Une abominable odeur de citrouille tourbillonne dans la maison lorsque je pousse la porte d'entrée. Je retire un écouteur de mon oreille en fronçant les sourcils. Merde, j'avais espéré que l'atelier pâtisserie serait terminé à cette heure-ci. Des éclats de rire proviennent de la cuisine dans laquelle des hommes, femmes et enfants s'appliquent à réaliser diverses pâtisseries pour l'événement de l'année. Ce putain d'événement auquel je cesse de participer depuis trois années consécutives.

— Tu es rentrée, ma chérie ?

Grillée.

— Ouais, mais il me reste une tonne de devoirs à terminer ! Je ne peux pas rester pour vous aider, c'est trop dommage !

— Tu as bien cinq minutes pour goûter une tartelette à la citrouille ?

Putain de merde. Pourquoi ma mère est-elle obligée de tout compliquer ? Elle essaie toujours de me convaincre de prendre part à cette mascarade et convaincre la ville entière que je ne suis pas une fille ingrate. J'ai aucune envie de participer parce que c'est de la merde et que cette pauvre journée ne changera rien à ma vie. Je dépose mon sac en bas des escaliers puis balance ma veste sur le canapé afin de rejoindre le bon monde. Chaque année c'est la même mascarade, je voudrais bien l'envoyer chier pour être tranquille, mais cette période reste également douloureuse pour elle.

— Salut.

Mon ton est froid, distant et presque antipathique. Une quarantaine de pâtisseries en tout genre trônent sur la table de la salle à manger et le comptoir. Heureusement que Cookie ne vole plus la nourriture, il auraient eu une fâcheuse surprise.

— Goûte-moi cette merveille !

Maman dépose une tartelette en forme de citrouille avec un sourire. Je croque un morceau en réprimant un haut-le-cœur. Je déteste la citrouille peu importe la forme, la préparation parce que le goût reste abominable. C'est une torture de la mélanger avec des autres préparations qui sont de bases délicieuses.

— Qu'est-ce que tu en penses ?

— C'est bon.

La reine des menteuses. C'est horrible, mais pour ne pas vexer la foule d'invités je prétends apprécier le mélange subtile de gâteaux à la citrouille avec une pincée de cannelle. Ça me permets d'avoir la paix. Je repose le reste de la tartelette au bord d'une assiette en essuyant ma bouche dans une serviette en papier, je recrache à l'intérieur à l'abris des regards.

— On a prévu quelques nouveautés pour les stands, une raison supplémentaire pour que tu viennes célébrer ce jour avec tout le monde.

— Pour quoi faire ?

Je ne vois aucun intérêt à rejoindre ces imbéciles pour faire la fête. Tout le monde à la chance de revoir leurs proches perdu, mais celui que je guette chaque année ne se donne même pas la peine de venir. Même les morts ne veulent pas de moi alors cette journée peut bien aller se faire voir. Un lourd silence s'installe dans la cuisine, je profite de cette occasion pour mettre les voiles. J'avais l'intention de m'enfermer dans ma chambre pour jouer à la console, mais je n'arriverais pas à me concentrer avec le bruit. Je récupère ma veste, mon sac et claque violemment la porte derrière moi. Fête de merde. Défunts de merde.

Je marche en direction du parc situé à quelques minutes de marche de ma maison. Un endroit parfait pour s'isoler et profiter du calme sans craindre d'être déranger. Même si la ville s'empare du lieu pour le jour des défunts, je peux au moins savourer ces quelques minutes de tranquillité sans entendre parler de cette maudite journée. Je pousse le portillon puis observe les lieux. Les grands arbres apportent une ambiance très « forêt » que je ne peux m'empêcher d'apprécier. Des guirlandes lumineuses sont accrochées tandis que des citrouilles décoratives sont dispersées un peu plus partout. On pourrait croire que c'est Halloween avant l'heure, mais ce n'est pas le cas.

Je glisse mes écouteurs dans mes oreilles en marchant comme à mon habitude. Mes chaussures glissent sur les feuilles d'automne. La saison vient à peine de débuter, mais on remarque les subtiles changements de la nature. Moonhold est tellement ordinaire en apparence. Des touristes viennent de temps en temps, mais cela s'arrête là. Personne n'emménage ici.

Je m'immobilise devant la statue de la ville. Une inscription est gravée dessus, j'ai beau la connaître sur le bout des doigts je ne peux m'empêcher de la relire une nouvelle fois.

Moonhold
« Ouvre l'oeil, un fantôme est peut-être en train de t'épier derrière le voile. »

Ce petit village aux allures de séries accorde aux villageois un cadeau exceptionnel : la possibilité de revoir des proches décédés pour une journée entière. La raison est inconnue, c'est une tradition existant depuis plus de 500 ans. Personne ne cherche à comprendre la raison pour laquelle Moonhold est le seul endroit à bénéficier de ce traitement de faveur. De plus, ce cadeau est accordé uniquement à ceux qui vivent dans le village. Les touristes ne sont pas en mesure de voir derrière ce voile. Le jour des défunts est une occasion unique pour célébrer la vie et la mort.

Chaque année, maman profite de ce moment pour revoir les proches qui ont quitté nos vies bien trop tôt. Généralement, mes grands-parents viennent ainsi que d'autres membres de la famille. Avant, je me donnais la peine de profiter des réjouissances de cette journée, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. Guetter le retour d'une personne me fait mal alors j'ai cessé d'espérer.

Je suis hantée par ces questions qui me font mal un de chien. Pourquoi n'ai-je pas le droit de voir mon père ?

Bonsoir ! Comment allez-vous ?
Cela fait énormément de temps que je n'ai rien publié sur la plateforme. Aujourd'hui, je fais mon retour avec cette petite nouvelle qui est un projet pour lequel je me donne beaucoup de mal. C'est un peu comme un exercice d'écriture, cela me permets d'évacuer certaines émotions tout en partageant mon travail avec vous. Mes autres romans reprendront très bientôt ne vous inquiétez pas, je m'accorde juste du temps en écrivant à mon rythme.

Je vous emmène à la découverte de la mystérieuse ville de Moonhold dans laquelle des événements étranges se produisent. Une petite étoile et un commentaire font toujours plaisir et ça m'encourage à continuer. Merci ! À la prochaine.

10.09.2024