Chapitre 26

Hi! J'espère que vous allez bien?
Encore merci mille fois pour tout, pour votre soutien, vos commentaires, vos messages !
Je n'ai presque plus de chapitre d'avance avec le travail et ces derniers week-ends chargé mais c'est bientôt les vacances et je compte bien reprendre de l'avance !
Et travailler une future fiction dont j'ai déjà le titre, le résumé, prologue, et les grandes lignes de l'histoire... mais ça je reviendrais vers vous plus tard.🤫

...

CHAPITRE 26

(Skinny Love_Bon Iver)

HARRY.

Lorsque j'ouvre les yeux, je ne sais même pas dire combien de temps j'ai dormi. Ou si je l'ai vraiment fait. D'épuisement, sûrement. Mais j'ai des images de cette courte nuit. De ces quelques dernières heures, en fait. Mes yeux qui s'ouvrent plus qu'ils ne se ferment. Le plafond que j'ai fixé, encore et encore, même quand il se déformait à travers mes larmes.

Lorsque nous sommes arrivés à l'appartement de Louis, et après l'étreinte que nous avons partagé, il m'a dit que je pouvais aller dans sa chambre si j'avais besoin. Et j'en avais besoin. Non pas pour dormir mais pour m'isoler. Pour pleurer. Pour craquer. J'avais besoin d'être seul pour réaliser tout ce que je venais d'entendre, tout ce que je venais d'apprendre, et Louis l'a compris avant même que je ne lui dise. Il s'est juste assuré de mettre une trousse de secours sur son lit avant de me laisser rejoindre sa chambre, afin que je nettoie mes phalanges abimées par les coups que j'ai porté à Raphaël.

Le nom de ce dernier n'a fait que résonner toute la nuit. Et plus je me le répétais, plus j'avais envie de hurler. De hurler de tristesse, de colère. Mais, surtout, j'avais envie de vomir. Envie de vomir le prénom de celui qui représentait la seule figure presque paternelle de ma vie. Il était mon grand-frère. Celui à qui je me confiais, celui qui me calmait, celui qui a eu le culot de sécher mes larmes suite au départ de Louis.

Les poings serrés, je suis toujours allongé dans le lit de Louis, et pourtant je suis prêt à repartir là-bas, à toquer à la porte de Carmen et à espérer que Raphaël ne soit pas encore parti pour que je puisse finir ce que j'avais commencer. Parce que les mots de Louis résonnent, eux aussi. Ils résonnent au point de me hanter. Je n'en ai oublié aucun. Je peux encore le voir, assis sur mon lit, et je pourrais réciter chaque mot qu'il a lâché. Et chacun d'entre eux donne à mon coeur l'envie de crever.

J'étais là. J'étais là et il a subit ça.

Et je n'ai rien vu. Rien fait.

Mais, surtout, j'ai voulu le détester pendant huit longues années.

J'ai voulu le faire culpabiliser lorsqu'il est revenu.

La gorge nouée, je me redresse dans le lit. Parce que j'ai besoin de respirer. J'ai besoin de sortir de cette chambre même si son odeur sur les draps a le don de m'apaiser, de me réconforter. Je veux le voir. Même si ça fait putain de mal de le regarder dans les yeux en sachant ce que j'ai raté.

La culpabilité me ronge les veines, mais pas seulement. Tout ne tourne pas autour de moi. Non. Tout tourne autour de lui. Cette nuit, je n'ai pas que pensé à ce que j'aurais pu faire pour le sauver ce soir-là. J'ai pensé à ce qu'il s'est passé, à son silence, à ce que ma famille et celle de Raphaël lui ont imposé, à ce combat qu'il a dû mener loin d'ici, loin de moi. Il a dû se relever sans personne pour l'aider, à part le soutien de ses parents. Il a dû construire une nouvelle vie alors qu'il n'avait rien demandé. Raphaël a détruit la vie qu'il avait ici. A détruit cet endroit. Ses souvenirs.

Et il a détruit notre relation avec.

Mon coeur se serre violemment. Parce que tout prend son sens. Le comportement de Louis avant son départ. Le fait qu'il était distant avec Sacha. Ce n'est pas Sacha qu'il fuyait, c'était l'ombre de son frère derrière. Et le secret qu'il représentait. La difficulté qu'il a eu à m'expliquer ce qu'il s'était passé, les réponses qu'il ne voulait pas me donner afin de me protéger, afin de ne pas gâcher ma relation avec ma famille. Tout était sous mes yeux. Depuis le début.

Je déglutis et sors finalement du lit, ayant l'impression que mon corps pèse une tonne. Je porte les mêmes vêtements que la veille. De toute façon, je suis parti sans rien. Juste avec Louis. Et j'ai aucune idée de ce que je vais faire maintenant.

Lorsque j'arrive dans le salon, une douce odeur me parvient. Une odeur de crêpes. Je tourne la tête et, effectivement, Louis est en train d'en faire depuis sa cuisine ouverte. En m'entendant, il tourne la tête vers moi et ses lèvres s'entrouvrent lorsque nos regards s'accrochent. Son regard examine mon visage fatigué et, je le devine, mes yeux gonflés. Une lueur de tristesse traverse ses yeux et je détourne le regard pour le poser sur le canapé. Je remarque alors l'oreiller et la couverture sur ce dernier. Je comprends que Louis y a dormi cette nuit. Du moins, s'il a réussi à dormir. Parce que je le regarde de nouveau et je remarque que ses yeux sont tout aussi gonflés que les miens.

Il y a d'abord un silence où ni lui ni moi ne savons quoi dire. Et, en même temps, il n'y a pas de bonne chose à dire après cette nuit. Louis doit se dire la même chose parce qu'il finit par me sourire doucement. Il me sourit. Ça n'atteint pas ses yeux, la tristesse peut toujours s'y lire d'ailleurs, mais il sourit. Il trouve cette force que je n'ai pas. Et, après ce que j'ai appris, je vois Louis comme la personne la plus courageuse que je connaisse. Mais surtout comme l'homme qui a tout fait pour moi. Au point de partir.

« J'ai fait des crêpes. » Il lâche simplement en mettant la dernière dans l'assiette où plein d'autres en débordent.

Parce qu'il sait à quel point j'aime ça. Il m'en faisait déjà quand on était ados.

« Merci. » Je réponds d'une voix enrouée.

Je me racle la gorge et m'avance pour m'asseoir sur un des deux tabourets face au comptoir de sa cuisine. Il pose l'assiette en face de moi ainsi que de la confiture, du sucre et de la pâte à tartinée. En réalité, je n'ai pas faim. Et je me doute que Louis le sait. Mais rien que pour son geste, pour cette pointe de réconfort dans ma poitrine, je décide d'en prendre une avec de la confiture. Il sourit doucement, toujours de l'autre côté du comptoir, mais ne mange pas contrairement à moi.

Le silence nous enveloppe de nouveau alors que je croque dans ma crêpe. Louis joue avec ses doigts sur le comptoir, le regard baissé, et l'atmosphère se fait plus lourde. C'est comme si le temps était sur pause. Je sens mon téléphone toujours dans la poche de mon pantalon mais je ne le regarde pas. Je l'ai senti vibrer toute la nuit. J'aurai pu l'éteindre mais j'en avais même pas la force. Au bout d'un moment, il a simplement arrêté de vibrer.

Le poids sur ma poitrine devient de plus en plus lourd et la boule dans ma gorge m'empêche d'avaler une bouchée de plus. Alors je pose le reste de ma crêpe devant moi et mon geste attire l'attention de Louis qui relève la tête vers moi.

« Je suis désolé, Louis. » Je lâche.

Je déglutis difficilement et répète difficilement:

« Je suis désolé de n'avoir rien vu. De n'avoir rien vu ce soir-là, alors que j'étais là. J'étais avec toi. Et de n'avoir rien vu les semaines qui ont suivi , de ne pas avoir su comprendre ton changement de comportement...

-Ce n'est pas de ta faute, Harry. » Il me coupe.

Sa voix est presque dure, ce qui me fait relever les yeux vers lui. Son regard est triste mais déterminé lorsqu'il reprend:

« Comme je te l'ai dit, j'ai longtemps pensé que c'était de ma faute. Et il a fallu que je vois cette psychologue sur Montpellier pour que je comprenne que, non, ce n'était pas la mienne. Et encore moins la tienne. C'est celle de Raphaël. Il était plus vieux que nous, il était censé être l'adulte, alors il savait très bien ce qu'il faisait à un gamin de seize ans. Et ça ne sert à rien de se repasser la scène en boucle en se demandant comment il aurait pu en être autrement parce que ça changera rien du tout. Tu n'étais pas censé te méfier de Raphaël et moi non plus. Tu n'étais pas censé t'inquiéter de mon absence alors qu'on était dans un endroit où on pensait être en sécurité.

-T'es parti avec lui parce que j'étais avec cette fille.

-Et alors, Harry? T'étais pas censé non plus savoir ce que je ressentais déjà pour toi à ce moment-là. T'étais un ado qui appréciait une fille et qui passait un bon moment avec elle. Et t'as pas à t'en vouloir pour ça, ok? Parce que moi je ne t'en veux pas. Je n'en veux qu'à une seule personne, le seul fautif de cette histoire. Raphaël. J'ai trop longtemps porté sa culpabilité à sa place et ce n'est pas à toi de la porter non plus. »

J'entends ce que Louis dit. Mais je sais d'avance qu'il va me falloir du temps pour l'accepter. Accepter que je ne pouvais rien faire. Parce que, tout ce que je pense pour le moment, c'est que tout aurait été différent si j'avais relevé la tête, si j'avais pas été avec cette fille. J'aurais vu que Louis allait mal et j'aurais fait plus attention à lui. Assez pour qu'il ne ressente pas le besoin de s'isoler et donc de monter à l'étage...

Mon estomac se retourne violemment et je prends une grande inspiration en posant mes mains sur le bas de mon visage, recouvrant ma bouche. Louis me regarde tristement et déglutit à son tour avant de me dire d'une voix plus basse:

« Mais moi aussi je suis désolé. Désolé d'avoir pensé que te cacher ça et te laisser vivre dans l'illusion était la meilleure chose à faire...

-Tu voulais me protéger.

-Et je n'ai qu'à te regarder aujourd'hui pour comprendre que je me suis raté. »

Je secoue négativement la tête.

« T'avais seize ans et tu venais de te faire... » Je soupire en passant une main sur mon visage. « Mais la première chose à laquelle tu as pensé c'est de me protéger, d'épargner ma relation avec ma famille. Alors oui, je suis en colère de savoir que j'ai eu confiance en Raphaël durant toutes ces années. Qu'il m'a prit dans ses bras, qu'il a voulu me réconforter... Ça me donne juste envie de vomir. Et de savoir que ma mère et ma tante étaient au courant mais ne m'ont rien dit ça... Ça me donne envie d'exploser. Mais il n'y a qu'à eux que j'en veux. Pas toi, Louis. Surtout pas toi. »

Le regard brillant, il hoche simplement la tête. Et je comprends que je ne suis pas le seul qui a du mal à ravaler sa culpabilité.

« Qu'est-ce que tu comptes faire par rapport à elles...? » Il me demande prudemment.

La mâchoire serrée, je baisse le regard quelques secondes. Ce poids sur ma poitrine se fait de plus en plus lourd mais je n'ai même plus de larmes dans les yeux. C'est comme si je n'avais même plus la force de pleurer. Le sentiment qui prend le dessus est encore plus douloureux. Un sentiment où se mêlent la colère, la déception et la tristesse. Un sentiment de vide profond.

« Je ne veux pas leur parler. Je ne me sens même pas capable de les regarder dans les yeux. » Je lâche, la gorge nouée.

Je prends une grande inspiration et continue:

« Je vais juste y retourner pour récupérer quelques affaires et après... je sais pas. Mon coach Sofiane acceptera peut-être de me laisser dormir dans les vestiaires en attendant que...

-Harry. » Me coupe aussitôt Louis.

Je relève mes yeux vers lui et le découvre en train de me regarder en retour, les sourcils froncés.

« Tu penses vraiment être à la rue? » Il me demande tout en écartant ses bras pour me montrer son appartement.

Mon coeur se serre et se réchauffe à la fois.

« Je ne veux pas m'imposer. »

Louis secoue la tête et je le suis du regard lorsqu'il retourne côté salon pour s'approcher du meuble de l'entrée. Il ouvre un tiroir et en sort un double de ses clés qu'il revient poser sur le comptoir, juste devant moi. Il n'est plus en face de moi mais debout à mes côtés, me dépassant puisque je suis toujours assis sur le tabouret. Je regarde les clés puis penche la tête pour le regarder me sourire doucement.

« Je ne t'oblige à rien. Mais sache que tu peux rester autant que tu veux.

-Tu es sûr?

-C'est pas comme si, à une époque, on était toujours l'un chez l'autre. » Il dit plus doucement.

Ce souvenir réussit à m'arracher un sourire. C'est vrai. Lorsqu'il n'était pas chez moi, j'étais chez lui. On a dormi ensemble un nombre incalculable de fois même si notre relation était bien différente de celle qu'on a aujourd'hui. Oui, tout est si différent maintenant. Ce que je ressens pour Louis est différent. Et même si on n'en a pas reparlé depuis notre dispute en boîte de nuit hier je veux qu'il sache que tout ça est sérieux à mes yeux. Qu'il avait raison lorsqu'il me disait qu'il pensait que ma vision de notre relation avait évoluée depuis nos retrouvailles. Depuis que je lui ai demandé qu'on puisse se cacher et ne pas poser de mot là-dessus.

Même si mon coeur est trop lourd ce matin pour avoir cette conversation, je compte bien l'avoir bientôt.

Après tout ce qu'il s'est passé, tout ce que je viens d'entendre, je refuse que Louis puisse penser qu'il n'est rien d'autre qu'une personne que j'aime embrasser. Il est bien plus que ça. Ce que je ressens pour lui est beaucoup trop fort pour que je continue de vouloir le minimiser.

Je sors de mes pensée en sentant la main de Louis passer dans mes cheveux. Cette simple caresse réchauffe ma cage thoracique et j'ancre mon regard dans le sien pour enfin lui répondre:

« Ok. Mais je refuse que tu dormes sur le canapé à cause de moi. »

Je montre le canapé d'un signe de menton et Louis rit doucement en suivant mon regard. Son rire a le don de détendre un peu l'atmosphère et, par réflexe, parce que j'ai besoin de le sentir contre moi, besoin de m'accrocher à lui, besoin qu'il sache que je ne compte plus le lâcher, je viens passer un bras autour de sa taille, l'approchant de moi. Son corps glisse doucement entre mes jambes et Louis baisse la tête vers moi, sa main passant de mes cheveux à ma joue.

« Le problème c'est que je refuse également que tu dormes sur le canapé. » Il dit sans me lâcher du regard.

La boule de chaleur dans mon coeur se répand maintenant dans tout mon corps et finit par exploser lorsque Louis continue dans un murmure:

« Mais on pourra s'arranger. »

Mon ventre se retourne, agréablement cette fois, et je hoche doucement la tête, mes yeux louchant sur ses lèvres. Louis sourit doucement et finit par mettre fin au peu de distance qu'il restait entre nos visages. Sa main relève mon visage tandis qu'il se penche pour attraper tendrement mes lèvres. Mes bras autour de ses hanches, je le rapproche un peu plus de moi, sentant mon coeur battre beaucoup plus vite qu'il n'a pu le faire cette nuit. Oui, j'ai l'impression qu'il est brisé en mille morceaux. Mais dans ces milles morceaux se reflète toujours le visage de Louis. Alors il continue de le faire battre.

Il le fait battre mille fois.

J'ai besoin de l'avoir contre moi. Besoin de respirer son odeur. Besoin de sentir mes bras le serrer toujours un peu plus fort. Besoin de ne plus le lâcher. Besoin qu'il sache que je ne veux plus le lâcher. Même s'il me répète que tout ça n'est pas de ma faute et que je ne dois pas culpabiliser une part de moi veut se rattraper. Rattraper l'accueil que je lui ai fait lorsqu'il est revenu et surtout rattraper ces huit années sans lui à mes côtés.

Mais lorsque Louis glisse ses lèvres jusqu'à ma joue et qu'il embrasse chaque parcelle de ma peau, je me demande qui de nous deux cherche le plus à réconforter l'autre.

Ses lèvres quittent ma peau en même temps que mon téléphone vibre dans ma poche. Louis l'entend et baisse son regard sur mon jean avant de se pincer les lèvres. Je soupire tristement et récupère mon téléphone, prêt à l'éteindre cette fois. Mais lorsque je vois le nom de la personne qui m'a envoyé le message, cette fois, je me fige. Louis le remarque mais ne regarde pas mon écran pour autant.

Message de Sacha à Harry:
Salut. Je sais qu'il faut qu'on parle toi et moi mais j'aimerais voir Louis d'abord. Je n'ai pas son numéro mais je me doute qu'il est avec toi alors est-ce que tu pourrais lui demander l'autorisation de me donner son numéro, s'il te plaît?
Je te jure que je n'étais au courant de rien, Harry.

Mon coeur se serre et je me contente de montrer le message à Louis. On comprend tous les deux que Raphaël a été obligé de tout lui avouer. Du moins j'espère qu'il a dit la vérité, cette fois. Toujours contre moi, Louis regarde mon écran et finit par hocher lentement la tête.

« Tu peux lui donner mon numéro...

-Tu es sûr?

-Oui. Il n'y est pour rien, lui non plus. Et j'ai assez repoussé ce moment... »

Louis prend une légère inspiration avant de rajouter:

« Puis... il m'a beaucoup manqué, même si je ne voulais pas le montrer. »

Mon bras se resserre autour de sa taille alors que, de ma main libre, je réponds au message:

Message de Harry à Sacha:
Je sais que tu n'étais pas au courant, Sacha.
Je t'envoie le numéro de Louis.

Je pourrais en dire tellement plus. Que je suis désolé qu'il ait apprit ça comme ça. Tout comme moi. Parce que je sais ce qu'il ressent à cet instant. Mais j'attends de le voir. On n'a pas ce genre de discussion à travers un téléphone. Je lui envoie donc le numéro de Louis et, quelques secondes plus tard, c'est le téléphone de Louis qui vibre sur le comptoir. Il le récupère et lit le message avant de me dire:

« Sacha me demande si on peut se voir cet après-midi. Je vais lui proposer de venir ici, je pense.

-J'irais chercher mes affaires pour vous laisser rien que tous les deux.

-T'es sûr que tu ne veux pas que je vienne avec toi?

-Hors de question que tu retournes là-bas. »

Louis mord l'intérieur de sa joue mais ne répond rien. Parce que je sais qu'il n'a pas envie d'y retourner non plus. Et je le comprends. Surtout quand on ne sait pas si Raphaël y est toujours. Je ne l'espère pas.

Parce que je ne lui souhaite pas de me croiser.

(Paralyzed_NF)

C'est le coeur lourd que je me gare dans le quartier.

Et je ne pensais pas le voir sous cet angle un jour. C'est ici que j'ai grandi. Ici que j'ai fait des conneries mais ici aussi que j'ai changé. On nous dit de faire gaffe aux gars du quartier, de s'en méfier. On nous dit que, ici, c'est dangereux. Mais la vérité c'est que le réel danger ne se trouvait pas là où je le pensais. Cette fois, le danger s'avérait être un proche et non pas une silhouette inquiétante au coin d'une rue. Un millier de fois j'ai réfléchi à ce qui avait pu se passer avec Louis mais pas une seule fois j'ai regardé dans la bonne direction.

J'ose un regard vers la maison de Carmen. La voiture de Raphaël ne s'y trouve plus. Je ne sais pas si je suis soulagé ou si, au fond de moi, j'aurais aimé lui tomber dessus à nouveau. Je l'ai aimé comme un grand-frère. Je l'ai sincèrement aimé. Alors bien-sûr que ça fait mal mais à aucun moment cet amour que j'ai pu lui porter m'aveugle sur ce qu'il a fait. Cet amour s'est aussitôt transformé en haine. Je ne comprends pas comment il a pu être soutenu. Je ne comprends pas comment ils ont pu remettre en cause la parole de Louis.

C'est tendu que j'arrive devant chez moi et que je décide d'entrer par la porte extérieure du garage. J'arrive directement dans ma chambre et ne perd pas de temps pour trouver mon grand sac de sport et y mettre le plus d'affaires possible. Vêtements, sous-vêtements, manteau, bonnet... Je prends un autre sac et y range des affaires plus personnelles cette fois. Mon chargeur, de l'argent que j'avais mit de côté dans une boite...

Je m'approche de mon bureau et ouvre le tiroir. Mon coeur se serre violemment lorsque je prends le dessin de Louis entre mes doigts. Hors de question de le laisser ici. Ce dessin, c'était son adieu. Mais c'était aussi son je t'aime.

Je le range dans mon sac et, dans le même tiroir, trouve le cadeau de Noël que j'avais prévu de donner à Louis. Je le range avec le dessin puis, dans la petite salle de bain reliée à ma chambre, je récupère ma brosse à dent et quelques affaires d'hygiène que je range dans une pochette avant de l'enfouir dans mon sac à son tour.

Lorsque je retourne dans ma chambre, je sursaute en trouvant Inès devant ma porte. Si son visage était déformé par la tristesse depuis sa rupture, aujourd'hui c'est encore pire. Elle n'essaie même pas de forcer un sourire. Son regard est éteint, ses yeux gonflés et cernés. Je ne lis plus rien à travers les traits de son visage. Elle est juste vide. Et mon coeur se brise en la comparant à la jeune fille pleine de vie que je voyais chaque matin il y a encore quelques semaines. A la jeune fille qui, à la rentrée, avait un grand sourire sans se douter de ce que les prochains mois allaient lui réserver. Allaient nous réserver.

« Je savais que tu viendrais. » Elle me dit simplement.

« Je repars.

-Oui, ça aussi je le savais. »

Je déglutis difficilement et Inès reprend d'une voix plus fragile cette fois:

« Tu ne vas plus vivre ici, pas vrai? »

Sa voix se brise, me laissant percevoir une émotion qu'elle tentait jusqu'à maintenant de cacher. Ou qu'elle n'avait plus la force de montrer, en tout cas. Des larmes apparaissent dans ses yeux et, alors que je pensais ne plus en avoir, de nouvelles apparaissent également dans les miens.

« Je suis désolé, Inès.

-Je comprends. » Elle répond en retenant ses sanglots. « Maman et tata m'ont tout avoué. »

Mon coeur rate quelques battements et je n'ai pas le temps de répondre quoi que ce soit qu'elle ajoute:

« J'ai appelé papa. Il m'a prit un billet de train pour que je puisse passer la dernière semaine de vacances chez lui. Je pars ce soir. »

Inès penche légèrement sa tête en arrière mais ça n'empêche pas ses larmes de couler lorsqu'elle termine dans un sanglot:

« J'ai besoin de partir parce que notre famille est en train de se détruire. »

Sa phrase m'arrache plusieurs larmes et je m'approche rapidement d'elle pour la prendre dans mes bras. Elle me serre contre elle en retour et enfouit son visage contre mon épaule. Son corps tremble contre le mien, secoué par ses sanglots lorsqu'elle me dit:

« Comment il a pu faire ça? Et comment elles ont pu nous le cacher?! »

Je n'arrive même pas à lui répondre, parce que je me pose les mêmes questions. Je continue de le serrer contre moi, essuyant discrètement mes larmes lorsque je le peux. Je renifle et je déteste ce qui est en train de se passer. Je déteste vouloir être là pour elle, être là pour Louis mais me sentir plus faible et instable que jamais. Parce qu'à chaque fois que je repense aux mots de Louis, j'ai envie de me mettre à hurler et à chialer en même temps, suppliant je ne sais qui, je ne sais quoi, pour que tout ça ne soit qu'un cauchemar.

Je ne veux pas laisser Inès seule ici, dans le bordel que devient notre famille, et en même temps je suis incapable de rester un jour ou une nuit de plus en faisant comme si de rien était. Putain, comment elles ont pu le faire? Comment?

Alors que ces questions résonnent dans ma tête, la porte de ma chambre s'ouvre à nouveau. Sûrement alerté par les sanglots de Inès, ma mère et ma tante arrivent, se figeant en me voyant. Et je me fige aussi. Inès le sent et se détache de moi, ne cherchant même pas à sécher ses larmes lorsqu'elle se retourne vers nos mères.

Ma main dans le dos d'Inès, je me penche pour embrasser sa tempe avant de dire:

« J'y vais.

-Non, Harry, s'il te plaît... » Commence ma mère, les larmes aux yeux.

Bien-sûr que la voir dans cet état me fait mal. On a toujours été complices. Elle a toujours tout fait pour moi et tante Julia aussi. Je les ai toujours vu comme mes deux mamans à défaut de ne jamais avoir eu de père. J'avais du respect pour ces femmes, de l'admiration même, mais savoir qu'elles m'ont menti tout ce temps me donne juste l'impression de me fracasser la gueule.

« On aimerait te parler. » Continue tante Julia.

« Me parler de quoi? Du fait que Louis se soit fait violer par Raphaël, que vous étiez au courant et que vous l'avez accepté? » Je lâche durement.

Inès baisse la tête et j'aimerais lui conseiller de sortir de ma chambre, de ne pas assister à mon craquage, mais j'en suis incapable. La colère est déjà en train de prendre le dessus et ça n'a rien à avoir avec l'adolescent sanguin que j'ai pu être. Non. Là je réagis en connaissance de cause et je décide moi-même de ne rien contrôler du tout. Parce qu'il n'y a rien à contrôler. Rien à minimiser.

« On ne savait pas que...

-Que quoi? Que c'était un viol? Pourtant Louis vous l'a dit, non? »

Elles me regardent sans répondre.

« Il vous l'a dit, non?! » Je hurle cette fois.

« On a dit à Carmen que la version que défendait Raphaël n'était pas clair. Qu'il n'aurait jamais dû tenter quoi que ce soit avec Louis. Avec un mineur tout court. On a gueulé sur Raphaël, nous aussi. Mais il a continué de nous jurer que c'était consenti, que Louis était venu le voir et qu'il regrettait d'avoir accepté. Encore plus en sachant que Louis le regrettait aussi. Carmen le croyait. Elle nous suppliait de le croire aussi. Nous répétait que son fils, qu'on avait vu grandir aussi, aurait été incapable de faire ça. Et...

-Et quoi ? C'était plus facile de croire cette version, c'est ça? C'était plus simple? Plus simple que de croire qu'un autre gamin que vous aviez vu grandir avait été violé?! Non mais vous vous écoutez bordel?! Vous avez remit en cause la parole de Louis! Il a eu le courage d'avouer ce qui s'était passé et vous vous n'avez fait que l'humilier en ne le croyant pas! Et vous disiez le considérer comme un fils?! Vous disiez aimer ses parents?! Vous les avez trahi! Vous avez trahi Louis et moi aussi! Vous m'avez vu chialer à son départ, vous m'avez vu péter un câble, je vous ai supplié d'essayer de contacter ses parents pour que je puisse l'avoir au téléphone! Vous avez laissé Raphaël me réconforter! »

Je n'arrive même plus à respirer correctement tellement je hurle et je pleure en même temps. Mais pas une seule fois je les lâche du regard. Elles pleurent elles aussi mais j'en ai rien à foutre. Qu'elles aient mal. Qu'elles aient mal autant que Louis a eu mal. Autant que j'ai mal.

« Vous m'avez laissé le détester au lieu de détester Raphaël. » Je lâche, dégoûté.

« On ne savait pas...

-Vous le saviez! » Je coupe ma tante. « Et même si vous aviez des doutes j'avais le droit de connaître cette histoire! J'avais le droit de faire mon propre avis. Parce que moi je n'aurais jamais hésité. J'aurais cru Louis à la seconde où j'aurais entendu cette histoire.

-On voulait te le dire. » Continue ma mère en contrôlant comme elle peut les tremblements de sa voix. « A la seconde où on a su que Louis partait, on voulait tout t'avouer. Mais Carmen nous a supplié de nous taire. Pendant des jours et des jours, par message, par téléphone, en passant à la maison lorsque vous n'étiez pas là avec Inès. Elle ne voulait pas que Sacha apprenne cette histoire et elle savait que tu le lui dirais. Elle nous a dit que Raphaël allait partir, de toute façon, et qu'elle jurait qu'il disait vrai. Qu'il s'en prendrait jamais à toi ou à Inès parce que ce n'était pas un violeur et que, encore une fois, c'était consenti et que Louis avait fait le premier pas. »

Je secoue rageusement la tête et commence à faire les cent pas dans ma chambre tout en leur répondant:

« J'en ai rien à foutre de ce que Carmen a pu vous demander. Vous êtes celles qui m'ont apprit que l'honnêteté et la confiance étaient les valeurs de notre famille. Ce qui est ironique quand j'apprends aujourd'hui que vous n'étiez que des putains de menteuses.

-Harry! » Dit un peu plus fort ma tante.

« Quoi?! » Je hurle en me tournant vers elle. « Je suis censé surveiller mon langage peut-être? Faire attention à ne pas vous blesser? Vous croyez que je me sens comment, moi, depuis que je sais ce qu'il s'est passé? Depuis que je sais que j'ai détesté Louis alors qu'il n'y était pour rien? Depuis que je sais que je n'ai pas pu être là pour lui alors qu'il a dû se reconstruire seul à l'autre bout de la France et que ma mère et ma tante n'ont pas été foutue de me dire quoi que ce soit? Il a fallu qu'il trouve le courage de revenir ici et de tout m'avouer pour que je comprenne enfin! Mais s'il n'était jamais revenu, ou s'il avait abandonné vu l'accueil que je lui ai fait, j'aurais passé toute ma vie dans l'ignorance et dans l'illusion d'une famille parfaite avec Raphaël dedans! Putain j'aurais continué de prendre dans mes bras et de considérer comme mon frère le violeur de Louis! »

Ma voix craque sur ces derniers mots et un sanglot finit par me trahir. Parce que je déteste ce qu'il se passe. Parce que de tous les scénarios que je m'était fait il n'y en avait aucun où ma famille en faisait parti. Je passe une main sur mon visage et recule lorsque ma mère tente un pas vers moi. Elle étouffe un sanglot elle aussi mais je n'ai même plus envie de la regarder.

« Je suis tellement désolée, Harry. On voulait te protéger de tout ça...

-J'en ai marre d'entendre qu'on voulait me protéger. » Je la coupe. « Parce que, vu le résultat, ça n'en valait vraiment pas la peine. »

Sur ces mots, je lance un regard à Inès qui pleure silencieusement depuis le début de notre dispute. Elle regarde notre famille se déchirer et n'arrive plus à regarder sa mère dans les yeux.

« On voulait vous épargner cette histoire à Sacha et toi. Vous n'aviez que seize ans...

-Louis aussi n'avait que seize ans. »

Sur ces mots, je tente de ravaler mes larmes et fais plusieurs pas en arrière pour récupérer mes sacs. J'en met un sur mon dos et attrape l'autre par la main. Inès déglutit difficilement et secoue la tête avant de partir de ma chambre, les larmes dévalant ses joues. Ma tante, toujours en pleurs, la regarde partir avant de finir par la suivre tandis que ma mère continue de me regarder.

« On a fait une erreur. » Elle finit par avouer.

Je hoche la tête.

« Ouais, la plus grosse de toutes. » Je réponds avant de sortir par la porte du garage.

Pour quitter cette chambre.

Quitter ma famille.

Quitter ce quartier.

Parce qu'il y a des choses qu'on ne pardonne jamais.

lousombre

...

J'espère que ce chapitre vous aura plu...?

On dirait que les retrouvailles entre Louis & Sacha arrivent enfin!

Et Harry s'installe chez Louis...

Encore merci infiniment pour tout je vous dit à vendredi pour la suite !❤️

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