Chapitre 10


Bonjour! J'espère que vous allez bien?
On se retrouve aujourd'hui pour un nouveau chapitre qui, j'espère, vous plaira!
Je vous remercie mille fois pour vos commentaires pour tout!
Merci d'être là et de me procurer tout ce bonheur. Comme tout le monde il y a des moments où on est moins motivés, où on est fatigués psychologiquement et c'était mon cas ces dernières semaines mais vos mots ne font que m'encourager et m'apporter beaucoup de réconfort alors merci pour tout ça. ❤️

...

CHAPITRE 10

(10 Feet Down_NF, Ruelle)

HARRY.

Les écouteurs dans les oreilles et mon t-shirt abandonné depuis longtemps près de mes affaires, je continue de frapper de toutes mes forces dans le sac en face de moi. Nous sommes dimanche et il n'y a pratiquement personne dans la salle, ce qui m'arrange pas mal. Je peux lâcher ma frustration sans qu'on vienne me faire de commentaires sur le façon dont mes coups sont désorganisés et inutiles à ce stade là. Je le sais. Je ne cherche pas à bien frapper à cet instant. Juste à frapper.

Sofiane me regarde au bout de la salle mais ne fait pas de commentaires, prenant une gorgée de son café avant de retourner dans son bureau. Il sait reconnaître quand je viens pour progresser, cherchant des conseils et quand je viens juste pour me défouler. Et je suis reconnaissant qu'il respecte ça.

Je te promets que ce n'est pas de ma faute.

Je frappe un peu plus fort. J'aurais voulu rester hier soir. L'empêcher de s'endormir et me demander pourquoi il dit ça. Si tout ça n'est pas de sa faute, comme il a voulu me le faire comprendre, alors c'est de la faute à qui? Parce que je ne pense pas être à la masse au point de ne pas comprendre ce qu'il a voulu me dire. Il était très clair même s'il n'a pas voulu m'en dire plus.

Et ça me frustre, encore et encore. Parce que je sais que, s'il n'en a pas dit plus, c'est qu'il ne le souhaite pas. Ou qu'il n'y arrive pas. Mais, bordel, pourquoi?! Ses parents l'ont forcé à partir? A prendre ses distances? Putain, ils me considéraient comme leur second fils. Claire était toujours si gentille et si reconnaissante que je protège Louis durant notre scolarité. Pourquoi elle aurait voulu faire ça? Et Eric a toujours encouragé Louis dans tout ce qu'il faisait. Il croyait en lui. Il l'aimait plus que tout. Il était fier de son fils. S'inquiétait pour lui au moindre silence. J'étais secrètement jaloux de cette relation père/fils que j'aurais aimé avoir moi aussi.

Est-ce qu'ils ont voulu déménager sans laisser le choix à Louis? Ça me paraît tellement irréel. Ils ont toujours été si complices tous les trois que je n'arrive pas à imaginer qu'ils prennent une décision sans prendre l'avis de Louis en considération. Puis ça n'expliquerait pas pourquoi ce silence. Il n'a pas pu me rayer de sa vie juste par peur de m'avouer qu'il déménageait? Je l'aurais mal prit, oui. Mais je n'aurais jamais voulu couper tout contact avec lui. Jamais. C'est lui qui l'a voulu. Enfin c'est ce que je croyais. Personne n'a pu le forcer à le faire. Ça n'a pas de sens.

J'arrête de frapper dans le sac, retenant un gémissement de frustration. Je frappe une nouvelle fois dans le sac, comme s'il représentait toutes mes questions qui volent soudainement en éclat autour de moi. Je secoue la tête et retire un premier gant à l'aide de mes dents. Ma main est moite de sueur et mes doigts glissent autour du second gant lorsque je le retire à son tour. Je frotte mes mains contre mon short, mon torse luisant de sueur lui aussi.

Je récupère mon téléphone resté par terre. L'écran s'allume directement sur ce numéro. Son numéro affiché dans le groupe WhatsApp. Mon doigt l'effleure, hésitant. J'ai failli lui envoyer un message ce matin. Pour lui demander ce que ça voulait dire cette phrase. Mais il était ivre et je me doute que l'alcool a dû l'aider à parler. Et s'il n'a pas voulu en dire plus alcoolisé, ça m'étonnerait qu'il le fasse une fois sobre et avec une gueule de bois. Puis une pointe de fierté me rappelle que je ne devrais pas être celui qui court après des réponses. Il est revenu après tout, non? Personne ne l'a forcé à le faire. Alors maintenant qu'il est là, qu'il dise ce qu'il a à dire. Ou qu'il se taise. Comme il l'a fait ces dernières années.

J'ai besoin de temps. Je peux encore l'entendre me dire.

Et je crois que ma fierté ne suffit pas à m'empêcher de penser à lui.

Je secoue la tête et pose mon téléphone par terre, prêt à récupérer mes gants pour retourner frapper. Sauf qu'un mouvement attire mon attention et que, du coin de l'oeil, je vois une silhouette s'approcher de moi. Je me redresse, laissant les gants près de mon téléphone, et me retourne pour regarder la personne maintenant en face de moi.

Mon coeur rate plusieurs battements en voyant Louis.

C'est comme si mes pensées s'étaient soudainement matérialisées. Il est là, habillé d'un jogging gris et d'un t-shirt blanc avec une veste assortie au jogging. Ses cheveux sont en pétard sous sa capuche et sa mèche retombe légèrement sur son front. Ses yeux sont encore plus gonflés que la veille et ses cernes presque noires. Comme je l'avais imaginé, il a une sacré gueule de bois.

Et pourtant je ne peux m'empêcher de le trouver beau.

Je me pince les lèvres à cette pensée et ne m'y attarde pas, trop préoccupé par sa présence ici. Le trouver sur mon lieu de travail est déjà assez perturbant, puis chez mes collègues et maintenant dans ma salle de boxe. Un endroit que j'ai découvert après son départ. Un endroit qu'il n'est pas censé connaitre.

Devinant mes pensées, Louis enfonce ses mains dans sa veste en me disant:

« C'est Michael qui m'a dit que tu t'entrainais ici.

-Il t'a dit ça quand?

-Hier soir, lorsqu'on parlait de sport pendant la soirée. Il m'a dit qu'il venait parfois avec toi. »

Je hoche simplement la tête, ne comprenant toujours pas ce qu'il vient faire ici.

« Alors t'as écouté mon conseil finalement. » Il dit un peu plus bas.

Je me fige, sentant ma poitrine se gonfler. Il sait très bien ce qu'il fait. Il sait très bien ce à quoi il fait référence. À notre toute dernière conversation avant qu'il ne parte. C'était il y a huit ans et pourtant je peux encore l'entendre me dire :

Tu devrais te mettre à la boxe si tu ressens autant le besoin de frapper quelque chose.

Mais le pire c'est qu'il a raison. Je l'ai écouté. J'ai continué de l'écouter même lorsqu'il n'était plus là.

Je m'apprête à lui demander ce qu'il vient faire ici lorsque son regard glisse sur mon torse. J'ai l'impression de perdre soudainement mon assurance, sentant ma peau brûler sous son regard. Et ça me perturbe tellement pendant quelques secondes que je ne réalise pas tout de suite. Jusqu'à ce que je vois Louis se figer, son regard toujours posé sur mon torse. Enfin, plutôt sur mes côtes. Alors je me fige aussi.

Le tatouage.

Il fait tellement parti de moi que j'avais oublié qu'il était là. Mais Louis, lui, le découvre pour la première fois. Une lueur passe dans ses yeux et il n'arrive plus à décrocher son regard de l'encre tracée sur ma peau.

« Il n'est pas parfait parce qu'il n'est pas terminé. » Je lâche.

Ma phrase a l'effet d'un électrochoc et Louis plante de nouveau son regard dans le mien, la mâchoire serrée.

Je sais que je le blesse en disant ça. Cette phrase qu'il m'a lui même dite en me donnant son dessin. Ça aussi, c'était quand je le voyais pour la dernière fois. Et, avec cette phrase, je lui prouve que je n'oublie pas. Comment je pourrais oublier maintenant que c'est encré en moi? Comment je pourrais l'oublier tout court? Je vois dans ses yeux que c'est douloureux. Ce tatouage. Ces mots. C'est comme lui tendre une fleur remplie d'épines en ayant mon pouce planté dans l'une d'entre elles.

Je sais qu'il saignera à son tour lorsqu'il l'a récupéra.

C'est l'effet que ça fait, de partager un souvenir douloureux.

Je prends une légère inspiration, sentant mon estomac se contracter. Je me penche pour récupérer mon t-shirt et Louis semble sortir de ses pensées en même temps que je l'enfile. Il garde ses mains dans ses poches et déglutit difficilement en tentant de paraître moins chamboulé lorsqu'il me dit d'une voix neutre:

« Je venais juste te remercier de m'avoir ramené hier soir. »

Je hoche simplement la tête, ne sachant pas quoi répondre. En fait, je ne veux pas le montrer, mais je pense être tout aussi chamboulé que lui à cet instant. Il connaît maintenant l'existence de ce tatouage. Il sait que j'en suis arrivé à ressentir un jour le besoin de l'encrer à jamais en moi. De l'avoir avec moi, d'une certaine manière.

Face à mon silence, Louis se pince les lèvres et s'apprête à faire demi-tour pour quitter la salle. Sauf qu'il se fige à nouveau et que je le fais moi-même en voyant la personne qui s'approche de nous, la tête baissée sur sont téléphone.

« Surprise mon pote j'avais besoin de m'entrainer après cette semaine plus que... »

Sacha cesse de parler lorsqu'il relève la tête.

Se retrouvant face à Louis.

Ses yeux s'ouvrent un peu plus et ses lèvres restent entrouvertes, aucun son ne s'y échappant. Il regarde Louis, complètement choqué, et même si ce dernier est dos à moi, je l'imagine dans le même état.

« Louis...? » Finit par souffler Sacha.

Il y a encore quelques secondes silence avant que Louis contourne soudainement Sacha pour quitter précipitamment la salle. Sacha se tourne pour voir la porte se refermer sur ce qui a été pendant seize ans son meilleur ami. Et mon coeur se serre un peu plus en le voyant, complètement figé, avant d'apporter sa main à son front et de se tourner vers moi, le regard triste.

Il savait que Louis était de retour.

Mais il ne s'attendait pas à se retrouver devant lui.

Et je crois qu'il ne s'attendait pas non plus à cette réaction de sa part.

« Au moins c'est clair, il n'est pas revenu pour moi. » Il rit nerveusement pour cacher ce qu'il ressent vraiment à cet instant.

Mais je le connais par coeur.

« Je suis désolé. » Je dis lorsqu'il s'approche de moi.

Il hausse simplement les épaules et j'hésite avant de lui demander, sans pouvoir me contrôler:

« Il s'est vraiment rien passé entre vous avant son départ? »

Sacha relève la tête vers moi en fronçant les sourcils.

« Je te suis pas. »

Je soupire et frotter nerveusement ma nuque avant de reprendre:

« C'est juste que... Enfin je comprends pas pourquoi il t'évite comme ça. Il avait commencé à le faire juste avant de partir et on a toujours cru que c'était parce qu'il savait déjà qu'il allait déménager et qu'il l'assumait pas mais il est venu me voir et pas toi et encore aujourd'hui il te voit et part presque en courant...Je me demandais si...

-Attends, tu crois qu'il se serait passé quelque chose entre Louis et moi que je t'aurais caché? » Il me coupe.

La déception dans sa voix me fait aussitôt culpabiliser d'avoir émit cette possibilité. Surtout quand on sait que, en réalité, c'est moi qui cache à Sacha quelque chose qui s'est passé entre Louis et moi. Ce baiser. 

Mais je suis fatigué et notre conversation de la veille avec Louis continue de tourner en boucle dans ma tête. Ça me fait m'imaginer des hypothèses insensées. Comme une dispute ou je ne sais quoi entre Sacha et Louis dont ils ne m'auraient pas parlé.

« Bordel, non, pas du tout Harry! » S'énerve Sacha. « Et crois-moi que je suis le premier perdu et blessé de la distance qu'a mit Louis entre nous. »

Il prend une légère inspiration avant de dire plus bas:

« Il m'a abandonné, moi aussi. »

Ouais, je sais. Puis mon raisonnement est idiot. Même s'ils s'étaient vraiment disputés, Louis ne serait pas parti pour ça. On se connait depuis qu'on est gosses, tous les trois. On a grandi ensemble. Bien-sûr qu'on s'est déjà disputés.

« Je sais, je suis désolé. » Je réponds en regardant Sacha.

Je m'en veux d'y avoir pensé une seule seconde. Comme si ça pouvait être de sa faute. Mais j'ai toujours pensé que c'était celle de Louis. Sauf qu'il m'a dit le contraire. Sans me dire plus pour autant. Et si je continue d'y penser je vais devenir fou. Je pensais cette histoire derrière moi mais voilà que de plus en plus de questions tournent dans ma tête.

Je pourrais en parler à Sacha. Je pourrais m'excuser une nouvelle fois en lui racontant la soirée d'hier et les mots de Louis. Mais le visage de ce dernier me revient en image et je peux encore voir ce manque de lueurs dans ses yeux. Son visage éteint. Ses larmes. J'aurais presque l'impression de le trahir en le racontant à quelqu'un d'autre, même s'il s'agit de Sacha.

« C'est pas grave. » Il finit par me répondre en haussant les épaules.

Il ne le pense qu'à moitié. Parce qu'il est réellement blessé. Mais je pense qu'il l'est plus par l'ignorance de Louis que par mes questions. Je le connais par coeur. C'est comme mon frère. S'il m'en voulait vraiment on serait encore en train d'en parler.

« Sacha?

-Quoi?

-Après l'entrainement, tu viens chez moi? »

Il retrouve doucement le sourire et hoche la tête.

« Ouais, carrément. »

Je réponds à son sourire et pose ma main sur son épaule que je serre quelques secondes avant de le lâcher et de donner une frappe dans son dos. On a pas besoin d'en parler. On en a pas envie. On a juste besoin de passer une journée à penser à autre chose comme on l'a fait ces huit dernières années.

Sacha part poser son sac à côté du mien et l'ouvre pour en sortir ses gants. Sauf qu'un papier s'en échappe au même moment et je me penche pour le lui ramasser. Mon regard lit les quelques lignes du prospectus et je fronce les sourcils avant de relever la tête vers Sacha qui se pince les lèvres en tendant la main vers moi, voulant récupérer son papier.

« L'armée? » Je lâche en le lui rendant.

« J'ai juste regardé comme ça.

-Comme ça?

-Si jamais j'abandonne le droit.

-Abandonner le droit?!

-Mec, tu vas arrêter de répéter toutes mes phrases comme un putain de perroquet? »

Malgré le fait que je sois complètement paumé à cet instant, sa remarque m'arrache un sourire amusé. Mais je ne peux m'empêcher de reprendre sérieusement:

« Attends désolé mais c'est juste que je te suis plus là. Depuis quand tu te renseignes sur l'armée?

-Pas longtemps, depuis cet été je dirais. Je redoutais la rentrée et, pour l'instant, je me fais sacrement chier. Je rame. J'ai l'impression d'être complètement démotivé. Que ça me plait plus. Et, s'il te plaît, commence pas à me dire que je serais con d'abandonner maintenant parce que j'ai rien décidé encore et surtout parce que ma mère m'a déjà tenu ce discours. »

Je le regarde, silencieux. Parce que je ne sais tout simplement pas quoi dire. Je suis surpris, surtout. Sacha ne m'en avait jamais parlé avant. Et peut-être qu'il ne l'aurait toujours pas fait si je n'étais pas tombé sur ce papier.

« Il n'y a que Raphaël qui m'encourage. Alors, même si je ne suis pas encore prêt à abandonner mes études, c'est bien de savoir qu'il y en a au moins un qui me soutiendrait. »

Ça ne m'étonne pas. Le frère de Sacha a toujours été là pour lui et l'a toujours soutenu pour tout. Quand leur père est parti avec une autre femme, Sacha n'avait que deux ans. Alors Raphaël a un peu prit ce rôle dans la famille. Il aidait leur mère en travaillant à côté afin que Sacha n'ait à s'inquiéter de rien et pour qu'il se concentre sur l'école. Puis, Raphaël, c'est un peu mon grand-frère à moi aussi. Il ne jugeait jamais mes crises de colère. S'il était dans les parages, il venait me défendre lors des bagarres. Quand j'étais pas bien, il pouvait passer des heures à parler avec moi, de tout et de rien, juste pour que je pense à autre chose et que je redescende. Il nous a emmené à des matchs de foot et de basket Sacha, Louis et moi, refusant que ma mère et ma tante payent quoi que ce soit.

Il nous manque beaucoup depuis qu'il est parti à Grenoble, peu de temps après le départ de Louis. Il a construit sa vie là-bas. Il a un travail, des amis et même une petite copine aux dernières nouvelles. C'est rare qu'il vienne sur Paris et je crois que Sacha lui en veut un peu pour ça, même s'il ne le dit pas. Il est heureux que son frère se soit construit une vie meilleure loin d'ici, loin des problèmes. Mais ça veut dire loin de nous aussi. Malgré tout, il est le premier à prendre un train pour aller voir son grand-frère et je l'accompagne dès que je peux.

« Je te soutiendrais aussi et tu le sais. » Je finis par répondre.

Sacha baisse son regard sur son sac à ses pieds et hoche simplement la tête avant de ranger le papier.

« Mais t'es pas venu ici pour m'en parler de toute façon, pas vrai?

-Non. J'ai vraiment pas envie d'en parler. » Il m'avoue.

Je hoche la tête à mon tour avant qu'il ne finisse par me demander:

« Et toi t'as pas envie de me parler de Louis, j'imagine?

-Non.

-Alors fermons-là et reprenons cet entrainement. »

J'acquiesce et Sacha finit par me sourire en me donnant un coup d'épaule pour que je me bouge à mon tour.

(Call Your Mom_Noah Kahan)

LOUIS.

Même en fermant les yeux, je peux revoir l'encre sur sa peau.

Je peux retracer chacun de ces traits que j'ai moi-même crée. Je me vois encore assis sur le perron de ce qui était notre maison. Le mouvement de ma main, le bruit de la mine de crayon sur le papier. Cet homme prenant forme sous mes doigts. Cette inspiration. Banksy. Les fleurs. J'étais sur le point de le terminer, le coeur en vrac à cause de ce secret, avant qu'Harry n'apparaisse au bout de la rue, le visage gonflé, les phalanges en sang et son téléphone plaqué contre son oreille.

Je me rappelle avoir pensé:

C'est vraiment comme ça que tu vas le laisser?

A ce moment-là, j'ai retenu mes larmes. Je les ai retenues de toutes mes forces avant de me lever, les jambes tremblantes, et de le rejoindre comme si de rien était. Le dessin toujours dans une main. Je l'ai soigné, retraçant chacun des traits de son visage dans ma mémoire. Même si je savais déjà que je ne l'oublierais jamais. C'était surtout parce que je ne savais pas quand est-ce que je le reverrais. Si je le reverrais tout court.

Puis il a prit le dessin entre ses mains.

Et j'ai su que c'était tout ce que je lui laisserais.

Les traces d'un crayon sur une feuille et des traces de souvenirs dans son esprit.

Je pensais qu'il aurait finit par tout déchirer. Absolument tout.

Pourtant il n'a fait que le créer à nouveau. Sur sa peau.

Je soupire à cette pensée et déglutit difficilement en laissant ma tête retomber sur le canapé derrière moi. J'ai l'impression que ça fait des heures que je suis dans cette position. Depuis que je suis sorti précipitamment de cette salle, sous le regard d'Harry et Sacha.

Lui aussi a beaucoup changé. Et pourtant je l'ai reconnu à la seconde où mes yeux se sont posés sur lui. J'ai eu l'impression de réentendre nos rires résonner dans la rue. De sentir son bras réconfortant autour de mes épaules. Ses blagues douteuses. Nos nuits blanches à parler, se montrer des vidéos, imaginer notre futur. Lorsqu'on était petits, Harry était toujours le premier à s'endormir. Alors Sacha et moi collions nos matelas pour chuchoter le reste de la nuit.

Si Harry était le premier à vouloir me protéger, Sacha était toujours là lui aussi. Je me rappelle encore, en quatrième, lorsque ce groupe de mec m'avait prit pour cible. Je n'étais pas assez virile à leurs yeux. Pas assez bagarreur. Trop rêveur. Trop bon élève.

Ils ont voulu m'attendre à la sortie du collège, sachant pertinemment qu'Harry était absent ce jour-là. Ils ont commencé à me bousculer alors que je voulais juste rentrer chez moi. A m'insulter. Jusqu'à ce que Sacha sorte du collège et que, à lui tout seul, il se mette à les pousser loin de moi. Il était énervé, il leur gueulait de me laisser tranquille et de ne surtout pas me toucher. Après ça, il est rentré avec moi, son bras autour de mes épaules. J'avais pas envie de parler de ce qui venait de se passer et il le respectait. Alors on est rentré chez moi et on a grignoté dans ma chambre en jouant à des jeux vidéos jusqu'à ce qu'Harry finisse par nous rejoindre. On ne lui a rien dit. Parce qu'on savait tous les deux qu'il serait sorti retrouver ces gars et on ne voulait pas qu'il ait encore des soucis avec le collège.

Il m'a terriblement manqué durant toutes ces années.

Il me manque encore tous les jours.

Ce que j'avais avec Sacha était une réelle amitié. Une relation fraternelle. Une relation qui n'était pas perturbée par des sentiments, contrairement à ce que je ressentais pour Harry. Je les aimais différemment, tous les deux. Mais ça ne m'empêchait pas de les aimer plus que tout. Quelque soit leur place dans mon coeur. Quelque soit la façon dont je les voyais. Ma famille, les leurs, eux deux, c'était toute ma vie.

Avant que tout ne parte en éclats.

« Tu sais que tu peux lui dire, Louis. » Résonne la voix de ma mère à travers le haut parleur du téléphone.

Ce dernier est posé sur l'accoudoir du canapé et c'est comme si ma mère était là, juste à côté de moi. Mais j'aimerais qu'elle le soit réellement à cet instant. Mes genoux repliés contre ma poitrine et ma capuche sur la tête, je ronge nerveusement mes ongles, tentant d'ignorer ce mal de crâne mais surtout ce trou béant dans ma poitrine.

« Je pensais le faire en venant ici mais... si tu le voyais maman. Il a réussi à tout reconstruire autour de lui. Ce n'est plus la même personne. Il a un travail qu'il aime, des amis, sa famille. Il est heureux. Il a une vie stable. En lui disant j'ai peur de... tout détruire à nouveau. Je ne veux pas toucher à son bonheur.

-Et ton bonheur à toi, Louis? »

Je déglutis difficilement avant de renifler discrètement. Heureusement que ma mère ne me voit pas à cet instant. Elle serait montée dans le premier train pour me rejoindre.

« Si Harry savait, ça changerait tout entre vous. » Intervient cette fois mon père.

Je les imagine assis sur le canapé tous les deux, le téléphone entre eux. Dans la même position qu'ils étaient lors de notre première nuit dans cette nouvelle maison alors que je ne m'arrêtais plus de pleurer dans leurs bras.

« Je sais... » Je murmure.

Avant d'ajouter la gorge nouée:

« Mais il ne s'agit pas que de nous. »

Il y a un silence. Un silence qui veut tout dire. Nous avons déjà eu cette conversation avec mes parents. Nous l'avons eu une centaine de fois. Encore plus lorsque je leur ai annoncé revenir ici. Ils me soutiennent, quoi que je fasse. Quoi que je décide. Mais je sais au fond de moi qu'ils espèrent que je finisse par parler. Parce qu'ils voient à quel point ce secret étouffe en moi depuis des années, m'empêchant parfois de respirer correctement.

« Prends le temps qu'il te faut mon chéri. Mais, après toutes ces années, tu as le droit de penser à toi. » Dit doucement ma mère.

Je reste immobile, grimaçant lorsque mes dents coupent mon ongle un peu trop court. Je fixe ce dernier, cassé, alors que la douleur se fait plus vive. Mais je décide de ne pas y toucher. De ne pas l'arracher. Parce que j'ai peur de cette douleur là aussi. Même si elle pourrait me soulager.

J'ai peur que ça fasse toujours plus mal.

Que je ne cesse jamais de saigner.

lousombre

...

J'espère que ce chapitre vous aura plu?

Alors ce tatouage ?🫣

Sacha qui revoit Louis pour la première fois depuis très longtemps...

Et enfin Louis qui est au téléphone avec ses parents...

On se retrouve la semaine prochaine pour le chapitre 11 ! Encore merci pour tout!❤️

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