CHAPITRE 37 - La mer
Et je me mis à courir.
Je fis mon premier pas, je respira cet nouvel air et je sentis ces parois autour de moi pour la première fois. J'avançais enfin, après tant d'attente, entre ces murs. Alors ça y est, je suis dans ce qui est censé être mon échappatoire, mon dernier espoir. J'attend désespérément le sentiment de soulagement qu'on m'a tant décrit, qu'on m'a promis. Je l'attend, je respire et je cours. J'espère, j'attend et je ressens. Mais j'ai l'impression, de nouveau, ne rien ressentir.
Je vis Minho courir doucement devant moi, essayant de se caler à mon rythme. J'ai réussi à convaincre Newt de ne pas venir, pensent-ils que je ne les ai pas vu chuchoter avant notre départ ? Je sais ce qu'il lui a dit et je le comprend, après tout lui aussi il ne lui reste plus que ça.
- Ça va Larra ? Comment tu te sens ?
Je ne lui répondis pas et j'accéléra ma foulé. Il me suffit de m'enfoncer un peu plus et j'en suis sûr, je ressentirai quelque chose. Il me suffit de courir, de m'épuiser et de tomber de fatigue, et je m'échapperai. Je pris le premier tournant à droite, le premier avant de perdre le bloc de vu, avant de le perdre définitivement de vu. Parce que je sens son regard sur moi, me brûler la nuque à chaque instant. Je cours, sans me retourner, en espérant semer mes démons derrière moi. Je cours à en perdre l'esprit, je sens mes poumons, mes jambes et mon cœur me brûler la poitrine, mais je cours.
Je cours et je sens inlassablement Minho à mes côtés, au moins il est là, évidement insensible à la course qui moi m'épuise, mais qui pour lui doit simplement être son rythme habituel. Je cours et je sais que peut importe, si je me retourne il sera là. Sa présence est à la fois rassurante et obsédante. Je suis tiraillée entre le désir d'être seule, enfin, et ma peur de sauter le pas et de perdre. Au sens littéral comme figuré. Est-ce que si je me retrouve seule je basculerai ? Et est-ce que si je me perd dans le Labyrinthe je survivrai ? Non sûrement pas, je sais que personne ne survit. Jamais.
Je fini par m'arrêter, d'un coup, pouvant à peine demander à mes jambes de me porter. Je me plia en deux, les mains sur mes genoux, essayant désespérément de reprendre mon souffle.
-C'est rien, c'est normal tu n'as pas l'habitude de courir, dit-il doucement en posant une main dans mon dos.
Je ne répondis de nouveau rien, j'aurais aimé cette fois, mais impossible pour moi d'articuler le moindre mot. Je me releva doucement et j'observa le Labyrinthe, chose que je n'avais pas fait, trop concentré dans ma course effréné. Tout se mélange dans ma tête. Ces murs sont-ils réel ? La hauteur est tel que je peux à peine apercevoir le ciel d'où je suis. Le manque de soleil rendent ces couloirs si sombres et obscurs que ma vision y est horriblement incertaine. Comment trouver de la joie et du réconfort dans un endroit aussi noir ? Comment ne pas se sentir oppressé par ces murs si étroit et froid ? Je comprend maintenant la nécessité de courir, pour échapper à cette obscurité et pour espérer trouver un petit peu de lumière. Comment vivre sinon, dans un monde où l'on se sait enfermé, épié et en danger ? Minho ne court pas pour trouver une sortie, il sait déjà qu'il n'y en a pas, mais pour s'infliger cette torture, pour se rappeler à chaque instant que tout le destin du bloc est entre ses mains. Mon bloc, ma responsabilité. Et comment le lui reprocher ? Je comprend maintenant la nécessité de ne mettre personne dans la confidence par rapport à la sortie, comment demander à quelqu'un de vivre si les dirigeants eux-mêmes n'ont plus d'espoirs ? Je me demande même si les autres matons sont au courant, je ne pense pas. Est-ce que les autres coureurs le sont aussi ? Ça m'étonnerai.
-Comment fais tu pour passer tes journées dans cet endroit, Minho ? Ce n'est peut-être pas moi qui suis folle au final, soufflais-je.
Mais je vis à son regard qu'il ne réagirait pas à ma pointe d'humour, est-ce que s'en est une d'ailleurs ?
-Chacun trouve sa raison de vivre, Larra.
-Est-ce que tu te punis chaque jour de ne pas trouver un sortie en t'isolant ici ? Et tu te crois moins taré que moi ?
-Comme je te l'ai dis, chacun trouve sa raison de vivre, moi au moins j'en ai une, lança-t-il en haussant un sourcil.
Je ne répondis rien. Evidemment je l'ai bien cherché, je lui reproche son sens de vie alors que moi même, j'en suis incapable.
Je me remis à courir.
Je sais maintenant ce que je recherche, ce que j'espérais trouver dans le Labyrinthe et ce qui me manque inlassablement dans le Bloc. La solitude. Je veux être seule. Je veux pouvoir me briser et m'effondrer sans personne, je veux pouvoir perdre pied sans qu'il y ait quelqu'un pour me rattraper. Si je tombe, est-ce que je l'entrainerai dans ma chute ? C'est surement la seule raison qui me pousse à rester, encore un petit peu, jusqu'à ce que mon égoïsme l'emporte sur mon amour pour lui.
J'ai l'impression qu'on grignote mon coeur à chaque instant, constamment à la recherche de lumière. Est-ce que c'est ce que ressent aussi Minho ? Est-ce que c'est ce qu'il recherche dans le Labyrinthe ? De la lumière ? J'ai l'impression qu'à chaque tournant je vais tomber sur un oasis, le paradis que je recherche tant, ma fenêtre en bord de mer. Un jour je me réveillerai je le sais, devant cette mer et j'irai marcher, seule, sur cette plage. Je sentirai le sable sous mes pieds et je sourirai au soleil. J'irai mettre les pieds dans l'eau et je penserai sereinement à Newt et au Bloc, comme à un vieux souvenir. Est-ce que c'est ce qu'il y a après la mort ? Je pense que chacun à son propre échappatoire, son propre paradis qui reflette tous les désirs et offre un endroit rassurant pour chacun. Je voudrai me sentir libre et sans entrave. Il est là mon paradis, dans un plage où je pourrai sauter dans l'eau, m'allonger sur le sable sans avoir à chercher le soleil.
Est-ce que Minho aime le Labyrinthe car il y passe son temps à s'imaginer un paradis ? Est-ce que l'échappatoire tant attendu n'est en fait que l'espace qui lui permettra, d'enfin, pouvoir se permettre de rêver ? Faut-il encore pouvoir le faire. Avoir un objectif, des désirs et des buts dans la vie, est-ce que c'est ce qu'il voit quand il regarde ces murs ? Je n'y vois que la terreur et l'obscurité. Mes rêves ne sont que dans ma tête. Tout n'est que dans ma tête en fait, rien n'est réel et réalisable, parce que je suis dedans, et que même si je le voulais plus que tout, ça ne changerait rien.
Mais est-ce que j'en serai de toute façon capable ? Oui, c'est ce que je veux. Oui, c'est ce que je désir plus que tout. Mais est-ce que je serai capable d'affronter cette liberté, cette réalité ? Est-ce que je serai capable de m'allonger sur la plage sans regarder derrière moi ? Sans voir dans les algues les lierres du Labyrinthe et dans le bruit des vagues le bruit de mes pieds qui courent sans but ni raison ? Le Labyrinthe n'est pas un échappatoire, c'est simplement le seul lieu qui permet de respirer avec un peu plus de force. C'est l'espoir alors, qui nous mène par le bout du nez ? Est-ce que le but d'une vie est constamment d'en chercher une meilleure ? Si je vivais sur ma plage, je voudrai pouvoir vivre le moment présent sans jamais penser à l'avenir. Je voudrai être libre et profiter de cette liberté jusqu'à en mourir.
Comment peut-il passer ces journées à imaginer des choses qui n'arriveront jamais ? Comment ne pas justement tomber sous ces désirs inimaginable ? Peut-être qu'il est simplement plus fort que moi. Peut-être qu'il arrive à passer au dessus de ça pour continuer à vivre. Pas moi.
- Cette douleur, Minho, c'est insupportable.
Il s'arrêta lui aussi et me regarda.
- Je sais.
- J'ai l'impression que chaque bruit, chaque pas, chaque souffle qui se ressent comme... une torture, chuchotais-je. Ce sentiment de peur, d'oppression, qui te détruit de l'intérieur, comment est-ce que tu vis avec, Minho ?
- On ne vit pas. Elle est là ta réponse. On ne vit pas Larra, on survit.
- Mais j'en suis incapable, chuchotais-je.
Il ne dit rien, il n'y a rien à dire de toute façon.
- Qu'est-ce que tu veux que je fasse alors ? Dis le moi, dis moi ce que je peux faire pour t'apaiser. Tu veux que je te laisse partir ? Tu veux que je te laisse seule et que tu te fasses dévorer par les griffeurs ? Tu veux que je te laisse mourir ?
Je sens sa douleur comme si elle était matériel dans l'air. Je la vois sur son visage, dans ses yeux et par la crispation de ses doigts. Il m'a demandé franchement ce que tout le monde tait depuis des mois, et je lui en suis reconnaissante pour ça. Il doit lui falloir un courage immense pour simplement émettre cette possibilité.
- Je t'en supplie, Minho, laisse moi partir.
Je sentis les larmes sur mes joues quand je vis les siennes déborder de ses yeux. Je sais ce que je lui demande, et je sais que je suis injuste, horriblement injuste. Mais je n'ai jamais été une bonne personne, est-ce que c'est aux portes de la mort que je vais le devenir ?
Il essuya ses larmes d'un revers de main et me pris dans ses bras. Il me sera contre lui plus fort qu'il ne l'a jamais fait. Ce fut à cet instant que je me sentis réellement. Je sentis mes côtes contre lui, je sentis mes cernes sous mes yeux et je sentis le creux de mes joues. Comment lui même peux me voir ainsi sans réagir ? Je compris son courage et sa force de préférer me voir morte que comme je suis. Il l'est définitivement plus que moi.
- Tu a été le soleil de ce Bloc, tu le sais ? Pas seulement celui de Newt, tu as été notre libération à tous. Tu ne te rends pas compte de la détresse dans laquelle nous étions. Ta présence nous a sauvé, nous a redonné espoir, et c'est ça qui nous a fait vivre. Je comprend que tu veuilles à ton tour trouver ce repos et cette liberté. Je te dois bien ça.
J'eu le souffle coupé quelques secondes. Qu'est-ce que je dois répondre à ça ? Comment est-ce que je formule les adieux qui me brulent les lèvres ? Comment lui exprimer ma gratitude et ma peur ?
- Tu t'occuperas de lui ?
Ma voix se brisa.
Il ne sembla pas pouvoir dire d'autres mots, de la même manière que moi. Cette boule dans ma gorge, c'est pire que tout. Il hocha à peine la tête, semblant ne pas croire lui même ce qui était en train de se passer. Il me regarda une dernière fois, et ferma les yeux. Il ferma les yeux et les garda clos, me donnant un signal implicite. Je lui suis reconnaissant pour ça aussi, je ne sais pas si j'aurais eu la force de partir et le regardant en face.
Je fis un pas en arrière, rien qu'un. Puis un autre. Je ne le quitta pas des yeux, voulant garder cette image de lui, tiraillé entre son amour et sa peine. Je lui tourna le dos et je me mis à courir. Quand il se retournera, je serai parti. J'aurais dû lui dire merci. J'aurais dû lui dire que je l'aimais. J'aurais dû leur dire à tous. À Gally, à Minho, à Clint, à Jeff, à Newt... J'aurais dû. J'aurais pu, mais je ne le ferai pas. Je n'aurai pas la force de revenir. Je suis trop égoïste pour ça, encore une fois.
Je tourna à gauche, à droite, encore à gauche puis à droite. Je ne sais pas si j'essaye de me perdre moi même ou si j'essaye encore de semer Minho. Je ne veux plus me laisser le choix, je veux perdre mes moyens et m'effondrer, enfin. Mes émotions sont tellement en embrouillé en moi que j'ignore ce qui prend le dessus, la peur, la solitude ou l'amour ? Je suis en constante solitude, mais est-ce que ce n'est pas déjà ce que je suis ? Est-ce que ça ne fait pas des mois que je me sens constamment seule ? Le solitude physique n'est que factuelle, elle est déjà bien présente en moi.
J'ai l'impression de tellement pleurer que les larmes ne coulent même plus. Je veux que cette douleur s'arrête, c'est tout ce qui m'importe. La vie ici m'a brisé. Léo m'a brisé par ces actes, et le Labyrinthe m'a détruite par cette cage sans fin. j'avais bien raison au final, mon instinct était le bon. Ce n'est pas une Boite qui nous amène au Bloc, c'est bien une cage. Elle nous transfert juste dans une bien plus grande.
Est-ce que ce n'est finalement pas moi qui vais trouver la sortie avant tous les autres ? Est-ce que la seule sortie de cet endroit n'est pas la mort, au final ?
Je ne sais même pas comment je me suis retrouvée où je suis, mon esprit est tellement embrouillé que je n'ai aucun souvenir clair depuis mon départ d'avec Minho. Il a pu se passer plusieurs heures comme quelques minutes. Est-ce que la douleur à fini par atteindre mon cerveau ? Est-ce que tout mon corps est anesthésié à présent ? Je vis du sang sur mes mains et je compris que j'ai surement dû tomber contre une ronce, ou alors en grimpant sur ce mur ? Je sens mes muscles en feu et je sens déjà les courbatures de mes bras. Rien n'a d'importance maintenant. Je fis quelques pas, reprenant peu à peu mes esprits. Est-ce que je me suis rapprochée du ciel ? Ça y est ? Je sentis une légère brise sur ma nuque. Je leva la tête pour tenter d'apercevoir un peu mieux le ciel, mais malgré la hauteur à laquelle je me trouve à présent, le soleil est toujours bien loin. Comme le sol d'ailleurs. Je sais à présent que Minho ne me retrouva jamais. Il ne pensera jamais à regarder aussi haut, je le sais.
Par instant de faiblesse, je me mis à penser à Newt. Qu'est-ce qu'il fait en ce moment ? Il doit surement attendre mon retour, assis devant les portes du Labyrinthe, regrettant toute son âme de m'avoir laissé partir. Il va me haïr. C'est surement la pensé la plus douloureuse que je n'aurais jamais. J'ai pourtant déjà été confronté à sa haine, à sa colère, mais jamais à l'homme blessé qu'il va devenir. Est-ce que je dois m'empêcher de vivre pour lui ? Je dépend énormément de lui, je le sais. Si il est heureux je le suis aussi, si il est triste je le suis et si il est en colère je le deviens. Je suis dépendante surement autant qu'il l'est de moi. Seulement ça n'enlève rien, ça amplifie justement tout. Tous mes sentiments sont en contradiction envers ce que je ressens pour lui, mêlant douleur et amour.
Peut-être qu'il faudrait que je sois plus forte, pour lui. Mais j'en suis incapable. Je pense d'ailleurs qu'il ne m'en voudra pas. Je pense que sa haine ne sera pas dirigé contre moi mais envers lui-même. Cette douleur, ce tiraillement, envers lui et envers moi même. Cette culpabilité qui me ronge. Comment ne pas l'abandonner si ça veut dire me sentir à jamais emprisonné ? Je sais qu'il n'y a pas de sortie et je sais que je suis incapable de plus. J'ai l'impression de déjà ressentir leur jugement, mais comment peuvent-ils ? Comment peuvent-ils se sentir légitime de juger quelque chose qu'ils n'ont pas vécu ? Mon amour et inconditionnel, mais insuffisant. Cette vie n'en est pas une, et survivre ne m'intéresse plus. Ma fenêtre m'attend, je le sais, ma plage aussi. Je veux pouvoir observer les étoiles le soir et prendre sa main, sans jamais rien ressentir d'autre. Je veux être libre et simplement vivre.
Je fis un pas en avant.
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