Chapitre 24

Hi! J'espère que vous allez bien?
Je vous remercie encore mille fois pour vos commentaires, votre soutien et pour donner une chance à cette histoire! Merci pour tout et j'avais vraiment hâte de vous partager ce chapitre alors j'espère ne pas vous décevoir.❤️

...

CHAPITRE 24

(I Wanna Be Yours_Arctic Monkeys)

HARRY.

Il est magnifique.

C'est ce que je me suis dit à la seconde où je l'ai vu arriver au bout de la rue. Je l'attendais. En réalité, je n'écoutais qu'à moitié Michael et Lucas. Et je ne les écoutais carrément plus lorsque Louis est apparu. Je savais que j'avais hâte de le voir mais cette chaleur en moi a carrément éclaté lorsqu'il est arrivé. Je n'ai pas pu m'empêcher de le regarder, de le détailler. La chemise qu'à moitié cachée sous son manteau, son pantalon qui trace parfaitement la forme de ses jambes, de ses hanches, ses cheveux coiffés en arrière malgré cette éternelle mèche rebelle qui finit toujours par retomber sur son front.

Evidemment que j'ai eu immédiatement l'envie de l'embrasser. Surtout après ces huit jours. Mais aussi parce que j'ai de plus en plus de mal à le contrôler. Ce désir. Ce désir qui retourne mon estomac autant qu'il arrive à le tordre d'appréhension. C'est pour ça que j'ai agit de cette façon. Que j'ai été trop distant à l'arrivée de Louis. Ce n'est pas parce qu'il ne m'a pas manqué ni parce qu'il me laisse indifférent. Non. C'est tout le contraire. J'ai juste peur que ça puisse se lire sur mon visage ou que ça se comprenne à travers mon comportement.

Mais lorsque je vois ce mec regarder Louis danser, tout comme je le fais, j'ai du plus en plus de mal à me contenir. Il danse lui aussi mais Louis ne semble pas l'avoir remarqué. Non, lui semble dans son monde, riant parfois avec Michael qui danse pas loin et qui semble avoir sympathisé avec une femme aux cheveux rouges. Mes yeux retombent sur ce mec, cet inconnu qui, lui, ne se retient pas pour sourire en dévorant Louis du regard. Lui ne se pose pas toutes les questions qui tournent en boucle dans ma tête à cet instant. Lui ne se cache pas pour montrer à quel point il trouve Louis beau. Lui s'en fout d'être entourés d'une foule d'inconnus.

Mais ce n'est pas à lui de le regarder comme ça. Ce n'est pas à lui de prouver quoi que ce soit.

« Ça va? » Cri Lucas à mon oreille, assis à mes côtés.

« Ouais. » Je réponds, n'étant même pas sûr qu'il m'ait entendu.

Je récupère mon verre posé sur notre table et en boit une gorgée tout en regardant de nouveau Louis. Ce dernier croise mon regard mais tourne rapidement la tête lorsqu'une musique plus entrainante se met à résonner. Il termine son verre et part le poser sur le bar pour avoir les mains libres et retourner sur la piste de danse. Il se lâche et je ne peux m'empêcher de sourire en coin en le voyant comme ça. C'est rare qu'il sorte de sa zone de confort. Ou alors c'est seulement que je n'avais pas encore vu son évolution de ce côté là aussi. Il passe une main dans ses cheveux et déboutonne un simple bouton de sa chemise, dévoilant un peu plus le haut de son torse. Par réflexe, je surveille le fameux inconnu qui ne semble pas en avoir perdu une miette. Il sourit derrière son verre avant de se pencher vers son ami pour lui dire quelque chose.

Je prends une plus grande inspiration alors que les mots de Louis continuent de résonner dans mon esprit.

Je pensais que tu comprenais ce qu'il se passait entre nous.

Je le regarde danser et bien sûr que je le comprends. Bien sûr que je comprends la façon dont mes yeux ne cessent de le chercher que ça soit sur notre lieu de travail ou dès qu'il m'emmène à son appartement ou encore ce soir-même lorsque je le cherchais avant même qu'il ne soit arrivé. Bien sûr que je comprends aussi cette chaleur dans ma cage thoracique et cette décharge électrique dans mon ventre dès que nous sommes proches, dès que je peux l'effleurer, le toucher. Cette décharge qui peut même se manifester avec un simple regard.

Louis a raison. Depuis la fois où je lui ai demandé à ce qu'on se cache, les choses ont évoluées. Je crois que, lorsque je lui ai demandé ça, c'était pour repousser le moment. Le moment où je réalise tout ce qu'il arrive à me faire ressentir. Le moment où je prends conscience qu'il n'y a plus moyen de faire machine arrière. C'est trop tard. Il est là. Il est là et je ressens beaucoup trop de choses. Je ne voulais pas rendre la chose réelle afin de garder une certaine distance, afin de me persuader que je saurais l'encaisser s'il partait à nouveau. Mais il est évident que non. Il m'a promis qu'il était là maintenant mais même s'il finissait par rompre sa promesse, je serais incapable de le laisser disparaître une seconde fois.

Alors quand je réalise tout ça, l'idée que les autres comprennent ou non notre relation semble devenir un détail si futile. Bien sûr que je redoute tout de même la réaction de ma famille. De mes proches. De Sacha qui comprendra que je lui ai caché ça ces derniers mois. Mais j'entends encore la déception dans la voix de Louis tout à l'heure et l'idée qu'il puisse imaginer que je m'en fiche de ce qu'il peut ressentir, de cette distance, me rend malade.

Désolé mais tu m'as manqué, Harry. Cette semaine tu m'as vraiment manqué. Et j'avais juste hâte de te retrouver.

En même temps que cette pensée me traverse, l'inconnu attire de nouveau mon attention. L'ami à côté de lui montre Louis du doigt et lui donne un coup d'épaule, lui faisant signe d'y aller. La chaleur au fond de moi devient rapidement une brûlure et je pose ma boisson sur la table avant de frapper le dos de Lucas en disant:

« On va danser. »

Il ne cherche pas à comprendre et garde sa boisson avec lui lorsque nous nous levons pour rejoindre la piste de danse. Louis tourne la tête en nous voyant arriver mais je glisse rapidement mon regard vers l'inconnu qui approche de lui au même moment. Louis semble le remarquer seulement maintenant et l'inconnu lui sourit, apparement heureux d'avoir enfin son attention. J'accélère alors le pas et, avant qu'il puisse arriver près de Louis, je m'interpose. Je fais face à Louis et donc dos à l'inconnu, presque déçu de ne pas voir sa réaction. Par réflexe, je pose ma main sur la taille de Louis et ce simple touché vient retourner mon estomac.

Surpris, Louis me regarde avant de glisser ses yeux par dessus mon épaule pour, j'imagine, lancer un coup d'oeil à l'inconnu. Puis il me regarde de nouveau et je vois qu'il a du mal à cacher le sourire qui naît sur ses lèvres. Il secoue la tête et se penche à mon oreille tandis que je n'ai toujours pas lâché sa taille:

« Je peux savoir ce que tu fais?

-Je viens danser. » Je réponds en haussant les épaules.

Il me regarde d'un air qui veut dire tu crois que je ne te connais pas avant de regarder de nouveau par dessus mon épaule et de me dire:

« Il est parti.

-Ok. »

Pensant sûrement que je vais le lâcher, et que je ne suis venu que par jalousie, Louis commence à reculer. Mais je le surprends de nouveau en le retenant, glissant maintenant l'entièreté de mon bras autour de sa taille. Il fronce légèrement les sourcils, regardant autour de nous. Je sais que Michael et Lucas ne sont pas loin. Peut-être même qu'ils nous regardent. Mais je décide de lâcher prise. J'ignore tout ce qui m'entoure à part Louis. Je me concentre sur son visage, même sur son parfum que je respire lorsqu'il se penche de nouveau vers moi pour me dire:

« Je veux pas que tu te sentes obligé. »

Mon coeur se serre et se réchauffe à la fois. Parce que je ne me sens pas obligé. Sa réaction tout à l'heure ne m'a pas mit le couteau sous la gorge. Si je n'avais pas envie, je ne le ferais pas. Et il le sait. Du moins j'espère qu'il se souvienne à quel point je ne suis pas du genre à me sentir obligé de quoi que ce soit. L'idée que le doute puisse persister dans son esprit a l'effet d'un pique dans la poitrine alors, pour toute réponse, mes doigts se resserrent autour de sa chemise en même temps que je le garde contre moi pour lui répondre:

« Toi aussi tu m'as manqué. »

Lorsque je lui souffle ces mots à l'oreille, je ne vois pas tout de suite sa réaction. Puis il écarte son visage du mien et je peux enfin voir ses yeux. Une lueur les traverse en même temps qu'un doux sourire naît sur son visage. Alors je lui souris doucement aussi, le serrant un peu plus contre moi. Parce que j'ai besoin de ça. De cette proximité. J'ai besoin de le regarder et de le sentir pour me rappeler pourquoi je veux mettre cette peur de l'abandon de côté. Pour lui. Pour cette seconde chance.

Pour nous.

Son sourire se fait plus grand et, toujours avec mon bras autour de sa taille, il se remet à danser. Son regard m'insinue de faire de même et je ne peux m'empêcher de rire contre lui lorsque j'essaie de suivre son rythme ainsi que celui de la musique qui se lance dans la boîte. Je ne peux plus décrocher mes yeux de lui, et lui non plus. Et, à cet instant, il n'y a rien d'effrayant. Il n'y a que nous et nos corps qui se rapprochent de plus en plus, faisant naître cette tension qui pourrait me rendre fou.

Ma main libre vient s'accrocher à sa hanche, l'approchant toujours plus de moi. Louis baisse la tête quelques seconde pour voir nos bassins se rapprocher, se coller, avant de me regarder de nouveau, nos torses tout aussi proches. Son sourire se fane doucement pour laisser place à cette nouvelle lueur dans ses yeux. Le souffle court, je prends le risque de me coller entièrement à lui. Et le désir que ça me procure me retourne l'estomac. Lentement, Louis vient glisser un bras autour de ma nuque, nos regards se ne lâchant pas une seule seconde. J'ai du mal à respirer. J'ai chaud. Mais ça n'a rien à voir avec les gens qui dansent autour de moi. Non. Tout ça, toutes ces sensations, ces sentiments, une seule et même personne en est la raison.

Et elle se trouve dans mes bras.

Il n'y a pas un seul mot qui s'échappe d'entre nos lèvres, pourtant je peux tout lire à travers ses yeux. Ses yeux qui me rendent fou à cet instant. Ses yeux qui m'ont manqué ces huit derniers jours mais surtout ces huit dernières années. A cette pensée, je lâche sa taille d'une main pour venir la poser sur sa joue. Louis déglutit lentement tandis que mon front vient se coller au sien sans que je ne puisse le contrôler. Mon pouce caresse discrètement sa joue pendant que mon regard glisse jusqu'à ses lèvres. Je ne sais plus si c'est la musique qui pulse contre ma poitrine ou le coeur de Louis mais ça bat beaucoup trop fort et me donne l'impression de vibrer de l'intérieur.

Mon pouce glisse de la joue à Louis à ses lèvres, les caressant dans une douceur infinie. Et cette douceur contraste complètement avec la voix tremblante de désir de Louis lorsqu'il me dit:

« Pitié, embrasse-moi. »

Il n'en faut pas plus pour me faire craquer. Sa voix résonne en moi et ses lèvres me retournent le coeur à la seconde où je viens les attraper avec les miennes. Je peux sentir Louis gémir contre mes lèvres alors que je resserre son corps contre le mien, ma main s'accrochant à son visage. Ses mains à lui glissent jusqu'à ma taille et je frissonne sous la puissance de ses doigts qui me font comprendre qu'ils ne comptent pas me lâcher. Louis penche un peu plus son visage en même temps qu'il répond à mon baiser et, lorsque notre baiser devient langoureux, j'ai l'impression de perdre pied. Je ressens tout. Ses lèvres, sa langue, son bassin qui se cogne au mien sous la puissance de notre baiser.

Et je comprends que c'est tout ce que je voulais. Tout ce que j'attendais depuis la seconde où je l'ai vu arriver dans cette rue. Lui montrer et lui prouver à quel point je le veux. A quel point je le désire, dans tous les sens du terme. Je le veux lui, Louis, celui que j'ai toujours connu mais aussi celui que j'ai retrouvé. Qui est toujours le même mais qui, en même temps, a tellement changé. Nous n'avons plus rien à voir avec les adolescents que nous étions mais je ne veux pas que ça m'effraie. Je veux découvrir avec lui tout ce qu'il y a à découvrir. Je veux vivre. Ressentir. Mais, surtout, je ne veux jamais sentir ses doigts me lâcher.

Nos visages se séparent, le temps de reprendre notre souffle, et nos regards se croisent à nouveau. Je regarde Louis et j'imagine être dans le même état. Les yeux brillants dans l'obscurité de la boîte et les lèvres rouges de nos baisers. Il sourit en se mordant la lèvre et je ne peux m'empêcher de sourire avec lui avant de lui voler un nouveau baiser. Il rit contre mes lèvres avant de passer une main dans ma nuque et de m'attirer à lui pour m'embrasser passionnément, me laissant le prendre dans mes bras pour le serrer contre moi. Mes bras s'enroulent autour de sa taille et je remonte ma main dans son dos, par dessus sa chemise, ne pouvant m'empêcher d'imaginant la sensation de sa peau nue sous mes doigts.

Nous sursautons presque tous les deux lorsque la musique s'arrête soudainement pour l'annonce du décompte du jour de l'an. Nos lèvres se séparent et, en même temps que le DJ lance le compte à rebours, Michael et Lucas nous rejoignent. Mon bras est toujours autour de Louis et Michael sourit simplement alors que Lucas, absolument pas gêné, nous lance:

« Les gars vous êtes au courant qu'on s'embrasse après le décompte normalement? »

Louis et moi échangeons un regard et, lorsque je me mets à rire, Louis en semble soulagé. Il se met à rire aussi et je réalise que ni Lucas ni Michael en font toute une histoire ou ne posent de questions. Au contraire, ils agissent normalement et on se met tous à gueuler en même temps que la foule autour de nous:

« Bonne année! »

Michael me saute dans les bras, me faisant vaciller, et je ris en tapotant son dos. Lucas, qui serrait Louis dans ses bras, échange avec Michael et saute dans mes bras à son tour en manquant de renverser son verre sur moi. On se sépare et, alors que Michael et Lucas se retrouvent pour faire cul sec ensemble, je me retourne vers Louis qui sourit en me voyant approcher de lui.

D'un geste qui me semble maintenant si familier, je passe mes bras autour de lui et regarde son sourire s'échouer sur le mien lorsque nous nous embrassons à nouveau. Mon estomac se retourne agréablement et c'est comme si rien ne pouvait m'atteindre. Comme si tout paraissait si simple, juste tous les deux, cachés dans cette boîte. Et je me surprends à vouloir une toute autre soirée que celle que nous avions prévu. Une juste lui et moi. Oui, lui, moi, et cette tension. Ce désir. Parce que je veux encore l'embrasser mais pas seulement autour de ces gens. Non pas par honte mais par intimité. Me retrouver juste avec lui.

« Tu penses que Michael et Lucas nous en voudraient si on s'échappe? » Je demande à l'oreille de Louis.

Il hausse légèrement les sourcils en me regardant puis jette un oeil en direction de nos amis. Michael a retrouvé la femme aux cheveux rouges et Lucas est allé se chercher un nouveau verre, accompagné par une jeune fille que je n'avais pas remarqué jusqu'à maintenant.

« On va où? » Me demande Louis pour toute réponse.

Je souris et hésite quelques secondes lorsqu'une idée me vient. J'ai peur de sa réaction. Peur d'un refus surtout. Aller à son appartement paraîtrait être la meilleure idée mais je ne peux m'empêcher de lui proposer:

« On peut aller chez-moi. »

Je sens Louis se crisper et je m'y attendais. C'est pourquoi je m'empresse d'ajouter:

« Il n'y aura que nous, je te le promets. Ils sont tous en train de fêter le jour de l'an chez Carmen. Et ma chambre se trouve toujours au garage. Si tu veux rester dormir tu pourras toujours partir par la porte extérieure sans qu'elles ne te voient. Et je serais avec toi. Je te raccompagnerais. »

Louis me regarde et si je lis toujours de la surprise dans son regard, je comprends aussi qu'il est en train de réfléchir. Je sais que la simple idée de retourner dans notre quartier le perturbe. Et qu'il doit aussi se dire que Carmen n'habite qu'à quelques maisons de la mienne. En soit, ils ne seront pas loin. C'est ce qui le fait douter. Mais j'avais besoin de lui proposer. Besoin d'avoir au moins l'impression qu'il fait toujours parti de cette partie de ma vie aussi. De ce passé. De ce quartier. De cette chambre qui est le dernier endroit où je l'ai vu avant qu'il ne disparaisse. J'aimerais juste l'y voir encore une fois.

« D'accord. » Il lâche soudainement.

Cette fois, c'est moi suis surpris. Je m'attendais à un refus, comme à chaque fois qu'il s'agit de notre passé. Comme je le regarde sans rien dire Louis finit par sourire à nouveau avant de se pencher pour me demander:

« Et...t'as parlé de dormir avec toi? »

Sa simple question me fait frissonner. Je souris doucement et tourne la tête vers la sienne maintenant si proche. Son nez frôle le mien lorsque je hoche lentement la tête et je peux sentir mon coeur s'emballer lorsque Louis dépose un simple baiser sur mes lèvres pour y murmurer:

« J'en ai envie aussi. »

Je n'ai rien eu à dire. Il a juste compris. Parce que ça a toujours été comme ça. A l'époque déjà il comprenait mes silences. Il comprenait ce que je ressentais lorsque moi je n'ai pas su le faire concernant ses sentiments. Mais à cet instant je le comprends. Je comprends tout. Alors, tendrement, j'attrape sa main dans la mienne en lui demandant:

« On y va?

-Oui. »

Il se montre sûr de lui, mais je sais qu'il redoute de retourner là-bas. Alors je serre un peu plus sa main dans la mienne et le colle à moi pour traverser la foule. Nous rejoignons rapidement Michael et Lucas pour les prévenir qu'on s'en va et pour nous excuser mais ils ne semblent absolument pas contrariés. Ils nous souhaitent une bonne soirée et Michael serre mon épaule dans la sienne avec un sourire qui se veut rassurant, réconfortant.

Lorsqu'on traverse de nouveau la foule pour rejoindre la sortie, je tiens toujours la main de Louis qui est collé à moi à cause du nombre de personnes autour de nous. Nous croisons d'ailleurs le fameux inconnu de tout à l'heure et, lorsqu'il regarde Louis d'un air envieux, je ne peux m'empêcher de sourire fièrement. Louis le remarque et me donne un coup d'épaule.

« Quoi? » Je demande innocemment.

« Je crois que je devrais retourner voir ce mec juste pour le remercier. » Il me répond en faisant mine de s'arrêter.

Je ris et secoue négativement la tête en le rattrapant par le bras. Je passe le mien autour de ses épaules et penche ma tête à son oreille pour qu'il m'entende lui répondre:

« Je préfère quand tu restes avec moi. »

(Breathe Me_Sia)

TW/Viol

LOUIS.

Mon coeur se serre à la seconde où nous arrivons dans le quartier. Ces rues, ces trottoirs, ces maisons, même ces lampadaires... Tout est comme figé. Comme si rien n'avait bougé depuis que je suis parti. Alors que je sais que rien n'est figé. Je regarde un immeuble et je repense à cette grand-mère qui nous lançait des bonbons depuis le balcon, incapable de se déplacer. Elle était très vielle, et malade. Je sais sans même regarder ce même balcon qu'il n'y a plus aucun bonbon oublié au sol.

Tout me ramène à un souvenir et je ne sais même pas ce que je ressens vraiment. Il y a de la nostalgie, oui, beaucoup de nostalgie. Mais il y a aussi cette douleur, cette tristesse. La façon dont j'ai dû tout quitter me laisse un goût amer. J'ai toujours eu envie de partir d'ici mais jamais je n'ai voulu le faire de cette façon. Et jamais je n'aurais cru devoir le faire dans la précipitation. Je pensais plutôt le faire comme on dit au revoir à un vieil ami à qui on promet de ne jamais l'oublier.

Plus on avance dans le quartier, plus je sens la main d'Harry serrer la mienne. Et je lui en suis reconnaissant. Parce qu'il est ma seule source de réconfort à cet instant. Lorsqu'il m'a proposé de venir ici, j'ai d'abord eu envie de refuser. J'avais justement peur de ce que cet endroit allait me faire ressentir à nouveau, peur de tout me reprendre en pleine gueule. Mais son regard était rempli d'espoir et, après tout ce qu'il a voulu me prouver en une seule soirée, j'ai décidé d'être courageux moi aussi. Parce que lui l'a fait. Il l'a été en mettant ses doutes de côté pour m'embrasser devant tout le monde . Il l'a été en me faisant comprendre que, oui, notre relation évoluait.

Avec ce simple baiser, j'ai ressenti qu'il acceptait de me faire de nouveau confiance. Alors je veux lui prouver qu'il le peut. Et, surtout, je veux mettre fin à ces secrets qui mettent toutes ces barrières entre nous. Je suis terrorisé, mais je dois le faire. Ce soir, cette nuit, demain matin. Il faut que je le fasse. Même si, en le regardant me sourire tendrement, j'en ai la gorge nouée.

Je l'aperçois déjà de loin. Ma maison. Du moins, elle l'a été. Ma poitrine se compresse et le sentiment qui me traverse est à la fois agréable et destructeur. Il est contradictoire. Je n'aimais pas tous les moments passés dans ce quartier mais j'aimais cette maison. Je m'y sentais réellement comme chez moi. Elle était mon refuge. Mes parents m'ont toujours offert un foyer aimant et réconfortant.

Plus on s'en approche, plus je la regarde. La fenêtre à l'étage, celle de ma chambre. Celle par laquelle je regardais Harry rentrer chez lui lorsque nous étions en conflits. C'était rare et, la plupart du temps, c'était parce que je voulais le protéger en lui déconseillant de traîner avec certaines personnes. Il ne m'écoutait pas, me proposait de venir, je refusais, je ne parlais plus et je rentrais chez moi. Mais j'attendais toujours de le voir rentrer avant d'aller me coucher.

En suivant mon regard, et comme s'il pouvait lire dans mes pensées, Harry dit d'une voix calme:

« Tu crois que je ne te voyais pas m'espionner? »

Je souris légèrement et lui lance un regard.

« J'étais si indiscret?

-Tes rideaux bougeaient dès que je relevais la tête. »

Je ris doucement alors qu'il avoue tout en me regardant:

« Mais ça me rassurait de savoir que tu m'attendais. Que t'étais toujours là, au cas où. »

Mon coeur se serre et se réchauffe en même temps. Encore plus lorsque Harry continue:

« J'ai gardé ce réflexe longtemps après ton départ. A chaque fois que je rentrais, je regardais ta fenêtre. Mais les rideaux ne bougeaient plus. »

Sa voix est triste mais apaisée. Il n'y a aucun reproche dans ses mots. La culpabilité, je me la fait endurer tout seul. Harry le comprend et son pouce vient discrètement caresser la peau de ma main. Tout comme je resserre ses doigts entre les miens. Je ne sais plus qui essaie de réconforter qui.

On s'arrête entre nos deux maisons. Comme si nous allions chacun rejoindre la nôtre. Comme à l'époque. Et cette image crée une boule dans ma gorge. Comment être ici peut faire autant de bien et autant de mal à la fois? Parce qu'il y a beaucoup de mauvais souvenirs et beaucoup de beaux aussi.

Et tous les beaux se trouvent dans ma main.

Dans sa main.

Parce qu'ils étaient tous avec lui.

Le bois des marches qui mènent à ma maison a craqué. Il est cassé par endroit. Mais elles sont toujours là. Ces marches où je me suis assis un millier de fois. De mon plus jeune âge à mon départ. On a des photos ici. De nous petits prenant notre goûter, le bras d'Harry autour de mes épaules et Sacha juste derrière, nous faisant des oreilles avec ses doigts. Mais c'est ici aussi que je dessinais, encore et encore, alors qu'Harry fumait sur les marches d'en face. La plupart du temps il me rejoignait mais pas lorsqu'il était puni de sortie à cause d'une connerie. Ça me faisait sourire de le voir défier sa mère en lui disant que, logiquement, il ne dérobe pas à la règle puisqu'il est toujours sur son terrain. De toute façon, Agathe ne l'interdisait pas vraiment de s'asseoir là. Elle savait qu'il le faisait pour moi et que je n'allais pas lui attirer d'ennuis. Au contraire.

Mais c'est ici aussi que j'ai fait ce dessin. Ici que j'ai attendu qu'Harry rentre du lycée. Je n'avais pas prévu qu'il revienne amoché. C'était encore plus dur de savoir que j'allais le laisser comme ça. Encore plus dur de fermer ma bouche et de me contenter de le rejoindre jusqu'à sa chambre, sachant pertinemment que c'étaient nos derniers moments ensemble.

Je prends une grande inspiration et suis justement Harry jusqu'à sa chambre qui se trouve au garage. Combien de fois j'ai fait ce chemin? Un millier, encore. J'étais toujours si heureux de m'y rendre. C'était comme ma seconde maison. Et je savais que je retrouvais Harry. Il n'y avait rien que je préférais au monde. Même pas l'art.

Harry nous fait entrer par la porte extérieure , l'ancienne porte du garage justement. Lorsqu'il referme la porte derrière nous pour allumer la lumière j'ai l'impression qu'une vague d'émotions échoue sur moi. J'avance dans la pièce et la scrute du regard pendant qu'Harry se dirige vers l'autre porte qui mène à sa cuisine. Il sort de la chambre mais je ne m'y attarde pas vraiment, concentré sur tout ce qui se trouve autour de moi. Rien n'a vraiment changé. Enfin, si, il a retiré des posters. Des photos de nous deux aussi, laissant celles avec Sacha, Raphaël, Inès, sa mère, sa tante...

Une part de lui a essayé de m'effacer, et je ne peux pas lui en vouloir.

Mais une autre part de lui, au contraire, a voulu m'encrer. C'est ce qui me revient à l'esprit lorsque mon regard tombe sur son bureau. C'est le même. Exactement le même. Je m'en approche et si, à l'époque, des cours traînaient dessus, aujourd'hui il y a plutôt une copie de son planning et quelques disquettes de jeux vidéos. Mon regard glisse jusqu'au tiroir du bureau et je sais ce que je cherche à la seconde où je l'ouvre.

Au milieu des stylos, des papiers, des objets qui sont rangés en vrac, il est là. Mon coeur se remet à battre beaucoup trop fort et je ne sais pas comment je fais pour contrôler les tremblements de ma main lorsque je l'attrape. L'émotion est plus forte et mes yeux se mettent à briller en même temps qu'un sourire triste apparaît sur mon visage.

« Je te confirme qu'elles ne sont pas là. Et j'ai ramené une bouteille d'eau si tu veux... »

Harry se tait lorsque je me retourne. Ses yeux glissent sur le dessin que je tiens entre mes mains et, rapidement, son sourire fait écho au mien. Un sourire douloureux. Un sourire triste, nostalgique. Je baisse de nouveau la tête pour regarder ce que j'ai tracé huit ans en arrière. Il a été la dernière chose que je lui ai offert. Si on ne compte pas notre baiser.

Il était là, le au revoir qu'il pensait que j'avais oublié.

C'était ce dessin.

« Tu l'as gardé. » Je dis en le regardant.

Il hoche la tête et, après avoir refermé à clé la porte menant à la cuisine, il part s'asseoir sur le bord de son lit en me disant:

« La seule fois où je l'ai sorti c'est pour le montrer au tatoueur. Je lui ai répété je ne sais pas combien de fois que je voulais exactement le même. Et, surtout, qu'il devait me rendre le dessin intacte. »

En même temps qu'il me partage ce souvenir, Harry ne quitte plus le dessin du regard. Comme s'il avait peur que je le casse moi aussi. Et c'est là que je vois toute l'importance qu'il lui porte. Qu'il me porte. Cet objet. La dernière chose qu'il lui restait de moi. Il en prit soin comme la chose la plus précieuse à ses yeux. Il me détestait mais refusait qu'on puisse abimer mon dessin. Il m'en voulait mais refusait de m'oublier. Alors il s'est fait tatouer.

Le coeur tremblant, je range le dessin à sa place. Ce n'est plus mon dessin. C'est le sien. Je lui ai donné et il en a prit soin. Il l'a gardé. Il l'a protégé. Alors je suis prêt à tout lui donner. Absolument tout.

Je m'approche de lui, toujours assis au bord du lit. Je reste debout mais me place entre ses jambes, baissant la tête pour le regarder. Lorsqu'il relève la sienne, son regard me fait encore plus trembler. Mon rythme cardiaque s'accélère tandis que je passe une main dans ses cheveux. Je les caresse, glissant mes doigts jusqu'à son visage, ses tempes, ses joues, sa mâchoire... Et il ne me lâche jamais du regard.

Alors que je porte encore mon manteau, lui s'en est débarrassé. J'apporte mon autre main au col de sa chemise et prends une légère inspiration avant de lui demander:

« Est-ce que je peux le revoir? »

Mon regard s'ancre dans le sien.

« Ton tatouage. »

Une lueur passe dans ses yeux et il hoche la tête avant de se lever du lit, me faisant de nouveau face. Mes mains retombent le long de mon corps alors que, lentement, comme une torture, Harry défait les boutons de sa chemise. Je suis du regard ses doigts, remontant parfois jusqu'à ses yeux qui me figent sur place. Nous restons silencieux lorsqu'il ouvre sa chemise pour la retirer. Elle glisse le long de ses bras, retombant au sol comme une plume. Mes yeux s'accrochent à son torse nu et je comprends que cette tension qui nous enveloppait tout à l'heure n'avait rien à voir avec la boîte de nuit. Ce n'était pas le lieu. C'était juste nous. Parce qu'à cet instant, dans la silence et la douceur du moment, elle est tout aussi puissante. Elle me retourne le coeur, le ventre, la tête.

Lentement, je viens frôler son tatouage du bout des doigts. Sa peau frisonne sous mon toucher et la simple idée que je puisse lui faire cet effet fait s'emballer mon coeur. Mon index trace chaque trait, comme si je les redécouvrais. Je me souviens parfaitement les avoir crée. Chaque coup de crayon sur cette feuille, sur ces marches. Je n'ai jamais pu le terminer. Alors il ne se terminera jamais sur sa peau non plus. Mais c'était peut-être un signe.

Le signe que ce n'était pas la fin, justement.

Je dois lui dire.

« Harry... »

A peine son prénom s'échappe d'entre mes lèvres que ma gorge se noue. Et c'est comme s'il le comprenait. En un seul regard. Mes yeux s'accrochent aux siens et je peux voir les traits de son visage se tendre en même temps que plusieurs lueurs traversent son regard. Il me comprend mieux que n'importe qui. Alors il sait. Il sait pourquoi ce ton dans ma voix. Il sait pourquoi ces larmes dans mes yeux. Elles ne coulent pas mais elles sont là. Elles sont prêtes lorsque, moi, je ne le suis pas.

Mais je ne peux plus attendre. Pour lui. Pour moi. Pour nous.

Lentement, il récupère sa chemise et l'enfile de nouveau, son regard accroché au mien. Je prends une grande inspiration en venant m'assoir à ses côtés. Je détourne le regard, fixant le mur en face de moi. C'est exactement ce que j'ai fait le jour de mon départ. Je me souviens de chaque détail. Le mur en face de moi que je regarde encore et encore pour éviter de croiser le regard d'Harry. Pour éviter de craquer et de tout lui dire. Pour éviter de lui avouer que je fuyais dès le lendemain et que mon coeur était sur le point d'exploser rien qu'à l'idée de partir loin de lui.

Cette nuit, nous sommes au même endroit. Mais le temps est passé et tellement de choses ont changées. Sauf une chose. Ce secret.

Ce secret qui mérite d'être explosé contre ce mur que je continue de fixer.

Ce mur où c'est mon coeur qui s'était fracassé.

Parce que j'avais fait le mauvais choix.

Mais que je ne peux pas le faire une seconde fois.

« Tu te rappelle de cette soirée qu'on a fait, quatre mois avant mon départ? »

J'essaie de ne pas trembler. Même lorsque je tourne la tête vers lui pour le voir froncer les sourcils. Il réfléchit et, en fait, je ne lui laisse même pas le temps de répondre. Je dois parler. Je dois parler encore et encore sans m'arrêter. Sinon je n'y arriverai jamais. Et, surtout, je dois arrêter de le regarder. Alors je fixe le mur à nouveau, tentant comme je peux de supporter la façon dont mon estomac se tord dans tous les sens.

« Carmen n'était pas là alors Sacha nous a invité pour une soirée. Vous m'aviez dit que ça serait une soirée qu'entre nous mais, au dernier moment, Sacha et toi aviez invité ces deux filles du lycée. Vous veniez de les rencontrer mais l'une d'entre elles te tournait autour depuis un moment. Tu m'avais dit que vous parliez souvent sur les réseaux. Et que tu la trouvais super belle.»

Je prends une grande inspiration. Je peux encore voir ces deux filles débarquer alors que je n'étais pas au courant. Je me souviens de mon coeur ratant plusieurs battements en voyant la jolie rousse prendre Harry dans ses bras, les yeux pétillants. Ceux d'Harry pétillaient aussi. Ils se sont assis ensemble sur le canapé et Harry ne cessait d'avoir un contact physique avec elle. Une main sur l'épaule ou sur sa cuisse. Ils parlaient, ils riaient, se bouffaient du regard. L'autre fille, un brune avec de jolies formes, s'était assise à même le sol avec Sacha qui, lui aussi, voulait clairement tenter sa chance.

« Cette fille avec qui tu étais s'appelait Roxane. Je m'en souviens très bien parce que je voulais être elle. Je voulais que tu me regardes comme tu la regardais. Je voulais que tu me touches comme tu la touchais. Je voulais passer cette soirée collé à toi, moi aussi. A juste parler et rire. Juste être avec toi. Mais, à la place, je me suis isolé. J'étais assis sur le fauteuil, à vous regarder tous les quatre. J'avais toujours su cacher ce que je ressentais pour toi. J'avais toujours su garder le sourire même lorsque tu me parlais de filles ou que tu en embrassais. Mais ça n'en était pas moins difficile pour autant. Et, ce soir là, ça l'était particulièrement. Parce que je grandissais. Parce que je comprenais de plus en plus l'ampleur de mes sentiments envers toi. »

Lorsque ma voix menace de trembler, j'arrête de parler. Cette boule dans ma gorge devient de plus en plus grosse et mes yeux me piquent. J'ai mal au ventre. Mal à la tête des sanglots que je retiens déjà. Je transpire. Je tremble. J'ai peur. J'ai honte. Même si j'ai appris que je n'avais pas à l'être, c'est un sentiment cruel qui finit toujours par ressurgir. J'ai envie de fuir. Comme je l'ai fait ici-même la première fois. Mais je ne peux pas.

Harry ne le supporterait pas une seconde fois et moi non plus.

Alors, le coeur serré, je lâche ces mots sont aussi tranchants qu'une lame. Qui me donnent l'impression de suffoquer, de me vider de mon sang. Tout en essayant de continuer de respirer.

Ça a donc cet effet là de se vider de tous ses secrets.

« Puis tu as embrassé Roxane. Sacha riait en vous applaudissant et, moi, je n'arrivais plus à faire semblant. Je vous fixais. Je te regardais attraper sa nuque et sourire en approfondissant ce baiser qui ne faisait que me rappeler que ce n'était pas moi contre toi. Que ce n'étaient pas mes lèvres. Que ce n'était pas mon coeur qui s'enflammait puisque le mien, à ce moment-là, se brisait. Alors je me suis levé avant que vous puissiez voir mes larmes couler. Je me suis précipité vers les escaliers et, lorsque j'ai relevé la tête, Raphaël se trouvait à l'étage. Il m'avait vu. Il voyait mes larmes. Alors il m'a fait un signe de la tête pour que je le suive jusqu'à sa chambre. J'avais peur qu'il comprenne mais j'étais soulagé de juste pouvoir me cacher. »

Je pense encore au dernier regard que j'ai lancé en direction du salon pendant que Raphaël m'attendait en haut des marches. J'ai regardé Harry embrasser cette fille une dernière fois. Lui ne me voyait pas. Mon départ était passé inaperçu.

Je prends une grande inspiration et je sens une première larme couler sur ma joue. Je ne regarde pas Harry. J'en suis incapable. Je dois continuer. Alors je déglutis et continue de fixer ce mur, encore et encore, lorsque je reprends:

« Quand je suis arrivé dans la chambre de Raphaël, il l'a fermé à clé en me disant qu'il savait que je ne voulais pas que tu me vois comme ça. J'ai même pas réussi à nier. Parce que j'étais triste et épuisé. Et parce que j'avais confiance en Raphaël. Parce que je le considérais comme notre grand-frère à tous les trois. Je n'ai même pas eu à parler. Il m'a dit qu'il savait ce que je ressentais pour toi. Qu'il l'avait compris et qu'il était désolé pour ce qui venait de se passer. Ça me faisait peur qu'il le sache mais ça me faisait du bien aussi. Alors je me suis confié. Sur toutes ces années à ressentir ça pour toi. Au fait d'être attiré par un garçon. A mes doutes, à mes peurs... »

Une nouvelle larme. Encore une autre. Je repense à ce sentiment de bien-être que j'ai pu ressentir sur le moment. J'étais triste mais je me confiais enfin à quelqu'un et ça faisait du bien. C'était comme me libérer d'un poids même si je savais que j'allais devoir le porter à nouveau. Au moins je le laissais à mes pieds le temps de quelques minutes.

« Puis... Raphaël m'a dit qu'il me comprenait et a posé sa main sur ma cuisse. »

L'incompréhension. C'est ce que j'ai ressenti en premier. En fait, je crois que j'ai directement compris ce qu'il se passait mais je n'ai pas voulu me l'avouer. J'ai préféré me persuader que je me trompais. J'avais une confiance aveugle en Raphaël. Une relation fraternelle.

« J'ai tourné la tête vers lui et il a remonté sa main plus haut. Je me suis figé. Je ne savais plus quoi faire, quoi dire. Alors je l'ai écouté me dire qu'il pouvait être là pour moi. Que je n'étais pas le seul dans ce cas là. Mais qu'il était préférable que tu ne l'apprennes pas. Il m'a dit qu'il te connaissait, lui aussi, qu'il savait que tu me rejetterais. Que tu ne me ferais plus confiance après ça. Que ça mettrait fin à notre amitié. Il m'a promis pouvoir garder ce secret avant d'ajouter qu'il pouvait faire plus que ça pour moi. »

L'atmosphère change. Je ne regarde pas Harry mais je n'en ai pas besoin pour comprendre que le silence qui nous entoure devient beaucoup plus lourd. Tout comme ce jour-là. Je vois encore le regard de Raphaël, son sourire, sa main se posant sur mon entrejambe alors que mon coeur battait plus vite. Mais pas de la même façon qu'il battait pour Harry, non. Là, c'était de la panique. Le sentiment de se sentir coincé dans une chambre fermée à clé avec, au rez-de-chaussée, Harry qui ignorait tout de ce qui était en train de se passer à l'étage. J'avais envie de hurler son nom mais je n'y arrivais pas. Je me suis retrouvé muet. Et déjà honteux.

Une nouvelle larme s'échappe.

« Il a commencé à me toucher et j'ai voulu le repousser. J'ai décalé sa main en lui disant non. Pour moi c'était un hurlement mais, en réalité, je ne l'ai que chuchoté. Il l'a entendu. Je le sais puisqu'il m'a dit de me détendre. Qu'il pouvait m'apprendre à t'oublier. J'ai encore dit non. Mais, cette fois, il m'a juste ignoré. Et il a continué. Je voulais hurler mais je n'y arrivais pas. Je voulais le repousser mais il était trop fort. Il me surplombait. Je me suis laissé faire. Je ne parlais pas. Je ne bougeais pas. Je sentais ses mains, ses lèvres, son corps... Mais je n'ai rien pu faire. »

Le mur est déformé désormais. Brouillé par les larmes.

Tout comme celui du plafond que je fixais ce soir-là.

« Raphaël m'a violé. »

Lorsque je lâche ces mots, ma voix ne tremble plus. Non. Je le dis avec tristesse, oui, avec douleur, mais surtout avec colère. Cette colère que je ressens aujourd'hui envers Raphaël mais que j'ai d'abord ressenti envers moi pendant des années.

Je ne regarde toujours pas Harry. Tout ce que j'entends, c'est sa respiration de plus en plus forte.

« Lorsqu'il a terminé, il m'a embrassé en souriant. Il m'a dit de rester dormir ici pour pas que j'ai à dormir sur les matelas du salon avec vous et avec les filles. Je me souviens avoir juste répondu que je voulais aller aux toilettes. J'ai déverrouillé la porte de sa chambre et je suis descendu dans le salon. Sacha était dans la cuisine en train de faire réchauffer une pizza avec son amie et toi tu étais sur le canapé, Roxane dans tes bras. Vous vous embrassiez mais tu as tourné la tête vers moi en me voyant passer. Tu m'as demandé où j'allais et, sans te regarder, j'ai dit que j'étais trop fatigué et que je préférais rentrer chez moi. T'as proposé de m'accompagner mais j'ai refusé et je suis simplement parti. Lorsque je suis rentré chez-moi, mes parents étaient étonné de me voir déjà rentrer. Je suis parti me doucher et j'ai commencé à réaliser ce qui venait de se passer. J'ai commencé à avoir mal aussi. Comme si la douleur se réveillait seulement parce que j'étais enfin loin de lui, loin de cette chambre. Je me suis mit à pleurer. Je me trouvais sale. J'avais honte de moi. Je pensais que c'était de ma faute. J'ai voulu faire comme si de rien était. Pendant un mois je l'ai caché à tout le monde. Raphaël m'envoyait des messages que j'ignorais. Il me demandait comment ça allait, qu'il voulait me voir, me parler. J'étais terrifié à chaque fois que je le croisais dans le quartier. Je faisais toujours en sorte de rentrer avec toi et je m'éloignais de Sacha parce que lui était toujours avec son frère. C'est pour ça que je ne voulais plus aller chez lui. Pourquoi je ne voulais plus lui parler. Et ça faisait tellement mal de vous voir rire avec lui dans le quartier alors que je vous regardais depuis la fenêtre de ma chambre qui était devenue ma cachette. Je disais devoir travailler et tu te moquais de moi en me disant que j'étais déjà le meilleur de la classe mais, en réalité, je n'arrivais juste plus à te regarder dans les yeux. Parce que j'avais honte. Tellement honte. Et j'avais aussi tellement besoin de toi mais les mots de Raphaël continuaient de résonner. J'avais peur de te dégoûter. Peur de te perdre. »

J'essuie les larmes sur ma joue et prends le temps de respirer plusieurs secondes avant de lâcher ces prochains mots qui, je le sais, vont nous mettre à terre tous les deux.

« Mes parents ont vu mon changement de comportement. A la maison, je ne mangeais presque plus. Je ne dormais plus non plus. Ils se sont inquiétés et me posaient des questions tous les soirs. Ils avaient même contacté madame Martin qui était notre CPE à l'époque en lui demandant s'il se passait des choses aux lycée qu'ils ignoraient. J'ai alors été convoqué par l'infirmière du lycée et madame Martin, à la demande de mes parents. Et ce sont les premières personnes devant qui j'ai craqué. J'ai tout dit. J'avais envie de vomir, je me dégoutais, mais je mettais pour la première fois des mots sur ce que j'avais vécu. Je ne faisais que de répéter que c'était de ma faute, que je n'avais pas su le rejeter, que j'aurais dû parler plus fort en lui disant non, jusqu'à ce que l'infirmière mette le mot viol sur ce que j'avais vécu. On a longuement parlé jusqu'à ce que madame Martin me propose de convoquer mes parents le soir même. On leur avouerais ensemble. Elle, l'infirmière et moi. Si je n'arrivais pas à parler, elles le feraient pour moi. Alors j'ai accepté. Le soir, à la fin des cours, mes parents sont venus . Et on leur a dit. »

Si ma mère s'est immédiatement mise à pleurer, je n'oublierais jamais la tête de mon père. Son visage s'est décomposé. La colère l'a défiguré. J'ai d'abord cru qu'il était en colère contre moi jusqu'à ce qu'il me prenne dans ses bras et qu'il me serre contre lui comme il ne m'avait jamais serré auparavant. J'avais toujours honte mais mes parents savaient enfin. Et ils me soutenaient. Même si j'avais l'impression d'avoir brisé leur vie. Encore une fois, à mes yeux, tout était de ma faute.

« Mes parents voulaient m'emmener porter plainte mais j'en étais incapable. Je n'y arrivais pas. Je m'imaginais déjà briser la vie de Sacha en envoyant son frère en prison. Ou encore de Carmen. Mes parents insistaient mais j'étais comme paralysé. Porter plainte aurait été la meilleure chose à faire, la plus juste, mais à ce moment-là je pensais juste au fait que, si je le faisais, cette histoire allait devenir encore plus réelle. Et j'avais peur de Raphaël, aussi. Il était passé de mon grand-frère à ma plus grande peur. La personne qui me faisait trembler rien qu'à l'idée de la croiser. Alors mes parents ont quand même décidé que Raphaël ne s'en sortirait pas comme ça. Et ils ont dit à Carmen qu'ils devaient lui parler. A elle et à Raphaël. »

Mon coeur tremble lorsque j'ajoute:

« Mais aussi à ta mère et Julia. »

Cette fois, je tourne la tête vers Harry. C'est plus fort que moi. Je découvre les traits de son visage défiguré par la haine mais aussi par la tristesse. Les larmes coulent sur ses joues alors que, à l'entente de mes derniers mots, ses yeux s'ouvrent un peu plus. J'étouffe un sanglot au même moment et l'empêche de dire quoi que ce soit:

« Mes parents ne voulaient pas faire ça chez eux, ils ne voulaient pas recevoir Raphaël, mais Sacha était chez Carmen et Inès et toi étiez chez Agathe et Julia. Alors ils m'ont demandé d'aller dans ma chambre. En réalité je me suis mis en haut des escaliers pour les entendre. D'abord, mon père a accueilli Raphaël en le frappant. Carmen l'a tout de suite défendu et personne ne comprenait ce qu'il se passait jusqu'à ce que, en pleurs, ma mère leur avoue tout. Tout de suite, Raphaël a voulu donner une autre version. Il a dit que j'étais d'accord. Que je l'avais même chauffé. Qu'il était désolé si je le regrettais et qu'il n'aurait pas dû le faire avec un mineur, pas avec moi, mais qu'il ne m'avait pas violé. Mes parents me défendaient, bien-sûr, mais Carmen a voulu croire son fils. Elle était perdue, triste, désolée, mais ne faisait que répéter que son fils n'était pas un violeur. C'est à ce moment-là que je suis descendu des escaliers. J'étais terrifié mais incapable de ne rien dire. J'ai à peine parlé. Je voulais hurler mais tout ce que j'ai réussi à faire c'est pleurer en disant que je n'étais pas un menteur. Et j'ai regardé Raphaël en lui demandant pourquoi il avait fait ça. Mais il a continué de se défendre en disant qu'il ne m'avait pas violé et qu'il était désolé si je regrettais ce qu'on avait fait. Il me faisait passer pour ce que je n'étais pas. Il m'humiliait. Et je me sentais de moins en moins légitime de me sentir aussi mal. Car, à ses yeux, c'était rien. Juste une baise avec un regret d'un côté. Et non un viol avec une emprise psychologique. »

Je secoue la tête alors que Harry a baissé la sienne. J'aimerais être dans sa tête à ce moment-là. Mais, d'un côté, je n'en ai pas besoin pour comprendre les questions silencieuses qu'il est en train de se poser.

« Ta mère et ta tante étaient au courant, Harry. » Je murmure d'une voix tremblante.

Parce que j'ai mal de lui faire mal.

Je vois ses yeux se fermer et je laisse ma tête retomber en arrière quelques secondes, comme pour tenter de contenir toutes ces larmes qui ne font que couler.

« Mais lorsque Carmen m'a supplié, en larmes, de ne pas en parler à Sacha, ta mère et ta tante m'ont demandé de ne rien te dire non plus. Elles voulaient vous protéger de cette histoire. Et Raphaël m'a dit qu'il quitterait la ville s'il le fallait. Pour que je me taise. Mes parents étaient en colère de les entendre négocier mon silence, ils criaient, ils me disaient que je n'étais pas obligé de les écouter. »

S'il te plaît ne dis rien, Louis.

« Je les ai écouté. Parce que j'avais peur. Peur de Raphaël. Peur de ta réaction. Peur de celle de Sacha. Peur de briser votre vie, vos familles. J'ai voulu continuer à faire semblant mais je n'y arrivais pas. Je n'arrivais pas à agir normalement avec Sacha et j'avais envie de pleurer à chaque fois que je te regardais dans les yeux en sachant ce que ta mère et ta tante m'avaient demandé de cacher. »

Je déglutis et avoue la gorge nouée:

« Et une part de moi avait peur que tu choisisses Raphaël toi aussi. »

Je ne faisais qu'imaginer cette scène en boucle. Ça en était même devenu un cauchemar. Je me voyais tout avouer à Harry qui finissait par croire Raphaël. Je me voyais le dégoûter. Je me voyais le perdre en apprenant ce que, aux yeux des autres, j'avais fait. Et non pas ce qu'on m'avait fait. A ce moment-là, je pensais encore que tout était de ma faute. Je ne savais plus comment vivre avec ça. J'étouffais un peu plus chaque jours.

« Je n'arrivais plus à te mentir. Et, en même temps, j'avais trop peur de te perdre. Peur de te dégoûter. Peur que tu ne me crois pas, toi non plus. Alors quand mon père m'a avoué chercher du travail à l'autre bout de la France pour nous éloigner d'ici je n'ai pas pu dire non. Mes parents me laissaient le choix mais en étais-ce vraiment un? J'étais détruit à l'idée de te perdre mais j'avais tellement honte de cette histoire que je ne me voyais pas non plus continuer de vivre avec. Continuer de te mentir. Continuer de voir Sacha plus triste que jamais lorsque son frère lui a dit partir à Grenoble. Tu étais triste toi aussi. Et moi je ne faisais que de me répéter que tout était de ma faute. J'en étais arrivé à un point où je voulais juste disparaître. Alors c'est ce que j'ai accepté de faire. J'ai disparu. Et je suis tellement désolé de ne pas avoir eu la force de t'avouer tout ça. Je suis désolé de t'avoir abandonné lorsque tu étais la personne dont j'avais le plus besoin en réalité. Je suis désolé. Je suis désolé d'avoir encore gardé le silence en revenant ici. Tu avais enfin l'air épanoui, bien dans ta vie, et j'avais peur de détruire tout ça...ta famille... Je pensais te protéger. »

En m'entendant pleurer ces derniers mots, Harry tourne la tête vers moi. Lui aussi il pleure. Mais silencieusement. Il me regarde attentivement et j'attends un mot, une phrase, un geste, quelque chose. Mais il continue de me fixer, comme si son regard pénétrait littéralement le mien, comme s'il pouvait y trouver encore toutes les larmes que je contiens.

« Et moi j'ai pas été capable de te protéger ce soir-là. » Il finit par articuler difficilement.

Mon coeur se serre violemment en entendant sa voix brisée. Tout est brisé. Même son regard. Je ne l'avais jamais vu comme ça. Jamais. Et je n'arrive pas à ne pas m'en vouloir. Alors que mes larmes continuent de couler et que je m'apprête à dire quelque chose, n'importe quoi pour le réconforter, il lâche:

« Je vais le tuer. »

Je n'ai pas le temps de réagir que, en quelques secondes, Harry n'est plus là. J'entends sa porte claquer mais je reste assis là. Je pleure. Je réalise ce qu'il vient de se passer. Ce que j'ai enfin réussi à lui avouer. Mais comment se sentir soulagé lorsque je vois à quel point lui aussi se retrouve détruit? Je secoue la tête et me lève précipitamment pour sortir de chez lui à son tour pour rejoindre le quartier.

Lorsque j'arrive au milieu de la route, Harry entre déjà chez Sacha.

lousombre

...

J'espère que ce chapitre vous aura plu...

Et voilà, Louis a parlé. Vos réactions ?

J'avais envie de rappeler que, malheureusement, beaucoup d'agressions se passent dans le cercle familial/proche. Et que beaucoup de victimes se retrouvent à garder le silence. Un silence qu'on peut leur imposer. Et qu'on est malheureusement beaucoup plus nombreux qu'on ne le pense. Ça ne sera jamais la faute de la victime, ne l'oubliez jamais.

Un numéro gratuit est d'ailleurs destiné aux personnes victimes de viols et agressions sexuelles : 0800 05 95 95

Je vous remercie encore pour tout.
À vendredi prochain pour découvrir la suite.❤️

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top