Chapitre 27

Roulée en boule après une journée de tests divers et variés, j'essaie de me hisser jusqu'aux pensées de Newt. Les médecins se sont bien amusés avec moi : course, prises de sang, analyses en tous genres et même prélèvements d'épiderme. La totale. Sympa d'avoir de nouvelles cicatrices en cadeau de bienvenue - bien que leurs techniques leurs permettent d'éliminer la douleur voir même de cicatriser la peau en moins de deux. Ils m'ont même fait résoudre des casse-têtes et des quizz de connaissances à deux balles. Puis me voilà enfermée dans cette foutu chambre encore une fois. Une partie de ma mémoire m'est revenue lorsque j'ai parcouru les différents laboratoires. Des souvenirs d'enfances, d'autre bien plus terrifiants d'opérations extrêmement douloureuses dont une où je me suis réveillée de l'anesthésie générale : On m'avait ouvert une partie de l'abdomen pour voir si quelque chose d'indétectable ne s'y cachait pas et faire quelques prélèvement sur mes différents organes. C'était juste avant mon souvenir où je retrouve les garçons au baraquement entourée d'un large bandage à la taille. Lorsque j'ai vu ce bandage dans l'un de mes précédents flashbacks, je me suis demandée ce qu'on pouvait bien m'avoir fait de si pénible. Maintenant je sais.

J'ai du mal à me connecter à mon bien aimé. Avec la distance qui nous sépare, c'est comme si mon esprit devait explorer chaque couloir pour le rejoindre. Je serre contre moi mes vêtements de la veille qui portent encore son odeur mélangée à celle de ma sueur. L'odeur du bloc. Les larmes me montent aux yeux, je les refoule même si, étant donner que je suis seule, je pourrais les laisser couler sans remord.

J'atteins enfin ses pensées. Il est assit avec les autres, en plein repas dans l'immense réfectoire. Thomas et Teresa sont assis à une table un peu plus loin et, vu leurs regards, ils doivent mener une conversation mentale.

- Tu crois qu'on peut leur faire confiance ? Demande Newt en désignant les deux bruns.

- Nora leur fait confiance, répond Minho d'un air sérieux que je ne lui avait que très rarement vu. N'empêche que ces tocards bossent pour eux.

- Et elle, tu crois qu'ils vont la laisser venir ?

L'esprit de Newt est envahi par mon image : des longues mèches blondes qui encadrent mon visage blafard et mes yeux lagons lors de notre réveil dans les bois. Le chagrin noie son cerveau tandis qu'il contemple la porte du réfectoire. C'était avant-hier pourtant, j'ai l'impression que ça fait une éternité.

Au même moment, ma porte se déverrouille, laissant entrer Rodiez.

- Bonsoir Nora.

- Bonsoir Monsieur. Que me vaut cette honneur ?

Le sarcasme le fait sourire. Si nous nous étions rencontré dans d'autres circonstances, je penses que j'aurais pu apprécier cet homme. Il n'a pas plus de trente ans, une barbe courte et bien taillée. Ses yeux verts quittent sa plaquette - la traîne t-il partout où il va ? - pour me détailler. Je dois avoir une sacrée sale gueule. D'autant plus vêtue de ce pantalon et ce t-shirt blanc comme neige mal taillés. Pourquoi refuser de me donner un bon vieux jeans ? Sans déconner !

- Tu as fais du bon boulot aujourd'hui, annonce-t-il. Mes collègues t'ont décrite comme calme et coopérative.

- Avais-je vraiment le choix ? Raillais-je.

Il exquise une moue compréhensive.

- Bon, qu'est-ce-que tu veux manger ?

- Emmenez moi au réfectoire, je verrais bien une fois là bas.

Pendant deux secondes, je cru que le piège allait fonctionner. Qu'on allait me laisser voir mes amis... mais non. Un demi sourire sur le visage, Rodiez me refuse cette faveur et me repose la question. Je rétorque que seule l'odeur de la nourriture et le bruit des autres qui mangent peut m'ouvrir l'appétit et me recouche dans mon lit. Abattue. Je glisse discrètement une main sous mon oreiller à la recherche du médaillon que j'y ai caché. Sa fraicheur me console. Jamais je ne les oublierais. Jamais. Rodiez se lève en soupirant.

- Monsieur ? Demandais-je en me redressant dans mon lit.

Il pivote et m'interroge du regard.

- Est-ce-que je peux au moins les voir une dernière fois ? (Il secoue la tête) Même pas Newt ? Ou Minho ? Ou Alby ?  Pour leur dire au revoir, suppliais-je. Même si bientôt ils m'oublieront.

Il secoue de nouveau la tête. Son visage est dur mais ses yeux sont aussi tristes que les miens. Je sais ce qui est différent chez lui : il a un coeur et son âme n'a pas encore totalement quittée son corps.

- Dans ce cas, est-ce-que Thomas peut venir manger avec moi ?

- Je vais voir ce que je peux faire, concède-t-il.

*

Une demi heure plus tard, Thomas est assis sur mon lit tandis que j'avale sans appétit une assiette de pâte carbonara. C'est - parait-il - mon plat préféré. Néanmoins, je n'ai le goût de rien. Encore moins lorsque je sais qu'un garde écoute toutes mes conversations de l'autre côté de la porte.

- Qu'as-tu fais aujourd'hui ? me demande-t-il, d'une voix blanche.

- On m'a charcuté, rétorquais-je en levant mon t-shirt pour lui montrer l'énorme pansement qui me barre une partie de l'abdomen.

- Sympa.

- Ouais, très agréable, tu devrais essayer de temps en temps.

Thomas est un éternelle pessimiste. Cela fait longtemps qu'il a renoncé à sourire. J'arrive à tenir ses horribles souvenirs à distances en bâtissant une sorte de barrière invisible entre mon esprit et le sien. Son cerveau est ravagé par les pires choses que la terre est connue. Les éruptions solaires, la folie, la mort...

- Comment vous faites avec Teresa ?

Le changement de conversation est brutal mais j'espère qu'il jouera le je et que ça nous changera à tous les deux les idées.

- Pour ?

- Communiquer. J'ai du mal à saisir. Je la sens dans ta tête et je te sens dans la sienne mais c'est... Flou ?

Il rassemble ses pensées derrière une moue un peu gênée. Tout en changeant de position sur le matelas - qui est un peu trop mou selon moi d'ailleurs - il m'explique :

- Enfaite, c'est elle qui a commencé. Il faut visualiser les mots et se les envoyer, un peu comme un mail. Sauf qu'il n'y a pas besoin d'écrire.. C'est un peu dur à expliquer mais on avait essayé tous les deux d'ailleurs.

- Ah bon ?

Je lâche ma fourchette de pâtes pour me tourner totalement vers lui. Nos esprits se rapprochent de nouveau. Il se souvient de cette même chambre quelques années plus tôt. J'avais dessiné sur un pan du mur au crayon de bois des visages caricaturaux des différentes personnes que je connaissais : Thomas avec les lèvres pendantes, Teresa en fantôme, Minho avec un sourire surfait.. Nous sommes tous les deux dans cette pièce, il essaie de m'envoyer des messages mentaux ce qui réussi très bien mais les miens ne peuvent lui parvenir.

- Trop bizarre, commentais-je à voix haute.

"Tu l'as dit." Rétorque-t-il mentalement.

- Est-ce-que tu crois que je l'ai appris à quelqu'un d'autre ?

Bien entendu, je pense à Newt. Comment a-il pu pensé à m'envoyer ce genre de signe ? Par pur logique ? Thomas me confirme que j'avais essayé avec Newt et Minho. Sa mémoire lui est donc revenu sans qu'il s'en rende vraiment compte. Fascinant. Je profite de cette parenthèse pour demander de leur nouvelle.

- Ils ont l'air bien, mais on a interdiction de les approcher avec Teresa. A cause de votre escapade d'avant hier.

- Ils ne vous ont pas puni pour ça tout de même ? M'inquiétais-je.

- Non, ils ont capté que tu les avais guidé. Quand est-ce-qu'ils te rendent ta mémoire ?

- Tu es au courant ?

- Ils ne vont pas te laisser dans le flou, tu es leur meilleur élément.

- J'étais, rectifiais-je. 

"J'ai du mal à comprendre comment j'ai pu faire ça" me retiens-je d'ajouter. Rien que l'idée de travailler pour de pareils personnes me débecte et me fais craindre mes souvenirs les plus cachés. Les plus sombres.

- Qu'est-ce-qu'on a de plus ? Demandais-je. Pourquoi on est différent des autres ?

- Pour Teresa, Aris, Rachel et moi, je ne sais pas trop. Peut-être un lien avec la télépathie ou une sois disant "intelligence supérieur à la moyenne". Du bullshit oui. Mais toi, tu es bien plus que ça.

- Ouais, la braise est dans mon sang une connerie du genre non ?

- Ouais, et non. Tu portes en toi le premier - et seul - variant de la braise.

Je hoquète de surprise. 

- Attends, quel variant ?

Il me dévisage, surprit par mon incrédulité. Est-ce si évidant ? Quel est la différence entre la braise et son variant ? Il se gratte la nuque, conscient qu'il vient de commettre une sacrée grosse boulette et que si ils l'apprennent, ça risque de chauffer pour lui.

- Tu es le seul cas connu de variant, m'explique-t-il avec la voix d'un professeur de maternelle. En gros, la braise n'attaque pas que ton cerveau mais aussi ton sang, tes organes etc. Elle a muté à l'intérieur de toi mais du coup tu ne peux ni la transmettre ni l'attraper.

- Comme une sorte de vaccin ?

- En gros oui, sauf que le problème c'est qu'elle attaque tous les produits qui permettrait de l'inoculer à autrui - ou l'inverse d'ailleurs. En gros, elle t'immunise, t'empêche de le transmettre mais on arrive pas à la donner à d'autre.

- Attends Tommy, t'es entrain de me dire que je suis un vaccin sur pattes ?

- Groso modo, oui.

Au même moment, la porte pivote pour laisser apercevoir la silhouette du garde qui demande à Tommy de sortir. Le garçon obéit avec un petit signe de main dans ma direction. Je le salut à mon tour et abandonne mon plateau de pâtes pour retourner à mon lit. Je suis la solution du problème depuis le début ! Et par pur égoïsme, j'ai couru dans le labyrinthe rejoindre mes amis ! Qui suis-je vraiment ? Je croyais que je veillais sur les blocards et Newt. Alors qu'en vérité, je les ai trahit en abandonnant mes recherches ! Je suis un monstre.

***
Nouveau chapitre bourré de révélations j'espère qu'il vous plait :)

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