CHAPITRE 36 - Couler

Je me réveilla d'un sommeil sans rêve, comme toujours. Comme si rêver était se permettre trop d'espoir. Est-ce que c'est ça mon problème au final ? Je ne rêve tout simplement pas assez ? Est-ce que la seule perspective d'un rêve heureux est hors de ma portée ? C'est aujourd'hui que je vais savoir. Je me raccroche à cet échappatoire depuis maintenant si longtemps, ou du moins avec tellement d'intensité que si ça ne marche pas, si la solution n'est pas là, je ne sais pas qui me rattrapera. Car ma chute est inexorable, indéniable et inévitable. Peut-être que ça ne sera que le poids qui pèse sur mes épaules, ou bien ce sera simplement tout l'espoir résidant encore en moi. Je n'osa même pas me lever, même pas demander à mes jambes de me soulever, de peur de voir ce qui m'y attend, d'y voir ma vérité. 

Je vis une grande silhouette arrivée à ma hauteur et se pencher doucement au dessus de mon hamac en me regardant. 

-Tu es réveiller, parfait, je ne voulais pas partir trop tard, histoire que tous les petits curieux ne nous voit pas partir, me chuchota doucement Minho avec un demi-sourire aux lèvres. 

Il n'attendit pas ma réponse et partit en direction du réfectoire. Je me força à m'assoir doucement, me forçant à inspirer et expirer profondément pour avoir une chance de faire deux pas. Je me dirigea à sa suite, me concentrant sur chaque pas, sur chacun de mes mouvements pour me forcer à avancer. Quand j'arriva, il était déjà assis avec une assiette devant lui et je vis Frypan au loin qui préparait l'arrivé des prochains blocards. 

-Assis toi et mange ! Je suis super excité de te montrer le Labyrinthe Larra, tu verras ça va bien se passer, dit-il la bouche à moitié pleine en me faisant signe de m'assoir. 

Je m'apprêtais à m'exécuter, mais quand je vis le contenu de l'assiette qui m'étais destiné, j'eus tout juste le temps de tomber à genou pour vomir sur le sol. Je sentis quasiment immédiatement des mains fraiches venir tenir mes cheveux et un une main glisser dans mon dos. J'entendis Minho s'étouffer en fond mais tout me semblait flou, j'essayais juste désespérément de ne pas vider mes tripes sur le sol. Quand j'eus fini, je me releva doucement, en tremblant de tous mon corps, avec les larmes aux yeux. Frypan était arrivé et me tendit un torchon. Je tourna la tête pour voir que c'était Newt, qui me tenait les cheveux en essayant tant bien que mal de cacher son désarroi et la détresse que je pouvais lire sur son visage. 

-Je suis désolé, j'aurais dû réfléchir, j'ai eu la même réaction pourtant avant d'entrer dans le Labyrinthe pour le première fois et je... dit Minho qui s'était levé en bredouillant. 

-Est-ce que tu es sûr d'être prête ? Me murmura Newt avec une bienveillance évidente. 

Je réfléchis un instant. Est-ce que je m'en sens capable ? Vraiment ? Non, mais si je ne le fais pas maintenant, je ne le ferai jamais.

-Oui, je peux le faire. 

Il ne répondit rien et se redressa en passant sa main dans ses cheveux en tournant sur lui même, avec de l'angoisse pur lisible dans ses yeux. 

-Je viens avec toi alors, dit-il en s'immobilisant et en me fixant droit dans les yeux. 

-Je ne peux pas Newt, murmurais-je sans le quitter des yeux. 

-Comment ça tu ne peux pas ? Tu ne t'en sens pas capable ?

-J'en serai incapable si tu es là, avec moi ! J'ai besoin de plongé dans le bain Newt, et je ne peux pas plongé avec une bouée. 

-Mais ce bain est putain de mortel, Larra ! Tu ne te rends pas compte de combien de gars j'ai vu entrer pour ne jamais en ressortir. 

-Je sais. 

Il secoua la tête et on se tut un instant tous les deux, se scrutant l'un l'autre intensément. 

-Tu veux couler, fini-t-il par dire. 

-Non, Newt, je veux apprendre à nager jusqu'à la surface. 

Le silence était total. Fry nous regardait bouche-bée, quant à Minho il semblait juste lutter contre de vieux démons. Des blocards entrèrent soudainement et bruyamment, nous tirant de notre transe. 

-Oh, ça pue encore le vomi Fry, qu'est-ce que tu nous as encore préparé ? 

Je me leva d'un coup, prête à absolument tout pour cacher cette flaque de vomis, ne tenant pas à ce que tout le monde voit mes faiblesses. En relevant la tête pour affronter les blocards, je ne vis que les yeux de Gally, il fallait que ce soit lui, évidemment, le destin se joue vraiment de moi. Son regard croisa le miens et je ne sais même pas ce qu'il y vit en cet instant, peut-être juste les restes branlants de mon âme. 

-Laisse, je m'en occupe, souffla Frypan en me prenant le torchon des mains, allez-y je m'occupe du reste. 

Minho et Newt n'attendirent pas un un parole de plus et partir en me prenant par le bras, passant devant Gally, qui nous regardait toujours, comme si c'était un fantôme. Je crois que Newt à autre chose en tête pour lui accorder la moindre importance. Ils se dirigèrent tous les deux droit vers la petite cabane des coureurs, ce lieux qui leur est réservé et interdit aux autres blocards. Qui t'es réservé aussi maintenant, me dis-je doucement. 

Newt entra le premier sans hésiter une seule seconde, il est habitué à cette pièce froide et mal éclairé. Je vis tout d'abord plusieurs tables dans les coins de la pièce, toutes remplis de papiers pleins d'annotations et de chiffres que je ne compris pas. Mais ce qui attira mon attention en revanche, fut une sorte de petite maquette, faite à base de bout de bois, certains plus grands que d'autres, qui trônait au milieu de la pièce. 

-Avant de commencer il faut que je te redemande si tu es sûr de...

-Si tu me poses encore une fois la question, je t'arrache les yeux, dis-je en coupant Minho au milieu de sa phrase. 

Il sembla soupirer un instant et échangea un regard contraint avec Newt. 

-Tu vois ça ? Dit-il en s'approchant de la maquette. C'est notre Bloc au centre, l'espèce de petit carré vert. Tout le reste, c'est le Labyrinthe. 

Je resta sans voix un instant, observant ces simples bouts de bois qui symbolise en réalité toute ma vie. 

-Autant ? Soufflais-je. 

-Autant. 

Un long silence s'en suivi. Comme toujours le gouffre menace de m'emporter, je le sens m'aspirer sans répit, martelant constamment ma tête, prêt à m'engloutir. Autant. Si grand et si terrifiant à la fois. Mais je ne dois pas céder à la peur, je sais que c'est leur but, leur ultime tentative. 

-Et ensuite ? Qu'est-ce qu'on fait ? 

Je vis dans la déception de ses yeux qu'il ne s'attendait pas à cette réponse, ou du moins qu'il en attendait une différente.  

-Maintenant, on... on entre et je t'apprend sur le terrain. Mais ne t'attend pas à ce qu'on aille trop profondément, pour l'instant on va juste...

Mais je ne l'écoutais plus. Mon regard était accaparé, comme obnubilé par la maquette. Je me revois le premier jour, le tout premier : "Ça fillette, c'est les coureurs, ce sont les meilleurs d'entres nous. Ceux qui cartographient le Labyrinthe".  Ce sont les mots d'Alby, une des premières phrases qu'il m'ait dite, j'y vois maintenant tous ses mensonges. Les coureurs ne sont pas les meilleurs, ni même les pires d'ailleurs et les autres ne leur sont pas inférieurs, il n'y a pas de ça ici. Il y a juste des hommes qui essayent par n'importe quel moyen de vivre, de survivre. Ça a été sont premier mensonge. Le second réside dans la fin de sa phrase. Les coureurs ne cartographient pas le Labyrinthe car il n'y a tout simplement plus rien à cartographier, j'en ai la preuve sous les yeux. La maquette est complète, un cercle parfait dont nous sommes le centre. La vérité s'impose à mes yeux : il n'y a pas de sortie, ils n'en ont pas trouvé et ils n'en trouveront jamais. Tous mes espoirs se réduisirent à néant d'un seul coup. Mon échappatoire n'en est pas vraiment un, comme ma vie n'en est pas vraiment une.

Je releva doucement la tête et je vis Newt qui m'observait. Il compris au premier regard. 

-Tu savais ? 

-Oui. 

Ça réponse est claire et froide, il ne va pas tourner autour du pot. Je sera les poings pour cacher leurs tremblements de rage, de peur ou de désespoir, je ne sais pas vraiment. Il m'a caché ça ? Et ils le cachent à tout le Bloc ? Je sais au plus profond de moi que c'était nécessaire, mais je n'arrive pas à l'assimiler. Il ne me l'a pas dit ? Il a gardé tout ce poids pour lui seul ? Evidement qu'il ne me l'aurait pas dit, même si il le pouvait, je suis trop lâche pour avoir le courage d'affronter ça. 

Le silence est absolue dans la pièce, personne n'ose faire le moindre bruit. Je ne sais pas ce que ça signifie pour moi maintenant et je ne veux pas y penser. Je ne veux pas penser au fait que je vais passer le reste de ma vie dans ce foutu Bloc, ma prison, mon enfer personnel. Je ne veux pas penser au fait que je ne serai plus jamais libre. 

-Il faut que je sorte d'ici, soufflais-je en me précipitant vers la porte. 

J'ai l'impression d'étouffer, je cherche mon souffle sans jamais le trouver. Je suis en train de suffoquer, comme si l'air de ce Bloc, de cet univers, refusaient d'entrer dans mes poumons. Je me mis à courir, juste pour échapper à cette pièce qui à finalement réussi à me rendre folle. Elle est là, cette goutte d'eau, celle qui fait déborder le vase. 

Je me sentis trébucher et tomber sans pour autant ressentir la douleur tant attendu. Parce que j'ai besoin de ça, j'ai besoin d'avoir mal, pour simplement ressentir quelque chose. Je senti la terre dans ma bouche et sur mes mains, mais je n'eus même pas la force de me relever, ou simplement trouver la volonté de le faire. Je sentis les mains de Newt sur moi, dans mon dos, qui me relevèrent avec force. 

-Tu ne peux pas faire ça, Larra ! Tu ne peux pas abandonner !

Il a comprit. Je vis son visage remplit de larme, j'entendis sa voix implorante, je sentis ses mains serrer mes poignets, mais pourtant rien ne m'atteignis. Ce n'est plus possible maintenant, je suis ailleurs, je suis partie. 

-Pourquoi ? Qu'est-ce qui m'en empêche ? Criais-je à mon tour.

-Moi ! Dit-il faiblement, mais je vis dans ses yeux que lui-même n'y croyait pas vraiment. 

Si lui même à abandonné comment suis-je censée trouver la moindre miette de volonté en moi ? 

-Il est trop tard, Newt. 

-Tu n'as même pas essayé, tu n'es même pas allé dans le Labyrinthe.

-A quoi bon ? Et pour y trouver quoi ? J'ai besoin d'un but Newt, j'ai besoin de vivre pour une raison et de trouver un sens à ma vie. J'ai besoin d'avoir envie de me lever le matin, d'avoir envie de vivre.

Je vis son visage se décomposer petit à petit, l'amour en lui se battant avec sa raison. Je sentis son visage s'enfouir dans mon cou et ses bras me serrer contre lui. Pourtant je ne ressentis rien, juste le vide. Je croisa le regard de Minho, dont les yeux éteint me regardait sans vraiment me voir. Newt tomba à genoux contre moi, sans me lâcher une seule seconde. Je l'aime, et pourtant cet amour n'est pas suffisant. Je l'aime de tout mon être, et pourtant je n'en peux quand même plus. Je l'aime, et pourtant je sens qu'il me perd, et il le sent aussi. 

Je m'agenouilla à côté de lui et pris son visage entre mes mains. 

-Je t'aimerai toujours, tu le sais ça ? Murmurais-je juste assez fort pour que seul lui puisse l'entendre, les larmes coulant abondamment sur mon visage.

Il releva la tête et plongea sons regard dans le miens. 

-Comment est-ce que je suis censé trouver la force de te laisser partir ? Comment est-ce que je suis censé trouver assez de courage ? Je suis faible Larra, trop faible et trop égoïste pour pouvoir accepter cette vie sans toi.

Qu'est-ce que je dois lui répondre ? Que même si il est tout mon monde ça ne suffit juste plus ? Que moi aussi, je suis trop faible et trop égoïste ? On communiqua silencieusement, en se regardant. 

-J'aimerai tellement trouver assez d'espoir pour nous deux, je suis en train de perdre la seule chose qui me fait sourire et je ne peux même pas me battre, murmura-t-il. 

À cette phrase, je sentis quelque chose se briser en moi. Suis-je donc réellement assez égoïste pour ne penser qu'à moi et l'oublier lui ? La douleur que je ressens est telle que je ne m'entend même plus penser. Suis-je prête à le perdre lui ? Tout ce mélange, Léo, Alby, le Labyrinthe. Qui sont-ils pour me juger ? Je ne peux me résoudre à affronter son regard une seconde de plus, ce regard que je vais briser en mille morceaux. Je suis tiraillée entre mon égoïsme et mon amour pour lui. Parce que je vais le briser, j'en suis certaine. Pourtant je n'ai qu'une idée en tête, me sauver. Faut-il mieux laisser la douleur et la folie me consumer ou alors être maître du peu de destin qu'il me reste ? 

-Je sens... à chaque instant... la folie m'emporter un peu plus, Newt. Comment t'exposer ma souffrance si je ne peux même pas mettre de mot dessus ? 

Il resta sans voix un instant. Est-ce qu'il a comprit que je ne peux plus lutter ?

-Je ne peux que te demander d'essayer encore un petit peu plus, d'essayer de te raccrocher à la vie pour enfin survivre. Si tu pars Larra, je ne m'en remettrai pas. 

Un dernier effort ? Un ultime ? Pour lui ? Pour moi ? Pour nous ? 

J'hocha lentement, très lentement, la tête. Il me prit instantanément dans ses bras et me colla contre son torse. 

-Je t'aime tellement putain. 

"Moi aussi Newt" aimerais-je lui répondre, mais dans l'instant ma gorge est si sérer que je peux à peine respirer. 

-Est-ce que ça va Larra ? Demanda faiblement Minho, qui avançait vers nous avec hésitation. 

-Oui, oui ça va mieux, dis-je en essuyant mes larmes. J'ai eu un petit coup de mou disons. 

Je vis bien qu'il ne cru pas à mon mensonge.

-Est-ce que tu veux tenter quand même ? Le Labyrinthe Larra ? C'est libérateur, je te le promet, ça l'a été pour moi et ça l'est pour tous les coureurs. 

-Pourquoi courir si il n'y a pas de sortie ? 

-Pour l'espoir. 

Sa réponse est droite et franche, la simple et pure vérité. 

-Allons-y alors, c'est tout ce qu'il me reste.  

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