Chapitre 7

Résumé des chapitres précédents :

Lucien a décidé d'aller à Port Saint Père pour en apprendre plus sur Amélie, celle qui a été la fiancée de son oncle. Il ne l'a pas trouvé, la maison a été reprise par un cousin et les domestiques ne savent pas ce qu'elle est devenue après s'être enfuit en Afrique.

Sur le retour, il a rencontré un groupe de Chouans, avec parmi eux, un jeune noble Gaspard. Le garçon lui a plu immédiatement, mais il n'avouera rien, sa situation est trop difficile, pourtant il a eu l'impression que le coup de foudre était réciproque.

Quand il rentre chez lui après l'orage, c'est pour apprendre que sa chère Mimi est malade. Toute la maisonnée est inquiète.

Personnages principaux :

Lucien Millezais De Saint Foulques, 18 ans

Pierre Millezais, 43 ans

Stéphane Millezais, 37 ans

Personnages secondaires :

Emilienne, mimi la cuisinière, 55 ans

Rose, la bonne, 18 ans

François, l'homme à tout faire et cocher, 26 ans.

Les deux clercs de notaires : Simon 32 ans et François-Alexandre 34 ans.

Marie de Saint Foulques : Sa maman veuve, 46 ans restée à Paris

Paul de Saint Foulques, 34 ans, son demi-frère, banquier et héritier du titre et de l'immeuble à Paris.

Eclair et Hercule les chevaux alezans, Gentiane la jument, les cheveux de traits, les vaches, chèvres, poules lapins et cochons.

Tabor et Dargan : les chiens

Amélie Villeneuve, professeur de dessin, 40 ans

***

Lucien

J'ai espéré secrètement, quelques jours, que Gaspard vienne me rendre visite. Après tout, il sait où j'habite et il n'est pas venu !

C'est la même chose pour moi, je sais où le trouver, sans oser me présenter chez lui.

Quelques jours plus tard, Mimi s'est relevée, déterminée à travailler. Mes oncles la disputent pour qu'elle ne se fatigue pas et ils ont embauché Rose comme bonne et cuisinière ce qui est une belle promotion pour la petite paysanne.

Mimi ne veut pas rester à leur charge sans rien faire, elle est têtue dans son genre.

L'inquiétude pour Mimi m'avait distrait de tout le reste, mais je suis revenu à mes tourments d'amour pour le beau Gaspard, j'ai repris le journal de Stéphane espérant me distraire. Pendant un moment, il s'est contenté de faire des croquis me permettant d'admirer son talent. Il dessine la bibliothèque de son école, la cour, des oiseaux, quand je remarque deux pages collées. En déchirant légèrement le bord, je tombe enfin sur ce que je ne cherchais plus.

Le récit du désastre des fiançailles et le désespoir de Pierre.

Stéphane s'inquiète pour son frère, qui a très mal pris l'abandon de son Amélie. Le jeune homme ne veut plus vivre. Les deux frères doivent subir l'attitude odieuse du patriarche qui songe déjà à chercher une nouvelle fiancée. Ils se sont consolés en allant à l'église et Stéphane admet qu'il y trouve un certain apaisement.

Le temps est passé et Stéphane a dû retourner à l'école, heureusement Pierre va mieux. Par contre il refuse tout nouveau projet de fiançailles. Pauvre Pierre !

Je suis surpris de mieux respirer d'un coup.

Je lis encore quelques pages et j'arrive à un passage difficile. Ce qu'aucun jeune garçon, qui aime les garçons ne devrait connaitre : Stéphane raconte sa première expérience, désastreuse. Il a été entrainé dans une ruelle par un marin rencontré dans un bar, qui lui a fait horriblement mal. Il se sent souillé et stupide.

Je referme le journal après avoir lu ce drame supplémentaire qui a transformé un peu plus mes oncles en deux vieux bigots.

Il n'y aura pas de miracle : ils sont restés seuls. Pierre n'a pas trouvé son Amélie et Stéphane n'a jamais connu l'amour.

Le même destin triste m'attend surement !

Je me sens désespéré. Gaspard, que j'ai rencontré l'autre jour, m'a vraiment plu, mais quel avenir pour nous deux ? Si tant est que je l'ai intéressé !

Il va s'engager dans la marine et sera en mer presque toute l'année et quand il sera à terre, il faudra toujours nous cacher, prétendre être ami.

Au moins, nous n'avons pas à craindre d'être déshérité, c'est déjà fait ! Nous sommes tous les deux, les petits derniers sacrifiés pour les intérêts de la famille et des ainés.

Les pages suivantes ont été écrites en 1870, je les lirais plus tard. Je suis décidé à interroger la seule personne de mon entourage qui est allée en Afrique.

Mademoiselle Villeneuve jardine quand j'arrive.

─ Tu m'as donné envie de m'y mettre, rigole t'elle en me saluant couverte de terre, pas du tout présentable.

─ Je vais vous aider et il faudrait un homme pour vous assister.

─ Ridicule ! en Afrique ce sont les femmes qui jardinent. Certaines portent des jarres de plusieurs kilos sur la tête.

─ Vous êtes vraiment allé là-bas ? C'était comment ?

─ Fabuleux, pour une peintre comme moi, c'est l'endroit où il fallait aller. C'est le continent des couleurs. Tout est plus beau, plus chatoyant dans ces contrées. J'ai débarqué à Alger, un pays fabuleux l'Algérie, nous y sommes restés presque une année dans un couvent respectable. Nous aidions dans un dispensaire pour dame.

En l'écoutant je réalise que je n'ai pas la moindre idée dans quelle partie du continent est partie la fiancée de l'oncle.

J'ai retiré ma veste et pris une binette pour m'attaquer à quelques buissons qui envahissent son potager. Je l'écoute qui me raconte la vie locale, les choses extraordinaires qu'elle y a vu.

─ J'ai même rencontré la Reine Victoria d'Angleterre en voyage, tu te rends compte ?

Je hoche la tête.

─ Puis nous avons pris un bateau pour l'Egypte et nous avons exploré les merveilleux monuments du passé. Plus tard, nous nous sommes établis à Cotonou après un bien long voyage. J'ai ramené de la Terre rouge de là-bas, je vais te montrer.

Elle est partie chercher deux verres d'eau et un petit flacon de terre ocre. C'est vrai que la couleur est exceptionnelle.

Elle soupire, et reprend sa binette.

─ Ma cousine chérie est morte de fièvre. J'ai été si malheureuse.

─ Je connais une autre jeune fille qui est parti en Afrique...

─ La place des femmes n'est pas forcément dans les cuisines !

─ Je le vois bien, elle est dans les jardins. Tu as raison.

Nous sommes passés au tutoiement sans y faire attention.

─ Quand ta cousine est morte, tu as décidé de rentrer en France ?

─ J'étais malade aussi, mon cousin m'a fait rapatrier en France, surtout, il m'a fait signer des papiers attestant que je lui donnais ma fortune. Il m'a au moins laissé cette maison et une petite rente de quinze francs par mois pour que je ne meure pas de faim, j'ai eu de la chance ! Bon, je n'ai pas de quoi m'acheter une robe ou un tablier, mais tout va bien !

─ C'est si injuste, je regrette que la révolution n'ait pas changé cela !

Elle pose le doigt sur ma bouche.

─ Ne le dit pas trop fort ici.

Une lettre de maman m'attend à la maison, avec une nouvelle étonnante, Charles a été surpris avec un autre garçon et l'accusation contre moi tombe. Cependant, je ne suis pas complétement sauvé, des questions de moralité secouent les écoles qui se demandent s'il ne faudrait pas exclure tous les garçons litigieux.

Pierre et Stéphane me regardent inquiets.

Pour me consoler, je suis allé chez les Tulliers, acheter plusieurs tabliers, deux robes, une couverture avant de tomber en arrêt devant un paravent chinois décoré de jolies motifs exotiques, composé de trois panneaux. Il me rappelle ma lecture d'une des premières lettres d'Amélie.

─ Il coute combien ?

─ Douze francs.

C'est une somme.

Je l'achète et demande à ce que tout soit livré à Mademoiselle Villeneuve. J'ai insisté auprès d'Henri, l'employé du magasin. Surtout qu'il n'en parle à personne.

J'ai passé une semaine morose, rêvant de revoir Gaspard, tout en ne le voulant pas, désespéré de mon avenir et essayant de me raisonner.

Si seulement je pouvais ne plus avoir cette attirance interdite !

Pendant ces quelques jours je n'ai pas touché au journal de mon oncle, finalement aujourd'hui je l'ai repris, décidé à le terminer. Il me semble que je lui dois bien d'aller jusqu'au bout de son histoire !

L'été 1870, Pierre commence son travail comme notaire et Stéphane vient d'obtenir son baccalauréat et il est inscrit à la faculté de droit. Le jeune homme n'a jamais songé à faire autre chose.

Je ne m'attendais pas à lire les lignes suivantes :

Cher journal je n'en reviens pas il est si beau et il s'appelle Théophile, il a mon âge et nous nous sommes reconnus au premier regard. Je l'aime tellement.

Malgré moi, je me redresse dans mon lit. Stéphane a fait une rencontre qui l'a bouleversé alors qu'il accompagnait son père au château de Granville. Le notaire bougon est là pour établir le contrat de mariage du baron Raoul Granville avec Rosaline Moreau, qui lui apporte tous ses biens.

Rosaline et son jeune frère son orphelins. Le jeune garçon va rentrer dans l'école de la marine marchande comme cadet.

Stéphane décrit un adolescent boudeur et c'est mignon, ils sont tombés amoureux au premier regard. Il a dessiné plusieurs portraits de son amoureux et je note que c'est la première fois qu'il y a le portrait d'un garçon. Il l'a même dessiné nu le petit coquin. Il décrit longuement le brun qui le fascine, il aime tout de lui. S'en est risible quand il s'extasie sur son nez crochu et ses yeux étroits comme si c'étaient les plus belles choses du monde.

Les deux garçons n'ont pas perdu de temps, à ma grande satisfaction, dès le premier soir, lors du diner, Théophile entraine Stéphane dans les étages du château pour lui montrer des curiosités, c'est un prétexte. L'audacieux couvre Stéphane de baisers, pour le plus grand bonheur de celui-ci.

Je suis heureux de lire ce passage, presque palpitant et encore une fois je ressens une étrange fierté à la lecture. C'est plaisant de savoir que Stéphane a connu l'amour et mieux que cet ignoble marin.

Leur désir est primaire, intense et le jeune narrateur est si cru dans sa retranscription de leurs nuits de sexe. Nos ancêtres étaient délurés.

Par quel étonnant hasard, il se trouve que lui, comme moi, avons craqué pour un membre de la même famille, car Théophile est l'oncle de Gaspard. Je ne sais pas s'ils sont proche et si Gaspard sait ce qu'il est devenu ? Voilà en tout cas une trop belle excuse pour revoir celui que j'ai envie de revoir.

Les garçons se sont vus tout l'été, personne n'y a pris garde. Théophile semble gourmand et passionné et ils ont tout testé ces coquins. Stéphane l'aime visiblement comme un fou, il ne vibre que pour lui. Mais qu'est devenu ce Théophile ?

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