Chapitre 20

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CHAPITRE 20

(End of Beginning_Djo)

HARRY.

Garé devant l'immeuble de Louis, je vois ce dernier en sortir en écrasant presque son bonnet sur sa tête. Quelques cheveux s'en échappent mais il ne prend pas le temps de les remettre en place, passant ses bras autour de lui même pour se réchauffer tandis que son sac à bandoulière tient sur son épaule. Je vois de la buée s'échapper d'entre ses lèvres mais son air fatigué s'envole presque lorsqu'il pose les yeux sur moi à travers la vitre. Il me sourit et ouvre rapidement la portière de ma voiture pour retomber sur le siège passager.

« Salut, merci beaucoup d'être venu me chercher. » Il dit avant de soupirer de bien être en sentant le chauffage réchauffer son visage.

« C'est pas comme si tu m'avais envoyé un message pour me supplier. » Je dis avec un sourire en coin.

Louis rit légèrement et hausse innocemment les épaules avant de tourner la tête vers moi.

« Je ne vois pas de quoi tu parles.

-Je peux le relire si tu veux... »

Je fais mine de récupérer mon téléphone posé dans le trou où est censé être une radio mais Louis tend le bras pour frapper rapidement ma main en disant:

« Démarre, on va être en retard. »

Je pouffe et retire alors le frein à main avant de mettre la première et de prendre la route jusqu'au lycée. Il n'est que sept heures du matin et il n'y a que les éclairages de Paris pour illuminer la nuit encore bien présente. En me réveillant ce matin j'ai reçu un message de Louis me disant que sa ligne de métro pour aller au lycée était fermée aujourd'hui. Suivi de mots très gentils pour me faire comprendre que je serais vraiment incroyable si je pouvais passer le récupérer et l'emmener au lycée avec moi, même si je ne prends jamais la voiture pour y aller puisque moi j'habite à côté.

« Désolé de te faire faire un détour. Thomas commençait plus tard que moi.

-Quel dommage. »

Louis tourne la tête vers moi avant de la secouer en voyant le sourire ironique aux coins de mes lèvres. Puis il se penche pour récupérer l'enceinte portable juste à côté de mon téléphone. Elle y est d'ailleurs connectée mais le rap qui passe actuellement ne semble pas plaire à Louis puisqu'il me demande tout en prenant mon téléphone:

« C'est quoi ton code?

-Surtout fais comme chez toi.

-C'est juste pour changer la musique.

-C'est très bien NF.

-Certes. Mais trop violent et trop triste pour sept heures du mat'. »

Je ris en secouant négativement la tête. Je ne suis pas d'accord. J'aime ce genre de musique. A n'importe quelle heure de la journée. Mélancolique et violente comme aime le dire Louis même si elles ne le sont pas vraiment. J'aurais plutôt dit puissante. Percutante. Quand il est parti, écouter ce genre de musique me faisait du bien. Et ça me le fait toujours. L'impression de se sentir compris par une chanson qui n'a pas été écrite pour vous mais où vous vous retrouvez pourtant dans chaque mot.

Et où j'y retrouvais Louis aussi.

« Tiens, si tu veux pas me donner ton code. » Dit Louis en tendant le téléphone dans ma direction.

J'y lance un coup d'oeil et me pince les lèvres. J'hésite. Avant de finalement lui avouer tout en continuant de regarder la route devant moi:

« C'est toujours le même. »

Je ne vois pas la réaction de Louis. Mais je peux sentir son regard sur moi. Mon estomac se retourne et je me racle la gorge avant de confirmer la question silencieuse qu'il en train de se poser:

« Ton anniversaire. »

Le premier août. Ça a toujours été mon code de téléphone. Ça vient du fait que, la première fois que j'ai eu un téléphone, je l'ai programmé avec Louis à mes côtés. Au moment de choisir mon code, Louis m'a conseillé de mettre mon anniversaire pour pas que je l'oublie. Mais je trouvais ça ringard. Alors, en rigolant, il m'a dit de mettre le sien qui n'est pas loin du mien puisque je suis né le premier juillet. Un mois d'écart pile. J'aimais lui rappeler à l'époque que je restais le plus grand de nous deux.

J'ai pas réfléchi plus longtemps et j'ai mit son anniversaire. Depuis, à chaque fois que je change de téléphone, je continue de mettre son anniversaire comme code. C'est une habitude. Et j'ai pensé à casser cette habitude durant ces huit dernières années sans lui. Mais je n'ai pas réussi.

Je sors de mes pensées lorsqu'une chanson plus calme se met à résonner dans la voiture. Une chanson que je ne connais pas. Louis n'a pas fait de commentaire sur mon aveu alors j'ose un regard dans sa direction. Il a reposé mon téléphone à sa place et ne tient que l'enceinte sur ses cuisses. Sa tête est légèrement tournée vers le paysage qui défile derrière la vitre et un léger sourire effleure ses lèvres.

« You take the man out of the city, not the city out the man? » Je répète la seule phrase en anglais que j'ai compris.

Louis tourne la tête vers moi et sourit en hochant la tête.

« Je trouve ça vrai. Tu peux quitter une ville mais cette dernière et les souvenirs qu'elle garde peuvent rester en toi pour toujours. »

De ce que j'ai compris, le chanteur parle de Chicago dans sa chanson. Mais je comprends rapidement que ça fait écho à Louis avec Paris. En voyant le sourire triste qui naît sur ses lèvres, je me demande de quels souvenirs il parle. Des nôtres? Parce que j'ai toujours cru qu'il ne s'agissait que de ça. De nos souvenirs. Les siens et les miens étaient les mêmes. Nous étions tout le temps ensemble. Je connaissais l'histoire de sa famille et il connaissait la mienne. Nos souvenirs au lycée. Nos souvenirs dans ce quartier. Nos souvenirs dans les rues de Paris. Ouais, je pensais tout savoir de Louis et de ses souvenirs.

Mais il est évident que non.

Il est évident que j'ai raté quelque chose.

Et à la fin de cette semaine, Louis quittera Paris à nouveau pour fêter Noël dans le sud avec ses parents. Et moi je n'aurais pas encore eu mes réponses qu'il me promet pourtant d'avouer. J'attends qu'il soit prêt mais en même temps c'est tellement frustrant de ne pas savoir ce que j'attends réellement. Je m'attends à rien. Parce que je ne comprends rien.

J'aurais pu refuser de lui parler tant qu'il ne me donne pas mes réponses. J'aurais pu lui poser un ultimatum. Des réponses ou rien. Parce que c'est tellement frustrant d'être dans l'attente. Perdu au milieu de ces points d'interrogation. A la place, je n'ai rien su contrôler. Parce qu'il y a cette petite voix au fond de moi qui me dit de lui faire confiance. Du moins d'essayer de lui refaire confiance. Que ce silence n'est pas là pour rien. Que si c'était si facile et si simple Louis aurait déjà parlé. Et c'est ce qui commence à m'inquiéter. Si ça lui demande autant de temps, c'est que ce n'est pas rien. Et c'est tellement contradictoire parce que j'en viens à espérer qu'il n'est pas parti huit ans pour rien alors que, en même temps, je ne souhaite pas l'entendre me dire qu'il s'est passé quelque chose d'horrible. Peut-être que je préférerais qu'il soit parti pour rien finalement. On s'engueulerait. Je lui en voudrais. Mais au moins il ne lui serait rien arrivé.

Je soupire et tourne lorsque nous arrivons devant la parking privé du lycée. J'ouvre ma fenêtre et sors mon badge pour le biper afin que le portail s'ouvre devant nous. A cette heure ci le parking est pratiquement vide. Je trouve donc facilement une place et m'y gare avant d'éteindre le contact. Mais nous ne bougeons pas pour autant. Nous étions tous les deux perdus dans nos pensées ces dernières minutes et c'est comme si nous retournions à la réalité.

Louis tourne la tête vers moi et sourit simplement en me disant:

« J'ai pas envie de travailler.

-Je ne pensais pas t'entendre dire ça un jour. »

Il rit doucement et hausse les épaules, son regard toujours ancré dans le mien.

« J'étais bien, là.

-Avec le chauffage.

-Avec toi. »

Mon coeur rate un battement tandis que le regard de Louis glisse sur mes lèvres. Je ne sais pas comment il fait. Comment il fait pour passer du garçon mélancolique à l'entente d'une chanson au garçon qui me sort ces mots là si facilement et qui regarde mes lèvres sans aucune retenue. Je m'humidifie les lèvres tandis que les siennes se rapprochent.

Sauf que j'entends une nouvelle voiture entrer dans le parking et que, dans un mouvement de réflexe, je m'éloigne de Louis. Je regarde la voiture qui traverse le parking tandis que Louis se remet correctement sur son siège, la tête baissée. Lorsque je le regarde de nouveau, une pointe du culpabilité me traverse et je me sens obligé de me justifier:

« Tu sais... Je veux pas...

-Ouais, je sais. Tu me l'as déjà dit. Désolé. » Il débite en récupérant son sac à ses pieds.

Je déglutis et il finit par tourner la tête vers moi en souriant. Un sourire faux que je déteste à la seconde où je le vois. Parce que c'est avec ce genre de sourire que Louis réussit à berner les autres. Mais pas moi. Et en même temps je ne sais pas quoi lui dire de plus que ce que je lui ai déjà dit. Il n'y a pas de mot sur notre relation. C'est flou pour moi. C'est même pas une question de honte ou de devoir assumer devant les autres que j'embrasse un garçon. J'en ai même rien à foutre de ça. C'est plus le fait d'assumer qu'il se passe quelque chose avec Louis. Parce que ça voudrait dire assumer devant tout le monde quelque chose qui reste encore flou pour moi-même. Et qui n'est pas rien. Ça ne peut pas être rien lorsque c'est lui. Comment répondre aux questions des autres lorsque je n'arrive même pas à répondre aux miennes?

« Encore merci de m'avoir déposé. » Il dit en me regardant.

Puis il frappe mon épaule avec son poing en disant avec un sourire moqueur:

« Collègue. »

Je fronce les sourcils mais ne peut m'empêcher de rire légèrement en secouant la tête. Et Louis rit aussi. Alors je culpabilise un peu plus de le voir tenter de détendre l'atmosphère et de me redonner le sourire lorsque c'est moi qui l'ai blessé en m'éloignant.

« Tu peux passer chez moi ce soir si tu veux. » Il me dit lorsqu'on sort de la voiture.

Je verrouille cette dernière et relève la tête vers Louis qui continue toujours avec le même sourire:

« Tu sais, pour renforcer nos liens professionnels.

-Arrête ça. » Je pouffe lorsqu'on se met à avancer vers l'entrée du lycée.

« J'espère que je suis ton collègue préféré quand même.

-Je sais pas si tu rivalises avec Michael.

-Wow. »

Louis pose sa main contre sa poitrine et je lève les yeux au ciel tout en lui tenant le portillon qui mène directement à la cour du lycée.

« Tu devrais changer ton code pour mettre l'anniversaire de Michael alors.

-Tu me saoules.

-Pas grave. Je sais que je suis le collègue préféré de Thomas de toute façon. »

Je m'arrête pour le regarder en haussant les sourcils et il ne cache pas son sourire fier lorsqu'il continue de s'éloigner vers son bâtiment en me lançant:

« A ce soir peut-être, collègue! »

Je pouffe en le regardant s'éloigner et c'est seulement à ce moment là que je sens mon coeur se réchauffer. Alors je me dis qu'il a réussi. Encore.

Parce qu'il y arrive toujours.

(Recovery_James Arthur)

Je suis en train d'éteindre les ordinateurs de la vie scolaire. La nuit est déjà tombée et madame Martin sort tout juste de son bureau en lâchant un long soupir. Je la regarde et nous rions tous les deux. Pas besoin de parler après cette journée. Elle était horrible. On a eu une bagarre, plusieurs exclusions de cours, des parents lourds au téléphone qui n'acceptent pas les heures de colle données à leurs enfants...

« A la fin de la semaine nous sommes en vacances. » Dit madame Martin en passant à côté de moi, tapotant mon épaule au passage.

Je hoche simplement la tête en souriant. Parce que je n'arrive pas à me réjouir totalement de l'arrivée des vacances. Louis retourne dans le sud et ça m'impacte plus que je ne le voudrais alors qu'il revient fêter le jour de l'an avec moi. Enfin, avec Michael, Lucas et moi. Mais aussi on va vivre un Noël avec tante Julia qui a rechuté et qui a plus que tout besoin d'aide et Inès me semble de plus en plus triste face à Alexandre qui lui accorde de moins en moins de temps...

Je disais ne pas comprendre les personnes qui font passer leur travail avant leur famille ou avant leur vie sociale. Et une part de moi ne les comprend toujours pas. Mais dans ce genre de moment je me surprends à vouloir que les vacances soient plus tard. Parce que j'aime mon travail. Et que, ici, je suis trop occupé à régler les problèmes des élèves pour avoir le temps de penser aux miens. C'est comme si je me sentais plus utile dans mon travail que dans ma vie. Je me sens impuissant avec ma tante, avec Inès, avec Louis...

« Tu es sûr que ça va mon grand? » Me demande madame Martin lorsque nous fermons la vie scolaire.

« Je suis juste fatigué. »

Ce n'est même pas un mensonge. Je me sens vraiment fatigué. Mais pas la fatigue qu'on ressent lorsqu'on a pas assez dormi. Plutôt la fatigue psychologique.

« Vendredi on fait un repas partagé avec la vie scolaire, ça va nous faire du bien. Je te ferais mon fondant au chocolat.

-Là vous me prenez par les sentiments. »

Madame Martin rit et pose une main sur mon épaule avant de relever la tête et de sourire doucement. Je suis alors son regard et découvre Louis au milieu de la cour, son sac en bandoulière sur l'épaule. Il nous fait un signe de la main et je comprends qu'il m'attend pour qu'on aille chez lui.

« Certaines choses ne changent pas, apparement. » Dit doucement madame Martin à mes côtés.

Mon coeur se serre et se réchauffe en même temps alors qu'elle me fait un simple clin d'oeil avant de faire un signe de la main à Louis et de partir en direction du second parking du lycée, à l'opposé de celui où je me suis garé ce matin.

Je finis par m'approcher de Louis qui sourit simplement en ouvrant la marche en direction de l'entrée du lycée et donc du parking des professeurs. Je commence à lui raconter la journée chaotique que je viens de passer lorsque mon regard est attiré par des silhouettes devant le portail encore ouvert. Louis s'apprête à tourner sur la gauche, pour rejoindre le parking des professeurs, lorsqu'il remarque que je ne le suis pas. Et pour cause.

Un sourire immense s'affiche sur mon visage lorsque je vois Sacha et Raphaël devant le lycée. Tous les deux me sourient ainsi que la jeune fille à côté de Raphaël. Sa petite-amie sûrement. Celle dont il nous parle tout le temps au téléphone. Barbara si mes souvenirs sont bons. Sacha m'avait dit qu'ils n'arriveraient que pour Noël mais je comprends rapidement qu'il s'agit d'une surprise. Par réflexe, je fais un premier pas pour les rejoindre mais me tourne rapidement vers Louis en voyant qu'il ne me suit pas.

Ce dernier, figé, regarde Sacha et Raphaël avant de déglutir et de me demander presque froidement:

« Tu savais qu'ils seraient là? »

Je fronce les sourcils et secoue immédiatement la tête.

« Non je savais pas que... »

Je m'arrête et mon coeur se serre lorsque je réalise le sous-entendu de sa phrase.

« Attends, tu crois vraiment que j'aurais essayé de te piéger pour que tu les vois? »

Louis ne dit rien et je tente de prendre sur moi lorsque je m'approche un peu plus de lui. Je décide de faire des efforts. De tenter de contrôler mes émotions comme j'ai appris à le faire ces dernières années. Lui montrer que j'ai évolué de mon côté. Que j'essaie d'être plus qu'une boule de nerfs.

« Je ne savais pas qu'ils allaient venir aujourd'hui. Ni qu'ils allaient m'attendre devant le lycée. Mais je suis sûr que ça leur ferait vraiment plaisir de te voir. Tu leur a manqué à eux aussi. »

Louis ne les regarde même pas. Et il ne me regarde plus non plus. Sa mâchoire est serrée et il agrippe la hanse de son sac lorsque je continue:

« On pourrait manger un bout tous ensemble ou...

-Non. » Il me coupe.

Je le regarde mais il continue de m'ignorer, baissant la tête pour simplement me dire:

« On se voit demain. »

Il commence à faire quelques pas en direction du parking des professeurs pour éviter l'entrée principale tandis que mon estomac se serre face à ce refus. J'ai voulu faire un effort. J'ai voulu rester calme et lui proposer d'arranger les choses, tous ensemble, mais le mur que je viens de me prendre me fait perdre toute patience.

« Tu pourrais leur parler à eux aussi! Ils étaient ta famille! Il n'y a pas que moi qui attendait ton retour comme un con! »

Louis se fige et se retourne de nouveau vers moi pour simplement me dire:

« Pas maintenant Harry, s'il te plaît.

-J'ai l'impression qu'il n'y a que moi qui fait des efforts dans cette histoire! Qu'il n'y a que moi qui court après toi et après tes secrets alors que c'est toujours toi qui t'es barré! J'étais pas obligé d'accepter ton retour! J'étais pas obligé de te reparler! Comme je suis pas obligé d'essayer d'arranger les choses alors que, encore une fois, ça devrait pas être à moi de le faire! Tu es parti!

-Je sais! T'as pas besoin de me le rappeler!

-Parce que tu vas le me rapprocher?

-Non mais... »

Louis passe une main dans ses cheveux et enlève nerveusement son bonnet qu'il serre entre ses doigts en même temps qu'il plante son regard dans le mien. Sa main tremble et je ne suis pas sûr que ça soit à cause du froid. Il prend une grande inspiration et se met à parler aussi fort que moi lorsqu'il me lâche:

« Putain, Harry, tu vas me le ressortir à chaque fois? Je sais que je me suis barré. Je sais que tu n'arrives pas à me le pardonner. Je sais. Et, ouais, je sais que c'est une très bonne raison de m'en vouloir mais j'ai l'impression que chaque occasion est bonne pour me rappeler à quel point tu m'en veux! Parce que tu as envie de me le rappeler! T'as envie que ça me blesse! Si c'est une vengeance que tu cherches dis-le moi tout de suite! »

J'entrouvre les lèvres pour lui répondre mais aucun son n'en sort. Louis me regarde, les yeux remplis de tristesse mais aussi de colère. Et depuis la fois où il a boxé avec moi je n'avais plus revu cette colère qui explose d'une nouvelle façon. Qui explose dans ses yeux. Dans sa voix. Dans ses mots. Ses mains continuent de trembler tandis que je reste muet.

Parce que je réalise qu'il n'a pas totalement tort. Oui je lui rappelle à chaque fois qu'il s'est barré. Alors qu'il sait déjà à quel point j'en ai souffert. Je lui ai déjà dit. Mais je continue de lui rappeler à chacune de nos disputes. Parce que c'est plus fort que moi. Parce que je ne comprends pas pourquoi il ne me dit rien. Pourquoi il me donne l'impression de juste mettre son départ sous silence et de ne rien vouloir arranger avec nos familles. Il sait pourtant très bien à quel point ils comptent pour moi et à quel point je suis incapable de les dissocier de Louis. Parce qu'on était qu'une seule et grande famille avant. Alors que, aujourd'hui, et encore plus à cet instant, Louis me donne l'impression de ne plus rien vouloir à voir avec eux et avec notre passé. Mais ils font parti de ma vie. Et ils faisaient parti de la sienne. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi il veut tout effacer. Effacer tout ce qu'on était. Mais, surtout, je n'arrive pas à l'accepter. Comment accepter quelque chose qu'on ne comprend pas?

C'est pour ça aussi que je n'arrive pas à lui pardonner son départ.

Parce que je ne le comprend pas.

Et qu'il ne fait rien pour m'aider à le comprendre.

Il me laisse ruminer avec toutes mes questions et je lui en veux pour ça. C'est pas à moi de deviner. C'est pas à moi de trouver des explications que lui me doit. Et tout ça, tout ce qu'on vient de se dire et tout ce qu'on ne se dit pas n'aide pas à rendre notre relation saine.

Je secoue la tête et soupire en disant:

« On tourne en rond. »

Il déglutit et hoche la tête.

« Ouais, on tourne en rond. »

Par ta faute! Je me retiens de dire. Putain! Parce que tu ne parles pas!

« Mais tu sais quoi, Harry? »

Je relève la tête vers lui. Je ne reconnais presque pas sa voix. Un mélange de tristesse, de colère mais aussi d'ironie. Il me regarde droit dans les yeux et je peux voir les siens se mettre à briller lorsqu'il crache presque ses mots:

« C'est même pas à moi de te donner des réponses. »

Mon estomac se retourne tandis que je fronce les sourcils. Il continue de me regarder, son visage se déformant de colère et sa voix se mettant à craquer lorsqu'il reprend presque désespérément:

« Tu t'en prend à la mauvaise personne. »

Il continue de me regarder sans rien dire. Et je sais déjà que je n'oublierais jamais ce regard là. Comme s'il voulait me dire tant de mots que je n'arrive pourtant pas à déchiffrer. Mon coeur se serre de plus en plus sans que je ne puisse le contrôler. Et la colère grimpe en moi. Une colère envers lui mais aussi envers tout. Envers cette situation. Parce qu'il finit par me tourner le dos pour partir et qu'il me laisse avec encore plus de questions. Parce que j'ai l'impression de me retrouver comme un con qui doit jouer aux devinettes mais qui, en même temps, comprend que c'est beaucoup plus que ça. Son regard, c'était beaucoup plus qu'une question de devinette. Alors j'ai envie de hurler. Envie de hurler que je ne comprends rien. Envie de retourner en arrière, juste avant son départ, et de lui supplier de me dire ce qu'il se passe. Ce qui a bien pu se passer.

Tu t'en prends à la mauvaise personne.

Cette phrase continue de résonner lorsque j'arrive au portail, près des autres. Elle continue de résonner même lorsque Raphaël me prend dans ses bras et qu'un sentiment de réconfort m'envahit. Je réalise à quel point il m'avait manqué. C'est le seul qui a pu jouer un rôle de grand-frère dans ma vie lorsque j'avais l'impression de devoir porter tout seul mes problèmes en plus de ceux de ma famille.

« Tout va bien? On a vu que Louis était avec toi... » Il me demande lorsqu'on se sépare.

Je le regarde puis regarde Sacha qui attend également ma réponse. Je pourrais tout leur dire de notre conversation. Je pourrais tout leur raconter de A à Z. Mais je me surprends à ne pas vouloir le faire. Je me surprends à vouloir garder secrète cette phrase que je déteste déjà de tout mon coeur. Parce qu'elle me fait me poser beaucoup trop de nouvelles questions. Parce qu'elle me donne envie de me méfier de tout et de n'importe qui.

Tu t'en prends à la mauvaise personne.

« Je voulais qu'il vienne avec nous mais...

-Il n'a pas voulu. » Comprend Sacha.

La tristesse dans ses yeux me serre le coeur et je hoche simplement la tête.

« Ouais, voilà.

-Sacha m'a raconté qu'il n'y avait que toi à qui il acceptait de parler. J'aurais aimé pouvoir faire quelque...

-Tu ne peux rien faire. » Je coupe Raphaël en haussant les épaules.

J'y arrive déjà pas moi-même.

Raphaël me serre l'épaule et je décide de prendre sur moi en affichant un sourire. Ce n'est pas le moment d'en parler. Pas quand quelques minutes plus tôt j'étais encore le plus heureux de les voir.

« Je savais pas que tu étais capable de faire des surprises?

-C'est Barbara qui m'a apprit à être romantique.

-Arrête de me draguer alors s'il te plaît. » Je lui répond en grimaçant.

Raphaël lève les yeux au ciel et donne un coup de poing dans mon épaule, me faisant rire. Même si ce n'est qu'à moitié sincère. Mon esprit est ailleurs. Mon esprit est encore avec Louis. Mais ils viennent de me faire la surprise de venir plus tôt et surtout de venir me voir alors je ne peux pas laisser mes émotions prendre le dessus. Je souris donc à Sacha qui tapote mon dos et passe son bras autour de mes épaules en même temps que Raphaël me présente Barbara. Je n'aurais jamais imaginé une fille aussi douce pour Raphaël qui, comme son frère et moi, peut être une vraie boule de nerfs. Mais lorsque je les invite à venir dans ma voiture pour que je nous conduise jusqu'au quartier je comprends que Barbara a énormément de répondant envers Raphaël mais, surtout, a un très bon sens de l'humour.

Ma mère et ma tante travaillant de nuit, nous décidons de passer prendre Inès, qui saute dans les bras de Raphaël en le voyant, avant d'aller manger un bout dehors. Raphaël et Barbara nous racontent leur rencontre, leur vie à Grenoble et j'apprends qu'ils restent jusqu'au trente décembre. Jour où ils repartiront faire le jour de l'an à Grenoble et avec Sacha également. Ca me fait du bien de savoir qu'ils sont là. Qu'on est tous réunis. Comme à l'époque.

Ou presque.

Parce qu'il n'est pas là.

Et que cette phrase résonne encore.

Tu t'en prends à la mauvaise personne.

(Brave_Riley Pearce)

LOUIS.

C'est injuste.

C'est tellement injuste.

Cette impression d'étouffer avec des mots que j'aimerais hurler. Des mots que je n'ai jamais demandé à garder. Des mots qui ne devraient pas être les miens. Parce que moi je n'ai rien fait. Parce que ce n'est pas moi qui ai des choses à avouer. Non. Putain non. Ce n'est pas à moi de m'expliquer. Moi je n'ai fait que subir. Moi je n'ai fait qu'écouter. Moi je n'ai fait que fuir.

Je n'avais rien demandé. Et j'avais encore moins demandé à ce qu'Harry puisse me regarder de cette façon un jour. Avec colère. Avec rancoeur. Alors j'aimerais avoir la force de lui hurler ces mors que je lui ai pourtant déjà désespérément murmurer: Je te jure que ce n'est pas de ma faute. Ce n'est pas de ma faute et pourtant c'est moi qui ai perdu ta confiance. Ce n'est pas de ma faute et pourtant c'est moi que tu as détesté et qu'une partie de toi semble continuer de le faire. Ce n'est pas de ma faute. Je l'ai cru. Pendant longtemps. Trop longtemps. Mais ce n'était pas de ma faute.

Si je pouvais retourner en arrière, je le ferais. Je m'accrocherais au bras d'Harry pour qu'il me regarde. Je le supplierais. Pour qu'il tourne la tête et pour qu'il voit ce qui s'apprête à se passer même si moi-même je ne le savais pas encore à ce moment-là. Mais il n'a rien vu. Personne n'a rien vu. Je n'ai rien vu.

C'est horrible. Horrible de porter ce rôle à ses yeux. Horrible de devoir réparer ce que je n'ai pas brisé. Horrible de devoir trouver la force de lâcher des aveux qui ne sont pas les miens.

Mais surtout horrible de devoir trouver le courage de briser son monde alors que je ferais tout pour le protéger.

Alors je suis en colère. Tellement en colère. Parce que, bordel, ce n'est pas à moi de le faire. Et c'est dégueulasse d'avoir sorti cette phrase à Harry. C'est dégueulasse de lui sortir ça comme ça alors que lui non plus n'a rien demandé. Ce n'est peut-être pas à moi de briser son monde mais ce n'est pas non plus à lui de devoir le deviner.

Mais si je ne le fais pas, qui le fera?

« Putain de merde! » Je rage en cassant la mine de mon crayon sur la feuille.

Je l'arrache et la froisse avant de la jeter avec toutes les autres à mes pieds. Elles deviennent de plus en plus floues lorsque les larmes finissent par déborder de mes yeux pour la énième fois ce soir. Je renifle et essuie rageusement mes joues, assis à même le sol.

Pourquoi c'est à moi de trouver le courage de tout foutre en l'air?

J'ai pas assez subi? Pas assez souffert? Je dois en plus être courageux? C'est quoi cette lâcheté? Cette connerie? C'est ça être une victime, pas vrai? C'est subir mais en plus devoir se battre? Parce que personne ne le fera à votre place? C'est entendre que ça nous rendra plus fort. Mais j'ai pas demandé à être plus fort. Ou du moins pas comme ça. Pas de cette façon là. Et je n'ai pas l'impression d'être plus fort. J'ai juste l'impression d'encaisser. Encore et encore. Et si être fort c'est se relever à chaque nouvelle chute alors j'aurais préféré ne jamais l'être. Parce que ça fait mal. Mal de tomber encore et encore. Et se relever aussi fait foutrement mal. Comment je pourrais m'en réjouir lorsque je me retrouve pour la énième fois dans cet état?

Je suis pas fort. Je suis traumatisé.

Et j'ai pas la force d'avoir tous ces rôles à la fois. Celui de la victime mais aussi celui qui doit rétablir la vérité. Celui qui s'est barré mais aussi celui qui doit se racheter. J'ai promis à Harry que je ne repartirais pas. Que je lui prouverais que je suis là maintenant. Mais si je ne trouvais jamais la force de lâcher ces mots qui me donnent l'impression de m'étranger? Ils sont là, au fond de ma gorge, et refusent d'en sortir. Ils me menacent de m'étouffer comme ils l'ont déjà fait lorsque j'ai parlé à mes parents. C'était horrible. Je ne voulais plus jamais revivre ça. Pourtant j'ai dû le refaire. Devant cette psychologue. Je pensais alors être capable de recommencer.

Puis je suis arrivé ici et les souvenirs se sont transformés en corde autour de mon cou. Une corde pas assez serrée pour m'empêcher de respirer mais une corde assez présente pour me rappeler à quel point ça peut me coûter de le faire un peu trop fort. Oui, ces souvenirs sont une corde qui menace de m'étouffer à chaque moment.

Harry ne voit pas cette corde. Il ne la voit pas se serrer un peu plus à chaque fois que j'essaie de lui en parler.

Alors il pense que je ne fais pas d'effort.

Mais s'il savait à quel point ça m'a coûté de simplement monter dans ce train pour le retrouver.

J'avais retrouvé un équilibre à Montpellier. Loin de cette ville, de ce quartier, de ces souvenirs. Même si c'était toujours ancré en moi. J'avais commencé à construire de nouveaux souvenirs. A découvrir de nouveaux lieux. Comme une nouvelle toile où je pouvais mettre toutes les couleurs que je voulais alors que celle du passé avait été gâchée par toute cette noirceur.

Mais sur cette toile du passé complètement noire il y avait au moins un point de couleur. Harry.

Et sur la toile du présent complètement colorée il y avait un seul point noir. L'absence d'Harry.

N'importe qui aurait préféré celle entièrement colorée. Parce qu'un point noir ne suffit pas à la gâcher.

Moi j'ai choisi celle entièrement noire. Avec le seul point de couleur.

J'ai choisi Harry.

Mais personne ici ne m'a choisi.

Et je leur en voudrais toujours.

Parce que je peux encore les entendre me dire:

S'il te plaît ne dis rien, Louis.

lousombre

...
J'espère que ce chapitre vous aura plu...?

Que pensez-vous vous de la réaction de Louis? Et celle de Harry?

Fallait bien que ça commence à bouger quand même. Mais où ça va les mener?

Je vous donne rendez-vous vendredi prochain pour la suite!

J'aurais reprit le travail mais je fais tout pour conserver ce rythme de publication chaque vendredi!

Encore merci pour tout.❤️

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