Chapitre 15

Les blocards ont sortis des instruments de musiques en tout genre, plus ou moins rudimentaire. Clint a ressorti sa flute pour nous jouer une mélodie joviale, accompagné par des percutions de fortune - des troncs d'arbres creux avec des tissus tendus dessus pour créer des sortes de djembé. J'entraîne Newt avec moi pour danser. Je sautille, me déhanche et bouge les épaules en rythme avec la musique. Il m'attrape le bras et me fait tourner sur moi même. Je rougis et continu de danser avec lui, lui agitant les bras, inventant une chorégraphie qu'il suit tant bien que mal. On s'amuse jusqu'à ce que la musique se termine. Les blocards en réclament une autre. Un garçon d'une quinzaine d'années accorde une magnifique guitare en bois, probablement sortie de la boite. L'instrument a été sculpté avec minutie puis revernis par dessus. Une vrai oeuvre d'art. Il commence à jouer un air calme. J'ai déjà entendu cette mélodie. Un souvenir de vieux disques d'une technologie rutilante me revient en mémoire. Assise sur le tronc, à côté de Newt, je commence à chantonner. Les paroles me reviennent par flot. J'essaie de les retenir pour ne pas oublier la suite de la musique.

- Dis moi un truc ma belle. 

Es-tu heureuse dans ce monde moderne ? 

Ou as-tu besoin de plus ? 

Je chante en me balançant doucement, sous le regard de Newt. Je souris et rougis, m'arrêtant au milieu du couplet.

- Non, va-y, me demande-t-il. Continu !

Je souris et reprend là où la musique est rendue.

- Dis moi un truc mon grand. 

N'es-tu pas fatiguer d'essayer de combler ce vide ?

Ou as-tu besoin de plus ? 

N'est-ce pas dur de rester soi-même ? 

Ma voix prend de la puissance, la musique me guide, me donne de l'assurance. Arrive le refrain où je me laisse aller à chanter un peu plus fort :

 - Je m'effondre. 

Dans tous les bons moments, 

je me retrouve à avoir envie de changement. 

Et dans les mauvais moments, 

je me fais peur.

Je marque une courte pose avant de reprendre d'une voix encore plus forte, les yeux fermés :

- Je perds la tête, 

Regardes tandis que je plonge. 

Je ne toucherai jamais le sol.

Je brise la surface, 

Où ils ne peuvent nous blesser. 

Nous sommes loin de la surface maintenant !

Une trentaine d'images de moi-même viennent soudain heurter mon esprit. Un bras en l'air qui s'agite avec la musique, les yeux clos, la bouche grande ouverte pour chanter à plein poumon. Lorsque je rouvre les yeux, tous les blocards me fixent. Je rougis, honteuse, essayant de me cacher derrière mes cheveux. Une main fraiche me relève le menton. Je rouvre les yeux, le regard plongé dans celui de Newt.

- Tu ne m'avais pas dit que tu chantais, ricane-t-il.

- Je ne m'en souvenais pas. Ça doit être la recette de Gally qui me monte à la tête !

Il rit. 

- Continue Nora ! Demande le jeune guitariste.

Les garçons s'agitent, il demande tous la suite de la chanson. Je m'exécute, rouge comme une pivoine. Je chante moins fort mais chaque refrain m'emporte, me faisant monter les aigus puis redescendre dans les grave. Vient le dernier refrain :

- De la sur-fa-ha-fa-ha-ce

- De la sur-fa-ha-fa-ha-ce, reprend Newt en coeur.

Nos voix se mellent pour ces dernière lignes.

- Nous sommes loin de la surface maintenant.

Le guitariste joue une ultime note, m'étant fin à la chanson. Les blocards applaudissent, mes yeux sont toujours dans ceux de Newt, incapable de regarder au delà. Ses iris brunes me scrutent avec une joie et une fierté incomparable.

Minho et Alby nous rejoignent.

- Bah alors Nora ! Lance Alby. Tu nous épate.

- Ouais, on savait que Newt aimait pousser la chansonnette, ricane Minho. Mais là pouah ! Y a d'autre chose qu'on ne sait pas de toi ? Ajoute-t-il avec un sourire pervers sur le visage.

Je lui lance un coup de pied. Il me tire par la jambe. Je cris en glissant à terre, morte de rire. On se lance dans une énième bagarre amicale. Je me met à courir tandis qu'il me pourchasse, une branche de poil à gratter à la main. Lorsque le calme revient, la musique a cessée. Les blocards discutent tranquillement, boivent, ou se bâtent dans l'arène improvisée par les bâtisseurs. Je m'assoie contre le tronc, au niveau des jambes de Newt. Celui-ci joue de nouveau avec mes cheveux tandis que l'on discute.

- Action ou vérité Nora ? Demande Ben -qui a rejoins notre petit groupe entre temps.

- Pardon ?

- Action ou vérité, tu sais le jeu.

*

Nous sommes dans le placard à balais. On doit avoir onze-douze ans. Minho doit réussir à toucher la plus haute étagère en un seul bond ou il perdra. Il bondit et touche de justesse l'étagère. Il se tourne vers Thomas avec un large sourire victorieux.

- Teresa action ou vérité ? Demande-t-il.

- Vérité, rétorque-t-elle.

- Comment tu trouves Thomas ?

Elle hésite, lançant des regards à celui-ci. Une sorte de communication silencieuse passe entre eux. Je ressens leur contact.

- Vous trichez ! Grognais-je. Pas le droit de ce mettre d'accord !

On rit de plus belle.

*

- Alors Nora action ou vérité ?

La voix de Ben me tire de mes pensées.

- Vérité.

Il réfléchi un instant puis, avec un sourire à Minho, il lance :

- Qui est le meilleur coureur ?

- Moi bien sûr, rétorquais-je.

Ils éclatent de rire, Alby tape l'épaule de Minho d'un air moqueur tandis que les autres le regardent, hilare.

- Alby, action ou vérité ? Lançais-je en le défiant du regard.

Personne d'autre que moi a le droit de se moquer de Minho.

- Action.

- Vas faire la bise à Nick sans aucune explication.

Les garçons rient de nouveau ou siffle. Alby me lance un regard noir même si je peux sentir l'amusement au fond de ses pensées. Elles sont plus dur à percevoir que celle des autres. A-t-il si peu d'émotion ? Il se lève et file vers le chef du bloc, attablé un peu plus loin avec Poêle-à-frire et quelques bâtisseurs. Alby dépose un baiser sur sa joue puis part d'un pas nonchalant, même si son visage laisse clairement deviner sa gêne. Bidonnés, on le regarde revenir vers nous tandis que Nick ne sait plus ou se mettre.

- C'était magique, commente Minho. 

- Le meilleur gage ! Commente Ben. J'adore cette fille.

Alby grommèle quelques choses que je ne comprends pas avant de désigner Minho comme sa prochaine victime. Bien entendu, celui-ci réclame une action.

- Va me chercher à boire.

- C'est tout ? Raille-t-il.

- A cloche pied sans renverser une goutte, sinon tu passe la nuit au gnouf.

Le maton regrette déjà d'avoir protesté. Il se lève et sautille jusqu'à la cuisine. Le jeu se poursuit malgré son absence avec une action de Ben. Tout le monde est passé sauf Newt. Minho revient avec un verre d'eau qu'Alby vide d'une traite avant de lui en réclamer un autre.

- Je suis pas ton valet tocard, lève tes grosses fesses. Bon, c'est à qui le tour ?

- Newty, répondis-je.

- Vérité, j'ai la flemme de bouger.

- Il est confortable le lit de Nora ? Demande Minho d'une voix plein de sous entendu.

J'en crache mon verre. Pardon ? Les garçons éclatent de rire, même Newt. D'où sort cette question ?

- Plutôt oui, répond-t-il avec un sourire narquois.

- Comment tu peux le savoir ? Rétorquais-je. T'as dormi sur le tapis !

Les garçons rient de plus belle. A croire qu'ils ne pensent qu'à ça ! Rassurant lorsqu'on est la seule fille du bloc. Newt me désigne comme la suivant, je réclame une vérité.

- Ton plus beau souvenir.

- Mais quel poète, commente Minho.

- Probablement la fois où un scaralame m'a confondu avec un saucisson. Très agréable de se faire couper en rondelle.

Les autres éclatent de rire. Il n'y avait pourtant pas grand chose de drôle. La fameuse recette de Gally doit leur faire un peu trop d'effet. Il faut que je me tire avant d'en abuser à mon tour.

- Newty, action ou vérité ?

- Action.

- Ramène moi dans ma chambre, je suis claquée.

Les garçons sifflent de façon très explicite et nous souhaite un "bon moment". Ah, si seulement je pouvais les faire taire ! J'embrasse mon majeur avant de leur lancer le baiser avec un magnifique doigt d'honneur théâtrale, l'histoire qu'ils la bouclent. Minho va m'entendre demain !

Newt m'aide à me hisser jusqu'à ma chambre. Je suis exténuée par mon insomnie de la veille. Je baille en me vautrant sur le lit. Newt s'assoit sur le tapis en soupirant, lui aussi est probablement très fatigué après avoir passé une journée à courir dans les couloirs.

- Tu me dois une vérité, lance-t-il en brisant le silence.

- Quoi ?

- Ton plus beau souvenir.

Je me redresse pour voir son visage, il est parfaitement sérieux. Mon plus beau souvenir ? Celui du placard probablement. Mais il ne s'en souvient pas. Je me laisse glisser sur le sol, au pied de mon lit, juste devant lui.

- Tu te souviens lorsque tu as fait ça ? Demandais-je en déposant mes lèvres sur les siennes.

Ses mains caressent mon dos, me forçant à me rapprocher de lui. J'agrippe son cou avec les miennes et le serre contre moi. Il me repousse légèrement.

- Attends Nora, soupire-t-il. Tu as bu. C'est pas raisonnable.

- Je sais, chuchotais-je, toujours lovée dans ses bras

*

Une petite chambre blanche, à l'écart du baraquement. Meublée simplement, un bureau, une armoire et un lit. Je suis assise sur la couette, le dos contre le mur, un livre entre les mains. Je dois avoir quatorze ans. On toque discrètement à la porte. J'accours ouvrir. Newt entre et je calle la poignet de la porte avec la chaise du bureau. Il fait nuit. Tout est calme.

- Hey, chuchotais-je.

- Hey, tu m'as manqué.

- Toi aussi, j'en ai marre d'être confinée à cette aile du bâtiment. C'est plus possible.

Je le sers dans mes bras et lui me sers en retour. Je m'écarte un peu et l'embrasse.

- C'est trop dur d'être loin de vous.

*

- Nora ?

Je ne sais pas depuis combien de temps Newt m'appelle. Lorsque je reviens à moi, une larme coule le long de ma joue. 

- Oui ?

- Qu'est-ce-qu'il y a ?

- Juste, un souvenir.

- Tu peux me le raconter ? me demande-t-il.

Je lui détaille ma courte vision. Il me sers contre lui en chuchotant des mots doux comme pour calmer un enfant après un cauchemar.

- Toi qui voulais savoir si on était proche comme ça. (Je l'embrasse de nouveau.) Maintenant tu sais.

Il sourit puis se relève, brisant notre étreinte. Il se dirige vers la porte.

- Bonne nuit Nory.

- Bonne nuit Newty.

Il quitte la pièce. Me voilà de nouveau seule.

*

Il est à peine une heure du matin lorsque le sommeil m'abandonne pour de bon. Après plusieurs micro-réveils, je me retrouve à ne plus pouvoir me rendormir. J'allume la chandelle. Qu'est-ce-que je vais bien pouvoir faire à cette heure là ?

Un reflet sur la table de chevet attire mon regard. Le médaillon. Il faut que je l'ouvre, même si je suis seule. Je force sur la petite encoche à l'aide de mes ongles. Un petit papier tombe sur la couette.

Je le déplie. Quelqu'un a rédigé une lettre sur une feuille toute cornée. L'écriture est fine et petite. Un peu trop serrée mais tout à fait lisible.

"Nory,

J'espère que tout vas bien pour toi. Thomas m'a promis de te faire parvenir cette lettre par n'importe quel moyen. J'espère qu'il tiendra parole avant qu'il ne soit trop tard.

Dans quelques jours, ils vont m'envoyer dans le labyrinthe avec Minho, Alby et Gally. Fais-tu aussi partie de ceux qu'on y envoie ? Quand vont-ils te laisser sortir ? Il faut que je te vois avant de partir. Il faut que je sache que tu vas bien. J'en ai marre qu'il te torture avec leurs foutus expériences. Pour vu qu'ils trouvent vite un remède. Je ne suis qu'un sujet témoins mais j'espère que je serais utile.

Tu me manque, reviens moi vite.

Newty"

*

Je cours dans un long couloir. Levitt me cri de revenir mais je ne lui répond pas. Je fonce, parcourt les couloirs. J'atteins le baraquement. Les garçons sont tous assis en silence. Je me vois dans leurs esprits, vêtues seulement d'une blouse d'hôpital, pied nue sur le sol froid. Je dois avoir quinze ans.

- Où sont-ils ? M'écriais-je.

-  Ils sont passé les chercher, me répond un petit garçon brun. 

Il n'a pas plus de dix ans. Son air innocent et pourtant si triste me fend le coeur.

- Pour aller où ?

- Au sous sol.

- Merci Chuck.

Je fonce de nouveau. Dévale les escaliers pour éviter les ascenseurs. J'atteins l'étage le plus bas, essoufflée. Une quarantaine de garçons sont alignés dans le couloir. Thomas et Teresa se tiennent devant Minho.

- Je ne vois personne vous examiner sous toutes les coutures comme du bétail. Grogne-t-il.

Alby appuie les paroles de Minho. On sent la tentions entre eux. Je cherche Newt du regard. Il est au bout de la file et les fixe d'un air furibond comme si un énorme mensonge venait d'éclater. Je me jette dans ses bras, en larme. J'ai bien cru ne jamais le revoir. Il me sert un court instant avant de me repousser.

- Toi aussi tu es avec eux ? Crache-t-il. Toi non plus tu ne viendras pas ?

Je le dévisage, abasourdie. Ses pensées sont malmenée par la colère et le soulagement. Ses yeux ne quitte pas les miens. Il est perdu. Un mur a cédé à l'intérieur de lui. Sa vie c'est écroulée.

- Je viens à peine de sortir de leur fichu bloc ! Rétorquais-je. Je viens d'avoir ton mot ! Moi aussi je veux venir. Ils doivent me faire venir. Je ne te quitterais jamais.

Je le sers contre moi en pleurant. Il pleure aussi. Des bras m'agrippent. On me tire en arrière. Je hurle. Il se jette sur les gardes qui me trainent loin de lui. Il hurle mon nom tendis qu'ils le retiennent lui aussi. On nous sépare.

- Je dois dire au revoir ! Hurlais-je tandis que l'on m'emporte vers un ascenseur. Je dois dire en revoir !

- Nora ! Hurle Newt.

- Newt !

Les portes sont presque fermée. Minho et Alby tente de venir à mon secourt mais il est trop tard.

- Au revoir ! Je...

Les portes sont fermée, je me vois dans leur reflet métallique. Ma voix se brise sous l'afflux des larmes qui coulent sur mes joues.

- ... t'aimes.

*

Je pleure à chaude larme. Je les essuie d'un revers de main, me replongeant dans la contemplation du pendentif. Deux petites photos sont calées sur les fonds. Thomas serrant Teresa, Minho faisant des oreilles de lapin à Alby et moi dans les bras de Newt. On est tous souriant. Il s'agissait probablement de la même photo recoupée en deux petite. Un dernier souvenir du passé.

- Pourquoi m'envoyer ça ? Pleurais-je. Pourquoi ?

***

Chapitre très émouvant. Ça va ? Vous voulez des mouchoirs ?




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