Partie 9

Samedi 10 aout 2019:

Mon éclat de rire raisonne à travers la pièce à vivre, celui de Nicolas me suit bien vite. Je tends la main vers mon petit-ami qui râle dans sa barbe, visiblement agacé.

- C'est un véritable complot, se plaint-il. Dilapidé par son propre père et son mec.

- La vie est dure mon chéri. Maintenant donne le fric, je lui réponds faussement compatissant en agitant mes doigts tendus.

Il me donne finalement les billets, de mauvaises grâces. C'est vrai que le pauvre n'a pas de chance, il tombe à chaque fois sur une casse appartenant soit à son père, soit à moi. Il a dû hypothéquer un bon nombre de ses terrains. Son air grognon mais adorable, me fait craquer.

En dix jours, j'ai appris bon nombre de choses. Comme passer une matinée en famille à jouer à un jeu de société. Depuis ma rencontre avec Nicolas, je passe le plus clair de mon temps chez les Krasnov. Mes parents ne me questionnent pas plus que ça et je ne leur fourmi aucune explication. Je suis beaucoup plus heureux dans cette maison que dans celle qui m'a vu grandir.

Malheureusement pour mon copain, il est rapidement éliminé de la partie et il crie au coup monté contre lui. J'ai rarement autant ri. Ce qui est le plus surprenant, c'est que pendant ces dix derniers jours, je n'ai pensé à rien d'autre que Dimitri. Mon couple est devenu ma priorité. Il a d'ailleurs évolué, il est solide et sérieux, malgré le fait qu'il soit récent. 

La première fois que je lui ai donné un surnom, complètement niai soit dit en passant, c'était il y a sept jours. Pendant que nous jouions tous les deux aux cartes et que j'ai gagné. Le « chéri » est sorti sans mon accord mais ses yeux ont tellement pétillé de bonheur à ce moment-là et son sourire était si beau, que j'en étais chamboulé. J'ai voulu revoir cette expression sur son visage, alors j'ai recommencé. Et je ne suis pas prêt à m'en délecter.

Comme il est pratiquement l'heure de manger, nous sommes obligés d'arrêter la partie. Je suis déclaré grand vainqueur. Je taquine mon copain avec ça, car il est assez mauvais perdant, ce qui est drôle à voir.

- Arrête de faire la tête, je lui demande en retenant un rire.

Il marmonne quelque chose d'incompréhensible tout en rangeant la boite dans un placard. Je l'enlace par-derrière et me hisse sur la pointe des pieds pour déposer un baiser dans sa nuque.

- Je suis sûr que vous avez triché, enchaîne-t-il.

- On ne peut pas tricher au Monopoly, je réplique amusé.

Je fonds devant son air grincheux. Dimitri fait semblant d'être énervé, je le sais, puisqu'il pose ses mains sur les miennes. Notre étreinte se ressert d'elle-même. J'enfuie mon visage entre ses épaules, tout en fermant les yeux. Je flotte sur un nuage depuis que nous sortons ensemble. À tel point que l'avenir ne me fait pas peur,  pour moi qui est un grand angoissé de tout, c'est une grande première. 

Dimitri me fait passer devant et comme l'affamé que je suis, je me jette sur ses lèvres. Mon petit-ami rigole de mon attitude. Ce n'est pas de ma faute si j'ai tout le temps envie d'être dans ses bras et de l'embrasser. Je suis déjà bien assez frustré au boulot, pour devoir me contenir chez lui.

- Les gars c'est prêt, nous annonce Nicolas, ce qui nous coupe.

Je ne parviens pas à retenir un soupire de mécontentement. Dimitri me répond par un clin d'oeil. Je me languis déjà d'être cet après-midi, surtout que le père de mon copain travail, et pas nous, ce qui veut dire que nous aurons la maison pour nous tous seuls.

Après le déjeuner, nous décidons de regarder un film. Je laisse Dimitri le choisir, vu la bibliothèque qu'ils possèdent, il n'aura aucun mal à en trouver un. Lorsqu'il revient s'asseoir, je me colle contre lui. Je replie mes jambes et pose ma tête contre son torse. L'un de ses bras fait le tour de mon corps, pour me garder plus près de lui.

Le film est presque à la moitié lorsque la sonnerie de mon portable retentit, me signalant l'arrivée d'un message. Ne voulant pas me séparer de Dimitri, je me contorsionne pour pouvoir sortir mon téléphone. Je me fige en voyant le destinataire; Léo. Le regard de mon copain, que je sens sur moi, me pétrifie. Les mains moites et tremblantes, j'ouvre le message.

<Léo>
« Salut ! Je suis enfin rentré !
Dis, tu es dispo en fin d'aprèm ?
J'aimerais bien qu'on se voit. »

Je déglutis avec difficulté. Une sueur froide remonte le long de mon dos. Mon visage perd toutes ses couleurs. Effectivement, en regardant la date, je constate qu'elle correspond au retour prévu de mon meilleur ami. Je n'avais même pas réalisé que nous étions le dix août.

Je sursaute lorsque Dimitri me secoue délicatement le bras. Ma tête se relève doucement, mais je finis par rencontrer ses yeux, où s'y mêle questionnement et inquiétude. Mes doigts restent bloqués au-dessus du clavier, incapable de taper une réponse à Léo. Je ne veux rien faire qui pourrait blesser Dimitri.

- Qui c'est ?, me demande-t-il prudemment et je suis presque sûr qu'il sait ce que je vais lui répondre.

- Léo, je réplique simplement la gorge nouée.

Dimitri retire son bras et s'éloigne de moi. Il hoche la tête, tout en frottant ses paupières. Mon coeur se brise de le voir faire. Quand je tente, désespérément de lui expliquer ce qu'il en est, mon copain ricane faussement.

- Alors ça y est, il rentre et toi tu cours le rejoindre, assène-t-il.

- Non, je...il... j'ai jamais dit que...

- Ta réaction a parlé pour toi Gaël, me coupe-t-il énervé en se levant du canapé.

Je ne sais pas pourquoi mais les larmes me montent. Depuis que nous sommes en couple, c'est notre première dispute et j'ai l'impression que si je dis une parole de travers, je pourrais le perdre. Je n'ai absolument aucune idée de ce que je dois faire et cela me terrifie. Dimitri se méprend sur mes intentions et si je ne lui dis pas, il ne pourra pas le savoir.

- Je ne cours pas le rejoindre, je finis par répondre peu assuré. C'est juste que c'est l'occasion de lui dire avant qu'il ne l'apprenne lui-même.

- Arrête. C'est juste une excuse pour le voir, me contre-t-il.

- Non. C'est faux, je...

- Bien sûr que si ! Et moi dans tout ça hein ? Je ne compte pas pour toi. Je suis vraiment stupide d'avoir pu croire que tu étais sincère avec moi, alors que tu comblais uniquement un manque.

Je suis abasourdi face à la tirade de Dimitri et mon coeur finit en mille morceaux. C'est ce qu'il pense de moi et de notre relation ? Non, je sais que ça ne l'est pas. Les quinze jours passés ensemble me le prouvent bien. Je percute enfin, Dimitri à peur. Malgré toutes mes paroles, il a toujours cette appréhension d'être un substitut de Léo. Sa voix est remplie de sanglots contrôlés. Après avoir avalé ma salive, je lui réponds :

- Je ne t'ai jamais menti. J'ai toujours été sincère avec toi Dimitri et tu compte pour moi. Tu dois me faire confiance quand je te dis que si je vais voir Léo tout à l'heure, c'est pour lui parler de toi et moi.

Je m'approche de lui prudemment et dépose ma main dans le creux de ses reins. Son corps tremble sous ma paume. Il a besoin d'être rassuré. Alors délicatement, j'entrecroise nos doigts ensemble et cale ma tête contre son épaule. Dimitri garde les yeux fermés.

- S'il te plaît fait moi confiance, je l'implore.

- Je n'aime pas te savoir avec lui, m'avoue-t-il en chuchotant.

- Tu n'as aucune raison d'être jaloux.

- Je ne le suis pas, réplique-t-il de mauvaise foi.

- La façon dont tu réagis me laisse penser que si.

Il soupire en passant son autre main sur son visage. Je ressers ma prise sur ses doigts. Je ne peux pas partir en le laissant dans ses doutes.

- Dimitri, je susurre contre son oreille.

- Ne pars pas.

Son ton suppliant et triste, me retourne l'estomac. Je comprends la peur de mon copain mais je dois dire la vérité à Léo. De cette façon après, Dimitri et moi, pourrons être libre, sans aucune barrière. Je pourrais passer à autre chose et avancer dans ma vie, avec l'homme qui se tient à mes côtés. C'est important pour moi, je dois le faire.

- Je ne resterais pas longtemps, je tente de négocier.

- Tu veux absolument partir. Et bah vas-y, je ne te retiens pas.

D'un seul coup, il me repousse complètement. Je suis démuni devant son ton froid et sans appel. Sans me lancer le moindre regard, il s'élance dans les escaliers.

- Dimitri, je crie pour le retenir.

- Dégage !, hurle-t-il dos à moi.

Complètement choqué, je stoppes tous mouvements. Peu de temps après, j'entends une porte claquer et je devine qu'il est parti s'échapper dans sa chambre. La bouche ouverte, les larmes coulant sur mes joues, j'essaye de comprendre ce qui vient de se passer. J'avais promis à Nicolas de ne pas faire de mal à Dimitri mais c'est exactement ce que je viens de faire. Il va se sentir abandonné.

Bordel, je suis paumé. Quelle décision est la meilleure à prendre ? Si je ne vais pas voir Léo aujourd'hui, il insistera pour un autre jour et le problème avec Dimitri sera le même. C'est repousser l'échéance.

En étant tout à fait honnêtement avec moi-même, il y a une autre raison pour laquelle je veux voir Léo tout à l'heure et pas plus tard. Je dois être fixé sur mes sentiments pour lui, si ils ont réellement disparu ou pas. Il faut que j'en aie le coeur net pour être encore plus épanoui dans ma relation avec Dimitri.

J'expire un bon coup et attrape mon portable pour répondre à Léo. Plus vite, ce sera fait, mieux ce sera. Désolé si cela te fait de la peine mon amour.

<Moi>
« Ok, dans 10min au jeu ?
Je ne pourrais pas rester
longtemps. »

Mon regard ne se décroche pas de l'étage. J'aimerais que Dimitri redescende et me prenne dans ses bras, mais il ne le fait pas. Je sais pertinemment que si je le rejoins, je ne partirais plus, parce que je déteste voir de la souffrance sur son visage.

Léo me répond par l'affirmatif quelques secondes après. Mes épaules s'affaissent en imaginant la suite des événements. Si je passe cette porte, je peux perdre Dimitri. Mais j'avais des résolutions au début de l'été et elles sont toujours là, je me dois de les accomplir. Je ne veux plus être lâche.

J'ai un pincement au coeur en quittant cette maison, qui m'apporte tant de réconfort. Je me fais violence pour ne pas lever les yeux vers la fenêtre de la chambre de Dimitri. Quoi qu'il arrive, je viendrais le retrouver. Car peu importe ce qu'il en découdra de mes retrouvailles avec Léo, cela ne pourra jamais effacer ces jours passés.

La boule au ventre, j'approche du point de rendez-vous. Je vois mon meilleur ami de dos. Mon palpitant commence à s'affoler mais pas pour les raisons similaires d'autrefois. Là, c'est d'angoisse. Le bruit de mes pas doit l'alerter, car il tourne la tête vers moi. Je ne saurais décrire ce qu'il se passe en moi en cet instant mais une chose est sûr, c'est différent.

- Salut, me dit-il.

- Salut, je réplique sur mes gardes.

Je ne le regarde plus comme avant. Mes pensées sont trop tournées vers Dimitri pour me concentrer sur quelqu'un d'autre. Je me surprends à les comparer, à énumérer ce qui les discerne tous les deux et ce que je préfère chez mon copain que mon meilleur ami n'a pas.

- Les gars ne vont pas tarder à arriver, me prévient-il.

J'acquiesce en silence, la gorge trop obstruée pour parler. Finalement l'annonce se fera pour tout le monde en même temps. Je n'arrive pas à affronter le visage de Léo, je suis bien trop mal à l'aise. C'est tellement confus dans ma tête que je ne parviens pas à dissocier mes sentiments.

- T'as changé en trois semaines Gaël, me fait remarquer Léo et j'ai envie de lui hurler que c'est grâce à un homme.

- Ouais, j'ai compris certains trucs, je rétorque à la place.

- Tu sais, j'ai entendu des rumeurs comme quoi t'aurais été vu avec Krasnov.

Mon coeur cesse de battre à ses mots. L'allusion à Dimitri me déclenche des fourmillements dans tout le corps. Par contre, le dégoût perceptible dans sa voix à l'évocation de mon copain, me fait grincer les dents.

Je savais que des gens nous verraient un jour ou l'autre, mais je ne pensais pas que cela viendrait jusqu'aux oreilles de Léo, alors qu'il était loin d'ici. Merci les réseaux sociaux. Je prendre une grande aspiration, prêt à tout révéler.

MlleLovegood

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