Le Serpent
Gaëlle était dans le coma depuis près de deux semaines. Alexaël avait tout essayé pour extraire le poison qui coulait en elle, mais rien n'y arrivait. Elle avait fait deux arrêts cardiaques. Mais ils avaient réussi à la sauver. Sa température ne descendait pas en bas de 39 degrés Celsius. Elle devait être changée plusieurs fois par jour. Jonarek, qui était son âme sœur, arrivait à savoir où était rendu le poison. Il le savait, car il ressentait la douleur de Gaëlle. Comme s'ils n'étaient qu'un. Et c'était la même chose pour Janick et Darryl.
Celui-ci s'en voulait, car il n'avait pas su protéger sa sœur. Il savait ce que c'était que de subir cette douleur, car Sariena s'en était servie contre lui. Pour le punir d'avoir pris un morceau de pain sans le lui avoir demandé. Il avait souffert durant un mois avant qu'elle ne se décide à le plonger dans le coma, comme elle l'avait fait avec Gaëlle. Il avait tellement souffert qu'il lui arrivait encore de sentir les effets du poison, même si son corps l'avait rejeté. Et il faisait souvent des crises de paniques, dues à ce traitement. Et sa sœur allait elle aussi en être victime.
Il alla la rejoindre, dans sa chambre de l'infirmerie du collège. Elle ne donnait pas d'autre signe de vie que sa respiration. Parfois, elle avait de la difficulté à respirer. Darryl savait alors qu'elle subissait une vague de douleur intense. Car c'est ainsi qu'il fonctionnait. Ce n'était pas une douleur permanente. Elle venait n'importe quand. Elle était comme une mer déchaînée. Elle se calmait, mais faisait beaucoup de dégâts.
Le fait que Gaëlle était sa sœur jumelle faisait aussi qu'il ressentait tout venant d'elle. Ses joies, ses peurs, ses surprises. Et sa douleur. Le simple fait de ressentir ce qu'elle endurait le plongeait dans d'atroces souvenirs. Il se souvenait de ce que ça faisait de le sentir se promener en lui. Maïguel appelait sa création « Le Serpent ». Et il portait bien son nom, car c'est ainsi qu'il le sentait se promener. Comme un serpent dans les déserts chauds. Comme une couleuvre dans les buissons d'un petit boisé. Et comme tout serpent, il mordait. Il mordait plusieurs fois et longtemps. C'est ce qu'il appelait lui-même une « vague de douleur ».
Janick vint le rejoindre à son tour. Elle était la petite amie de Darryl, mais comme Jonarek avec Gaëlle, elle était son âme sœur. Elle ressentait donc elle aussi ce que Gaëlle endurait. Elle, elle n'arrivait pas à consoler son copain. Il s'en voulait. Énormément. S'il avait pu être à la place de sa sœur, il l'aurait fait. Mais il ne le pouvait pas. Janick s'assit, sur le coin du lit de Gaëlle, comme elle le faisait tout le temps. Elle ouvrit son livre et continua de le lire. En un peu moins de deux semaines, elle avait terminé cinq livres et tout ça, en veillant sur sa future meilleure amie.
Jonarek, pour sa part, ne vint pas la voir. Pas parce qu'il n'en avait pas envie, mais parce qu'il ne pouvait pas. Son lien avec Gaëlle le clouait lui aussi au lit. Et, contrairement à elle, il ne pouvait pas sombrer dans le coma pour supporter la douleur. Seuls ceux qui avaient été touchés par le poison étaient en mesure de se faire endormir. Alors, la plupart du temps, il perdait conscience après s'être battu contre la douleur. Et cela pouvait durer des heures. C'est exactement ce qui arrivait. Il se battait. Gaëlle avait de nouveau une vague de douleur.
Comme il savait que ça pouvait le prendre n'importe quand, il avait demandé à ce qu'il reste dans sa chambre et que ses repas lui soient portés là aussi. Sa demande fut acceptée. Il savait que le Directeur allait dire oui, car il avait été dispensé de cours, puisque sa magie avait atteint un niveau très haut et que le seul moyen de la faire développer était de s'entraîner. Seulement, dans cette situation, c'était impossible.
Il perdit lui aussi connaissance au bout de trois heures de combat acharné. Quand la vague le prit, il était dans la salle à manger, en train de grignoter quelques légumes qu'il venait de se préparer. Il s'était écroulé sur le coup et ne s'était pas relevé. Parfois, les crises étaient légères, mais pas cette fois-là. Ce fut l'une des pires. Pour ne pas dire la plus grosse qu'il ait ressentie en moins de deux semaines.
Il se battit durant trois heures. À bout de forces, il sombra finalement. C'est couché sur le côté, en position fœtale, qu'il fut retrouvé par son père. Thïodann passait régulièrement voir son fils. Il s'inquiétait de le voir souffrir autant. Il le prit donc dans ses bras et le coucha dans son lit. Il était trempé de sueur et était d'une pâleur effrayante.
Il n'avait jamais vu son fils dans cet état et il n'aimait pas ça. Il en avait parlé à Kimberly, sa femme, car elle était une spécialiste en magie médicinale. Mais, tout comme Alexaël avec sa fille, elle ne pouvait rien faire pour Jonarek.
Quelques minutes après avoir changé son fils, Thïodann vit Janick entrer.
« Elle a une nouvelle crise et c'est vraiment intense! », dit-elle, sur les nerfs.
La Janick de bonne humeur, joueuse et blagueuse avait été remplacée par une Janick inquiète, épuisée et triste. Elle n'en pouvait plus, elle non plus.
« Je m'en doutais. Jo n'a pas eu la chance de se rendre à son lit. Habituellement, la crise commence doucement et ça lui laisse le temps de se préparer. Mais pas cette fois. Je viens de le trouver, inconscient, sur le sol de votre salle à manger. »
Janick n'ajouta rien. Elle se coucha à son tour. Elle avait besoin de se reposer. Elle n'avait pas eu de vision depuis l'attaque de Sariena. Elle savait que Gaëlle allait s'en sortir, mais elle ne savait pas quand. La jeune fille s'endormit immédiatement. Thïodann sut à ce moment que la crise était terminée.
Depuis que Gaëlle était à l'infirmerie, Darryl n'était pas revenu dormir dans son lit. Il était resté auprès de sa sœur. Il ne voulait en aucun cas la quitter. S'il lui arrivait quelque chose d'autre, il allait s'en vouloir à vie. Le jeune homme sombra lui aussi dans l'inconscience, après avoir été pris d'une crise de panique douloureuse. Elle s'était présentée après le départ de Janick. Et il n'avait pas réussi à se calmer, car il ressentait le mal de sa sœur jumelle.
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Un mois était passé. Un mois que Gaëlle avait des vagues de douleurs. Mais dans les deux dernières semaines, ça avait été incroyablement douloureux. À un tel point que ça la réveilla plusieurs fois. Pas assez pour qu'elle soit pleinement consciente de ce qui se passait autour d'elle. Juste assez pour lui faire comprendre que le poison coulait encore dans son organisme. À chaque fois, Sariena revenait l'endormir. La grand-mère se sentait de plus en plus coupable.
Par le passé, elle ressentait une joie incroyable à voir quelqu'un souffrir. Mais plus à ce moment-là. Pas depuis qu'elle savait que Darryl et Gaëlle étaient ses petits-enfants et qu'elle s'étaient attaquées à eux, sans vergogne.
Après avoir rendormi Gaëlle pour la sixième fois, elle alla se promener dans le collège. Elle fut attirée par la pièce de la Déesse. La même pièce qui avait servi à sa propre initiation.
Elle y entra et s'assit au centre de la pièce. Elle n'eut pas à dire un seul mot. Aquilöé apparut devant elle.
« Tu n'as pas changé. », dit Sariena.
« Toi non plus, ma chère. »
« Pourquoi m'avoir attirée ici, Aqui? Tu sais que je ne suis qu'un monstre! J'ai essayé de tuer ma propre progéniture! »
« Ena, je t'ai faite venir ici pour que tu veilles sur Gaëlle. Je veux que tu lui montres tout ce que tu sais. Absolument tout. Je ne t'en ai jamais voulu de m'avoir tuée. Je le savais depuis le début que tu allais le faire. Je l'avais vue dans une de mes visions, alors que je n'étais qu'une enfant. Nous sommes, et serons, toujours liées, toi et moi, ma tendre amie. Et ne nie pas, car tu sais que je dis la vérité. »
Sariena baissa la tête. Bien sûr qu'elle avait raison. Aquilöé aurait pu facilement la repousser et se battre contre elle, mais elle avait choisi de suivre son destin. Finalement, ça lui avait quand même réussi. Mieux qu'à elle, en tout cas.
« Combien de temps reste-t-il à Gaëlle? », demanda-t-elle.
« Une semaine, tout au plus. Mais elle ne sera pas de tout repos et la convalescence sera longue. Je veux que durant ce temps, tu la formes à se défendre, se protéger et à attaquer. Montre-lui à se transformer. »
Sariena ouvrit de grands yeux.
« Tu crois qu'elle en est capable? Mais pourquoi veux-tu qu'elle se transforme en une bête immonde? »
« Mon amie, tu as choisi toi-même ta forme. Tu serais capable de la changer si tu te forçais un peu! »
Sariena fit la moue. Encore une fois, la Déesse avait raison.
« Et pour Maïguel, je fais quoi? Il va bien essayer de me rappeler à lui! »
« Plus maintenant, Ena. J'ai réussi à cacher tes traces. C'est comme si tu étais morte. Et il a encore du chemin à faire avant de te retrouver. Et quand il le fera, ta petite-fille sera en mesure de le battre. »
La Déesse l'avait dit. La semaine fut très difficile pour Janick, Jonarek, Darryl et Gaëlle. Sariena n'avait pas réussi à garder Gaëlle dans le coma plus de trois heures à la fois. À chaque nouvelle crise, elle se réveillait en gémissant, criant presque. Alix avait utilisé son pouvoir sur les trois autres jeunes, celui qui vidait de toute l'énergie vitale la personne touchée. Ainsi, ils ne souffriraient pas. Ou du moins, pas autant que leur consœur. Il ne pouvait pas le faire sur Gaëlle, car elle devait garder sa force pour se battre contre le poison qui s'évacuait, lentement.
Elle criait souvent le nom de Jonarek. Elle hallucinait. La fièvre ne la laissait pas. Mais tous ses proches étaient là pour l'aider. Et une semaine plus tard, elle se réveilla, non pas à cause d' une vague de douleur, mais parce que le poison avait été détruit de son système.
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