les yeux vers lui. Et je crois entendre une pique dans sa phrase. Même si sa voix est calme et posée, j'ai l'impression d'y entendre de la frustration.

« Tu comptes vraiment continuer de m'ignorer? » Il demande face à mon silence.

Cette fois, je fronce les sourcils. Et il maintient mon regard. Il n'a pas l'air énervé. Et, s'il est triste, il arrive à bien le cacher. J'apporte une main à ma bouche, comme pour me retenir de dire quoi que ce soit, mais j'en suis incapable.

« Parce que toi t'as soudainement envie de parler? »

Louis ne répond rien et les mots continuent de s'échapper d'entre mes lèvres sans que je puisse le contrôler:

« Tu t'es barré pendant huit ans. Je me suis réveillé un matin et t'étais juste plus là. Je t'ai appelé, je t'ai envoyé des messages, mais tu ne répondais pas. J'ai appris par ma mère que tu avais déménagé mais je ne comprenais rien parce que tout ce bordel n'avait aucun sens. T'as juste disparu, du jour au lendemain. Jusqu'à la semaine dernière, je n'avais aucune foutue idée d'où tu étais, de ce que tu étais devenu, s'il t'était arrivé quelque chose ou si j'allais un jour te retrouver. Tu es parti en n'ayant aucune idée de l'état dans lequel tu m'as laissé. »

Ma voix manque de trembler sur ces derniers mots alors je me tais. Je continue de fixer Louis mais, lui, a baissé les yeux. Ses doigts se tordent nerveusement sur ses genoux en même temps qu'il déglutit silencieusement. Et je me déteste de lui en vouloir autant et de réaliser au même moment qu'il est vraiment là, en face de moi. Que je le déteste pour ça mais que, à la fois, ça parait surréaliste. Parce que c'est ce que j'ai espéré pendant des années.

Mais lorsqu'on espère aussi longtemps, on prend le risque que ce sentiment se transforme en quelque chose de beaucoup plus violent.

« Et t'as le culot de me demander si je compte t'ignorer? » Je murmure, la gorge nouée. « Comme si ce n'était pas ce que tu avais fait durant huit putain d'années? »

Louis prend une grande inspiration et ancre de nouveau son regard dans le mien. Dans la pénombre de la pièce, je ne saurais dire s'ils brillent ou non. J'en ai l'impression, mais pas la certitude. Et je ne veux pas le savoir, de toute façon.

« J'aimerais t'expliquer mais... j'ai besoin de temps. » Il répond, hésitant.

Et je comprends pourquoi il a hésité. Parce qu'il savait très bien que cette phrase n'allait pas me calmer. Bien au contraire. J'ai l'impression qu'il continue de me prendre pour un con. C'est ce que j'ai été pendant trop longtemps, à espérer et attendre le moindre petit signe de sa part. Un message. Un appel. Ouais, juste un signe de vie.

« Besoin de temps, ouais... C'est vrai que tu n'en a pas eu assez. »

Je secoue la tête et ne le regarde plus lorsque j'ajoute:

« Je les ai attendues trop longtemps, tes explications. »

Je lui ai déjà dit que je n'attendais plus rien de lui.

Même si, au fond de moi, bien-sûr qu'il y a toujours ces questions sans réponses. Bien-sûr que je n'ai jamais cessé d'y penser. Et, je ne sais pas si c'est de la fierté ou de la douleur, sûrement les deux, mais je ne veux pas le lui avouer. Lui avouer que j'attendais que ça, des explications. Savoir ce qu'il s'est passé. Mais il ne mérite pas de revenir juste comme ça et de me retrouver comme si je l'avais toujours attendu gentiment. Comme si les années qui ont suivi sans lui n'avaient pas été à chier et que j'avais ragé et craqué plus d'une fois à l'idée qu'il ne soit plus là pour me calmer, pour me parler, pour être juste...avec moi.

J'ai dû trouver l'explication moi-même, puisqu'il n'était pas là pour me la donner.

Il a déménagé pour une nouvelle vie et il a préféré me laisser derrière lui, avec tout ce qui représentait maintenant son passé.

Parce que je ne devais pas compter assez pour avoir une place dans son futur.

Voilà l'explication que je me suis répété durant des années. Que ça soit le soir dans mon lit, en fixant le plafond, ou chaque matin en passant devant ce qui était sa maison.

Il y a de nouveau un lourd silence entre nous. Louis passe une main dans ses cheveux avant de rapidement frotter ses yeux. Il soupire, encore, et je pourrais faire de même. Il regarde en direction du seul volet qui laisse un peu de lumière s'incruster dans la pièce. Ça éclaire son visage.

Et, ouais, ses yeux brillent.

Je détourne alors le regard, ignorant la façon dont mon coeur se serre. J'ai juste envie de partir d'ici. Loin de lui et de ce que je ressens à cet instant. Parce qu'il y arrive. A me faire ressentir. Encore. Toujours.

L'alarme intrusion se lève enfin et, sans un mot, Louis se redresse pour aller ouvrir les volets et allumer les lumières. De mon côté, je vais remettre en place les tables, ne jetant aucun regard dans sa direction.

Je déverrouille la porte et, au moment où je pose ma main sur la poignée, je l'entends demander dans mon dos:

« Est-ce que tu m'en veux aussi pour le baiser? »

Je me fige, mon coeur ratant quelques battements. Mon estomac se retourne lentement et je n'ose pas me retourner vers lui. Parce que, en quelques mots, il me renvoie à ce moment-là. A ces sensations, à ces sentiments qui me traversent de nouveau mais qui sont beaucoup plus douloureux. A cette douce chaleur qui est devenue une brûlure. A ces frissons qui ne m'ont jamais retraversé de la même façon. C'était comme goûter à quelque chose pour la toute première fois en sachant pertinemment que jamais rien n'y ressemblera. Que ça n'existe qu'une seule fois. Qu'à un seul endroit. Qu'avec une seule personne.

C'était d'autant plus cruel de le perdre la seconde d'après.

Alors, à cette pensée, j'ouvre la porte pour m'en aller.

Ne lui donnant aucune réponse.

Il saura au moins ce que ça fait.

lousombre
...

J'espère que ce chapitre vous aura plu...?

La première partie avec Harry seul dans son quartier?

Puis l'alarme intrusion, Harry coincé avec Louis?

Même si c'est à travers la colère, il communique un petit peu plus... Je sais c'est pas encore ça mais ça arrive!

Je vous souhaite un bon week-end et vous dit à vendredi prochain pour la suite!

Encore merci pour tout!❤️

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