Chapitre 28
C'est le cœur lourd que je publie ce chapitre.
Mes pensées vont à Liam.
À sa famille.
À ses proches.
Aux garçons.
🖤
...
CHAPITRE 28
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(Locksmith_Sadie Jean)
LOUIS.
Plus on approche du lycée, plus cette boule dans mon ventre augmente. Du coin de l'oeil, je lance plusieurs regards à Harry qui conduit calmement, ne laissant aucune expression le trahir. Mais il est nerveux, je le sais, je le sens. Cette reprise va être difficile après les vacances que nous venons de passer. Après ce que nos coeurs ont dû supporter. C'est pourquoi je ne lâche pas Harry du regard. Je n'ai rien osé lui demander, ce matin, par peur d'évoquer le sujet. En fait, c'est comme si, durant la semaine que nous venions de passer, il avait tout fait pour éviter de parler de ça. De mes aveux. De la trahison de celui qu'il pensait être son frère. Mais aussi de celle de sa mère et sa tante.
Nous avons passé la semaine rien que tous les deux, dans notre bulle. Inès était chez son père et nous n'avons pas eu de nouvelles de Sacha qui, je le pense, a eu besoin de s'isoler après tout ça. Ce que je ne peux que comprendre puisque c'est ce dont Harry a eu besoin aussi. Alors on a passé beaucoup de temps dans le salon à jouer à la console, à commander à manger ou à cuisiner tous les deux. On a beaucoup dormi, du moins on a essayé. Parce qu'Harry n'a fait que se réveiller la nuit, se tournant dans tous les sens pour tenter de retrouver le sommeil. Au final, il dormait beaucoup plus la journée, se laissant sombrer pendant que je dessinais ou peignais à ses côtés. Nos sorties se sont résumées à quelques courses et des séances de boxe pour Harry. Il en est revenu épuisé et je pense que c'était le but. S'épuiser. Ne penser à rien d'autre qu'à ses muscles douloureux.
On a eu des moments plus intimes aussi. Des caresses, des baisers, nos corps nus l'un contre l'autre, des orgasmes qui n'ont fait que me rendre un peu plus fou de lui. Même si nous ne sommes pas allé plus loin que des caresses, j'ai pu sentir mon coeur exploser à chaque fois. Partager ça avec Harry, cette intimité, notre intimité, ça ne m'a fait me sentir que plus proche de lui. Je n'ai ressenti aucune gêne, au contraire, il me fait me sentir tellement bien. Tellement à ma place. Toujours plus proche de lui. Huit ans en arrière, je n'aurais jamais cru ça possible. Qu'il puisse me regarder avec ces yeux là. Ces yeux brillants de désir. Comme moi je l'ai toujours regardé. Même si ça va bien au delà du désir. C'est beaucoup plus profond que ça. Beaucoup plus fort.
La vérité, c'est que j'ai toujours été amoureux de lui.
Et que je me demande s'il réalise à quel point.
On n'en a pas parlé non plus. De nos sentiments. De ce qu'on est. De ce qu'on ressent l'un envers l'autre. Mais je n'ose pas en parler maintenant, par peur de lui mettre une pression inutile, surtout avec ce qu'on vit en ce moment. Tant pis si aucuns mots n'est posé pour le moment, si on n'a pas de discussion formelle ou officielle. Parce qu'il y a les actes et ce qu'on est en train de vivre.
Parce que je sais qu'Harry a besoin de moi autant que j'ai besoin de lui.
Et que je ne compte pas le lâcher.
C'est pourquoi, lorsqu'on finit par se garer au parking des professeurs et qu'Harry coupe le contact, je retire ma ceinture pour me tourner complètement vers lui.
« Est-ce que ça va aller? » Je demande enfin.
Harry me lance un regard puis se pince les lèvres en retirant sa ceinture à son tour. Il prend une grande inspiration et hausse simplement les épaules.
« J'en sais rien.
-Tu sais que tu pouvais poser un arrêt si vraiment...
-Non. » Il me coupe doucement en secouant la tête.
Il la laisse retomber sur l'appuie-tête puis me regarde à nouveau pour me dire:
« Je pense que ça peut me faire du bien de revoir mes collègues, les élèves, de juste devoir penser au travail et éviter de...
-Penser au reste. » Je devine.
Il tourne la tête vers moi, un sourire désolé sur le visage. Parce qu'il sait que je culpabilise. Que c'est plus fort que moi lorsque je le vois dans cet état. Même si je sais que c'est de la faute à Raphaël, pas de la mienne, je déteste ce que la vérité peut avoir comme conséquences parfois. Et c'est moi qui l'ai rétablie. Je ne le regrette pas, parce que c'était la meilleure chose à faire, mais j'aimerais juste retirer toute cette peine du coeur d'Harry.
« Je me sens tellement lâche d'être comme ça alors que c'est pas moi qui l'ai vécu. » Il m'avoue soudainement.
Je fronce les sourcils et il continue:
« C'est toi. C'est toi qui a vécu tout ça et c'est encore toi qui me réconforte.
-Harry, bien-sûr que je te réconforte. Moi, j'apprends à vivre avec tout ça depuis des années déjà... Toi tu viens de tout apprendre. Il y a ce que j'ai vécu et il y a les conséquences dont tu fais parti. Il y a ce que toi tu vis. Ce n'est pas comparable parce qu'on n'a pas à comparer nos combats. »
Le regard d'Harry se perd dans le vide et, même s'il ne répond rien, je sais qu'il m'écoute. Ça a toujours été comme ça avec lui. A n'importe quel âge, il refusait de se montrer vulnérable, de souffrir. Il voulait montrer qu'il pouvait tout supporter, tout combattre. Ne surtout pas être faible. Et on a eu plus d'une discussion sur ça, à l'époque. J'aimais l'emmerder si c'était pour lui rappeler qu'il fallait envoyer chier tous les stéréotypes sur le fait d'être un mec virile et fort qui ne doit pas pleurer. Ce sont des conneries et, même si c'était un ado rebelle qui détestait avouer avoir tort, il ne me contredisait pas non plus. Il écoutait, silencieux. Comme à cet instant.
« J'ai une idée. Enfin, je l'ai eue hier. » Je lâche.
Il tourne de nouveau la tête vers moi, m'interrogeant du regard. Je souris doucement et lui propose:
« Je me suis dit qu'on pourrait inviter Inès à manger à l'appart ce soir? Je sais qu'elle t'a manqué cette semaine et je me doute que tu lui as manqué aussi. Ça pourrait vous faire du bien à tous les deux. »
Une lueur passe dans le regard d'Harry qui finit par sourire doucement à son tour. Ce qui a le don de réchauffer mon coeur. Parce que c'est tout ce que je voulais.
« Même si t'as pas besoin que je te le propose pour l'inviter, tu sais. Tu le fais quand tu veux et... »
La fin de ma phrase s'échoue contre ses lèvres. Je prends quelques secondes à réaliser qu'il m'embrasse ici, dans sa voiture, en plein milieu du parking des professeurs. Mais je ne laisse pas la surprise me priver de ce baiser auquel je réponds doucement, mon sourire naissant contre le sien.
« Merci. » Il murmure lorsque nos lèvres se séparent mais que nos fronts restent collés.
Sa main s'est glissée sur ma joue et je la rejoins, caressant ses phalanges du bout des doigts. Mon coeur, dont le rythme cardiaque s'est emballé avec ce baiser, continue de se réchauffer dans ma poitrine. Je ne sais pas si Harry sait à quel point il me fait de l'effet. A quel point il a ce pouvoir sur moi. Un pouvoir magnifique qui peut rapidement devenir cruel lorsqu'il est entre les mains de la mauvaise personne.
Mais entre les mains d'Harry, je sais que je ne risque rien.
Notre bulle éclate soudainement lorsqu'une silhouette passe devant la voiture d'Harry. On sursaute tous les deux et je tourne la tête pour voir qu'il s'agit de Thomas. Ce dernier tourne la tête vers nous et, comme on ne s'éloigne pas vraiment, je sais qu'il comprend à notre position qu'on vient de s'embrasser. Ça crève les yeux. Il sourit simplement en nous faisant un signe de la main avant de continuer sa route en direction du portillon qui mène au lycée.
Je sais déjà quelle conversation m'attend autour d'un café.
Si ça me fait d'abord sourire, j'ai ensuite le réflexe de tourner la tête vers Harry avec un air coupable. Il comprend mon expression et ne s'éloigne pas d'un seul centimètre pour me répondre:
« Je m'en fiche qu'on nous voit ensemble. »
Sa réponse retourne mon estomac et je ne peux m'empêcher de laisser un sourire niais prendre place sur mon visage. Harry le remarque et, lorsqu'un sourire fier apparaît sur le sien, je ne peux m'empêcher de répondre tout en lançant un regard à mon collègue qui continue de s'éloigner au loin:
« Surtout Thomas... »
Du coin de l'oeil, je vois Harry secoue la tête alors qu'un rire lui échappe.
« Je ne vois pas de quoi tu parles.
-On en reparlera.
-De quoi?
-De ta jalousie.
-Je ne suis pas jaloux. »
J'ouvre grand les yeux en me tournant vers lui, ne le lâchant pas du regard jusqu'à ce qu'il soupire, toujours le sourire aux lèvres:
« Ok. J'étais jaloux.
-T'as craqué plus vite que je ne le pensais.
-Et ça te fait du bien de l'entendre?
-Honnêtement? Oui.
-Sadique.
-Un sadique content. »
Il lève les yeux au ciel alors que je ris en le regardant, ignorant les minutes qui sont en train de passées qui et nous rapprochent de la reprise. Lorsque mon rire s'éteint, je me racle la gorge et décide de lui demander plus sérieusement, juste pour en être sûr:
« Alors ça ne te dérange vraiment pas qu'on sache pour... »
Ne sachant pas comment terminer ma phrase, comment Harry souhaite définir ce qu'on devient, je ne dis rien d'autre, me contentant de le regarder.
« Pour nous? » Il termine à ma place.
Ce n'est peut-être pas un mot officiel, ce n'est peut-être pas la conversation sérieuse que j'attends secrètement, mais ce nous arrive déjà à me faire sourire et à réchauffer mon coeur lorsque je l'entends.
Je hoche alors la tête et Harry n'hésite pas avant de me répondre:
« Non. Je te l'ai dit, Louis, je ne compte plus le cacher. »
C'est vrai, il me la dit. Il a sorti cette phrase, le soir après avoir passé l'après-midi avec Sacha. Cette phrase qui, depuis, continue de tourner dans ma tête, comme la plus belle mélodie que je ne voudrais jamais oublier:
Je ne compte plus cacher ce que je ressens pour toi, moi aussi.
Je souris, encore, parce que je n'arrive plus à m'arrêter. Parce que ce moment apporte cette légèreté qui nous a manqué cette dernière semaine. Et même si tout ça reste compliqué et dur à vivre, cette simple conversation dans la voiture me fait du bien. Nous fait du bien. Même si ce n'est pas ici et maintenant que j'oserais aller plus loin et dire à Harry tout ce que j'ai sur le coeur. Ce n'est pas le lieu. Pas le moment.
« Alors on se cache pas? » Je répète, un sourire en coin.
Harry secoue la tête avant de répondre d'un air soucieux:
« Non. Enfin... au lycée on reste professionnels quand même on est d'accord?
-Je ne comptais pas dire à mes élèves que j'ai pécho le surveillant si c'est ça ta question.
-Idiot.
-Et je ne vais pas te sauter dessus non plus devant nos chers collègues.
-Louis...
-Ni t'apporter des petits mots d'amour en vie scolaire.
-C'est bon, j'ai compris! » Il m'arrête en posant une main sur sa portière.
Je ris en le voyant fuir et le retient aussitôt en enroulant mes doigts autour de son bras. Je le tire à moi et il a à peine le temps de se retourner que je pose une dernière fois mes lèvres contre les siennes. Parce que je sais déjà que je ne pourrais sûrement pas le faire de la journée et que ça me manque déjà. Surtout après cette semaine à n'avoir été qu'avec lui. Son corps se détend contre le mien et il répond tendrement à mon baiser, ayant apparement autant de mal que moi à y mettre fin.
Mais lorsque ça arrive finalement et que la première sonnerie retentit dans le lycée, nous ramenant à la réalité, je ne peux m'empêcher de lui murmurer:
« Si ça ne va pas, tu sais dans quelle salle me trouver. »
♦
(People Help People_Birdy)
INES.
Cachée dans un couloir, je ne pensais pas passer ma récréation comme ça. Assise à même le sol, je ramène mes genoux à moi pour les enrouler de mes bras. Je me retiens de pleurer, de faire du bruit, alors les larmes coulent silencieusement sur mes joues. Et je me sens tellement faible. Tellement fatiguée. Tellement nulle. Il a juste suffit que je croise Alexandre. Je l'ai juste croisé. Tout comme nos regards. Je l'ai vu et il m'a vu. Et tout s'est brisé à nouveau. Parce que, à ce moment-là, j'ai juste eu envie d'éclater en sanglots dans ses bras. J'ai eu envie de lui raconter tout ce qui était en train de se passer. Avec ma mère, avec ma tante, avec Harry. Avec Louis à qui j'aurais inventé un autre nom pour qu'il ne sache pas qu'il s'agit de mon professeur d'art. Mais j'aurais pu tout lui raconter comme je l'ai toujours fait. La douleur de voir ma famille se briser, le choc d'apprendre ce qui est arrivé à un ami disparu bien trop longtemps, l'agresseur qu'était en fait Raphaël que je considérais comme un membre de ma famille...
Mais je n'ai eu le droit qu'à un regard. A un sourire aussi. Un sourire désolé. Un sourire de politesse. Un sourire qui m'a juste rappelé que, non, je ne lui raconterais pas tout ça. Que, non, il ne me prendra pas dans ses bras. Qu'il ne m'écoutera plus pendant des heures. Qu'il ne séchera plus mes larmes et qu'on ne rira plus ensemble non plus.
Il était mon tout mais est destiné à devenir un rien.
Un rien du tout.
Et c'est ce qui fait le plus mal. Au delà du manque. C'est de réaliser qu'une personne qui était toute votre vie peut devenir un étranger. Une personne que vous n'avez plus le droit de toucher, plus le droit d'embrasser, de câliner, d'aimer. Et qui ne le fera plus en retour non plus. Je ne fais que me demander comment c'est possible? D'aimer aussi fort quelqu'un et de le croiser ensuite comme si rien ne s'était passé? Comme s'il n'y avait pas ces souvenirs? Cette histoire écrite longtemps à deux? Tout à l'heure, en nous voyant l'un en face de l'autre, personne n'aurait pu croire qu'on ait partagé autant de choses tous les deux. Parce que ça ne se voyait pas. Parce que c'est comme si ça n'existait pas.
Parce que c'est le cas.
Ça n'existe plus.
A cette pensée, je retiens un nouveau sanglot au point d'en avoir mal à la tête.
Je n'ai plus Alexandre qui, en plus de l'amour, m'apportait du réconfort, ce sentiment d'être comme à la maison. Mais j'ai l'impression de ne plus avoir de maison non plus. Je me sens bien nul part. Et même lorsque je voudrais m'enfermer dans la chambre d'Harry pour tout relâcher, lui aussi est parti. Je ne me suis jamais senti aussi seule, aussi perdue, aussi triste. Plus rien ne me donne envie. Je n'arrive plus à créer, je n'arrive plus à apprécier le fait de manger, je ne dors plus ou très mal et chaque matin je me réveille les yeux gonflés d'avoir trop pleuré. Si cette semaine chez mon père a pu me faire du bien je suis vite retourné à la réalité.
J'essuie une énième fois mes yeux jusqu'à ce que j'entende des pas dans le couloir. Lorsque je tourne la tête, Alexis est là. Son regard tombe sur moi et il se pince les lèvres avant de m'avouer:
« Je te cherchais. »
Il ne fait pas de commentaire sur l'état dans lequel je suis et je lui en suis reconnaissante. Il se contente de venir s'asseoir à côté de moi et, même si d'un côté j'aimerais lui demander de me laisser seule, d'un autre ça me fait du bien de juste réaliser que lui est toujours là. Que ces deux semaines de vacances ne l'ont pas emporté comme tous les autres.
« J'avais pas de nouvelles pendant les vacances alors je me suis inquiété.
-On se donne jamais de nouvelles.
-Ouais mais là tu mettais même plus de story sur les réseaux. Et, ça, c'était inquiétant. »
Malgré les larmes qui coulent toujours sur mes joues, sa remarque réussit à m'arracher un sourire. Il le remarque et sourit aussi, son éternel bonnet sur la tête même s'il sait qu'il ne doit pas le porter dans les couloirs.
« Je ne suis plus avec Alexandre. »
Je lâche ça comme ça. Alors que je n'ai même pas envie d'y croire. Alors que ça me tue de prononcer ces mots. De les rendre toujours plus réels à chaque fois que je l'avoue à quelqu'un.
« Je suis désolé.
-Arrête de mentir. Tu ne l'aimais même pas.
-C'est faux. »
Je relève ma tête vers lui et, le pire, c'est qu'il semble sincère. Encore plus lorsqu'il donne comme simple argument:
« Il te rendait heureuse. »
Je continue de regarder Alexis, surprise mais aussi touchée par la sincérité qui résonne dans sa voix. Je ne saurais même pas dire comment Alexis et moi sommes devenus amis. Je crois que, jusqu'à cet instant, j'ignorais même qu'on l'était. Pourtant, on se connait depuis des années. Mais je l'ai toujours vu comme le garçon agaçant qui a toujours essayé de me draguer au point d'apprécier le rôle du gars lourd qu'il s'est lui-même donné. Parce que c'était toujours sur le ton de la rigolade et qu'il n'est jamais allé trop loin. Parce que j'aimais peut-être aussi le remballer et lui répondre juste pour savoir jusqu'où sa répartie pouvait aller et s'il pouvait en arriver au point d'être limite ou d'être dans l'irrespect. Mais, non, il ne l'a jamais été. Puis il m'a défendu lorsque ce gars m'a harcelé en pleine rue. Et il m'a invité à manger dehors en découvrant ma mère bourrée à la maison. Il n'est jamais revenu dessus. Il ne m'en a jamais reparlé ou n'a fait de remarque déplacée. Certaines personnes, en découvrant vos faiblesses, finissent un jour par les utiliser contre vous. Mais pas Alexis. Il a juste respecté le fait que je ne lui en ai pas reparlé non plus.
Je crois que je comprends enfin pourquoi Harry l'apprécie tant.
« Je ne te demande pas comment se sont passées tes vacances alors. » Il me dit sérieusement.
« Raconte moi plutôt les tiennes. » Je pouffe tristement.
J'ancre mon regard dans le sien et il sourit faiblement en haussant les épaules:
« Tu sais, j'ai bien peur que ça soit pas très joyeux non plus. Même si mes grands-parents font tout pour qu'on passe un joyeux Noël tous les trois il manque toujours leur fille à table. Ce n'est plus pareil depuis la mort de ma mère. Et mon père, cette année encore, n'a pas pu se libérer pour venir le fêter avec moi. Mais bon ça encore j'ai l'habitude. La mère de ma mort, par contre, je n'arrive pas à m'y habituer. »
La fin de sa phrase n'est qu'un murmure et même si je ressens toute la tristesse du monde dans ses mots, il ne montre rien. Aucune larme. Aucun tremblement. Rien. Il continue même de me sourire et je ne peux m'empêcher de lui dire:
« Je suis désolée, Alexis.
-C'est moi qui suis désolé. Je suis censé te réconforter pas te donner encore plus envie de déprimer. » Il répond en riant.
Son rire sonne faux mais je n'ose pas lui dire qu'il n'arrive pas à me berner. Alors je souris simplement en retour. Un sourire triste que j'espère quand même réconfortant à ses yeux. Parce que je me surprends à vouloir le réconforter alors que je suis incapable de sécher mes propres larmes. Mais sa présence me fait du bien à cet instant. C'est réconfortant. Pas de savoir qu'il peut être triste lui aussi, non, mais de savoir qu'il est juste là. Ça me fait me sentir moins seule.
« Personne dans le couloir pendant la... »
Alexis et moi sursautons en voyant Harry arriver vers nous, sortant de la cage d'escalier. Il s'arrête tout de suite de parler en remarquant que, les élèves qu'il était sur le point de virer, c'est Alexis et moi. Son regard s'arrête d'abord sur Alexis qui lui fait un signe innocent de la main.
« Salut, Harry.
-Salut, Alexis. »
Il tourne ensuite la tête vers moi et son regard se fait plus triste. Même si les larmes ont cessées de couler depuis qu'Alexis est arrivé, il est facile de comprendre dans quel état j'étais quelques minutes plus tôt. Je déglutis et ce que je ressens en voyant Harry est un mélange de tristesse et de joie. Parce qu'il m'a manqué mais que je n'ai pas trouvé l'énergie de le chercher en arrivant ce matin. C'est un peu comme si j'avais peur de l'empêcher de prendre son nouveau départ. Je ne veux pas être un poids accroché à sa cheville et qui l'empêche d'avancer. Il avait besoin de partir de la maison et je ne veux même pas le retenir même s'il me manque cruellement et que j'ai jamais eu autant besoin de lui.
« Je dois pisser! » Lâche naturellement Alexis en se levant, embarquant son sac au passage.
Il se tourne ensuite vers moi pour me demander:
« On mange ensemble à midi, si tu veux?
-Ouais, ça marche. » Je réponds en hochant la tête.
Il me sourit une dernière fois puis sourit à Harry lorsqu'il passe devant lui.
« Ton bonnet. » Lui fait remarquer Harry, retenant un sourire amusé.
« T'abuses je suis pas coiffé!
-Dépêche toi.
-Tu me fais ça devant ta cousine, en plus. Je retiens, Harry. Je retiens. » Répond Alexis en retirant dramatiquement son bonnet.
Alors, juste pour l'emmerder, Harry fixe ses cheveux avant de lui dire:
« T'as raison finalement, remets-le. Et vite.
-Si tu pouvais pas me coller je te jure que... »
Alexis ne termine pas sa phrase et Harry ne peut s'empêcher de rire, les bras croisés sur son torse, regardant son élève préféré disparaître par la cage d'escalier. Je ne peux m'empêcher de sourire face à cette scène et mon coeur se réchauffe doucement lorsqu'Harry vient prendre la place d'Alexis à mes côtés.
« Je croyais qu'on avait pas le droit de rester dans les couloirs. » Je dis en tournant la tête vers lui.
« C'est le cas. Mais t'es une privilégiée apparement. »
Je souris légèrement avant de baisser la tête sur mes bras toujours enroulés autour de mes genoux.
« Comment s'est passée la semaine chez ton père?
-Ça m'a fait du bien de partir un peu. » Je dis simplement.
Voyant que je n'en dit pas plus, Harry me donne un léger coup d'épaule.
« Quoi? » Je demande en le regardant.
« Est-ce que tu m'en veux d'être parti? » Il demande sérieusement. « C'est pour ça que tu ne veux pas me parler? »
Mon coeur se serre et ma gorge se noue à l'entente de ses questions. Je secoue la tête puis déglutis avant de lui avouer:
« Non... Je comprends que tu sois parti. C'est ce que j'aurais fait à ta place aussi. Et sans l'école je serais partie plus longtemps moi aussi. Mais je me dis que tu n'as pas besoin d'entendre à quel point je vais mal. Parce que je sais que toi aussi tu ne vas pas bien et que je veux pas en rajouter et... »
En entendant ma voix se remettre à trembler, Harry passe aussitôt un bras autour de mes épaules pour me faire retomber contre lui. Je craque aussitôt, laissant s'échapper les sanglots que je retenais depuis ce matin. Ma tête posée sur son épaule, je renifle entre deux sanglots, me remettant à essuyer mes larmes qui me brouillent la vue.
« C'est pas parce que je suis parti ou parce que c'est pas facile pour moi non plus que je ne suis plus là pour toi, Inès. Je serais toujours là. Tu peux me le dire quand ça ne va pas. Tu peux pleurer devant moi. Tu pourrais même me dire que tu m'en veux que je sois parti. Je ne le prendrais pas mal. Je peux l'entendre et je veux l'entendre si c'est le cas. Je ne veux pas qu'on se mente. Pas nous. Surtout pas nous.
-Je ne t'en veux pas. C'est juste que tu me manques.
-Tu me manques aussi. » Il avoue en embrassant ma tempe.
Je sens ma cache thoracique trembler lorsque je tente de reprendre mon souffle. Mon nez se retrouve rapidement bouché et le mal de tête revient, me faisant fermer les yeux quelques secondes.
« Tu devrais peut-être passer voir Samantha. » Il me dit, sa main passant dans mes cheveux.
« L'infirmière?
-Oui. Je ne suis pas sûr que tu sois en état d'aller en cours, ma puce. Puis, te reposer un peu et parler à une professionnelle pourrait te faire du bien. Samantha est très douce et à l'écoute.
-Mais si je rate le prochain cours...
-Un camarade de ta classe viendra faire une photocopie du cours que tu as manqué en vie scolaire et tu le récupérera ensuite. Je sais que tu te mets beaucoup de pression à l'école et pour ton futur mais une heure pour se reposer psychologiquement n'est pas une heure de perdue. »
Je relève la tête pour regarder Harry et il me sourit doucement avant d'embrasser mon front. Je sais qu'il s'inquiète pour moi mais sait-il que je m'inquiète pour lui moi aussi? Harry est du genre à donner de bons conseils mais à ne pas les appliquer lui-même.
« Ok. J'irais quand ça sonne. » Je réponds.
Il hoche la tête et je profite du peu de temps qu'il nous reste avant la sonnerie pour lui demander:
« Et toi? Tu ne m'as pas vraiment dit où tu étais parti même si je me doute un peu... »
Il sourit à la fin de ma phrase même si la tristesse se lit toujours dans ses yeux. La fatigue aussi.
« Je suis chez Louis. »
C'est bien ce que je pensais. Mais, surtout, ça me rassure de le savoir avec lui. Nos mères étaient déjà rassurées à l'époque lorsqu'ils étaient ensemble. Elles savaient que, tant qu'Harry était avec Louis, il était raisonnable et ne faisait rien qui pourrait les mettre en danger. Parce que la sécurité de Louis lui importait encore plus que la sienne. Je me demande comment elles ont pu penser une seule seconde que c'était une bonne idée de lui cacher ce qui arrivait à Louis? Alors qu'il avait toujours été la personne la plus importante aux yeux d'Harry?
« Et, d'ailleurs, on voulait t'inviter à manger à son appartement ce soir. »
Surprise, je hausse les sourcils en répondant bêtement:
« Vraiment?
-Oui. Tu partirais en même temps que nous après le travail et je te ramènerais à la maison ce soir quand on aura terminé.
-Ça fait longtemps qu'on a pas passé une soirée tous les trois.
-Ça fait à peu près huit ans. » Il tente de répondre avec amusement.
Mais nos sourires nostalgiques sont toujours là. Alors mon coeur se serre et se réchauffe à la fois à l'image d'une soirée avec eux. Avec Harry mais aussi avec Louis. Loin de l'atmosphère lourde qui règne à la maison. Je réalise que, au final, c'est tout ce dont j'avais besoin. Comme lorsque, petite, je me faisais gronder ou je cognais quelque part et que mon premier réflexe était d'aller me cacher dans la chambre d'Harry pour qu'il me réconforte et en sachant que Louis s'y trouverait aussi. Ils arrêtaient alors de jouer à la console pour m'aider à grimper sur le lit et me mettre entre eux deux. Ils finissaient toujours par me prêter une manette même si j'étais trop petite pour jouer. Je faisais faire n'importe quoi aux personnages sur l'écran et ça nous faisait rire jusqu'à ce que je m'endorme à côté d'eux.
« Préviens quand même maman et tata. »
Même si je sais qu'il leur en veut plus que tout, il est assez mature pour ne pas vouloir les inquiéter. Je me demande s'il compte ne plus jamais leur reparler. Cette idée me noue l'estomac et je me contente d'hocher la tête.
« Ouais, je vais leur envoyer un message. »
Harry m'embrasse une nouvelle fois la tempe et me serre une dernière fois contre lui avant que la sonnerie ne retentit. Il se relève alors en premier et me tend sa main pour me faire me lever à mon tour. Je récupère mon sac, ayant l'impression qu'il pèse une tonne tellement je suis fatiguée. Harry le comprend et fait glisser mon sac de mon épaule pour le mettre sur la sienne et me dire:
« Je t'accompagne à l'infirmerie. »
Je hoche la tête et, avant que des élèves n'arrivent, je ne me retiens plus de fondre dans ses bras.
Je le serre de toutes mes forces contre moi.
Parce que, dans tout le bordel qui nous entoure, je sais déjà que notre relation est quelque chose qu'on ne perdra jamais.
« Merci, Harry. »
lousombre
...
Prenez soin de vous.
Ne restez pas seul.e.s lorsque ça ne va pas. Faites vous accompagner.
Faites vous aider.
Je vous envoie plein d'amour.
❤️
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