Chapitre 9

Résumé des chapitres précédents :

Lucien a fait un bon de géant dans la reconstitution du passé de ses oncles. Il a découvert que sa professeure de dessin, Amélie Villeneuve était l'ancienne fiancée de Pierre. Tout le monde sait qu'elle est rentrée au village sauf les deux frères. Il a aussi découvert que l'amoureux de son oncle Stéphane, Théophile, était le frère de la chatelaine de Granville. Les deux garçons se sont quittés fâchés, car Stéphane n'a pas voulu s'enfuir avec Théophile.

Lucien découvre qu'il a pris sa retraite de capitaine à Noirmoutier, comme par hasard la ville où il voulait aller en villégiature. Si ça ce n'est pas le destin ?

Sur le plan personnel, Lucien a été innocenté et il y a de plus en plus de chance qu'il puisse rentrer à Paris pour reprendre ses études. Ce n'est pas ce qui l'a rendu le plus heureux, ce qui le rend fou de bonheur c'est que Gaspard l'a embrassé en secret.

Personnages principaux :

Lucien Millezais De Saint Foulques, 18 ans

Pierre Millezais, 43 ans

Stéphane Millezais, 37 ans

Amélie Villeneuve

Gaspard Granville

Théophile Moreau


***

De retour à la maison, je reste un moment à câliner les chevaux un peu perdu par cette étrange après-midi. Dans le désordre, j'ai embrassé Gaspard, qui ne m'a rien promis et qui n'a pas l'air de savoir quoi faire de son attirance pour moi. Je viens de proposer Rose comme accompagnatrice de la mère de Gaspard, sans l'accord de mes oncles, ni de ma mère, ni de l'intéressée et j'ai retrouvé Théophile.

Je ne vois pas quoi faire, quand soudain l'évidence me saute aux yeux. Amélie pourra m'aider.

─ Où vas-tu ? Tu viens à peine de rentrer et tu reselles déjà un cheval ?

Pierre qui m'a rejoint, me regarde, agacé.

─ J'ai une question à poser à quelqu'un.

─ Mais qu'est-ce que tu as la bougeotte mon garçon !

Sans lui répondre, je suis reparti au galop chez Amélie. Je la découvre qui donne un cours de dessin à une jeune fille en robe élégante. Sans me laisser rentrer, elle se dépêche de sortir, étonnée.

─ Tu vas nous faire avoir des ennuis avec ces visites intempestives. Attention aux rumeurs jeune idiot !

─ Je voulais un conseil.

L'élève sort à son tour et me fait un regard énamouré indécent, qui me laisse de glace.

─ Tu vas pouvoir y aller Jeanne. N'oublie pas ce que je t'ai dit sur la légèreté du coup de crayon. Une demoiselle se doit d'être délicate dans toutes ses actions.

─ Merci mademoiselle Villeneuve, clame la chipie qui s'empresse de partir en faisant une révérence.

Et hop un clin d'œil à mon attention.

Amélie la regarde partir les yeux plissés.

─ Rhhhhaaaa ! Dieu me préserve de l'éducation des jeunes filles qui sont obligés de savoir dessiner.

─ Te voilà devenue Chrétienne ?

─ Si seulement ! Alors qu'avais tu à me dire qui valait le coup de te faire remarquer par Jeanne Sepier, la fille du maréchal-ferrant, accessoirement la reine des commères qui va colporter à tout le village que tu débarques comme un fou chez moi ?

Je lui raconte ma décision soudaine d'envoyer Rose à Paris, sans l'accord de personne.

─ Il te faut lui trouver une remplaçante. Je connais quelques jeunes femmes très sérieuses et je pourrais les éduquer, mais tes oncles ne seront jamais d'accord ? Et je dirais que l'accord de la principale intéressée est la première chose à obtenir, puis de ta maman ?

─ Merci, trouve-moi la plus sérieuse et la plus gentille ! Je vais parler à Rose.

L'intéressée vient à ma rencontre quand j'arrive à la maison. Je la prends par la main et pose mon doigt sur ma bouche pour lui faire signe de silence. Je l'entraine dans le poulailler où les poules viennent aussitôt à notre rencontre pour des caresses.

─ Rose, je peux t'envoyer à Paris en diligence avec la baronne de Granville et si je demandais à ma mère de te loger ? Tu serais en vacances un mois. Tu en penses quoi ?

Elle porte ses mains à sa bouche de surprise.

─ Mais se serais trop beau ! Heuu ...Comment.... Tes oncles ne voudront jamais non ? Et puis je ne suis qu'une bonne ?

─ Je vais écrire à ma mère pour lui expliquer. Je suis sûr que si elle est d'accord, ils le seront aussi. Tu devras rentrer et te méfier des voyous ?

─ Qu'est-ce que vous complotez tous les deux ? demande François.

─ Si on te demande tu répondras comme d'habitude que tu ne sais pas, rétorque Rose.

J'ai écrit une longue lettre à ma mère lui expliquant que je connais une demoiselle qui rêve d'avoir une aventure et je veux lui offrir des vacances. J'en ai écrit quatre pages, sans parler de moi une seule fois. La vie ici me fait du bien finalement. Il me reste à espérer que maman ne croit pas à une nouvelle déviance de ma part. Tout repose sur elle désormais et je vais attendre qu'elle accepte avant d'en parler aux oncles.

Le diner est calme et mes oncles bien silencieux.

─ Les oncles, je comptais aller à Noirmoutier après demain, pour deux ou trois jours.

─ Tu prendras la calèche et François ira avec toi.

Je voudrais protester, mais je vois bien que Pierre ne me laissera pas y aller seul. Il va me falloir supporter cet idiot.

─ J'emmènerai mon matériel pour faire des aquarelles.

─ Je t'envierais presque, sourit Stéphane, je ne vais pas me plaindre les affaires marchent bien, nous avons trop de rendez-vous à l'étude.

Je hoche la tête mutique. Brulant de hurler que je vais rencontrer Théophile.

Deux jours plus tard, me voilà dans la calèche. François a bougonné en la chargeant et pourtant cela l'arrange puisque sa famille est à Noirmoutier et il ira séjourner chez eux. Moi, j'ai l'adresse de deux ou trois hôtels respectables.

Je n'ai pas recontacté Gaspard depuis notre baiser, justement à cause de l'école. Je suis aussi lâche que mes oncles. J'ai bien vu qu'il ne savait que faire de cette attirance, entre un baiser et le reste il y a un fossé, que peu ont envie de franchir et moi je rêve d'un amour absolu et sincère dans tous les sens du terme. S'il ne supporte pas mon corps d'homme aucun intérêt. J'ai songé à lui écrire pour nous expliquer, j'ai réalisé que lui ne m'a pas recontacté, alors j'ai décidé de nous accorder un peu de temps et ce voyage à Noirmoutier tombe à merveille.

Le trajet est atroce, la route cabossée et mal entretenue. Très vite, François et moi avons inversé nos places, lui s'est allongé dans la calèche et moi je suis au poste de cocher. Au moins, je ne l'entends pas grogner et je souffre moins des à-coups.

Nous avons roulé toute la journée et j'ai le dos en compote quand nous arrivons au bord de l'océan. Les vagues, la vaste étendue et l'immense plage, c'est aussi beau que je l'espérais.

La petite ville de Noirmoutier est blottie autour de son port de pêche. Les deux hôtels pour touristes sont sur la jetée face à la plage. L'un s'appelle Le Maitre Espadon et l'autre L'Auberge du Cheval Blanc. J'ai choisi le premier aux lanternes vertes, il a une allure cosy et dans le salon la cheminée flambe bienvenue bien que nous soyons en été. L'aubergiste est un homme pointilleux qui me fait remplir des papiers et se renseignent un moment sur mon pédigrée. Le programme peinture et baignade semble lui convenir.

J'ai demandé le chemin pour aller au phare.

─ Ce n'est guère praticable en calèche.

─ J'irais à pied. Si vous m'indiquez le chemin.

Enfin il s'est exécuté à contrecœur et m'a expliqué comment m'y rendre.

J'ai dormi comme un loir dans la chambre avec la vue sur l'océan. Le calme, les embruns sont magiques et je veux vivre ici moi aussi un jour.

Le lendemain, après avoir dégusté mon petit déjeuner, en admirant les vagues et les volutes de l'eau du plus beau des turquoises, j'ai été prendre un bain de mer. L'eau est glacée et revigorante. J'ai hâte de me mettre à la peinture, cependant la curiosité m'aiguille et je décide de partir à la rencontre de l'amoureux de mon oncle. Il est presque l'heure du déjeuner quand j'arrive en vue d'une petite maison tournée vers l'océan.

Un homme prépare des caisses pour capturer les crabes, il est vêtu d'un pull marin, un pantalon sombre, l'allure est la même que sur les dessins de Stéphane. Il y a une canne appuyée contre les casiers qu'il récupère quand son chien aboie.

Son regard perçant est braqué sur moi et je me remémore tout ce que je sais de lui. Il est capitaine de vaisseau, a mauvais caractère et c'est un héros de guerre.

─ Qui nous avons là ? demande t'il autoritaire.

─ Je me promenais. J'espère que je ne dérange pas ? Je suis ...

─ Je sais parfaitement qui tu es mon garçon ! Permets-moi d'être surpris qu'il t'ait parlé de moi.

─ Vous savez qui je suis ?

─ Tu es son fils ! Son portrait craché. Je voulais qu'il s'enfui avec moi, il n'a pas voulu. Je n'ai plus eu de nouvelles. Tu l'as appris comment ?

Il croit que Stéphane s'est marié et a eu des enfants.

─ Je ne suis pas son fils. Mon oncle Stéphane est célibataire.

─ Cette sale poule mouillée nous a sacrifié.

Soudain, je ne me sens pas le droit d'être là. Il lui en veut toujours et j'ai fait une grosse bêtise en pointant le bout de mon nez.

─ Je vais y aller.

─ Tu retournes chez lui ?

─ Oui j'y habite. Je tente de me justifier et de le justifier par la même occasion. Il tenait un journal intime que j'ai trouvé. Il vous aimait vraiment, je crois, mais heu ...il voulait faire ses études et puis il n'aime pas les bateaux ...et ...et il redoutait l'inconfort.

Je m'enfonce, je le sens et je coule même, entrainant mon oncle avec moi. Le vieux marin ne dit rien.

─ Je te ramène au village, par contre nous devrons marcher doucement.

Il agite sa canne en parlant. Suite à un geste d'accord de ma part nous y allons après qu'il ait sifflé son chien.

C'est vrai qu'il boite beaucoup. Je ralentis le rythme et il finit par m'attraper l'épaule pour s'appuyer sur moi.

─ Vous m'avez reconnu. Vous l'aimez toujours ?

─ Je l'aime toujours et je le déteste. Je l'ai trompé copieusement.

─ Avec des femmes ?

─ Pire avec des hommes, beaucoup d'hommes.

Nous ne disons rien tous les deux.

─ Je vais rester ici quelques jours pour faire de la peinture et des bains de mer. Nous nous reverrons peut-être ?

─ C'est épouvantable comme tu lui ressemble. En tout cas, en te regardant, je comprends pourquoi il m'a plu tout de suite.

Il a été temps pour moi de prendre les bains de mer que je suis censé prendre. J'ai peint des marines, parfois Théophile passe me rejoindre. Il ne me parle pas vraiment de mon oncle, mais me dévore du regard, comme s'il regardait une image.

Je lui ai avoué que je suis comme lui. Moi aussi j'aime les garçons et je lui ai même parlé de mon avenir compromis, des écoles qui veulent faire le ménage des garçons scandaleux.

Pour lui, nous serons toujours condamnés à nous cacher.

Il est amusant et autoritaire lui aussi, m'évoquant Amélie.

Nous avons vraiment sympathisé tous les deux, par contre quand il m'a emmené en mer sur son bateau, j'ai pu confirmer que comme oncle Stéphane, je n'ai pas le pied marin.

─ C'est marrant, moi je revis sur ce rafiot, j'oublie mon handicap et je respire mieux il me semble.

─ Ça secoue trop.

Je lui ai avoué que mon oncle ignore tout de son existence et de ma visite, il a enfoncé sa casquette sur son crâne, c'est penché par-dessus bord. Il me fait peur jusqu'à ce que je réalise qu'il admire son reflet dans l'eau.

─ Comment pourrait-il vouloir me revoir avec cette tête abimé ?

─ Je ...

─ Ne réponds pas nigaud, allons aide moi à lancer le filet tu vas voir on va faire une pêche fabuleuse.

Il s'est mis en équilibre faisant tanguer la trop frêle esquif. Je ne sais pas ce que j'aurais pu lui répondre, je ne suis même pas sur des sentiments de Stéphane et peut être ai-je donné des faux espoirs à cet homme ?

Trois jours plus tard, il a été temps de lui faire mes adieux. Il soupire sans rien dire et je n'ose ajouter un mot de mon côté.

Je me suis senti si triste pour ces deux hommes qui n'ont jamais eu la moindre chance d'être ensemble. Dans la calèche, une larme coule sur ma joue, heureusement à ce moment-là François à demander à ce que nous échangions nos places pour qu'il puisse dormir. Au moins, occupé à guider les chevaux, mes pensées s'éloigneront des deux amants séparés qui ne se sont pas revus depuis presque vingt ans.

J'ai roulé toute la journée sous la chaleur accablante et nous ne nous sommes arrêtés que lorsque François s'est plaint qu'il mourrait de faim. Plus tard, François ronfle atrocement quand je croise un groupe de chouans alors que je franchissais un ruisseau à sec, et parmi eux, il y a Gaspard.

─ Monsieur le cocher, ricane t'il.

Il s'adresse aux autres.

─ Celui-là est un ami.

Il va frapper à la porte de la calèche, réveillant François qui sort, ensommeillé.

─ Un beau fainéant, toi, tu rentreras à pied. Ce n'est pas loin, Sainte-Pazanne doit être à trois lieue guère plus, rigole Gaspard.

─ Mais non ! geint François perdu.

Je veux protester mais il est monté à côté de moi pour prendre les rennes et il salut ses amis avant de partir au galop.

Il guide les chevaux dans les bois, loin de la route.

─ Mes oncles m'attendent, arrête tes bêtises, et il faut retourner chercher François.

─ Nous y sommes presque !

Nous arrivons à un abri, une cabane posée près d'une mare, perdu au milieu de nulle part. Je regarde tout autour de moi émerveillé par l'endroit sauvage.

─ Nous sommes où ?

─ Un repère de chasse, à des amis. Nous voilà seul tous les deux.

Je me demande à quoi il joue.

─ Il va falloir que j'aille chercher François et mes oncles m'attendent ce soir. Ils vont s'inquièter si je ne rentre pas. Tes amis sont des vrais chouans ?

─ Tu leur diras que tu as été obligé de t'arrêter à cause de chouans inconnu ils comprendront. Tu rentreras demain matin.

─ Tu oses fréquenter un républicain ?

─ Je vais faire des efforts et fermer les yeux et serrer les dents.

─ A ce point-là ?

Il passe ses bras autour de ma taille pour me rapprocher de lui.

J'ai glapi de surprise, soudain il m'embrasse. C'est fort intense. Ses lèvres dévorent les miennes. Le problème c'est que j'ai si faim de caresse, je devrais le repousser et au lieu de m'écarter je me serre encore plus fort contre lui.

─ Profitons de l'occasion ?

─ Pour ?

─ Pour aller nager nu dans l'eau qui nous tend les bras. Il me désigne la petite étendue d'eau devant la cabane. Surtout la couche de la maison est agréable.

─ Je suis un homme.

─ J'ai compris et j'ai envie de nager avec toi et de m'étendre dans une couche avec toi alors pourquoi ne pas le faire ?

─ La morale et la loi le réprouve.

─ Nous ne dirons rien de nos petits secrets.

Il retire sa veste et sa chemise dévoilant un torse prometteur, retire son pantalon et le voilà nu devant moi. Un sexe dressé magnifique.

Je souris. Nous avons nagé dans la douceur de l'après-midi, ce n'est pas l'océan, mais être avec lui est tellement plus agréable. Nous jouons dans l'eau et nous caressons dans l'eau insatiable.

J'ai pu le toucher comme j'en rêvais. Il m'a entrainé dans la petite cabane avec son lit sommaire. Les oiseaux chantent alors que le soir décline doucement. Il laisse la porte ouverte car l'intérieur ne sent pas la rose, mais en fait derrière les odeurs de terre et de vin, moi je sens les fleurs et les prairies. Son odeur à lui surtout.

Il m'a surpris à passer à l'acte, je supposais que je lui plaisais mais qu'il n'envisagerait jamais de franchir le pas que sa religion réprouve. Il passe drôlement vite dessus et je ne peux m'empêcher d'être curieux ?

─ Tu as déjà fait des câlins à un garçon ?

─ Je ne l'ai fait qu'avec des donzelles, c'est un secret de polichinelle, j'ai quelques copains qui le font entre eux. J'avais des chevaux males qui forniquaient entre eux et c'était quelque chose. Tu avais beau leur mettre une jument ils restaient entre eux. Je veux te connaitre intimement Lucien Millezais.

─ Je veux bien te montrer quelques trucs révolutionnaires.

Il a souri de toute ses dents alors que je l'ai assis et que je me suis mis à genoux devant lui, rêvant de le gouter. Je suis stupéfait de ma chance de pouvoir faire l'amour avec ce garçon qui me plait tant. Je ne pense pas qu'il sera prêt à autre chose mais nos mains jointes, moi qui le suce, c'est déjà inespéré. Il m'attire à lui pour que nous nous allongions ensemble.

Il sourit, fier de lui. Je le caresse admirant son corps magnifique, lui laisse ses mains errer sur moi.

─ Je suis un partisan de la fornication.

J'éclate de rire.

─ Qui ne le serait pas ?

Je n'oublie pas vraiment que nous sommes à la merci de quelqu'un qui nous espionnerait et nous dénoncerait.

Tout est un peu trop compliqué en ce moment.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top