Chapitre 22
Hi! J'espère que vous allez bien?
Merci du fond du coeur pour vos mots sur le précédent chapitre. Merci pour votre soutien. Merci de toujours me pousser vers le haut ! Et surtout merci de donner une chance à cette histoire et à ses personnages.
J'espère que ce chapitre vous plaira!
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CHAPITRE 22
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(Moving On_Kodaline)
HARRY.
Noël a un goût différent cette année. La maison est pourtant toujours aussi bien décorée. Elle brille grâce aux guirlandes et au sapin qui prend toute la place. Une bonne odeur s'échappe de la cuisine où ma mère et ma tante préparent des plats pour une cinquantaine de personnes alors que nous ne sommes que tous les quatre. Mais elles en font toujours trop pour que je puisse en emmener à Carmen, Sacha, Raphaël et, cette année, Barbara. Avant, nous passions le réveillon tous ensemble. Avec Louis et sa famille également. Mais depuis que Raphaël a déménagé, nous faisons le vingt-quatre séparément pour laisser Carmen profiter à fond de sa petite famille. Alors Inès et moi les rejoignons le vingt-cinq pendant que nos mères travaillent.
En fait, Noël a perdu de son éclat depuis longtemps déjà. Depuis huit ans exactement. Depuis la seconde où il est parti. Tant de choses ont changées par la suite et cette année plus que les autres je passe ma soirée à me demander pourquoi? Les mots de Louis tournent en boucle dans ma tête. Je ne fais que me remémorer les visages, les noms des personnes qui ont pu lui faire du mal ou du moins essayer. Des élèves, des gars du quartier... Je devrais aller les questionner, un à un, mais la plupart ne sont même plus là. Et, je sais pas, mais c'est comme si mon instinct me criait que je regarde dans la mauvaise direction. Alors ça me fait encore plus peur.
Je connais Louis. Si ce silence lui coûte tant mais qu'il continue de le conserver, c'est que ça doit compter. Et ces gars là ne comptaient pas. S'il a peur de me le dire c'est qu'il y a une raison. C'est que c'est beaucoup plus important que ça.
Je prends une grande inspiration et déteste les pensées qui sont en train de me traverser. Je déteste commencer à me méfier de tout le monde même de ceux que je ne devrais pas. Comme Sacha. C'est plus fort que moi, alors qu'il est mon meilleur ami, mon frère. Mais je ne peux m'empêcher de faire le rapprochement avec Louis. Ce dernier a commencé à s'éloigner de Sacha avant de partir. Et il l'évite depuis qu'il est revenu. Pourquoi? Pourquoi me reparler et ne pas le faire avec Sacha? Il y a forcément une raison, même si j'essaie de le nier depuis le début.
Et, en même temps, je connais Sacha par coeur aussi. C'est comme si on était né ensemble. J'ai vu sa tristesse quand Louis est parti, même s'il a su mieux la cacher que moi. Et j'ai également vu sa déception lorsque Louis a fuit en le voyant arriver à la boxe ou encore devant le lycée la dernière fois. Il y a forcément un problème. Mais j'ai posé la question à Sacha dès le début. Dès que Louis est revenu. Il s'est énervé en me disant que, non, il ne s'était rien passé. Et j'ai vu à quel point ça l'a blessé que je puisse imaginer qu'il m'ai caché quelque chose.
Pourtant c'est la seule piste que j'ai. Même si je ne sais pas l'expliquer.
Je soupire longuement et tourne la tête en entendant Inès descendre les escaliers. Cette année, pas de cheveux bouclés ni de maquillage ou de belle robe. Elle est en pyjama, les yeux cernés et gonflés par les larmes qui ne cessent de couler depuis sa rupture il y a deux jours. Elle n'a pas envie de fêter quoi que ce soit mais force pourtant un sourire en me voyant. Elle vient s'asseoir à mes côtés sur le canapé, repliant ses jambes contre elle. Son regard glisse sur ma chemise rouge et mon pantalon noir et elle sourit un peu plus sincèrement en me disant:
« T'es beau.
-Merci. Toi aussi tu es belle.
-Tu parles. » Elle pouffe tristement.
« C'était pas une blague. Moi je te trouve toujours belle. Même quand t'as pas pris de douche depuis deux jours.
-Je t'emmerde! J'en ai prit une tout à l'heure. » Elle rit en me poussant.
Je ris avec elle puis attrape son bras pour la tirer à moi. Elle se laisse faire, son visage retombant contre mon épaule. Je l'entends renifler doucement et nos rires ne sont déjà qu'un lointain souvenir lorsqu'elle me dit:
« Il m'a envoyé un message pour me souhaiter un joyeux noël. Et pour me dire qu'il était désolé. »
Elle essuie rapidement une larme sur sa joue avant de continuer en riant nerveusement:
« Il m'a brisé le coeur et pourtant il continue d'être exactement la même personne dont je suis tombée amoureuse. Gentil. Attentionné. Je crois que j'aurais préféré qu'il soit méchant et blessant pour le détester et ne plus l'aimer.
-Je pense pas que ça fonctionne comme ça. » Je réponds dans un murmure.
Inès se redresse légèrement pour me regarder et ses yeux brillants de larmes me serrent le coeur. Elle se pince les lèvres puis laisse un silence s'installer avant qu'elle ne finisse par me demander:
« Ça n'a pas marché pour toi, pas vrai?
Je la regarde et elle essuie de nouveau ses larmes avant de reprendre:
« Essayer de détester Louis n'a pas réussi à te faire l'oublier? »
Elle connaît déjà la réponse. Mais elle a besoin de l'entendre alors je prends une légère inspiration avant de lui répondre:
« Non, ça n'a pas marché. Je voulais le détester. Je pensais que ça serait plus simple de le détester plutôt que de me rappeler à quel point il comptait pour moi. Mais essayer de détester quelqu'un c'est toujours penser à lui. D'une façon plus négative, certes, mais ce n'est pas essayer de l'oublier pour autant. »
Parce que je réalise que, en voulant le détester à ce point, je faisais toujours de Louis ma priorité. Même si c'était à travers la colère, ça n'en était pas moins douloureux. Je pensais que son départ suffirait à effacer les bons souvenirs mais une part de moi continuait de s'y accrocher. C'est comme si mon coeur voulait crier à mon cerveau comment tu peux vouloir détester ce gars-là?
Je ne le pouvais pas, tout simplement.
Ce que je pensais être de la haine tout ce temps n'était en fait qu'une tristesse profonde.
Et l'envie de le détester cachait surtout l'envie de vouloir le retrouver.
« Je crois que je ne pourrais jamais détester Alexandre. »
Les larmes continuent de couler sur ses joues mais elle n'essaie même plus de les essuyer. Elle joue avec ses doigts, la tête baissée, tout en continuant de se confier à moi d'une voix tremblante:
« Et pourtant je lui en veux tellement. Je lui en veux de ne plus m'aimer comme moi je l'aime toujours. C'est comme s'il m'avait trahi alors que ça ne se contrôle pas. Il était triste, tu sais. Il a pleuré en me quittant. Il m'a dit qu'il m'aimait toujours mais plus de cette façon là. Que je comptais pour lui mais que ses sentiments avaient changé et qu'il en était désolé. Et je le crois même si je n'arrive pas à le comprendre. Comment on peut aimer aussi fort et ensuite tout perdre? Perdre cet amour? Ces sentiments? On est quoi maintenant? Des gens qui ont tout partagé, qui se connaissent par coeur, mais qui ne peuvent même plus se toucher et qui se regarderont plus lorsqu'ils se croiseront dans la rue? On passe d'un tout à un rien? A des inconnus? Je trouve ça... terrifiant. Je n'arrive même pas à m'imaginer retomber amoureuse mais si ça arrive un jour comment réussir à se donner corps et âme à une personne qui, peut-être, perdra elle aussi ses sentiments? Comment ne pas avoir peur de retomber, encore? Franchement, aimer demande beaucoup plus de courage que je le pensais. Et je n'ai plus ce courage pour le moment. »
Elle déglutit difficilement et je comprends qu'elle ravale un sanglot. Sa lèvre inférieur se met à trembler et son visage se déforme de douleur à la seconde où je viens de nouveau la serrer contre moi. Je la serre de toutes mes forces, le coeur brisé de la voir dans cet état.
« Tu as raison, aimer demande du courage. Et le jour où ton coeur sera prêt à prendre de nouveau ce risque ça voudra dire qu'un autre le prendra pour toi aussi. »
Inès ne dit rien. Parce que je sais qu'elle ne souhaite pas penser à ça. A une autre personne qu'Alexandre. Et elle n'est pas obligée de le faire. Elle doit d'abord faire le deuil de leur relation. Elle doit prendre ce temps pour pleurer, pour être triste, pour être en colère, pour peut-être même détester Alexandre même si elle s'en pense incapable. Ça prendra le temps qu'il faut. Mais je lui souhaite d'abord de s'aimer elle de tout son coeur avant d'être prête à aimer quelqu'un d'autre.
« Je suis contente que toi tu ai eu ce courage. » Elle dit soudainement en relevant la tête pour me regarder.
Mon coeur se serre et se réchauffe en même temps qu'elle sourit tristement en terminant:
« Le courage de continuer de l'aimer. »
Je n'ai évidemment pas besoin de lui demander de quoi elle parle. Ou de qui. Et c'est sûrement la plus grande preuve que, oui, elle a raison. Et, après ses aveux, après qu'elle m'ai parlé à coeur ouvert, je me surprends à le faire aussi en murmurant comme un secret:
« Mais peut-être pas de la façon dont tu le penses... »
Je surveille sa réaction et elle continue simplement de sourire avant de me demander:
« Et est-ce que c'est grave?
-C'est une bonne question.
-La réponse est pourtant simple. »
Elle pose sa main sur mon épaule et la serre de façon réconfortante en me disant:
« Non ce n'est pas grave, Harry. »
Elle regarde si nos mères sont toujours dans la cuisine avant de tourner de nouveau la tête vers moi en chuchotant:
« C'est même beau que ça soit lui. »
Une douce chaleur traverse ma cage thoracique et c'est comme si les mots d'Inès venaient apaiser ce que j'ai toujours pu ressentir depuis le retour de Louis. Parce que ressentir ça pour lui m'a toujours paru effrayant, compliqué voir impossible. Et que pour la première fois aujourd'hui j'entends que ça peut tout simplement être beau.
« Merci Inès. » Je murmure en retour.
Elle sourit simplement et se penche pour me prendre dans les bras. Je la serre contre moi en retour et j'espère qu'elle comprend à travers cette étreinte que j'ai autant besoin d'elle qu'elle a besoin de moi. Toujours.
« Qu'ils sont mignons! »
Inès et moi sursautons en entendant tante Julia arriver dans le salon. Elle nous regarde, attendrie, et tient dans ses mains un grand sac de courses avec plusieurs plats à l'intérieur. Je me lève, connaissant déjà ma mission avant même qu'elle ne dise:
« Tu peux emmener ça à Carmen s'il te plaît mon chéri? Et quand tu rentres on se met à table! »
Je hoche la tête en souriant lorsque l'odeur des plats parvient à mes narines et je regarde tante Julia qui s'approche du canapé pour caresser la joue de sa fille et lui embrasser le front. J'attrape rapidement mon manteau à l'entrée et récupère le sac pour sortir et me mettre à marcher jusqu'à la maison de Sacha qui n'est qu'à quelques maisons de la nôtre. Lorsque j'y arrive, je toque et ce n'est pas Carmen qui m'ouvre mais Raphaël. Il sourit en me voyant et son regard glisse rapidement sur le sac:
« J'aime beaucoup ce que tu m'apportes.
-T'as intérêt à payer la livraison. »
On rit tous les deux et je lui tend le sac qu'il récupère. Aussitôt, Carmen apparaît derrière lui et le fait se décaler pour me faire la bise et me prendre rapidement dans des bras:
« Merci pour les plats mon grand! Tu remercieras Agathe et Julia aussi!
-Ce sera fait. »
Elle prend le sac des mains de son fils en souriant et Raphaël rit en se tournant de nouveau vers moi pour me demander:
« Tu veux entrer? Juste Sacha est sous la douche. Il arrive à être en retard même pour le réveillon. »
Je ris légèrement puis, après une hésitation, je lui demande:
« C'est bon, merci. Mais... est-ce qu'on peut parler deux secondes? »
Je lui montre les escaliers du perron d'un signe de la tête et il referme sa porte d'entrée en disant:
« Ouais, bien-sûr. Tout va bien? »
On s'assoit sur les marches et je ne sais même pas quoi lui répondre. En fait, je ne suis même pas sûr de savoir ce que je veux lui demander. J'ai peur de mal faire. De trahir Sacha d'une certaine manière. Mais c'est plus fort que moi. Il y a trop de questions qui tournent en boucle dans ma tête même si je les déteste plus que tout.
« Sacha t'a dit pour l'armée. »
Ce n'est pas une question. Je sais qu'il lui a dit. Et si je lui en parle c'est parce que je ne peux m'empêcher de faire le rapprochement. Louis qui revient et Sacha qui veut soudainement s'engager dans l'armée? Partir d'ici? C'est peut-être qu'une coïncidence mais depuis que Louis m'a dit que je m'en prenais à la mauvaise personne j'en viens à m'imaginer tout et n'importe quoi.
« Ouais, il m'a dit. Je pense pas que ça soit une mauvaise idée. Les études sont en train de le démoraliser. Je ne sais pas si tu t'en es rendu compte mais il sort presque plus, il reste enfermé, il m'a même dit que ça faisait un moment que vous ne vous étiez pas fait un truc que tous les deux. »
C'est vrai. Depuis la rentrée, Louis occupe toutes mes pensées. Mais Sacha ne me demande pas à ce qu'on se voit non plus. Et ça a déjà été comme ça entre nous. Quand je travaille et que lui est à fond dans ses études ça nous arrive de ne pas se voir pendant un moment mais ça n'empêche pas que rien ne change entre nous pour autant. On n'est pas du genre à s'avoir au téléphone tout le temps et à s'envoyer des messages tous les jours. On ne le fait même pas toutes les semaines. Mais notre relation est comme ça.
« Tu penses qu'il s'enferme vraiment par rapport aux études ou... »
J'hésite mais Raphaël m'encourage à continuer d'un signe de la tête.
« Ou c'est à cause du retour de Louis? »
Raphaël se pince les lèvres et réfléchit quelques secondes en regardant la rue en face de nous.
« Je ne sais pas.
-Il ne t'en a pas parlé?
-Pas vraiment. On s'est eu au téléphone avant qu'on arrive avec Barbara et il m'avait juste expliqué que, ouais, le peu de fois où il a pu croiser Louis ce dernier l'a ignoré. Quand il a su qu'il était de retour à la rentrée il a eu envie de lui parler mais ses réactions l'ont vite blessé et déçu. Ce que je peux comprendre.
-Oui, moi aussi. »
Je tourne la tête vers Raphaël et ne peut m'empêcher de continuer:
« Mais je ne comprends pas pourquoi Louis le fuit comme ça.
-T'as essayé de demander à Louis? »
J'ouvre la bouche mais la referme aussitôt. Même si Raphaël m'a prouvé durant toute ma vie que je pouvais avoir confiance en lui comme en un grand-frère je ne me vois pas lui dévoiler tout ce que m'a confié Louis et cette histoire de mauvaise personne. Parce qu'il ferait aussitôt le rapprochement avec les questions que je pose sur son frère et ça ne lui plairait pas. Ce que je comprendrais aussi. Ça ne me plaît pas non plus et je n'y crois pas vraiment au fond de moi. C'est juste que certaines choses semblent coïncider et que c'est la seule piste que je peux avoir.
« Oui. Mais il ne m'a rien dit. » Je mens qu'à moitié.
Raphaël hoche la tête et semble réfléchir à nouveau en regardant la rue, le quartier. Il finit par soupirer en me disant toujours en regardant la rue:
« Tu sais, je ne comprends pas non plus Louis. Mais ça fait longtemps que j'ai décidé de ne plus chercher à comprendre. Il a blessé trop de gens avec son départ alors je veux même plus savoir pourquoi il est parti. Et je crois que Sacha ne veut plus chercher à le savoir non plus. Il n'y a que toi qui t'y accroche encore. Alors que je ne pense pas me tromper en disant que tu as été le plus blessé dans cette histoire. »
Mon coeur se serre violemment et je fronce les sourcils en regardant Raphaël qui tourne enfin son visage vers moi. Nos regards se retrouvent et même si ce qu'il dit a du sens et que je peux le comprendre je ne peux m'empêcher d'être surpris.
« Depuis que je suis petit tu m'as toujours dit de ne jamais abandonner. De ne jamais lâcher l'affaire. Et là tu voudrais que j'accepte de ne jamais connaître la raison de son départ?
-C'est juste que, même si je suis parti faire ma vie autre part qu'ici, je t'ai vu souffrir, Harry. Je dois te rappeler dans quel état tu étais? Combien de fois Sacha m'a appelé pour me dire que tu étais en train de faire de la merde? Combien de week-end je suis remonté à Paris juste pour pouvoir te parler, te calmer, passer du temps avec toi afin que tu arrêtes d'aller chercher la merde à des mecs juste pour te battre et pour défouler ta colère? Puis je t'ai vu construire ta nouvelle vie. Ton nouveau travail, tes nouveaux collègues, la boxe. Je t'ai vu retrouver une stabilité. Je t'ai vu retrouver le sourire aussi. Je suis pas con. Je sais que t'as jamais cessé de penser au départ de Louis. Mais depuis qu'il est de retour c'est de nouveau devenu ta priorité et j'ai peur que tout se casse de nouveau la gueule.
-Bien-sûr que j'ai peur aussi, Raph. Et moi non plus je suis pas con. Je n'oublie pas toutes ces années à faire de la merde à cause du départ de Louis. Mais c'est une raison de plus pour connaître enfin la vérité. Je veux pas avoir eu mal pour rien, tu comprends? J'ai besoin de savoir. Et je pensais que vous en auriez besoin aussi.
-Tu peux pas nous en vouloir de ne pas courir après Louis, Harry. Si t'as décidé de le faire grand bien te fasse mais la vie a continué après son départ et Sacha ne mérite pas qu'elle s'arrête à nouveau juste parce qu'il est revenu. Et toi non plus.
-Votre vie a continué après son départ. Pas la mienne. » Je lâche sèchement.
Je me relève, suivi de Raphaël qui me retient par le bras en disant:
« Hey, je veux pas qu'on s'engueule. Je te jure que je te comprends aussi. »
Je prends une grande inspiration et soupire lorsqu'il me lâche le bras. Je me retourne vers lui et ne sait même pas quoi dire. Parce que moi je ne comprends pas.
« Tu disais que Louis et moi étions comme tes petits-frères. Je pensais que, à tes yeux, il mériterait qu'on comprenne la raison de son départ. Même si pour toi ça veut dire lui courir après. »
Raphaël me regarde et reste silencieux, comme s'il cherchait ses mots. Puis la porte de la maison s'ouvre soudainement sur Sacha dont les cheveux sont encore humides de la douche. Vêtu que d'un pull, d'un pantalon et de chaussettes il frissonne de froid et fronce les sourcils en voyant nos expressions.
« Maman m'a dit que vous étiez là. Tout va bien? »
Il me regarde puis regarde son frère et je m'attend à ce que ce dernier lui dise de quoi on parlait, puisqu'il ne lui cache jamais rien, mais Raphaël se contente de sourire en répondant:
« Ouais, Harry a apporté les plats de Julia et Agathe.
-Maman m'a montré, j'ai encore plus la dalle. » Sourit Sacha.
Je pose de nouveau mon regard sur Raphaël qui ne rajoute rien. Qui ne parle pas de Louis et de la conversation qu'on vient d'avoir. Alors c'est devenu tabou à ce point chez eux? Ils l'ont rayé de leur vie? Même si j'ai entendu tout ce que vient de me dire Raphaël et même si je suis le mieux placé pour savoir qu'on peut en vouloir à Louis je n'arrive pas à comprendre qu'on puisse tout de même accepter qu'il soit de retour et qu'on ne fasse rien. Ils ont grandi avec lui! Moi aussi j'ai pensé agir comme ça. Je lui ai même dit qu'il pouvait disparaître à nouveau. Mais je me suis rapidement rendu compte que c'était impossible. Même si ma relation avec Louis n'est pas la même que celle qu'il avait avec Raphaël et Sacha je la pensais quand même assez forte pour qu'ils veuillent comprendre.
Mais à entendre Raphaël, on devrait juste l'oublier. C'est presque ce qu'il m'a conseillé, non?
« T'es sûr que ça va, Harry? »
La voix de Sacha me sort de mes pensées et je le regarde sans savoir quoi répondre. Mon regard passe de Raphaël à lui et j'en viens réellement à me méfier de tout le monde. Même des personnes que j'aime le plus sur cette Terre. Je les vois comme mes frères. Alors j'espère vraiment me tromper en me disant que eux aussi pourraient me cacher quelque chose. Oui, j'espère vraiment que, comme me l'a dit Raphaël, c'est juste une question d'avoir tourné la page contrairement à moi.
« Je dois rentrer, elles m'attendent pour manger. » Je finis par dire en regardant Sacha.
Il fronce légèrement les sourcils, voyant très bien que quelque chose ne va pas, mais il n'insiste pas en me voyant déjà faire quelques pas en arrière.
« Passez un bon réveillon alors. On se voit demain! » Il me dit avec un signe de la main.
« Oui, à demain. »
Je réponds à son signe de la main puis regarde une dernière fois Raphaël qui me sourit tristement, comme s'il s'en voulait d'avoir été honnête. On ne devrait pas s'en vouloir pour ça. Et peut-être que je ne devrais pas leur en vouloir de réagir différemment vis-à-vis de Louis. Eux ne m'ont jamais reproché de faire de la merde lorsque Louis est parti. Et Sacha m'a soutenu à la rentrée lorsque j'ai décidé de reparler à Louis.
Encore plus perdu que lorsque j'ai parlé à Raphaël j'essaye de mettre ses pensées de côté lorsque j'arrive devant chez moi.
Je lance un regard par dessus mon épaule. Je regarde la maison d'en face.
Et j'aurais tellement aimé qu'il soit là.
Parce que je réalise deux choses ce soir. Je les ai réalisé en m'énervant contre Raphaël.
La première est que Louis me manque. Pas seulement depuis son départ en vacances il y a deux jours. Non, il me manque tout court. Dès que je ne suis pas avec lui. Et même lorsqu'on est ensemble mais qu'il y a ces barrières que je continue de nous imposer. Comme si j'avais peur de baisser totalement ma garde. De lui parler de ce que je ressens. De lui montrer ce que je ressens. De ne plus vraiment me cacher. Je fais tout ça pour conserver une certaine distance mais je ne suis plus sûr que ça serve vraiment à quelque chose.
Parce qu'on en vient à la deuxième chose que je viens de réaliser.
Même sans connaître la raison de son départ, je l'ai choisi lui.
C'est ce que j'ai compris lorsque, même face à Raphaël, face à celui qui est comme mon grand-frère, j'étais prêt à me battre pour qu'il arrête de me parler d'une vie sans Louis.
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(Fallen_Gert Taberner)
LOUIS.
« Et c'est gagné! » Je m'exclame en posant ma dernière carte.
Mon père, assis en face de moi, regarde ces trois carte de UNO avant de soupirer de désespoir. Je ris et lance un regard à ma mère qui pose également son paquet, pas rancunière contrairement à mon père.
« C'est toi qui a proposé un petit jeu sympa. » Elle lui rappelle.
Je ris en récupérant toutes les cartes afin de les mélanger à nouveau.
« C'est un jeu sympa quand ton fils ne gagne pas à chaque partie!
-Ton fils. Je ne suis plus le tien?
-Pas jusqu'à la prochaine partie en tout cas. » Il marmonne.
Je hausse un sourcil en le regardant et nous finissons par rire tous les deux. Je m'apprête à distribuer les cartes pour la prochaine partie lorsque la sonnerie de la maison retentit. Surpris, on se regarde tous les trois et c'est finalement mon père qui se lève pour aller ouvrir. Nous l'entendons vaguement parler jusqu'à ce qu'il revienne avec un air préoccupé.
« Qui c'est? » Demande ma mère.
« Clément. » Il répond en me regardant.
Surpris, j'ouvre un peu plus grand les yeux et regarde ma mère qui est toute aussi surprise.
« Tu lui a demandé de passer?
-Non.
-Il aimerait pouvoir te parler. » Me dit mon père.
Je me pince les lèvres. Je ne sais pas trop quoi en penser. Je ne sais même pas si j'ai envie de lui parler. Mais je regarde mes parents et je sais qu'ils l'apprécient assez pour être gêné à l'idée de le renvoyer chez lui. Il a été irréprochable durant toute notre relation. Autant avec moi qu'avec mes parents. C'est pas une mauvaise personne et c'est moi qui lui ai brisé le coeur alors la culpabilité me pousse à me lever pour me diriger vers l'entrée de la maison.
Clément est bien là, portant un affreux pull de Noël qui, sur le moment, me fait sourire. En le remarquant il sourit aussi puis grimace en me disant:
« Tu connais les traditions de mes parents.
-Oui. » Je pouffe.
Les parents de Clément étaient comme lui. Incroyablement gentil. Ils m'ont accueilli comme un second fils et m'invitaient tout le temps à manger. Ils prévoyaient un repas pour mon anniversaire, m'invitaient mes parents et moi à venir passer les fêtes avec eux. Ça m'a fait beaucoup de mal de les quitter eux aussi même si ma mère m'a dit qu'elle croisait souvent celle de Clément et qu'elle demandait toujours de mes nouvelles. Ça me rassure, d'un côté, de savoir qu'ils ne me détestent pas d'avoir rompu avec leur fils. J'avais l'impression de blesser tout le monde, encore une fois.
« Je suis désolé de débarquer le soir du réveillon mais c'était le seul jour où j'étais sûr de te voir. J'ai appris que tu fêterais pas le jour de l'an ici avec nos amis et comme je ne savais pas quand tu repartirais...
-Oui, hm, je me suis dit que c'était préférable que je retourne sur Paris pour le jour de l'an.
-J'espère que tu ne te prive pas par rapport à moi.
-Non. Enfin...
-J'ai rencontré quelqu'un, Louis. » Il me coupe.
Surpris, je pose de nouveau mon regard sur lui et il sourit simplement en reprenant:
« Je l'ai rencontré vers la rentrée mais c'est officiel depuis un mois maintenant.
-Oh, je savais pas... Je pensais que, enfin, comme tu continuais de m'envoyer des messages parfois... »
Je m'arrête de parler pour refermer la porte d'entrée derrière moi afin que cette conversation soit plus intime. Clément le comprend et je m'approche de lui en enroulant mes bras autour de mon pull pour me réchauffer alors qu'il finit par me répondre:
« Je ne t'envoyais pas ces messages par espoir de te récupérer, Louis. Surtout lorsque tu as été très clair sur les raisons de notre rupture. Pourquoi et pour qui tu voulais retourner à Paris. »
Mon coeur se serre tandis que je hoche lentement la tête. Oui, j'ai été plus que honnête avec Clément. Avant même qu'on soit ensemble il connaissait l'existence d'Harry et notre histoire. Il a tout su. Après mes parents il a été le seul à qui je me suis confié sur la raison de mon départ. Ça me paraissait impensable de me mettre avec lui sans qu'il sache cette partie de ma vie qui définit qui je suis aujourd'hui. Alors, lorsque je l'ai quitté parce que je voulais retrouver Harry et parce que je réalisais que même la plus gentille personne ne pouvait pas me faire aimer comme je l'aimais lui, Clément a été brisé mais incroyablement compréhensif malgré sa douleur.
« Je t'envoyais ces messages parce que je m'inquiétais pour toi. Sincèrement. Même en tournant la page c'était difficile de te savoir seul là-bas.»
Je souris tristement, me sentant coupable de ne pas avoir répondu à la plupart de ses messages. Je pensais qu'il avait du mal à passer à autre chose et je ne voulais pas lui donner de faux espoirs et le faire encore plus souffrir que ce que je ne le faisais déjà.
« Si je ne viens pas au jour de l'an c'est parce que je le fais avec Harry. » Je finis par lui avouer.
Il ouvre un peu plus grand les yeux avant qu'un sourire sincère se dessine sur ses lèvres.
« Alors tu l'as retrouvé?
-On travaille dans le même lycée, en fait. Il est assistant d'éducation.
-Il a accepté de te reparler?
-Pas au début mais... ça va mieux. »
J'aimerais parler à Clément de notre relation avec Harry mais je réalise que je ne saurais même pas quoi lui dire. Nous ne sommes pas ensemble, Harry me l'a fait comprendre. On ne peut donc pas parler de couple. Et je ne peux pas assumer ce que je ressens pour lui devant les autres. Si je le racontais à Clément je sais d'avance qu'il s'inquiéterait pour moi. Parce qu'il sait à quel point ce que je préférais dans notre relation c'était la façon dont il aimait montrer à quel point il m'aimait et la façon dont il était attentionné peu importe qu'il y ait du monde autour. Et, ouais, ça me frustre de ne plus vivre ça. Pas que ça me manque avec Clément mais parce que j'aimerais pouvoir le vivre avec Harry. Ne pas me poser autant de questions sur cette relation sans nom. Me sentir rassuré par rapport à ce qu'il ressent ou non...
« Et... est-ce que tu lui as dit? » Demande maladroitement Clément.
Je n'ai pas besoin de lui demander de préciser pour savoir ce dont il me parle. Je relève la tête vers lui et me pince les lèvres avant de secouer négativement la tête.
« Non. Pas encore.
-Louis...
-J'y arrive pas.
-Tu es reparti à Paris aussi pour ça.
-J'ai peur de foutre sa vie en l'air.
-Tu rigoles j'espère? Et on en parle de ta vie à toi?
-Tu crois que c'est aussi simple que ça? » Je m'énerve.
Clément prend une inspiration et soupire en secouant la tête avant de reprendre plus calmement:
« Non, bien-sûr que non. Mais c'est juste que ça m'énerve d'imaginer ce gars avoir des aprioris sur ton départ alors qu'il a tout faux! Et c'est pas sa vie que tu foutrais en l'air mais tous les mensonges qui l'entourent! Tu lui rendrais service, Louis. »
Je baisse la tête en entendant les mots de Clément. Je sais qu'il a raison aussi. Est-ce vraiment une vie lorsque, sans le savoir, les mensonges sont partout autour de vous? Mais ça n'empêche pas qu'Harry y croit. A ce qui l'entoure. Et que parfois l'ignorance fait moins mal que la vérité.
« C'est injuste. Ça ne devrait pas être à moi de faire le sale boulot. » Je dis sèchement.
Parce que je suis en colère. Tellement en colère. Et ça Clément le sait. Son regard se voile de tristesse alors qu'il fait un pas vers moi, posant sa main sur mon épaule qu'il serre doucement.
« Je suis d'accord avec toi. Ça ne devrait pas être à toi. Mais tu sais très bien que personne d'autre ne le fera. Et, ouais, ça c'est vraiment injuste. »
Je déglutis en hochant la tête. Il a raison. Même si ce n'est pas à moi de le faire, personne d'autre ne le fera à ma place. Que je sois terrifié, brisé, angoissé. Personne ne fera éclater la vérité si je ne le fais pas. Et je leur en veux tellement pour ça. Je lui en veux à lui plus qu'à n'importe qui. Mais j'en veux aux autres aussi.
« Tu dois lui dire. » Insiste Clément.
Il retire sa main de mon épaule et sourit tristement en ajoutant:
« Et je ne dis pas ça parce que je t'ai aimé. Mais parce que je t'ai vu souffrir. »
Mon estomac se retourne violemment à cette phrase et je regarde Clément différemment. Pas seulement comme un ex. Comme une personne qui a partagé ma vie. Mais plutôt comme une personne qui m'a connu. Qui ne me connaîtra jamais autant qu'Harry mais qui a au moins connu et surtout retenu ce que j'ai bien voulu lui montrer, lui offrir. Je sens qu'il ne voit plus notre rupture comme une fatalité, qu'il ne me voit plus comme un amour perdu, mais plutôt comme une personne qu'il espère voir vraiment heureux. Et c'est ce que je lui souhaite aussi.
« Merci d'être venu Clément. Ça m'a fait du bien de parler avec toi, vraiment.
-A moi aussi. T'es courageux, Louis. Même si t'as jamais demandé à l'être autant. »
Je souris tristement et hoche doucement la tête.
« Je te souhaite plein de bonheur avec...
-Martin.
-Martin. Il a beaucoup de chance de t'avoir.
-Harry aussi. Et j'espère qu'il en a conscience. »
Il vient me presser une dernière fois l'épaule avant de faire plusieurs pas en arrière.
« Passe un joyeux Noël, Louis.
-Merci, toi aussi. Et le bonjour à tes parents.
-Je leur ferais. »
On se sourit une dernière fois. Parce que je ne sais pas quand est-ce que je reverrais Clément. Mon coeur se serre. Pas d'amour mais d'une attache, d'une reconnaissance. On se fait un dernier signe de la main avant que j'entre de nouveau à la maison pour rejoindre mes parents dans le salon.
Lorsque je m'assois à table, on oublie rapidement la partie de cartes pour que je leur raconte ce que Clément m'a dit. Je pensais vouloir que ça reste intime mais j'ai besoin de leur en parler. Je ne l'ai pas fait depuis que je suis rentré il y a deux jours. On a parlé de tout. Du travail, de mes élèves, de Samantha et Thomas qui sont devenus de très bons amis, de mes toiles, mais pas vraiment d'Harry. Je leur ai dit qu'on se reparlait, qu'on s'était rapproché, mais je ne suis pas allé dans les détails. Jusqu'à maintenant je n'avais pas parlé de mes peurs. Parce que j'ai peur. Peur d'avouer qu'une relation est en train de naître. Parce que je ne sais toujours pas où Harry veuille qu'elle aille. Alors que moi je sais très bien ce que je veux. Je le veux lui. Tout le temps. Depuis toujours.
« Peut-être que tout lui avouer, en plus de t'enlever un poids, débloquerait pas mal de choses dans votre relation... » Commence prudemment ma mère en posant sa main sur la mienne.
« Je suis d'accord avec ta mère. Peut-être que la seule chose qui bloque Harry pour retirer toutes ces barrières c'est de connaître la raison de ton départ. Il saurait que tu n'as jamais voulu le blesser ni l'abandonner. » Continue mon père avec un sourire triste.
« Je sais que vous avez raison mais... j'ai tellement peur. Pour lui. Pour les conséquences que ça aura. Lui aussi n'a rien demandé.
-Tu as raison. Mais vous serez au moins deux. Là tu es seul à combattre quelque chose que tu n'avais pas demandé non plus Louis. » Répond mon père.
Mon coeur se serre et je regarde ma mère qui, les yeux brillants, hoche la tête après échangé un regard avec mon père.
« J'admire la façon dont tu as de te préoccuper d'Harry, mon chéri, mais il est temps de penser à toi aussi.
-Quoi qu'il se passe ensuite, rien ne sera de ta faute.
-Il faut que tu te débarrasse de toute cette culpabilité, de toute cette peur, et que ça éclate de nouveau au visage du fautif. Que ça lui revienne. C'est lui qui devra faire face aux conséquences, pas toi. Et Harry saura que ce n'est jamais toi qui a voulu le blesser.
-Parfois je me demande si c'est pas mieux qu'il pense que ça soit moi. » Je ris nerveusement, les larmes aux yeux.
Ma mère secoue négativement la tête et mon père me dit d'une voix douce mais si ferme à la fois:
« Parce que tu crois qu'il peut se passer de toi dans sa vie, Louis? Tu le penses sérieusement alors que, même en te pensant fautif, il est revenu vers toi? Alors qu'il t'a attendu pendant huit ans?
-Alors, non, ce n'est pas mieux. Tu n'as pas à prendre cette place qui ne te revient pas.
-Et Harry mérite aussi de savoir. Tout comme tu mérites que tout ça prenne fin. Même si ça doit être début de nouveaux problèmes ceux-là ne seront plus les tiens. Ça ne fait pas de toi un égoïste, Louis. Tu en as fait déjà trop. Beaucoup trop. »
Ma gorge se noue mais je sais qu'ils ont raison. Je ne sais pas encore comment mais je le ferais. Je lui dirais. Pour lui mais surtout pour moi. Je ne peux pas attendre éternellement. Je ne peux pas ressentir ça indéfiniment. C'est trop douloureux. Huit ans à imaginer Harry me détester et me penser coupable de tout ça. A la rentrée l'entendre me dire à quel point il m'en veut pour quelque chose qui n'est pas de ma faute. J'ai enduré encore et encore. Comme l'ont dit mes parents j'ai prit une place qui ne me revenait pas. Parce qu'on m'y a un peu mit de force. On a profité de la faiblesse de cet adolescent de seize ans qui n'avait plus qu'une seule solution: partir. Même si, aujourd'hui, j'aurais tout fait différemment. Je ne serais pas parti. Parce que ce n'était pas à moi de le faire. Mais je ne peux pas en vouloir au moi du passé qui n'avait pas encore cette force que j'ai aujourd'hui. Je ne peux pas lui en vouloir d'être tombé si bas. Parce que aujourd'hui encore je sais à quel point ça peut être difficile de se relever.
« Je ne peux pas passer une année de plus dans le silence. Je lui dirais une fois de retour à Paris. »
Je le décide en même temps que je lâche ces mots.
Mes parents se regardent avant de chacun serrer une de mes mains. Ils m'envoient cette force dont je vais avoir besoin. Rien que d'y penser, ma gorge se noue de nouveau et mon estomac se retourne violemment. Ça va faire mal, je le sais. Très mal. Mais ces dernières années ont fait beaucoup de mal aussi. Et mon départ encore plus. Si je dois revivre cette douleur une nouvelle fois, je le ferais. Pour la vérité. Pour Harry.
Pour moi aussi.
♦
(Everglow_Coldplay)
HARRY.
Je suis retourné dehors, sur les escaliers. Après avoir mangé et s'être fait nos cadeaux, ma mère et ma tante ont prit un café devant un vieux bêtisier de Noël et Inès s'est endormie la tête sur les genoux de sa mère. Ça faisait deux jours qu'elle ne dormait pas vraiment. Alors on était tous les trois à la fois attristés et soulagés de la voir s'endormir paisiblement. Au moins ce soir. Je leur ai dit que je sortais la poubelle mais, au final, je me suis assis pour regarder la maison d'en face. Toute cette soirée me revient en tête en même temps que je fais tourner mon portable entre mes doigts. Ma conversation avec Raphaël, Sacha, ces idées qui naissent dans ma tête mais que j'essaie de tuer la seconde d'après...
J'ai besoin de lui parler. De penser à autre chose même s'il est la raison principale de ces pensées. Tant pis. Je veux l'entendre aussi. Alors je cherche son contact et tant pis s'il est minuit passé. Je l'appelle. Et je n'ai pas à attendre bien longtemps avant que sa voix ne résonne:
« Salut.
-Salut. »
C'est terrifiant à quel point ça me fait du bien de juste entendre sa voix. Comme si chacun de ses mots faisait trembler chaque barrière que j'essaye de mettre entre lui et moi. Elles sont de plus en plus dur à garder. Il n'est revenu que depuis septembre mais tout a été trop intense depuis. Tout l'a toujours été avec lui. Même lorsque je pensais que c'était seulement de l'amitié.
« J'allais t'appeler. » Il m'avoue.
Le ton de sa voix me fait comprendre qu'il sourit alors je souris doucement aussi en haussant les épaules même s'il ne peut pas le voir.
« Raté du coup.
-Je vais pas m'en plaindre. » Il rit légèrement. « Comment s'est passé ton réveillon? Est-ce que Julia...
-Non, elle n'a pas bu. C'est ma mère qui est allé faire les courses. Et Julia n'a de toute façon rien demandé déjà que Inès... »
Je me coupe, réalisant que Louis n'est même pas au courant.
« Inès? » Il insiste, inquiet.
« Alexandre l'a quitté.
-Oh merde.
-Ouais, tu l'as dit.
-J'imagine que ça va pas du tout...
-Non. Elle ne fait que pleurer depuis deux jours et il n'y a que pour ce soir qu'elle est vraiment sortie de la chambre pour manger un vrai repas.
-C'est pas grand chose mais tu pourras lui dire que je suis là si elle a besoin? Même pour lui faire découvrir une nouvelle galerie quand je reviens ou juste pour peindre ensemble... »
Mon coeur se réchauffe et je souris doucement en regardant la maison d'en face. Des lumières éclairent l'intérieur mais on ne peut rien voir avec les rideaux. Seulement des ombres par moment. Je pourrais presque croire qu'il est là, qu'il se balade chez lui tout en m'ayant au téléphone, comme avant. Mais rester coincé dans le passé ne sert plus à grand chose alors je me concentre sur lui, sur sa voix, me rappelant que ça fait longtemps qu'il n'habite plus en face de chez moi. Mais ça ne l'empêche pas d'être là. A nouveau.
« Je lui dirais, merci.
-C'est normal.
-Et toi alors? J'espère que ton réveillon est plus joyeux que le mien. »
Il y a un silence avant qu'il me réponde:
« En fait, Clément est passé me voir. »
Mon estomac se retourne désagréablement et je fronce les sourcils en répondant directement:
« Pourquoi?
-Il voulait me voir. Me parler.
-Te dire que tu lui manques, qu'il veut te récupérer, qu'il...
-... a rencontré quelqu'un. »
Je ferme ma bouche, encore plus perdu.
« Drôle de façon de te récupérer. » Je commente.
J'entends Louis rire et ça me fait sourire même si je suis soudainement gêné d'avoir été aussi sarcastique.
« Il a tourné la page mais il voulait s'assurer que je vais bien.
-C'est... gentil de sa part, j'imagine.
-Il m'a parlé de toi. » Il avoue soudainement.
Surpris, j'ouvre la bouche pour la refermer aussitôt. Mon silence étant une réponse en soit, Louis reprend:
« Il voulait savoir si je t'avais retrouvé. Si tu avais accepté de me reparler.
-Tu lui avais parlé de moi...? » Je murmure.
« Bien-sûr que je lui ai parlé de toi. Je l'ai fait dès que je l'ai rencontré. Et il savait que c'était pour toi que je partais. Je pensais que tu l'avais compris aussi.
-Je ne pensais pas qu'il en savait autant, enfin, est-ce qu'il sait pourquoi...
-Oui. Il sait pourquoi je suis parti. »
C'est comme un poids sur la poitrine. D'un côté je me dis que Louis est bien capable d'en parler et d'un autre je trouve ça injuste que lui le sache et pas moi. Et Louis doit comprendre mon silence puisque, d'une voix plus basse mais pas moins sincère, il ajoute:
« Et tu le sauras bientôt aussi, je te le promets.»
L'atmosphère change soudainement et mon coeur devient de plus en plus lourd. J'espère qu'il ne dit pas ça juste pour m'apaiser. Parce que s'il savait à quel point je m'accroche à ses mots. A cet espoir d'en savoir plus. Je n'en peux plus. J'y pense tout le temps et ce soir plus particulièrement.
« Je croyais que ce n'était pas à toi de me le dire.
-C'est vrai. Ce n'est pas à moi de le faire. Mais je le ferais. »
Sa voix est un mélange d'assurance et de fragilité. Je ne sais plus qui il essaie de convaincre. Lui ou moi. Mais je m'y accroche, encore. Il fait un pas vers moi. Alors je laisse tomber une première barrière. Parce que je veux le croire. Parce que je suis fatigué de lutter ce soir.
« De quoi tu as peur, Louis? »
Je l'entends respirer un peu plus fort à travers le téléphone et, à ce moment-là, j'aimerais qu'il soit en face de moi. J'aimerais qu'il voit dans mon regard que j'en suis arrivé à un point où il peut me blesser encore s'il le souhaite mais je veux juste comprendre et arrêter de spéculer.
D'une voix plus fragile et moins sûr de lui cette fois, il finit par me répondre:
« Je suis terrifié à l'idée de détruire tout ce que tu as réussi à construire. »
Mon coeur se serre violemment et, oui, la peur me noue le ventre. Parce qu'il semble tellement sincère. Et il ne peut que l'être. Oui, ça ne peut que être la peur pure et dure qui vous rend muet à ce point, qui vous empêche de parler. Alors j'ai peur moi aussi. Mais ça ne m'arrêtera pas. Et pour une raison que je finis par murmurer à Louis:
« Mais moi je voulais construire tout ça avec toi. »
Je voulais découvrir ce que voulait dire ce premier baiser avec lui. Je voulais grandir avec lui. Je voulais avoir mon BAC avec lui. Le fêter avec lui. Je voulais râler sur mon premier job de merde avec lui. Je voulais me lancer dans la boxe avec lui. Je voulais aimer le boulot que j'ai aujourd'hui avec lui. Oui, comme je viens de lui dire, je voulais construire la vie que j'ai aujourd'hui mais avec lui.
« Moi aussi. » Il répond et j'ai l'impression d'entendre sa voix se casser.
On reste silencieux un moment. Mais ce n'est pas un silence pesant. Parce que je sais qu'il est là, juste derrière le téléphone. Je peux entendre sa respiration et il peut entendre la mienne. Quelque chose change entre nous ce soir. Une barrière tombe, silencieusement. Et je n'ai pas envie de la ramasser.
« J'ai hâte de te voir au jour de l'an. » Lâche Louis.
Un sourire me trahit, même s'il ne peut pas le voir. Et la peur disparaît le temps d'un instant, laissant place à cette chaleur dans ma poitrine qui me donne envie de crier ce que je vais pourtant seulement murmurer:
« Moi aussi. Parce que tu me manques, Louis. »
...
J'espère que ce chapitre vous aura plu...?
Une conversation entre Harry et Raphaël ?
Une autre entre Louis et son ex ?
Je peux vous promettre que tout ce que vous attendez arrivent dans les deux prochains chapitres alors... accrochez-vous.
Encore merci pour tout.❤️
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