Chapitre 5
*Juin*
7 juin 1998
Désolé d'avoir boudé tout ce temps, Journal. Mais j'avais pas le moral, et là j'ai besoin d'évacuer.
Fais chier !
Marre de tout ça !
Tu te rends compte ? Deux semaines que je n'ai pas le droit d'aller au cours de danse à cause de mon dernier examen cardiaque !
Putains de médecins !
Foutus parents !
Saloperie de cœur...
Pourtant, je me sens en pleine forme !
Un peu fatigué et essoufflé, mais bien.
Je n'ai plus qu'à croiser les doigts.
Demain, je vais à l'hôpital. « Pour approfondir les tests », comme a dit mon cardiologue. Un petit séjour de quelques jours. La prison.
Ça me saoule.
J'aime pas les hôpitaux.
C'est triste et ça pue.
En plus, avec le bol que j'ai, je vais me retrouver comme il y a trois ans avec un vieux croûton qui sera sourd comme un pot et qui regardera des émissions merdiques.
OK, c'était pour une journée. Mais c'était déjà l'enfer ! Alors que, là, je risque de rester un peu plus longtemps. Je vais mourir !
Non, j'ai vraiment pas envie.
8 juin 1998
Eh bien voilà, Journal. Je suis installé dans ma chambre aseptisée. Enfin, je suis arrivé il y a vingt minutes.
Et je m'emmerde déjà, comme tu vois.
Pour le moment, je suis seul. Le lit voisin est vide, et Mama est partie se chercher un café en attendant la venue du docteur.
Ça frappe : c'est sûrement lui ou ma mère.
Ce n'est ni l'un, ni l'autre, mais une très belle infirmière !
***
Me voilà à nouveau seul.
Je me suis fait cramer et, en prime, j'ai réussi à me foutre la honte.
En fait, c'était mon médecin. Le Docteur Cassandra Ferracini.
Je trouve que c'est inhumain d'avoir une aussi belle meuf dans ce service ! Je suis sûr qu'il y en a un tas qui sont décédés d'une crise cardiaque à cause d'elle !
Si je devais te la décrire, Journal, je dirais que c'est le corps de Sabrina Salerno. En mieux parce qu'en vrai, à quelques centimètres. Et qui sentait bon ! Tu aurais vu son décolleté ! Les obus prêts à sortir de sa blouse blanche ! Putain ! Impossible de détourner mon regard de sa poitrine : j'aurais voulu plonger ma tête entre ses deux seins !
Avec un sourire trop sexy, elle m'a tendu un pantalon tout moche de l'hôpital.
J'ai vite compris à son expression qu'elle savait que j'avais maté ses nichons et, en lui prenant des mains, comme attiré, j'ai continué de mater. C'était plus fort que moi ! Tu les aurais vus, putain !
Je suis allé le passer dans la salle de bain, et là, la catastrophe : je bandais comme un taureau.
J'avais deux choix : soit sortir comme ça, avec le pénis dressé sous le tissu, ou alors me faire une petite branlette vite fait. Dans ma tête, je me suis évidemment fait mon film où je sortais la bite en avant et qu'elle arrachait sa blouse pour se jeter sur moi...
Mais tu te doutes bien que je l'aurais pas fait...
De toute façon, je n'ai pas eu à réfléchir : Mama a frappé à la porte en criant « Lorenzo, je suis revenue ! », et ma bite est retombée fissa !
En attendant, j'ai quand même été au supplice, et heureusement que ma mère a reçu un coup de téléphone et qu'elle est sortie.
Allongé sur le lit, torse nu, à la disposition de cette bombe de docteur en blouse sexy, j'ai senti que j'allais avoir un mal fou à me contrôler !
Elle touchait ma peau de ses doigts fin et doux en plaçant les patchs pour l'électrocardiogramme. C'était chaud et frais à la fois ; je me mordais la lèvre pour m'empêcher d'essayer de l'embrasser ou de la caresser ! En plus, j'avais une vue plongeante sur ses nibards qui ne demandaient vraiment qu'à sortir. Ils étaient juste là ! Devant mes yeux ! J'aurais pu les toucher juste en tirant la langue ! Tout serrés : à croire que sa blouse était trop petite... Je voyais que le bouton pression qui les retenait prisonniers pouvait sauter et s'ouvrir à tout moment. Alors, comme un vœu, j'ai souhaité que ça se produise. J'ai prié de toutes mes forces !
Mais non, ils ne m'ont pas explosé à la gueule ; par contre, j'ai eu à nouveau mon entrejambe au garde-à-vous...
Elle n'a eu aucune réaction en s'en apercevant : sûrement l'habitude de faire cet effet. Je me suis senti rougir jusqu'aux oreilles et j'ai remonté mes jambes pour me cacher, en fixant obstinément mes genoux.
Elle m'a simplement chuchoté à l'oreille de sa voix chaleureuse : « Comme tu es jeune et qu'il faut parfaire ton éducation, à l'avenir, regarde une femme un peu plus dans les yeux, et non sa poitrine ».
J'ai débandé d'un coup.
Effectivement, depuis qu'elle était entrée, je n'avais presque pas levé mon regard plus haut que son cou.
Je suis resté con, Journal.
Elle avait complètement raison ! Je me suis conduit comme un connard de petit merdeux obsédé, un branleur superficiel.
Raffaele avait raison.
Et ça, ça m'a fait mal au cul de m'en rendre compte, crois-moi !
C'est tout gêné que j'ai relevé la tête.
Et je me suis aperçu que non seulement elle a un corps de ouf, mais qu'elle a un magnifique visage.
Et des yeux ! Mamma mia !
Elle m'a envoûté avec ses iris vert émeraude. Jamais je n'avais croisé quelqu'un avec cette couleur aussi claire ! Son regard était semblable à celui d'un félin.
Et sa bouche, putain ! Pulpeuse ! J'avais une putain d'envie de l'embrasser !
Tout en positionnant les électrodes, elle a continué de me parler à voix basse. J'étais tellement obnubilé par son corps que j'ai à peine écouté ses explications.
Je suis dans la merde, Journal : c'est elle qui va me suivre et me faire passer tous mes examens.
Et, il y a dix minutes, quand elle a allumé la machine, j'avais le cœur en palpitation. Faut dire que, avec elle dans les parages, ça doit être dur d'avoir un rythme normal — ou alors faut être aveugle.
Mais j'ai quand même fini par réussir à me calmer en pensant à des choses, comme à ma famille. J'ai aussi imaginé les images d'un film d'horreur en fermant les yeux. Mon pénis est vite revenu à la normale après avoir bien eu mal à cause de l'excitation. Il était temps ! Mama et mon père, qu'il a rejointe, sont rentrés dans la chambre. J'ai évité la double, voire la triple honte.
Le docteur, en partant m'a fait un clin d'œil et m'a lancé un « À tout à l'heure ! ».
La vache !
Mes parents l'ont suivie dehors et je me suis enfin retrouvé seul.
À bander comme un âne.
Je pense que je vais être un adepte des douches froides pendant mon séjour ici.
En tout cas, content que la salle de bain ferme.
9 juin 1998
Journal, j'ai passé le premier test avec succès !
Tu parles ! C'était pas si compliqué.
Je devais rester allongé et faire le moins d'efforts. Je me suis fait chier. Mes parents m'ont tenu compagnie, mais bon, c'est pas les copains ou ma PlayStation.
Heureusement, le Docteur Ferracini était à côté, sur l'ordi, pour observer les résultats. Ça les aurait faussés à coup sûr, si elle était restée, sublime, juste à côté de moi...
En fait, tout va se jouer aujourd'hui.
Je dois faire différents tests d'effort. On va m'équiper comme pour un entraînement d'astronaute. Je vais devoir marcher sur un tapis de course, puis courir et faire du vélo avec un appareil pour calculer l'air que je rejette. Et, pour terminer, prise de sang.
J'espère que tout sera nickel et que je vais pouvoir rentrer ce soir.
Mon petit déjeuner vient d'arriver. Si je veux battre des records et prouver que mon cœur se porte bien, j'ai intérêt à prendre des forces. En plus, je commençais à avoir la dalle.
Au point de manger ce truc infâme, oui.
Hier, c'était dégueulasse. Un truc immonde, tout bouilli : des épinards. Je ne suis pas très légume — j'ai déjà dû mal à manger ce que me prépare Mama ou Nonna ! —, mais là, impossible ! Je n'y ai pas touché. Je me suis jeté sur le dessert. Après tout, je n'avais personne pour me forcer à manger ce truc couleur vomi. Beurk !
Mon ventre gargouille. Je n'y tiens plus ! Je ne cherche même pas à savoir ce que ça peut être : j'avale !
Ça fait du bien par où ça passe. J'ai tout dévoré d'une traite.
Maintenant, je n'ai plus qu'à attendre que l'on vienne me chercher. Je suis trop pressé : c'est encore le docteur Ferracini.
Promis, Journal : je vais essayer de moins zieuter sa poitrine.
Et merde !
C'est chiant de ne pouvoir se contrôler.
J'ai plus qu'à filer à la salle de bain avant qu'elle arrive...
Bon. J'espère ne pas avoir d'accident. J'ai, comme dirait mon frère, « utilisé madame cinq doigts ». J'ai fait de mon mieux pour rester digne, quoi.
En fait, les filles ont beaucoup de chance de ce côté-là : elles n'ont rien qui montre quand elles ont une attirance pour quelqu'un. Ce serait plus juste si on pouvait nous aussi cultiver le mystère. Ou à défaut les rendre chèvres comme elles nous font tourner en bourrique !
Ça frappe ! Ça doit être elle !
Merde. C'est mes parents.
11 juin 1998
Pendant un an, interdiction de faire du sport, même pas de la danse !
C'est pourtant pas un sport de haut niveau, mais on me l'interdit.
Je suis sous traitement et, si au prochain test rien ne s'améliore, j'aurai une opération pour me mettre un petit appareil.
Je suis dégoûté.
Je ne comprends pas !
Au début, tout se passait très bien !
J'avais un bon rythme, une bonne récupération entre chaque exercice, et puis boum : je me suis affalé comme une merde sur le tapis de course.
Enfin, c'est ce que m'ont dit mes parents et le médecin. Je n'en ai aucun souvenir.
Je me suis réveillé hier soir dans la chambre, ne sachant pas pourquoi. La dernière chose dont je me souviens, c'est que je courais sur la machine et que j'amplifiais la cadence discrètement parce que je me sentais bien. J'étais rassuré puisque j'entendais les battements de mon cœur grâce à l'attirail relié à ma poitrine et sur l'écran en face de moi.
Puis, j'ai entendu un cri, certainement venant du docteur Ferracini, et ça a été le trou noir.
D'après les explications, j'ai mon cœur qui a baissé de rythme. L'oxygène n'arrivait pas assez rapidement et, donc, j'ai fait un malaise. J'ai repris une fréquence cardiaque normale en me mettant sous oxygène.
Ils appellent ça une arythmie, plus exactement une tachycardie. Apparemment, mon pouls a fait les montagnes russes tout l'après-midi et, donc, ils m'ont mis sous traitement : une forte dose de bêtabloquants.
Une fois stabilisé, j'ai repris conscience.
Et, j'ai eu une belle surprise.
Je n'étais pas seul dans la chambre. Non, ce n'est pas un vieux croûton, mais un gars de mon âge.
Umberto.
Le fait qu'il soit ici n'est pas dû à une maladie, mais à une malformation. Son myocarde, la pompe de notre organe vital.
Ils lui ont détectée vers ses cinq ans après des malaises à répétitions. Comme moi, aucune pratique sportive, aucun effort qui pourrait accélérer les battements. Et pour l'aider, il est depuis sous traitements.
Or, son cœur s'affaiblit de plus en plus, tellement qu'un pacemaker ne suffirait pas.
Donc, aujourd'hui, il passe des tests pour être inscrit sur une liste d'attente. Il a absolument besoin d'une greffe. C'est tellement triste ! Tellement nul !
Et ça pourrait être moi bientôt.
Mon voisin de lit et moi avons discuté très tard dans la nuit. Alors, je croise les doigts pour que tout se passe bien pour lui et qu'il ne soit pas trop fatigué.
C'est dingue, Journal. Au fur et à mesure que j'écris, et en repensant à la conversation avec Umberto, nous avons pas mal de points communs, et c'est pour ça que le courant est vite passé.
Lui et moi sommes surprotégés par nos parents, et nous n'avons pas eu la même enfance que nos copains. En plus, tous les deux, nous souhaitons la même chose : de vite grandir et d'être adultes pour faire plein de choses et découvrir le monde.
Même si nos parents et nos médecins se veulent rassurants, nous savons qu'une horloge est au-dessus de notre tête. Et, à tout moment, son tic-tac peut s'arrêter.
Je reviens plus tard : mon pote de chambrée est de retour. Au vu de son sourire, j'imagine que tout s'est bien déroulé... En tout cas, il revient pas dans les vapes, comme moi.
15 juin 1998
Depuis trois jours, je suis rentré à la maison — enfin plutôt dans ma prison dorée. Je suis surveillé de très près par Mama.
La gardienne en chef.
Je n'ai droit de rien faire.
Alors, je tourne en rond, comme un lion en cage.
Je ne sais vraiment pas comment m'occuper, à part jouer à la console ou aller me promener. Et encore, sous haute surveillance.
Je m'ennuie !
Je me fais chier grave !
Elles commencent bien, les vacances !
Finalement, j'étais bien à l'hôpital...
Non, pas que pour les infirmières et le docteur Ferracini... Mais pour mon nouveau pote, Umberto.
Alors lui, Journal, c'est un vrai clown ! J'ai bien rigolé avec lui, surtout quand ses parents sont revenus le chercher. Il n'a fait que de chambrer sa sœur, Monica. Et elle, elle a autant de tempérament que son frangin, une vraie furie avec du répondant. Mais on sent que, derrière, il y a une grande complicité. Oui, il y a beaucoup d'amour entre eux, et même plus, comme un lien invisible qui les unit. C'est probablement ça, le mystère des jumeaux.
Dommage que Raffaele et moi, nous soyons pas nés le même jour, comme eux. Nous arriverions peut-être à nous entendre, voire pourquoi pas être plus proches. Parce que, jusqu'à présent, nous sommes plutôt chien et chat. Certainement dû à notre différence d'âge, ou alors parce que les parents se préoccupent plus de moi à cause de la maladie, voire, tout simplement, il me déteste.
Sûrement les trois !
C'est pas grave.
Pas besoin de lui : j'ai mes copains.
D'ailleurs, faut que je les appelle ! Mama a accepté que je les invite à la maison aujourd'hui.
Vu la chaleur, nous irons jouer dans la piscine. J'ai de la chance : j'y ai encore droit !
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