Retrouvailles

La voix d'Altéria se mêlait à celles de tous les autres attroupés autour de la table pour encourager les participants au concours qui avait lieu au milieu de la taverne. Face à face, se tenaient les deux finalistes qui avaient passé la soirée à vaincre leurs adversaires les uns après les autres sans la moindre pitié. D'un côté, dominant d'une tête la plupart des participants tout en restant assis se trouvait le champion local, tenant visiblement incontesté du titre dans la taverne. L'homme était, de ce qu'en avait compris la jeune femme, un ouvrier des tanneries qui se trouvaient non loin des quais, au bord du lac. Taillé comme un roc, l'odeur qu'il dégageait aurait suffit à mettre à terre plus d'un soldat aguerri, sans parler de ses bras au diamètre de troncs d'arbres. Son visage affiché un sourire satisfait en jaugeant d'un regard clairement aviné celle qui se dressait en travers de sa nouvelle victoire. Adossée nonchalamment sur le dossier de sa chaise, encourageant les réactions de la foule amassés autour d'eux, Saosa savourait chaque seconde avant son grand combat.

Dès son retour dans leurs appartements, Altéria était venu présenter ses excuses à son camarade, toujours occupée à nourrir tant bien que mal son maigre protégé. Cette dernière avait balayé le discours qu'avait muri la niméenne durant tout son chemin de retour.

- Ce n'est pas parce que nous devons trouver le moyen de vivre ensemble que nous devons toujours être d'accord, avait-elle déclaré d'un ton badin, Rymian et moi avons bien réussi à survivre jusqu'ici. Et crois-moi quand je te dis que notre échange est bien en deçà de ce que j'appelle une vraie dispute.

La thénéite s'était ensuite empressée de déposer le chaton tout juste repu dans la petite boîte en bois qui lui servait à l'heure actuelle de couchage avant de rassembler ses affaires et d'enfiler sa cape de pluie et de commencer à battre le rappel pour leur départ vers la ville.

Altéria admirait Saosa pour de nombreuses raisons. L'Enartienne aux cheveux de jais était une guerrière formidable et possédait une maîtrise de ses dons qui laissait encore son amie envieuse mais n'en restait pas moins quelqu'un d'une grande humanité. Elle parvenait par exemple à voir dans la princesse Eliryn un potentiel et une sensibilité qui échappait toujours à sa camarade et cela ne faisait qu'augmenter le respect qu'Altéria lui portait. Son tempérament était fougueux et d'aucuns auraient même pu dire qu'elle ne savait pas maîtriser ses émotions, mais la jeune guerrière ne portait pas le même jugement sur son caractère. Elle retirait de la fierté de sa capacité à ainsi exprimer sans entrave ses sentiments, sûre de sa capacité à assumer les conséquences de celles-ci. Cette même capacité l'amenait à pardonner facilement les débordements des autres, car elle considérait que c'était la manière la plus simple et la plus saine de résoudre des divergences d'opinion. Et ce soir, c'était sans aucune retenue que Saosa exprimait toute l'assurance qu'elle éprouvait face au mastodonte qui se dressait, confiant, face à elle, tandis que sa camarade tâchait de se fondre dans la foule hystérique autour d'eux.

- Messieurs ! brailla au dessus des cris des spectateurs la voix de l'homme qui s'était improvisé organisateur, commentateur et arbitre du tournoi, c'est maintenant l'heure de notre grande finale ! Notre inarrêtable aspirante au titre parviendra-t-elle à détrôner l'indétrônable ? A bouger l'inamovible ? Après avoir vaincu tous leurs adversaires les voici enfin face à face ! Est-ce que vous êtes prêts !

- Vas-y Saosa ! cria une voix transcendée qu'Altéria eut peine à reconnaître.

C'était pourtant bien Dyros, dont le visage d'ordinaire si doux était transformé par un masque de fanatique aux joues empourprées par l'alcool. Le jeune homme se tenait à côté de sa compagne novice pour encourager leur camarade dans son combat. Derrière, dans un coin plus calme de la taverne, Rymian, Rev et Zao'wi étaient en pleine discussion autour d'une table où siégeaient les restes d'un repas.

Il s'agissait de la première fois que tous les six se retrouvaient depuis qu'Altéria et les jumeaux avaient dû quitter prématurément Agathil. Les autres novices étaient restés à la cité pendant un mois supplémentaire avant de découvrir les membres de la division du saphir qui leur avaient été attribués comme nahoris. Zao'wi et ses compagnons avaient ainsi été placés sous la protection de Gunto, un homme d'âge mûr qui avait entraîné de nombreuses générations de novices avant eux. Là où beaucoup des autres novices avaient été ensuite assignés à des postes sédentaires au service des nombreux gouverneurs du territoire impérial, eux avaient été missionnés pour la protection de la caravane des marchands qui faisaient régulièrement escale par Agathil. L'activité n'était pas réellement périlleuse, comme le leur avait expliqué Dyros, car la caravane était si importante en nombre que sa taille elle-même dissuadait toute tentative de brigandage.

Les novices avaient ainsi voyagé de ville en ville ces derniers mois, parcourant un empire qu'ils découvraient réellement pour la première fois tous les trois. Le chemin de la caravane les avait finalement ramenés jusqu'à Xéphios, ville natale de Rev et Dyros. Ce dernier avait par ailleurs insisté si longtemps auprès de leur nahori pour trouver le moyen de faire remonter la nouvelle de leur visite jusqu'au palais que Gunto avait, d'après les dires de Zao'wi, menacé de l'amener directement auprès de l'Impératrice. Le jeune homme s'était par la suite contenté d'attendre leur arrivée jusqu'à la capitale avec une impatience croissante sans jamais mentionner à nouveau la résidence impériale. Impatience qui s'était muée en véritable euphorie à présent qu'il se retrouvait dans ce qui semblait être son milieu naturel au milieu de la foule qui entourait le duel auquel Saosa était confrontée.

- Je n'ai toujours pas compris comment on gagne ce jeu, lui avoua Altéria en criant presque à l'oreille pour couvrir la cohue des spectateurs.

- Allez mais écrase-le ! continua d'encourager Dyros, ignorant complètement la question de sa camarade.

La jeune femme, qui commençait à se lasser du brouhaha généré par le combat épique qui semblait avoir lieu sans qu'elle en comprenne les règles malgré une soirée entière à observer la même épreuve de force à répétition, décida de tenter de traverser la masse des spectateurs pour rejoindre ses compagnons. Après une longue minute nécessaire pour s'extraire de la foule, hésitant même à abandonner là la choppe qu'elle tenait en main et qui semblait vouloir s'évertuer à rester bloquer entre deux personnes, elle parvint à s'asseoir à la table où Zao'wi et Rymian étaient en grande discussion.

- Je n'arrive toujours pas à croire que la princesse passe sa journée recluse dans le palais, expliquait l'Enartienne à la peau d'ébène d'un air attristé.

- Ce n'était pas comme ça chez toi ? demanda Rymian avec sérieux.

- Non absolument pas. Chez nous la famille royale vit... enfin... vivait...

Zao'wi laissa sa phrase en suspend tandis que ses compagnons la dévisageaient d'un air gêné. Depuis son arrivée à Agathil, la jeune femme était restée très discrète sur son histoire avant l'Appel, et pour cause. Si elle s'était présentée à l'Appel à Neönwen, leur camarade n'y vivait que depuis une dizaine d'années. Sa terre natale était bien plus au sud, dans le désert de Saktanib, au-delà des frontières d'Orlegon. Là s'étendaient les terres du royaume de Keltanet, le pays désertique où Zao'wi avait vu le jour et dont la guerre civile qui avait éclaté une décennie auparavant l'avait chassée. Ainsi la jeune femme ne parlait que très peu de cette vie disparue et de ceux qu'elle avait perdu avec et ses compagnons avaient toujours évité le sujet avec précaution.

- Ce n'était pas comme ici en tout cas, finit par conclure Rymian pour ne pas prolonger le malaise de sa camarade.

- Non, confirma Zao'wi avec un faux sourire qui ne parvenait pas à cacher la nostalgie qui avait envahi son regard, pas du tout comme ça.

- En tout cas le résultat ne pouvait pas être pire que ce à quoi nous sommes assistons tous les jours, renchérit Altéria en s'affalant presque sur la table, cette princesse est une véritable épreuve à supporter.

- Si j'étais condamné à jouer à la poupée et à régner sur une cour d'enfants de dix ans je pense que je le serai moi aussi, argumenta Rev qui suivait pensivement les anneaux du bois de la table avec la pointe de son couteau.

- Tu es déjà une épreuve à supporter au quotidien ! intervint Dyros qui venait de les rejoindre.

Derrière lui s'élevèrent de fortes exclamations qui acclamaient celui ou celle qui venait de remporter le duel au sommet qui se déroulait de l'autre côté de la taverne.

- Qui a gagné ? demanda Zao'wi avec curiosité.

- Ma sœur.

- Comment ?

Le thénéite tapota distraitement sa tempe d'un doigt en soupirant d'un air las.

- Je vous assure que j'échangerai une vie entière au service de la princesse impériale contre une seule journée sans avoir Saosa là-haut en permanence.

- Camexen ne vous a pas appris à protéger vos esprits du Varsat ? s'étonna Rev avec circonspection.

- Essaie de tracer la limite entre ton esprit et celui avec lequel il est en contact perpétuellement depuis ta naissance.

- Peut-être n'êtes vous qu'un seul esprit dans deux corps ? proposa Zao'wi, comme Enartia.

- De quoi parles-tu ? demanda Altéria à sa camarade.

Zao'wi parut réfléchir un instant et son regard se perdit dans le vague pendant quelques secondes.

- Chez moi, on disait qu'Enartia était trop puissante pour se manifester sous une seule forme à la fois. Alors quand elle prend forme, elle le fait dans plusieurs corps qui ne sont chacun qu'une partie d'elle-même. Je ne sais pas si c'est très clair... c'est difficile à expliquer.

- Le fait que ce type ait pu être champion aussi longtemps ? clama Saosa en rejoignant ses compagnons, je confirme que c'est difficile à expliquer vu la raclée que je viens de lui mettre.

- Imagine ça à chaque seconde d'éveil, glissa Rymian à Rev, à chaque... instant... de ta vie.

- J'ai entendu !

- Je sais !

Altéria laissa échapper un petit rire en voyant le spectacle maintenant habituel des jumeaux se chamaillant. Malgré leurs perpétuelles joutes verbales, la jeune femme savait que Saosa et Rymian ne pouvaient pas vivre longtemps l'un sans l'autre. La première utilisait son frère comme point de repère systématique pour chacune de ses actions, que ce soit pour s'associer ou se confronter à lui. L'autre n'agissait jamais que dans le but de protéger sa sœur, qu'elle soit d'accord ou non avec la protection dont elle avait besoin. A force de vivre au milieu de cette dynamique à l'équilibre en permanente remise en question, Altéria avait appris à discerner les véritables disputes nécessitant son intervention. Le reste du temps, elle se contentait de rester un observateur amusé de cette fratrie atypique.

Autour d'eux la taverne se vidait petit à petit à mesure que la soirée avançait. Les spectateurs du tournois improvisé rejoignaient la sortie le plus souvent en titubant, souvent par petits groupes, lançant des adieux tonitruants à Saosa qui remerciait ses nouveaux admirateurs en mimant le complexe salut qui était d'ordinaire réservé à l'impératrice. Le départ progressif des clients ramena une ambiance plus calme dans la taverne où ne restaient plus que quelques groupes, trop avinés pour certains pour encore être capable de causer du tapage, trop fatigués pour les autres pour vouloir élever la voix. Les Enartiens de leur côté, avisèrent la cheminée devant laquelle plusieurs sièges avaient été rapprochés avant d'être abandonnés par leurs occupants. Alors que le jeune garçon qui circulait entre les tables pour servir les clients leur eut amené le plateau chargé d'une nouvelle tournée de vin épicé, Saosa attrapa une des choppes avant de se caler aussi confortablement que possible dans le dossier de son siège.

- Certains m'ont vanté tes talents de musiciens, Dyros ! déclara-t-elle en se tournant vers l'intéressé.

- Rien qui puisse rivaliser avec ce que vous avez dû entendre au palais, je le crains.

- C'est faux ! intervint Zao'wi en se redressant sur sa chaise, je n'ai jamais rien entendu qui ressemble à ta musique. Ni parmi les bardes d'Orlegon ni parmi les musiciens de mon peuple.

- Zo, vraiment tu me flattes mais ce n'est vraiment rien d'extraordinaire.

- Arrête là tes fausses modesties, trancha Rev avec froideur, ce genre de comportement fonctionne peut-être pour les filles avec lesquelles tu avais l'habitude de passer tes nuits mais cela ne t'apportera rien avec nous.

Le ton du jeune homme jeta un froid entre les novices et tous le dévisagèrent en silence pendant que Rev se contentait de scruter le contenu de son verre.

- Et c'est vrai, moi non plus je n'ai jamais entendu quelqu'un jouer comme toi, finit-il par lâcher d'un ton presque timide, comme s'il n'était pas habitué à faire ce genre de compliments.

Le sourire qui s'épanouit sur le visage de Dyros aurait suffit à éclairer la pièce si le feu était venu à mourir sous leurs yeux. Sans perdre une seconde, il ouvrit la besace qu'il transportait et en sortit une lyre qui devait à elle seule prendre tout l'espace disponible dans le sac qui la transportait. Le grand jeune homme tira sa chaise près du feu pour s'installer et la lumière des flammes dans sa chevelure blonde donnait l'impression que sa tête était couronnée d'or. Après quelques secondes où Altéria le crut sur le point de s'endormir, les yeux fermés, ses lèvres articulant en silence des paroles qui n'était adressées qu'à lui, ses doigts vinrent pincer l'une des cordes et la magie opéra.

La musique n'était pas inconnue à la jeune femme, il n'y avait pas un événement sur Niméo, triste ou gai, qui ne soit accompagné de musique et de chants. Mais jamais, ni sur son île, ni au palais, ni même dans les rêves les plus étranges qu'il lui ait été donné de faire, n'avait-elle entendu quoi que ce soit qui ressemble à la mélodie qui s'échappait des doigts de Dyros. Le son n'était pas celui d'une lyre, ce n'était celui d'aucun instrument qu'Altéria connaisse. Il lui semblait même parfois entendre les notes se dédoubler, comme jouées par deux instruments aux timbres différents. Certaines semblaient éphémères, disparaissant à la vitesse d'une étoile filante dans le ciel d'été, tandis que d'autre paraissaient rester suspendues dans l'air, comme prisonnières d'un invisible filet. Pour la première fois de sa vie, Altéria eut l'impression que la musique prenait vie autour d'elle, qu'elle existait partout et nulle part en même temps, qu'elle l'entourait, issue de l'univers lui-même et non de cet homme aux cheveux d'or tirant sur les fils d'un morceau de bois. La jeune femme ne pensait pas être capable d'être un jour plus émerveillée par un son. Elle le pensa jusqu'à ce que Dyros se mette à chanter.

Le temps parut s'arrêter autour d'eux quand une voix claire et cristalline s'éleva de la poitrine de leur camarade, une voix de femme ou d'enfant. Altéria n'en comprenait pas le langage, elle ne savait même pas si des mots étaient vraiment attachés à la mélodie, seul le chant de Dyros la guidait désormais, comme si elle-même n'avait plus de volonté propre. Son regard se perdit dans le jeu des flammes dans l'âtre, laissant le monde autour d'elle disparaître dans l'obscurité de la taverne. Guidée par la musique, la jeune femme commença à distinguer dans la danse incandescente du foyer des formes de moins en moins abstraites. Elle vit des forêts profondes et des montagnes enneigées, des sources cachées au cœur d'un bosquet et des villes fantastiques dominées de tour perçant les cieux. Elle y vit l'histoire de deux êtres perdus dans une chasse éternelle à laquelle aucun ne pouvait échapper, avant de les voir se détruire, consumés par cette poursuite infinie. Elle vit cela et tellement d'autres histoires que lorsque la musique se tut finalement, Altéria aurait juré avoir vécu plusieurs vies, désormais à jamais oubliées, disparues dans la danse ininterrompue des flammes.

Autour d'elle, ses camarades semblaient s'éveiller du même état duquel la jeune femme émergeait. Saosa essuyait d'un revers d'une main les traces humides qui scintillaient à la lumière des flammes tandis que l'autre tenait fermement celle que son frère avait refermée sur son bras. Zao'wi et Rev, observaient avec un léger amusement les réactions de leurs compagnons. Dyros, enfin, ouvrit les yeux avant de passer une main dans ses cheveux d'un air gêné.

- J'espère que vous n'êtes pas trop déçus, déclara-t-il en laissant échapper un petit rire nerveux.

- Tu chantes comme une femme, répondit Saosa encore abasourdie.

- Parfois, oui, si j'ai le sentiment que la musique le demande.

- Exceptionnel...

- Puis-je voir ta lyre ? demanda Altéria avec curiosité.

Dyros tendit l'instrument à la jeune femme qui l'attrapa avec toutes les précautions du monde. Il ne s'agissait pas d'un objet exceptionnel. Le bois était taillé avec maîtrise mais sans aucun de ces ornements qui décoraient d'ordinaire les instruments de musique. Des marques autour des attaches des cordes montraient qu'elles avaient été changées à de maintes reprises et plusieurs éclats sur la base de la lyre témoignaient des chutes qu'elle avait dû subir. Altéria effleura les cordes du bout des doigts et quelques notes s'échappèrent, claires et mélodieuses mais nues et dépourvues de la magie qui avait animé la pièce un peu plus tôt.

- Comment fais-tu pour qu'elle sonne différemment ? demanda-t-elle en rendant l'objet à son propriétaire.

- Tu veux connaître mon secret ? interrogea ce dernier en retour sur le ton de la confidence.

- Si tu veux bien me le dévoiler.

- J'ai reçu un peu d'aide divine...

Le regard de Dyros avait brillé d'une pointe de malice et un sourire en coin marqua ses lèvres quand il vit le visage d'Altéria se transformer au moment où elle comprit.

- Tu utilises tes dons pour... commença-t-elle avec un air ébahi, pour faire...

- Pour faire de la musique.

- Tu utilises le Clamsat pour changer ta voix ?

- Il est presque impossible de modifier sa voix avec le don de diamant, annonça Rev toujours enfoncé dans son fauteuil, la moitié du visage dissimulée dans l'ombre.

- Il en sait quelque chose, répondit Dyros en imitant exactement la voix de son camarade.

La surprise d'entendre la voix si sérieuse de Rev dans la bouche souriante de Dyros fit se redresser les autres novices comme s'ils avaient vu la déesse elle-même.

- Tu peux imiter les voix d'autres personnes ? s'exclama Saosa en manquant de renverser le contenu du verre qu'elle voulait porter à ses lèvres.

- Du moment que j'ai eu un peu de temps pour les entendre parler, lui expliqua sa propre voix, mais les intonations exactes demandant un peu d'entraînement.

- C'est véritablement impressionnant, déclara Rev qui semblait lui aussi surpris par les capacités que démontraient leur camarade.

- A peine autant que toi et ton Clamsat permanent !

Le silence s'abattit sur le groupe et l'euphorie des minutes précédentes tandis que Rev lançait sur Dyros un regard plus glacial qu'aucun des novices ne l'ai jamais vu arborer. Altéria et les jumeaux n'osèrent pas intervenir et se fut finalement Zao'wi qui prit la parole.

- Rev, qu'est-ce qu'il veut dire ? interrogea-t-elle d'une voix mêlant inquiétude et incompréhension.

- Bonne question, répliqua l'intéressé en se tournant vers son camarade, qu'est-ce que tu veux dire Dyros ?

- Je pensais que nous étions dans ce genre de moment, tenta d'argumenter le troisième en baissant la tête d'un air coupable, où des amis partagent leurs secrets au coin du feu.

- D'ordinaire les amis ne font pas l'étalage des secrets qui ne sont pas les leurs, rétorqua Rev d'une voix acide.

L'espace d'un instant, Rev parut bien plus imposant que son physique frêle ordinaire et Altéria eut un mouvement de recul dans son siège lorsqu'il tourna les talons pour s'élancer vers la porte de la taverne d'un pas furieux. Zao'wi se leva aussitôt et s'élança dans la nuit à sa poursuite. Dyros, lui, resta planté devant la cheminée, sa lyre toujours en main, un mélange de peur et de culpabilité se disputant l'expression de son visage. Lorsqu'ils ne virent pas leurs camarades revenir au bout de plusieurs minutes, les quatre novices restés dans la taverne enfilèrent leurs capes et passèrent la porte pour les rejoindre. La rue était déserte lorsqu'ils furent au dehors et ils craignirent que, de colère, Rev n'ait décidé de rentrer seul jusqu'au caravansérail où étaient hébergés la caravane et les Enartiens qui l'accompagnait. Un bruit dans une ruelle un peu éloignée attira l'attention de Rymian qui entraîna ses compagnons dans l'espoir de rattraper leurs deux camarades échappés. La vision qui les accueillit à la sortie les figea sur place.

Plaqué contre un mur, un homme se débattait pour échapper à l'emprise du bras droit de Rev appuyé contre sa gorge tandis que, plus loin dans la ruelle, Zao'wi était maintenue à genoux au sol, la lame d'un poignard brillant sur l'ébène de la peau de son cou.

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