9 juillet

Je regarde mon père, qui me regarde. Lui a l'air satisfait, moi j'ai juste l'air dépitée. J'ai une valise rouge à côté de moi, et il me rappelle les horaires du bus qui me prend. 
Pour aller dans cette foutue colonie. Je n'ai pas envie d'y aller, pas envie de me changer les idées. Je ne suis jamais allée en colonie de vacances, je me demande ce qui m'attend là-bas. Des ados de mon âge a dit mon père quand j'ai posé la question. Je n'ai pas cherché à aller plus loin. De toute façon il était furieux contre moi. 
ça pouvait se comprendre... 

D'après les horaires, le bus passait dans vingt minutes, et ma mère m'a déposé à l'arrêt de bus. J'étais la première, et de toute façon je n'avais pas l'intention de parler à qui que soit. J'ai préféré sortir mon téléphone pour envoyer un message à Wen. Elle n'était pas en ligne. Elle n'a pas répondu, et trois autres adolescents sont arrivés. Un grand blond, une fille noire, un garçon avec les cheveux longs et noirs. 
Le bus est arrivé avec dix minutes de retard. Et Wen n'a répondu ni pendant le délai supplémentaire ni pendant le trajet. Je me suis demandé pourquoi. Peut-être que j'avais été injuste avec elle. Après tout, Adam est aussi son pote, elle est aussi blessée que moi. Et pourtant elle a trouvé la force de me parler, de prendre soin de moi. 
Je m'en veux tellement. 

On arrive, et on descend. La colonie de vacances et un ensemble de bungalows rassemblés autour d'un lac en une sorte de petit village. 
Une femme, la trentaine, les cheveux noirs, habillée comme une agent immobilière, arrive, un calepin sous le bras. Elle note nos noms, nous indique des numéros de bungalows. On est trois par maisonnette. Moi, je suis avec Anaïs, une gothique, et Capucine, une fille issue d'une famille catho. Bon, on va se planquer pour fumer... J'ai peur qu'elle fasse un arrêt cardiaque si elle me voit. 
Et fumer, c'est prioritaire. 
Alors il faut que je cherche une planque. 

Finalement, je tombe sur une petite rivière enjambée par un pont. Je m'accoude à la rambarde. Je sors mon fidèle paquet et un briquet de ma poche de veste en cuir. 
Je regarde la rivière, en soufflant la fumée par le nez. C'est un joli paysage, après tout. Et je ne reste qu'une semaine. La cigarette entre l'index et le majeur, je sors mon téléphone de l'autre main. Wen n'a pas répondu. 
Je me demande si elle me fait la gueule. 
Si j'ai été égoïste. Sûrement. Je m'en veux. Mais je ne peux pas tout réparer en un claquement de doigts ; ça prendra du temps. 

Je n'ai pas envie de me souvenir de ce qui s'est passé, de chercher à comprendre, qui quand, quoi, comment. Je sais ce qui est arrivé, mais démêler le fil des souvenirs est trop difficile. 
Alors je quitte le pont après avoir écrasé la cigarette pour retourner dans mon bungalow. 
Les filles ont déjà commencé à installer leurs affaires, sans beaucoup parler. Je sens que le courant ne va pas vraiment passer entre ces deux-là. 

Moi je range silencieusement mes livres et mes vêtements, mon ordinateur portable. Un sac à dos rempli d'une tenue de rechange, gourde, paire de baskets. J'ai tout. Tout va bien se passer.
Ma mère ne m'appelle que demain soir, j'ai le temps de "profiter" et de "faire connaissance" de  "rencontrer de nouvelles personnes". 
Je veux rencontrer personne. 
Je me cale dans mon lit, seule, assise, je branche mes écouteurs et je me connecte à Spotify pour démarrer une de mes chansons préférées en ce moment. Je réfléchis calmement, tandis qu'Anaïs sort un bouquin de son sac. Capucine sort un petit cahier pour écrire. Elle écrit lentement et soigneusement, j'admire sa patience. Que je n'ai pas. 

Quand j'écris, ça dérive, ça part et je dois me replonger dans mes souvenirs. 
Puis ils deviennent trop douloureux et je les efface d'un revers de manche. 

Je consulte ma messagerie. Personne. J'étire et plisse les lèvres dans différents rictus, puis met quelques notes dans le bloc-note. J'ai pas pensé à mon carnet, c'est stupide. Du coup je note quelques instants de ma journée pour ne pas les oublier, et les relater ensuite. 

Mais seulement ça fait déjà une heure qu'on est arrivés, on peut pas rester là... Faut bouger ! Cours de canoë-kayak. Ça... Promet. 

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