Chapitre 7
*Août*
9 août 1998
Cette semaine a été géniale !
Le lendemain de notre arrivée, papa m'a emmené voir l'hôtel qu'il souhaite acheter. Dès que je me suis retrouvé devant l'entrée, avec ses grandes grilles noires, je me suis senti petit. Tout petit. Six fois plus que d'habitude.
Il est plus grand que celui de Venise, mais pas aussi beau. Enfin, on en prend quand même plein les yeux.
C'est donc émerveillé que j'ai traversé la cour pavée en suivant mon paternel. Et, arrivé aux marches, il y a eu un énorme bruit de moteur. Une superbe voiture s'est arrêtée juste devant nous.
Une Lamborghini Diablo de couleur jaune !
J'adore ce bolide !
C'était trop kiffant d'entendre les vibrations du moteur et de les sentir sous mes pieds. Elle était magnifique, et j'ai dû avoir le même sourire que le voiturier, voire plus large encore que lui quand il s'est assis derrière le volant.
Mon père aussi l'admirait ; je suis sûr qu'il aurait voulu le pousser et prendre place sur le fauteuil du pilote. C'est un amoureux d'automobiles et c'est vrai que, par chez nous, c'est compliqué. À Venise, il vaut mieux être fana des bateaux. Et, surtout, ne pas avoir le mal de mer !
Mais il se rattrape quand on va à Padoue, dans la villa familiale. Il sort sa voiture, son seul plaisir qu'il s'est offert : une Alfa Roméo Spider, et elle claque, en rouge ! OK, ce n'est pas une Ferrari, ni même une Lamborghini, mais mon père est fier de rouler dedans. Il emmène Mama en balade, en amoureux. Beurk ! Ou alors mon frère, ou encore moi. D'ailleurs, je préfère quand il m'emmène, moi — après tout, c'est quand même plus sympa quand c'est moi, non ? — : il se lâche dans les lignes droites ; je kiffe la vitesse et, avec mon paternel au volant, c'est bien mieux qu'avec ma mère, qui est un vrai escargot. Ouais ! Mon père adore faire rugir les chevaux sous le capot, entendre le bruit d'accélération et le turbo ; ses yeux brillent comme les miens.
Et tu aurais vu, Journal ! Papa les avait bien brillants quand le voiturier a fait vrombir la Lamborghini avant de partir !
Le propriétaire du bolide, qui était bien plus jeune que mon père, peut-être un ou deux ans de plus que Raffaele, m'a fait un clin d'œil en passant près de nous, fièrement, et il est rentré dans l'hôtel. Mon vieux a marmonné un « fils à papa » avant de faire de même. Je crois que mon père déteste les familles de ce style ; c'est pourquoi, lui, il tient à nous éduquer avec les valeurs du travail et a toujours refusé que l'on soit pourris gâtés. Dommage. Surtout quand je vois ce que je pourrais conduire ! Mais, maintenant qu'il me l'a expliqué, je regretterais presque de l'avoir traité de pingre. Désolé, papa !
Une fois dans le hall, un vieux chnoque nous a accueillis. Il s'est approché tout sourire et ravi d'accueillir le PDG, Leonardo Contarini. Puis, il m'a jeté un coup d'œil dédaigneux, mais il s'est vite repris. On a eu « le grand déballage de cirage de pompes », comme a dit mon père après son entrevue. Et, c'est un truc qu'il déteste encore plus que les fils à papa.
Avec lui, il vaut mieux être franc, direct, et non faux-cul. Il trouve que c'est une perte de temps. En fait, c'est comme avec certains de mes camarades. Devant, c'est tout sourire, ils cherchent à être mes potes mais, derrière mon dos, ils me critiquent, me chambrent, ils me cassent sans aucune raison, certainement juste par jalousie.
Ils sont jaloux, jaloux de moi parce que je suis issu d'une famille riche. J'en suis sûr, puisque je ne leur fais pas d'ombre pour les nanas, en tout cas, pas avec mon physique de crapaud. Pas plus qu'en sport ou en brillant par mes notes. Il ne me reste que ce privilège. Dont je n'ai pas le sentiment d'abuser, d'ailleurs.
Pensée amère pour la Lamborghini que je n'aurai pas à ma majorité.
Snif.
S'ils savaient !
Moi, j'ai vite compris qu'avec de l'argent, même tout l'or du monde, mes parents ne pourront jamais me racheter une santé : si je dois crever, l'argent ne me sauvera pas ! Alors, s'ils veulent ma place... je leur donne volontiers, et mon cœur tout pourri en prime. Au moins, je serai peut-être dans une famille modeste, mais je pourrai vivre ma passion, et donc être heureux malgré tout.
Et surtout vivre sans l'idée de la mort qui m'attend à chaque battement de cœur.
Excuse, Journal, je pars en couille ! Mais fallait que ça sorte : j'en ai marre de ne pouvoir danser, de prendre ces médocs et, par-dessus tout, des faux-semblants !
Et des faux-culs.
Comme ce directeur.
J'ai écouté la conversation de papa une fois la visite finie : il a appelé tout de suite Mama pour lui confier qu'il ne sentait pas ce mec. Et, s'il achète le palace, il voudrait qu'il soit licencié. Il ne veut pas d'un homme qui méprise et ne respecte pas le personnel. Ce n'est pas la politique de l'entreprise. Pour lui, la femme de ménage est aussi importante qu'un directeur ou un maître d'hôtel. Et des employés heureux et considérés au même titre que quiconque donnent le meilleur d'eux-mêmes.
C'est ce que mon père m'a enseigné ces derniers jours. Et, pour être parti du bas de l'échelle, il sait de quoi il parle. Et c'est une des conditions que Nonno a toujours instaurées : faire ses preuves, et encore plus quand c'est un membre de la famille.
Mon père a commencé en job d'été, comme Raffaele et, quand ce sera aussi mon tour, je voudrais venir ici, comme voiturier, ou alors en cuisine. Enfin, si papa l'achète, et si j'ai mon permis.
Oh ! Je n'ai pas vu l'heure !
Je vais aider Nonna à la cuisine : je la trouve fatiguée depuis quelques jours.
A plus.
12 août 1998
Journal, je m'inquiète !
Nonna n'était pas en forme, aujourd'hui. Elle me dit qu'elle a dû attraper un coup de froid à cause de ses vieux os...
Je ne la crois pas.
Je trouve que, ces derniers temps, c'est souvent. Elle a beau me sortir l'excuse d'un rhume ou autre, je sens qu'elle me ment. J'ai remarqué qu'elle détourne son regard quand elle m'affirme que ça va, et elle part se reposer.
Comme ce matin.
Je tournais un peu en rond, alors j'ai pris vingt francs dans le portefeuille de Nonna et je suis descendu à la boulangerie, en bas de l'immeuble. Nonna adore la viennoiserie française. J'ai voulu lui faire plaisir.
Dans la boutique, il y avait un peu de monde et, donc, j'ai dû faire la queue. En attendant mon tour, dans ma tête, je me répétais la phrase que Nonna m'a apprise en français. J'étais très intimidé de me retrouver ici, sans comprendre les gens autour de moi. C'est horrible : je me suis senti seul au monde !
J'étais tellement dans mes pensées que j'ai sursauté quand la vendeuse m'a parlé. Elle avait un joli sourire et attendait une réponse. J'ai vraiment était con ! J'ai bafouillé et j'ai fini en bégayant. Complètement paniqué ! Je ne sais même pas comment elle m'a compris, mais elle a pris son sac en papier et l'a rempli. Moi, je suis resté muet quand elle s'est une nouvelle fois adressée à moi. J'ai pas capté ce qu'elle m'a dit, en fait. J'ai donné le billet, pris mon sachet, et j'ai lâché un « Arrivederci ! » avant de me précipiter vers la sortie.
Elle a dû me prendre pour un handicapé du cerveau. La honte totale !
En plus, pour continuer dans ma débilité, j'ai traversé au feu vert ; je le sais parce qu'une voiture a klaxonné quand j'ai posé mon pied sur la route. J'ai baissé la tête, honteux, et je me suis précipité jusqu'à mon immeuble. J'ai tapé à la va-vite le code et, au bruit d'ouverture, j'ai poussé la porte ; c'est à ce moment-là qu'une main m'a choppé l'épaule avec un « Hey ! ».
Ça m'a stoppé net.
La trouille de ma vie !
C'était la vendeuse !
Elle m'avait couru après pour me rendre la monnaie !
Je l'ai dévisagée alors qu'elle me tendait les pièces : elle était plutôt jolie, mais impossible de lui donner un âge. Peut-être celui de mon frère ou, du moins, elle s'en approche.
Comme je ne bougeais pas, elle a pris ma main libre et a mis les sous dans ma paume en me parlant. Je n'ai rien compris ! Je devrais peut-être m'essayer au français pendant mes vacances : ça m'occupera quand Nonna se sent faible. Et j'aurai l'air moins con ! Bref, la Française a rigolé et est repartie en direction de la boulangerie — bien sûr, en faisant attention avant de traverser, elle.
Je crois vraiment que je suis passé pour un con.
16 août 1998
Ces derniers jours, Nonna se sentait bien. Très bien, même. Finalement, elle avait peut-être raison : un petit coup de froid de rien du tout.
OK, je me suis pris pour ma mère à m'inquiéter rapidement et à m'imaginer autre chose. Mais Nonna vieillit ; c'est normal que je m'inquiète, non ?
En tout cas, elle pétait tellement le feu qu'hier nous sommes allés tout en haut de la tour Eiffel. On a passé plus de temps à faire la queue qu'à monter jusqu'au troisième étage. Mais... Wahou ! La vue !
C'était impressionnant ! Nous étions à plus de 280 mètres du sol ! Quand on imagine à l'époque les moyens qu'ils avaient pour construire cette dame de fer, on ne peut qu'être en admiration. Et c'est pourquoi je comprends que tant de personnes veuillent y monter. Par contre, niveau vertige, on repassera. Je n'étais pas à l'aise. Je peux te le dire, Journal : je n'ai pas souvent regardé en bas, mais bien droit devant moi. Nonna, elle, aucun souci ! Même pour redescendre. Pour moi, une vraie torture, ces escaliers. Et le vent ! Je suis arrivé en bas sans un poil de sec.
Mais j'applaudis quand même Gustave Eiffel, Maurice Koechlin et Émile Nouguier pour la construction de ce magnifique monument. Un chantier titanesque ! J'ai vu des photos d'époque : ils ont mis plus de deux ans pour la construire. Tu vois, Journal, il existerait une machine à remonter le temps, j'irais voir la construction des pyramides, du Colisée de Rome, ou encore celle de la tour Eiffel ! Je trouve que l'histoire peut être passionnante, alors que je la voyais comme ennuyeuse. J'ai dû grandir. Ou alors, c'est tous mes profs qui ont été ennuyeux. Mais, depuis l'année dernière, je trouve très intéressant de découvrir ces choses qui font l'histoire d'un pays. Par contre, les cours, ça reste chiant ! Surtout celui de cette année : soporifique !
Oui : en plus de la danse, des filles, des copains et de ma PlayStation, j'aime bien l'Histoire, maintenant.
Une fois aux pieds de la tour, Nonna m'a dit : « Tesoro, tu as faim ? »
Mais quelle question, mamie ! J'ai toujours la dalle !
La dalle de tout d'ailleurs...
Je ne t'ai pas dit, Journal, mais, après la petite parenthèse avec la vendeuse, je suis remonté en mode excité. Oui, un œil a furtivement lorgné sur son décolleté. Putain ! J'ai l'impression d'être en permanence frustré au niveau de mon entrejambe. Et les Françaises, avec leurs petites robes d'été, elles sont canon !
Ou alors je suis un vrai animal en rut, un obsédé sexuel...
Je voudrais tellement avoir ma première fois, savoir ce que ça fait et ce que l'on ressent... que je pourrais le faire avec n'importe quelle fille. Et je me répugne ! J'ai l'impression de tromper Olivia. OK, on ne sort pas ensemble, et ça n'arrivera sûrement jamais, mais n'empêche que j'ai la sensation de la trahir.
Comme avec la serveuse du restaurant de l'hôtel.
Nonna a voulu manger dans le palace que papa convoite. On nous a installés sur la terrasse du restaurant, au neuvième étage. Vue sur la tour Eiffel. C'était un vieux du même âge que mon paternel qui nous avait accueillis et proposé cette table. Il avait l'air sympa, puisqu'il faisait rire ma grand-mère. Moi, je ne comprenais toujours rien. Puis, au bout d'une heure, Nonna m'a dit : « Lorenzo, si ton père achète l'hôtel, il doit absolument garder ce jeune homme. Regarde : il fait son travail avec passion, toujours le sourire, un petit mot pour rire, limite charmeur, et très prévenant avec les clients. Bernard est un bon élément... »
Bernard !
Je n'avais même pas capté qu'il s'était présenté ! En tout cas, ma grand-mère donnait l'impression d'avoir un petit faible pour lui. Moi, c'était pour la serveuse.
Elle ressemblait à Olivia, en plus vieille. Un corps et une poitrine... Mama mia !
Je vais dire à papa qu'il ne change pas l'uniforme de l'hôtel ! Chemise blanche moulante et jupe noire à mi-cuisse : c'est très très bien, un vrai régal pour les yeux ! Et aussi de ne pas changer de chef ! Nos assiettes étaient une tuerie ! Mais, je t'avoue, au moment du dessert, qui était très, très bon, j'aurais bien pris la serveuse : je n'en pouvais plus d'être à l'étroit dans mon jeans...
Le fait de l'écrire, je donne vraiment l'impression d'être un obsédé.
Ouais, Journal ! Ça m'obsède ! Je veux du cul ! Être un homme, comme dirait mon frangin !
18 août 1998
Faute de ne pouvoir me branler — respect pour Nonna —, de danser ou autre, je me suis mis au français.
Avec l'aide de grand-mère, qui a quelques notions, j'apprends les bases. Je sais dire :
– Bonjour
– Comment allez-vous ?
– Je m'appelle Lorenzo.
– J'ai 14 ans.
– Où se trouve... ?
– Pouvez-vous m'aider ?
Et encore d'autres petites phrases. Pour me faire travailler, Nonna veut que l'on se parle en français ; c'est plutôt drôle, deux Italiens discutant en français avec un accent.
Peut-être qu'un jour je le parlerai couramment et j'écrirai en français sur tes pages.
Je te laisse : Nonna m'appelle.
23 août 1998
Journal, je progresse dur en français avec mon nouveau professeur ! C'est Céline.
Je suis sûr que tu te demandes qui c'est...
C'est...
La vendeuse de la boulangerie !
Il y a quelques jours, Nonna m'a envoyé chercher des croissants. Mais elle n'était pas là. Je l'ai croisée en sortant et elle m'a dit : « Buongiorno ! ». Du coup, j'ai cru qu'elle parlait italien, et j'ai débité plus vite que mon ombre tout un monologue... dans le vent.
La cloche, quoi. Moi, je veux dire.
Elle m'a stoppé en me précisant qu'elle ne comprenait pas. J'ai donc fait l'effort de lui parler en français, ce qui était des plus lamentables. Mais on a réussi à se comprendre.
Céline a 16 ans ; elle habite au-dessus de la boulangerie, qui appartient à ses parents. Pendant les vacances, elle donne de temps en temps un coup de main. Puis, elle m'a demandé de lui apprendre l'italien. Alors, on se donne des cours mutuellement.
On se retrouve dans le petit square, derrière mon immeuble, ou chez ma grand-mère, tous les matins, et sans que ça gêne Nonna. Elle est même contente que je me fasse une amie sur Paris.
Que je me fasse une amie. Hmm.
Si seulement !
Je pense surtout que ma grand-mère s'imagine que nous sortons ensemble. Je mentirais en disant que non, elle n'est pas mon genre. En fait, je crois que je n'ai pas de style de meuf : du moment que c'est une fille et qu'il y a un minimum de nichon, mon corps ressent une attirance. Aux oubliettes les sentiments ! Alors oui, ma foi, je veux bien me faire cette amie-là, ou une autre !
Ouais, je sais : pas très gentleman.
Mais va vivre en collocation dans ta tête avec un obsédé sexuel qui te tire constamment par la queue, toi !
Du coup, je me demande comment on sait que c'est de l'amour, qu'on aime quelqu'un... Ce que je ressens pour Olivia, c'en est ou pas ? Comment savoir si une personne tient à l'autre et ne ment pas ? Est-ce qu'un jour j'aurai les réponses à mes questions ?
Je t'abandonne sur mes interrogations : je tombe de sommeil. A plus !
30 août 1998
Journal !
Tu ne devineras jamais !
Cette semaine a été la plus magique !
Avec Nonna, nous avons fait du bateau-mouche, comme ils disent ici. C'est sûr que ce n'est pas Venise, mais la balade était chouette.
Nous avons aussi fait une sorte de circuit du Paris glauque. C'était Céline qui nous a servi de guide. On est partis du square de Louvois, où il y a une très belle fontaine représentant les quatre fleuves français. De mémoire : la Seine, la Loire, le Rhône et la Garonne. Mais c'est surtout l'emplacement de l'ancien opéra. Il a été démoli après l'assassinat d'un noble, le Duc de Berry, en 1820. Nous avons ensuite marché jusqu'à une tour. La tour de Jean -sans-peur, mais sans avoir la possibilité d'y monter. Elle appartenait au Duc Jean Ier de Bourgogne, et c'est le dernier vestige de l'hôtel des ducs de Bourgogne, qui a un temps été un théâtre, et qui a même accueilli la Comédie-Italienne, sur ordre de Catherine de Médicis !
Ensuite, nous sommes passés devant Notre-Dame-de-Paris ; je n'ai d'ailleurs pas vu mon pote Quasimodo, ni sur le parvis ! Et, justement, sur cette grande place, devant le portail principal de la cathédrale, c'est ici que se trouvait le gibet de potence où, à l'époque, on pendait les condamnés à mort en les laissant à la vue de tous. Il y a aussi une plaque qui est le point zéro des routes de France. Elle est utilisée pour calculer les kilomètres entre Paris et les autres villes.
Sinon, le plus morbide, c'est le barbier égorgeur.
Non loin du parvis, la rue Chanoinesse. En 1387, elle s'appelait la rue des Marmousets, où il y avait deux commerces côte à côte : un barbier et un charcutier ou pâtissier — je ne sais plus trop ce qu'elle nous a dit. Le barbier avait pas mal de clients étrangers, notamment des étudiants. Par moment, un étudiant disparaissait ; on le croyait victime de truands, très nombreux à cette époque.
Mais, un jour, les aboiements d'un chien, resté plusieurs jours et plusieurs nuits à hurler à la mort devant la maison du barbier, dont son maître, un étudiant allemand, n'était jamais ressorti, a donné l'alerte et a permis de découvrir les procédés criminels de ces deux commerçants.
Le barbier égorgeait des jeunes gens puis, par une trappe, il basculait les corps dans sa cave, qui communiquait avec celle du charcutier/pâtissier, qui en faisait de délicieux pâtés en croûte.
Plusieurs personnes sont mortes de chagrin en apprenant qu'ils avaient mangé ces pâtés en croûte.
Les deux assassins ont été brûlés vifs et leurs maisons rasées. Pendant plus d'un siècle, c'est resté vide.
Journal, j'adore ! C'est tellement macabre et intéressant en même temps ! Une autre approche de l'Histoire ! Je serais curieux de savoir si, à Venise, nous avons de tels faits-divers !
Après ça, nous sommes passés devant un immeuble. Céline nous a dit que c'est ici qu'une des têtes de la Révolution française a été assassinée dans son bain. Un certain Jean — quelque-chose Marat.
Mais la scène m'a fait tout de suite tilt. L'année dernière, lors de la visite du musée Grévin. Il y avait toute une mise en scène autour de ce meurtre : apparemment, ç'a été un événement très important pour les français. Mais qui est le plus célèbre ? Ce médecin assassiné dans son bain ou cette Charlotte Corday, vengeresse des libertés, qui a planté son couteau dans son cœur ? Dur à dire. Je crois que, comme moi, l'intérêt de l'Histoire le dispute à la curiosité macabre.
Mais, ce que je garderai en mémoire, et qui restera le plus beau, c'est... mon premier baiser !
Oui, moi, Lorenzo Contarini, j'ai roulé ma première pelle !
Une vraie galoche ! Avec la langue !
C'était un peu dégoûtant au début, je l'avoue. Mais... Wahou !
Youhouhou !
J'ai embrassé une fille ! J'ai embrassé une fille ! J'ai embrassé une fille !
Enfin, c'est elle qui m'a embrassé...
Céline.
Ouais.
C'est vrai qu'on s'était pas mal rapprochés à force de traîner ensemble, de parler, de se frôler. J'avoue, je pensais pas mal à elle, notamment sous la douche.
Faut bien.
Elle avait pas vraiment l'air intéressée, en plus, et je me sentais plus crève-la-faim à lorgner en douce sur ses nichons que Don Juan, mais c'est arrivé.
Je lui avais parlé d'Olivia, de mes doutes, de mes craintes. Elle a dû avoir pitié, ou alors, j'ai pensé vite fait, elle a peut-être été un peu jalouse ?
Ce à quoi je n'ai pas du tout pensé, en tout cas, c'est que je pouvais lui plaire. Rapport à mon corps de ravioli boursouflé.
Toujours est-il qu'elle m'a pris par surprise, d'ailleurs : elle a passé ses mains autour de mon cou au moment de se dire au revoir, après une leçon du soir. Elle avait les mains fraîches et son parfum m'entêtait. Elle a posé ses lèvres humides sur les miennes. C'était doux et collant. Puis, elle a glissé sa langue et a commencé à faire des ronds. C'était bizarre, au début, mais excitant. J'ai fini par répondre en bougeant la mienne ; elle s'est serrée un peu plus contre moi : je sentais ses seins contre ma poitrine ! C'était... terrible ! J'avais un peu la tête qui tournait et les mains en mode Indiana Jones !
Journal, je te laisse deviner la réaction de ma bite...
Mais celle de Céline, Journal, tu ne pourras pas la deviner. J'ai songé au dégoût, à la colère ; j'ai craint les cris ; j'ai espéré... tu vois, quoi ! Mais non.
Elle s'est reculée calmement en me disant : « Non, Lorenzo, je ne serai pas ta première : je t'ai donné ton premier baiser pour que tu prennes confiance en toi pour essayer avec ton amie Olivia. Et, surtout, pour que tu ne passes pas pour un con si, pour elle, ce n'est pas son premier... Et, pour ta première fois, sache que tu embrasses plutôt bien. » J'ai sûrement rougi, rouge comme une tomate. Mais tellement fier.
Un peu humilié, c'est vrai, de lui avoir fait un peu pitié, quand même, mais regonflé à bloc. Un baiser avec la langue, c'est quand même pas rien. Avoir les seins d'une fille collés contre soi, ça fait grandir !
Et pas que la bite, non.
J'ai un peu de peine, aussi, de ne pas connaître l'amour avec Céline. Le sentiment, je veux dire, car c'était plus amical que passionné. Presque fraternel, au final.
Non, quand même pas. J'aurais fait plus avec elle, si j'avais pu !
On peut dire qu'elle m'aura vraiment donné des cours de langue, en tout cas !
Dire que l'on s'en va demain...
Céline va me manquer.
Mais on s'est promis de garder contact, d'échanger des lettres, moi en français et elle en italien. Comme des correspondants.
C'est cool !
Ce sera pas pareil, c'est sûr...
En tout cas, je n'ai aucun regret de m'être confié à elle. Et j'espère que, la prochaine fois que je la verrai, je ne serai plus puceau ! Ou en tout cas plus célibataire.
Ce serait la loose.
Trop triste.
Non, elles étaient encore super, ces vacances...
Et, demain, je retourne à Venise.
Dans ma réalité.
Ça y est : j'ai le cafard avant d'aller me coucher.
Je vais retrouver mes problèmes de santé, mon interdiction à la danse et l'école.
Mais le bon côté, c'est que je vais revoir Olivia.
Il est tard, Journal, je te laisse. Bonne nuit.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top