Boum

Boum

Boum

Je suis réveillée en sursaut. On est en plein milieu de la nuit. Des bruits d'explosions cassent le silence de la station. Ils sont trop loin pour venir d'ici. D'un seul coup, une idée me traverse l'esprit. Ça ne peut pas être ça. Non. Il faut que j'en aie le cœur nette. Je me lève d'un bon, enfile une veste et des chaussures, puis me dirige vers la grande baie vitrée de ma section résidentielle. Je ne suis pas la seule à mettre levée. D'autres regardent la Terre. On entend des pleurs. « C'est impossible », disent certains. En m'avançant, je découvre notre planète comme je ne l'ai jamais vu. Des rayons lumineux fusent de tous les côtés. Ce sont les bombes. Ma théorie se confirme. La guerre vient d'éclater. Les pays lancent leurs bombes nucléaires sur les autres. Ils s'entre-tuent. Sur Terre, ce doit être la panique. Personne ne sait s'il va survivre ou non.

Mes parents. Est-ce qu'ils sont protégés ? Est-ce que l'organisation qui a créé notre station en a fait une pour les autres ? Ou bien, est-ce qu'il y a des bunkers sur Terre ?

Autant de questions qui me tourmentent et dont je n'ai pas la réponse. Que ce soit pour moi, ou pour les autres habitants.

Cela fait une semaine que nous avons annoncé les dirigeants de la SSCS. Comme je m'y attendais, certains ont été mécontents. Ils se doutaient sûrement que ça devait arriver un jour. Il n'y eut donc pas de grosses altercations à la suite de mon discours.

Flash-back :

Toute la station a été réunie dans la cafétéria. Il est quinze heures, l'heure de la pause entre deux cours pour certains, et pour d'autres, l'heure de travailler sur des projets personnels. Mais pour l'instant, c'est l'heure de découvrir leurs dirigeants. Une fois le silence acquit, je prends la parole, malgré mon stress monumentale.

_ Bonjour à tous et toutes ! Si nous vous avons réunis ici aujourd'hui, c'est par ce que nous avons des informations à vous annoncer. Tout d'abord, une petite présentation s'impose. Je m'appelle Vanessa Roy, je suis le seul porte clé rouge de la station. Mon rôle est de vous diriger.

Les voix s'élevèrent dans la salle. L'incompréhension se lit sur les visages. Anaïs commença, finalement, à se présenter.

_ Bonjour. Moi, c'est Anaïs et je suis un porte clé jaune. Je suis la représentante du domaine médicale.

Les représentants enchaînèrent en rythme et les discutions cessèrent.

_ Bonjour, je suis Léon, représentant des oranges.

_ Bonjour, je m'appelle Mathilde. Je représente les portes clé vert.

_ Salut, moi, c'est Julie. Je représente les ingénieurs et les mécaniciens.

_ Bonjour. Moi, c'est George et je suis un porte clé violet. Je suis le représentant de la garde de la station.

_ Bonjour, moi, c'est Samuel. Je suis un porte clé rose. Je représente les techniciens.

_ Très bien. Nous sommes vos dirigeants. Vous devez nous respecter, nous comme chaque personne de cette station. Nous allons créer des lois. Certaines seront injustes pour certains. Si nous ne mettons pas en place rapidement des règles pour la survie, l'humanité, la race humaine pourrait être voué à disparaître.

Fin du flash-back

L'agitation et la peur remplissent l'espace. Certains pleurent, d'autres se renferment. Moi, j'essuie la petite larme qui dévale ma joue en ce moment. Je ne me laisse pas atteindre. Je ne montre pas ma douleur. On m'a appris à faire ça. A la danse, même si on souffre le martyre, même si on a eu une journée pourri ou qu'on est fatigué, on ne doit pas le montrer. On sourit. On donne l'illusion que tout est beau et parfait, alors qu'en réalité, ça ne va pas. Là, c'est la même chose. On est au milieu de la nuit, je suis fatiguée, triste, et en colère. Pourtant, je ne le montre pas. Je garde une expression neutre. Je me dois d'être un modèle pour les habitants de la SSCS. S'ils voient que je suis abattu, ils le seront aussi. Or, ce n'est pas une option. On a besoin de chaque personne de cette station pour survire. Nous sommes l'avenir. Nos inventions et nos recherches amélioreront la qualité de vie des générations futures. J'en suis la maîtresse.

_ Calmez-vous ! Je crie. Ce n'est pas dans cet état d'esprit que nous survivrons. Rentrez chez vous. Reposez-vous. Demain est un autre jour. Continuez de travailler, car ce n'est que comme ça que nous réussirons. Bonne nuit. Finissais-je.

Les habitants s'étaient calmés à la seconde où le son de ma voix à retentis. Ils commençaient à s'éparpiller lorsque je reçus un nouveau message anonyme.

Arrête de faire ta petite cheffe.

Je regardais autour de moi. Il n'y avait plus personne dans la salle. L'atmosphère lourde qui régnait quelques minutes plus tôt, est redevenue calme et tranquille. Je reste quelques minutes de plus devant le hublot. L'infini de l'espace. C'est poétique. Je me demande ce que ça fait d'être dans ce vide. On doit être tellement proche des étoiles. On doit avoir l'impression de pouvoir les toucher, alors qu'en réalité, elles sont à des milliers de kilomètres de nous.

Je me souviens que lorsque j'étais petite, notre père, à ma sœur et moi, nous emmenait faire du camping une fois par an. C'était la nuit où les étoiles se voyaient le plus. Notre père nous montrait les constellations et il nous apprenait toujours plein de nouvelles choses. J'adorais cette nuit-là. Je l'attendais avec impatience chaque année. Malheureusement, lorsque nous avons déménagé, nous avons arrêté de faire notre petite tradition. Les forêts étaient trop éloignées de la maison. Les lumières de la ville nous empêchaient toute observation.

Je finis par détacher mes yeux du paysage pour retourner me coucher.

*****

Ce matin, lorsque le réveil sonna, j'eus dû mal à me lever. La nuit a été courte. Je n'ai pas réussi à me rendormir après ce réveil nocturne. Il faut dire aussi que voir la Terre mourir sous nos yeux, ce n'est pas très réjouissant. Cette planète est l'endroit où je suis née, où j'ai vécu mon enfance et mon adolescence. Tout ce qui a été construit depuis des millénaires a été réduit en cendres en à peine quelques heures. La vie n'y est plus possible, quelle soit humaine, animal, aquatique ou végétale. Il n'y a sûrement plus rien. Tout a dû être rasé par les bombes et les radiations.

Après m'être préparé, et pris soin de bien cacher mes cernes, je prends la direction de la salle de réunion. Malgré tout, je passe par la cafétéria pour prendre un petit-déjeuner.

Aujourd'hui, nous avons une grosse réunion avec les autres représentants. On apprend à se connaître petit à petit. Des liens se tissent. Des amitiés se créent. Des relations amoureuses se forment. On s'habitue tous à notre nouvel environnement. Je ne suis plus surprise de me retrouver dans le noir lorsque je me réveille le matin. Je commence à bien me repérer dans la station. Je prends mes marques. Je fais mon deuil. Je reste professionnelle. J'ai encore beaucoup de choses à apprendre sur mon métier, mais Sophie est là pour m'aider. Elle est patiente et à l'écoute. Tout ce dont j'ai besoin pour bien apprendre. J'aimerais avoir terminé les lois à la fin du mois. Une fois que ce sera fait, je pourrai tenter d'améliorer la vie quotidienne dans la station. Je pourrai organiser des fêtes. Créer des associations. Je ferai en sorte que la vie soit agréable. Que des familles puissent se construire en paix et que l'histoire ne soit pas oublié. Finalement, ils avaient raison, ma sœur et mes amis. Je suis peut-être bien faite pour ce job. En tout cas, je prends mon rôle à cœur.

L'heure de la réunion a sonné. Je commence donc à prendre la parole.

_ Bonjour à tous ! Aujourd'hui, on va faire un inventaire de nos tâches importantes à faire. Nous devons déterminer pour combien de temps nous aurons des ressources. Nous devons faire des protocoles de soins. Je pense surtout dans le cas de maladie grave et aux urgences. Nous devons créer un dispositif de sécurité. Choisir les peines pour les différents délits et nous devons créer des plannings de ménages et des tours de maintenance. Qui prend quoi ?

_ Je vais m'occuper des plannings. J'y inclurai les tours de maintenance. Propose Samuel, le représentant des portes clé roses.

_ Je serai la plus apte d'entre nous à faire les protocoles de soins. Lança ma sœur.

_ On prend le calcul des ressources avec Mathilde. M'appris Julie après s'être concerté avec la représentante des portes clé verts.

_ Parfait, je m'occuperais des lois, par contre, j'aurais besoin de toi Georges pour les peines.

_ Pas de soucis. En plus de ça, je m'occuperai d'organiser un bon système de sécurité avec Léon.

_ Ça me va. Merci beaucoup. On fait un point la semaine prochaine. En attendant, moi, je vais essayer de me renseigner auprès du directeur de l'entreprise s'il a des informations sur nos familles.

_ C'est sûr qu'avec ce qui s'est passé cette nuit, il nous doit des réponses. Réplique Léon.

_ Malheureusement pour nous, Mathieu n'est pas disponible aujourd'hui. Il va falloir attendre demain pour le rencontrer. Nous informe Sophie.

_ Mince. Qu'est-ce qu'il a de si important à faire si ce n'est pas lui qui dirige ?

_ Je me pose la même question que toi, porte clé rouge. Me répondit-elle.

Nous débattons encore quelques minutes sur ce que Mathieu pourrait bien faire, puis nous partons chacun de notre côté. Sophie à son bureau, moi, dans le mien. Les autres, eux, vont vers leurs cours respectifs. Ils suivent des formations intensives et accélérées pour leur futur métier. D'après Julie, le programme est génial en ingénierie. Elle n'arrête plus de travailler et de potasser ses livres de cours. Elle veut être la meilleure. Je sais qu'elle le saura. Elle a toujours eu d'excellentes notes, ce n'est pas un changement de domicile qui changera ses convictions et ses habitudes.

Pour ma part, je passe mon temps à étudier les différents textes de lois du monde. J'essaie d'avoir une vision d'ensemble pour chaque délit afin de choisir les sanctions au mieux. Malheureusement pour moi, comparer des textes de lois, ce n'est pas ce que je préfère. C'est encore moins le domaine où je suis la plus douée. Mais je dois prendre sur moi afin que les habitants de le SSCS cohabitent dans une sorte de paix, parce que, même si d'apparence, on peut y voir une belle harmonie, intérieurement, c'est le chaos. Nous avons été sortis de l'adolescence, puis introduit dans la vie d'adulte, tout ça en l'espace de quelques heures. Rien ni personne ne pourra me dire qu'il ne ressent rien face à cette situation. C'est humain. Nous sommes humains.