CHAPITRE 35 - Réalité

Est-ce que c'est l'amour qui aura raison de moi, ou cet endroit ? Est-ce que c'est l'amour qui me sauvera ou est-ce qu'il est tout simplement déjà trop tard ? 

On est resté longtemps silencieux en se regardant, en essayant de se comprendre l'un l'autre. Je crois qu'il commence à voir ma détresse et à l'assimiler. Je me suis ouverte à lui, complètement. Je lui ai ouvert mon esprit, mon cœur et mon âme, en espérant qu'il y voit ce que j'avais à présent besoin qu'il voit, et en espérant qu'il en fasse de même, pour que je puisse moi aussi lire en lui. Il ne le fit pas. Il n'a pas le même besoin dramatique que moi d'être aidé et soutenu, je le sais. Alors on s'est observé, on s'est compris et il m'a dit qu'il essayerait. Je n'ai pas répondu, ne voulant pas savoir si il essayerait de me laisser aller dans le labyrinthe, si il essayerait de passer au dessus de Gally ou si il essayerait simplement de me sauver. 

On est peut-être resté une heure, ou peut-être deux, dans les bras l'un de l'autre, puis je cru l'entendre dire qu'il fallait qu'il aille dans le Labyrinthe, je cru le voir se lever et embrasser mon front, puis je cru le voir partir. 

Je sais seulement que je sentis de nouveau ce vide, qui n'étais jamais vraiment partie, s'installer en moi. Ce vide et cette oppression, qui comme toujours ne me lâcha pas et obscurcie la moindre trace de bonheur encore présent en moi. Je secoua doucement la tête, essayant de faire partir cette montée d'angoisse. 

Qu'est-ce que je suis censée faire maintenant ? Aller au sarclage ? Ou est-ce que je vais entrer dans le Labyrinthe là, maintenant ?

-Ça va pas trop stressé ?

Je me retourna d'une coup, surprise par cette arrivée soudaine. Je vis Minho, adossé à un arbre qui me regarda avec un air qui, au premier abord, semblait nonchalant, mais à bien y regarder, on y voyait de la peur, très bien caché, mais belle et bien de la peur dans ses yeux. Je suivi son regard qui était posé sur mes mains, remplit de mèches de cheveux.

-Tu continues à les arracher ?

-Je ne m'en rend pas vraiment compte, marmonnais-je en fuyant son regard.

Je l'entendis soupirer et s'approcher doucement de moi.

-Ça ira mieux, tu verras.

Quand ? C'est la question qui me vient immédiatement, comme une évidence. Quand est-ce que ça se terminera enfin ? Quand est-ce que je serai enfin libre ? Si il comprend ma douleur, pourquoi est-ce que, lui, elle ne le détruit pas ?

-Ça m'a aidé, ça t'aidera toi aussi.

-Je l'espère, vraiment Minho, je l'espère.

Quand je me tourna vers lui, je vis dans ses yeux, ce qu'il n'osait dire. Je vis aux larmes qui lui montèrent aux yeux quand il vit mon visage hanté par la souffrance, qu'il me comprenait au plus profond de lui.

Il se leva et pris ma main pour m'aider à me lever. Je vis son regard s'attarder sur mes bras, et je sais qu'il y vit les kilos qui leur manquaient.

-J'ai discuté avec Alby, dit-il alors qu'on se dirigeait ensemble vers le Bloc, si tu te sens prête on commencera demain.

J'hocha doucement la tête. Un jour ? Le Labyrinthe ? Mon échappatoire ? Soit.

-Quand on est dans le Labyrinthe, il y a une chose à ne surtout pas oublier, annonça-t-il en scrutant mon regard. Larra, tu m'écoutes ? Je suis sérieux, c'est extrêmement important.

-Je t'écoute Minho, répondis-je doucement, mais je vis du coin de l'œil qu'il ne semblait pas convaincu.

-Bon, on va te donner une montre Larra, il faut absolument que tu sois rentrer au Bloc pour 18h00. Si tu es à l'intérieur, Larra...

-Je sais, je serai bloquée et je mourrai, coupais-je sans émotion.

Je le vis frissonner à cette annonce.

-Et ça tuera Newt, dit-il à son tour implacable.

Je ne répondis pas et le foudroya du regard pour avoir osé émettre cette idée. Newt est plus fort que ça.

Quand on arriva au Bloc, la vue de ces quatre murs ne firent prendre une grande inspiration, espérant chasser cette impression que les murs se refermaient autour de moi, comme toujours. 

Je sais que Minho me déposa au sarclage, parla doucement avec Zart, puis partit dans le Labyrinthe. Comme d'habitude, comme cette horrible et insupportable routine nous l'imposait. Je sais que je suis allée dans les champs et je sais que j'ai dû aider comme je le pouvais, en sûrement dérangeant plus qu'autre chose, mais ils étaient tous trop polie pour me dire quoi que se soit. Parce qu'il y avait aussi cette impression d'inutilité, d'incapacité et d'impuissance qui flottait autour de moi, comme pour me rappeler constamment que j'étais une femme dans un monde d'homme. Que j'étais une femme qui serait toujours incapable et inférieur à eux. Et je trouvais ça insupportable. Quand ils me regardent, il ne me voit pas comme leur égale, mais pour la plupart comme un bout de viande ou comme une intru, et ça Minho ne l'a pas vécu, j'en suis certaine. 

Alors je passa la journée, comme les autres auparavant et comme toutes les autres qui arriveront. Est-ce que ce qui me manque c'est du courage ? Le courage de m'affronter moi-même et mes peurs ? Ou le courage de simplement avancer ? J'ai un besoin insatiable d'avoir des projets, un avenir ou simplement une vie et une réalité. Je pense que cette réalité est subjective et que je vis entre deux monde, comme si ma conscience et le Bloc se battait pour savoir qui arriverait à me garder à la surface. Car je coule, je coule inlassablement et je sais que je me rapproche du fond. 

Le soir, je n'eu même pas le cœur d'affronter tous ces regards lors du diner. Tous ces regards qui ne feront que se demander si j'ai les tripes pour le Labyrinthe. Mais après tout est-ce que je peux vraiment leur en vouloir ? Même moi je me pose la question. 

-Tu es sûr de vouloir y aller ?

Je me tourna pour voir Gally qui me regardait intensément. 

-Oui, répondis-je simplement, ignorant si je lui mentais ou non, mais sachant très bien qu'on parlait tous les deux de la même chose. Pourquoi est-ce que Newt t'a hoché la tête quand vous êtes sortie du conseil ? 

-Parce que j'ai voté pour que tu n'y ailles pas, évidement. 

Sa réponse m'étonna profondément. Même si j'aurais dû m'y attendre, il me l'a dit après tout. 

-Ça fait du bien de te voir ressentir quelque chose, même de l'étonnement. 

-À ce point ? 

-Oui, répondit-il aussi simplement que moi.

On se tut quelque minute, sans être bien sûr de ce qu'on devait se dire. 

-J'ai pas besoin que tu me dises que je fais souffrir des gens Gally, je le sais déjà.

-Si tu crois que ça m'importe, tu me connais bien mal. 

-C'est vrai ça, toi de l'empathie ? 

Il rigola doucement. Et son rire me fis du bien, étonnement. 

-Aujourd'hui un de mes bâtisseurs c'est blessé au genou, il montait à l'échelle pour consolider un toit et il est tombé, on l'a tout de suite amené voir Clint mais il risque d'avoir mal pendant encore un bon moment. Ensuite on est allé manger tous ensemble, tu verrais Max, c'est vraiment une tête de plonks, mais qu'est-ce qu'il est drôle ! C'était plutôt sympa. Oh, et puis un petit jeune à lancer de l'eau sur Max, du coup il lui en a renvoyé dans la figure, mais le gars à sa droite en a reçu sur l'épaule, donc il a riposté aussi, et ça a fini en vrai baston. On a fini par se faire exclure par Fry, il avait pas l'air très content, pourtant j'aurais juré l'avoir vu lancer de l'eau dans le dos de Max ! Franchement qu'est-ce qu'il est rabat joie parf...

-Pourquoi est-ce que tu me racontes tout ça ? Le coupais-je.

-Pour te changer les idées, pour te raconter une vie, peut-être pas heureuse je te l'accord, même si est-ce qu'on peut réellement être heureux dans le Labyrinthe ? Mais une journée pleine de vie et d'humeur. 

-J'ai pas besoin que tu me racontes ça. 

Il se tut un instant et me regarda en silence. 

-Et tu sais ce qu'on a fait ensuite ? Reprit-il. L'après-midi on est allé voir Zart parce qu'il avait besoin de rafistoler certains de ses tuteurs, et tu sais ce qu'on y a vu ? Une fille éteinte, qui creusait la terre et qui y mettait des graines sans même faire attention à ce qu'elle faisait. Une fille qui semblait dans un autre monde et complétement déconnecté de la réalité. Je suis sûr qu'elle ne se souvient même pas nous avoir vu, pas vrai ? 

Je me sentis rougir et je baissa le regard. Je passa machinalement ma main dans mes cheveux mais il me prit le poignet. 

-Arrête de faire ça. 

Je sais de quoi il parle. Mes ongles ne sont plus que de petits morceaux, mes cheveux partent en miettes et je sais que je ne suis plus que l'ombre de moi-même. Soudain, cette image de moi me frappa et je vis ce que tout le monde voient depuis des mois : je suis misérable, misérable et sans vie. 

-On s'est haït mais on s'aime bien en réalité, non ? Dis-je doucement. 

Il fit la grimace et je sut à quoi il pensait.

-Tu ne m'aimes pas Gally, ou du moins pas de la manière dont tu penses m'aimer, tu m'aimes comme une amie, une de tes seuls amis et je sais que tu ne veux pas me perdre. Ne fais pas cette tête, dis-je en voyant sont visage se crisper. Tu crois que j'ai beaucoup d'amis moi ? Je t'ai toi et Minho. Tu penses que je suis mieux que toi ? Tu penses que je vaux mieux que toi ? J'ai autant de défauts et j'ai fait autant de mal que toi, parfois on a même fait le mal ensemble.  Et je pense qu'inconsciemment c'est ça qui nous a rapproché. On est pareil en fin de compte, non ? 

-Peut-être, dit-il après un moment d'hésitation. Mais tu ne peux pas savoir ce que je ressens. 

-Mais on a apprit à se connaître avec le temps, tu ne crois pas ? Est-ce que ce n'est pas ce besoin affectif que tu ressens qui t'a juste porté vers moi parce que j'étais là et que je suis la seule fille du Bloc ? Je veux dire... On se ressemble trop pour aller ensemble. 

Il sembla réfléchir, je sais que ce que je viens de lui dire tourne dans sa tête, mais maintenant que je l'ai dis à voix haute, ça me paraît comme une évidence. 

-Tu sais que j'ai raison, ou du moins que ce n'est pas stupide, pas vrai ?

-Je... j'ai besoin d'y réfléchir, mais oui je suppose que c'est possible. 

Il se tut et fit quelques pas pour s'éloigner, puis revient vers moi. 

-Larra, je voulais te dire qu'il t'aime. Il t'aime bien plus que moi. Et... c'est lui qui te correspond, mais tu le sais ça, non ? 

J'hocha simplement la tête. Oui, je le sais, et ça aussi c'est comme une évidence maintenant. Et je sais aussi que mon amour pour lui ne pourra jamais me détruire, mais au contraire me rendre plus forte, parce qu'il est ce qu'il y a de plus fort en moi. Cette partie de moi me parait indestructible, et quand je repense à toutes ces soirées passé dans les bras l'un de l'autre, je sais que j'ai raison, qu'il est ce que je désire le plus, qu'il est ma seule source de lumière dans tous ces ténèbres. 

Comme si j'avais penser à voix haute, je le vis arriver aux dortoirs. Je me rendis compte que Gally était partit, j'espère qu'il réfléchira à ce que je lui ai dit. Quand il arriva, il ne me m'adressa pas un mot, il ne me prit pas dans ses bras et il ne m'embrassa pas. Il s'agenouilla à mes pieds et pris mes mains dans les siennes. Il était là, à mes pieds, comme si il priait. Il me montrait et m'offrait même sa vulnérabilité, comme un cadeau.

-Newt, qu'est-ce que... 

-Je t'aime Larra. Je t'aime comme un fou et je ne peux pas laisser notre histoire se terminer. Je ne peux pas te laisser t'éloigner de moi, je t'aime trop pour ça. 

Quand il releva la tête, je vis des larmes couler sur son visage. je le fis se relever et je le pris dans mes bras, puis je m'effondra. La douleur m'envahi comme si on avait appuyé sur le bouton "on", et je me mis à pleurer contre lui, tombant littéralement dans ses bras. Il me porta et pleura avec moi. On pleura ensemble contre cette vie, contre le Labyrinthe, contre les gens qui nous avaient enfermés là et contre l'injustice que ce soit nous. Et ça me fit un bien fout, exprimer de nouveau des émotions, comme quoi Gally avait raison, il me fallait un déclencheur, et qui d'autre que Newt ? Il prit mon visage et m'embrassa comme si on allait jamais se revoir. Je sentis le sel de nos larmes contre mes lèvres et ses pleures se mélangèrent aux miens. On se laissa tomber dans un hamac, sans même se soucier de si quelqu'un nous observait. Je le sentis au dessus de moi, la chaleur de son corps réchauffant le miens. Nos mains se mélangeant, ne sachant plus vraiment qui touchait qui, qui serrait l'un contre l'autre ou lequel de nous deux avança ses hanches inlassablement. Surement nous deux, en fait. On s'arrêta un instant, nos têtes l'une contre l'autre, essayant désespérément de reprendre notre souffle. Est-ce qu'on va vraiment faire ça maintenant ? Là où tout le monde pourrait nous voir ? Dans cet endroit où l'intimité n'est pas permis ? Mais surtout maintenant ? Alors qu'on est tous les deux pousser par l'expression de notre souffrance ?

Il ferma les yeux et je sais qu'il pensait à la même chose que moi. Alors il se décolla de moi, et je cru presque entendre la moindre parcelle de mon corps le supplier de rester. Il s'assit sur le côté de mon hamac et m'observa, alors que j'étais couchée, en train de moi aussi regardé ses beaux cheveux blonds volter doucement autour de son visage. 

Il fouilla dans sa poche et en sortit ce qui ressemblait à un pendentif attaché à une fine corde. Il me le tendit sans un mot et je me redressa pour le prendre. C'était en fait un arbre, sculpté grossièrement dans du bois, avec un énorme tronc et des feuille particulièrement denses. 

Je leva la tête pour l'interroger du regard. 

-C'est un symbole de vie, Larra. 

Je sentis instantanément les larmes me monter aux yeux. Je le pris dans mes bras et il me l'accrocha autour du cou, j'étais incapable de prononcer un mot pour le remercier tellement l'émotion menaçait de m'envahir. Il sembla le comprendre et essuya une larme qui coulait sur ma joue. 

-Dors maintenant Larra, tu as une grosse journée demain. 

Je me laissa tomber sans protester sachant très bien que je n'aurais de toute façon pas eu la force de lutter. Il me borda doucement, passant sa main dans mon dos jusqu'à ce que je ferme les yeux. Et avant de partir, je le sentis poser ses lèvres sur mon front, en murmurant "je t'aime". 


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