Partie 7
Samedi 27 juillet 2019:
Nos mains sont ancrées l'une dans l'autre. Même assis sur le muret, nous ne nous lâchons pas. Je le refuse. Peut-être que tout va trop vite. Mais quelque chose à changer ces dernières semaines. Un nouveau bonheur s'ouvre à moi, un vrai qui lui seul pourra m'épanouir. Parfois, il a des évènements qui nous tombent dessus et on ne peut que les accepter. Cette alchimie que je ressens avec Dimitri est si belle que je ne peux que la prendre et la savourer.
- Je veux tout savoir de toi Dimitri Krasnov, je lui dis déterminé.
Le rire qu'il émet me bouleverse et fait bondir mon coeur. Son pouce caresse ma paume, me rendant encore plus fébrile.
- Très bien petit curieux, me lance-t-il un sourire amusé dans la voix. Levons tous les mystères.
Je ricane niaisement, avant de poser ma tête sur son épaule. Je suis très sérieux, je veux apprendre à connaître l'homme qui occupe mes pensées toute la journée. Découvrir qui il est vraiment.
- Mon grand-père paternel est russe, commence-t-il. D'où mon nom de famille. Je l'ai très peu connu d'ailleurs. Il est décédé quand j'étais petit.
J'acquiesce tout en fermant les yeux, pour mieux savourer le timbre de sa voix. Il fait une pause de quelques secondes, le temps de déposer ses lèvres sur mon front. Il y a des informations que je connais sur Dimitri, comme le fait qu'il vit seul avec son père. Une rumeur court à ce propos dans le village, comme quoi sa mère serait parti du jour au lendemain, sans donner d'explication à qui que ce soit, avec un autre homme. Depuis ce jour, personne ne l'a revu. Bien entendu, je ne vais pas le dire à Dimitri. Il n'a pas besoin de savoir que des langues de vipère parlent sur sa famille. Je pense que c'est un sujet délicat pour lui.
- Après, je ne sais pas quoi ajouter, me souffle-t-il.
- Qu'est-ce que tu vas faire l'année prochaine ?, j'ose enfin lui demander.
- Je pars à Londres, faire des études d'ingénierie.
Je me redresse d'un seul coup. Mon coeur vient de faire un looping. Quand je le supplie de répéter pour être sûr d'avoir bien compris et qu'il me redit la même chose, un énorme sourire déforme mon visage. Nous serons dans la même ville pour étudier. Ce que nous vivons là maintenant ne sera pas qu'éphémère le temps des vacances.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Tu me fais flipper avec cette tête, me taquine-t-il.
- C'est que...moi aussi je serai à Londres l'année prochaine.
J'observe sa réaction, mais je ne vois rien. Une fois encore, son masque de neutralité camoufle tout. Mon coeur dégringole et mon estomac se compresse. Visiblement, ça lui fait beaucoup moins plaisir qu'à moi, de savoir que nous allons être à Londres tous les deux.
Il y a quelques heures, Dimitri m'a dit vouloir essayer une relation avec moi, mais peut-être que c'était juste pour ne pas me faire de la peine, tout en se faisant plaisir lui-même. Il ne voit peut-être en moi qu'un moyen d'être satisfait sexuellement. Des larmes affluent derrière mes paupières.
- Alors tu étais vraiment sérieux tout à l'heure, quand tu m'as dit que tu voulais être avec moi ?, me demande-t-il, ce qui me surprend et je suis perdu par sa question.
- Oui, bien sûr, je réponds la gorge nouée.
- À moi de poser une question, si tu le veux bien ?, je ne peux que hocher positivement la tête. Qu'est-ce qu'il va se passer quand Léo va rentrer de vacances ?
Je reste sans voix face à ce qu'il vient de me demander. La vérité, c'est que je n'ai pas de réponse et que je n'y avais pas vraiment réfléchi. Je finis par percuter. Dimitri pense toujours être un substitut de mon meilleur ami, et que je vais le laisser tomber lorsque Léo rentrera à Bathampton. Il se passera forcement quelque chose quand je reverrais mon ami, puisque je lui dirais la vérité sur moi.
- Je ne changerais pas d'avis pour nous, si c'est ce qui t'inquiète, je finis par répondre.
- Je dois savoir où tu te positionnes vis-à-vis de lui. Je ne peux pas être avec un mec qui en aime un autre, m'avoue-t-il en fuyant mon regard.
Sa phrase me touche en plein coeur et mes épaules s'affaisse. C'est donc ça qui lui pose problème et je ne peux que comprendre. La première conversation que nous avons eu tous les deux, était au sujet de mes sentiments pour Léo. Sentiments qui s'effacent au fur et à mesure que je passe du temps avec Dimitri.
- Ce n'est pas le cas, j'affirme sûr de moi.
- Il y a à peine trois semaines, ce n'est pas ce que tu me disais, me contre-t-il.
- Je sais, mais laisse moi une chance de te prouver le contraire, je lui propose en tentant un sourire.
Je prends son visage en coupe et le supplie silencieusement de me croire et d'accepter. J'approche mes lèvres et capture les siennes. Je l'embrasse doucement, avec toute la tendresse que je peux pour renforcer mes paroles. C'est bouleversant. C'est sa bouche à lui que je veux savourer jour après jour. Léo est un pan de ma vie que je dois mettre de côté pour avancer. Car je suis prêt à passer à autre chose, je suis déjà en train de le faire. Et puis, Dimitri fait naître en moi des émotions encore inconnues jusque-là, mais qui sont tellement saisissantes.
- Ok très bien Gaël. Je te laisse une chance, décrète-t-il une fois que nous nous sommes séparés.
- Je te promets que tu ne le regretteras pas, je réplique confiant.
Dimitri me sourit enfin et je soupire de soulagement. Il me prend dans ses bras et je m'accroche désespérément à ses vêtements. Je plonge mon nez dans le creux de sa nuque, toujours plus près de sa peau et de son odeur. Je vais tout faire pour être le meilleur petit-ami qu'il est connu.
Un silence s'installe entre nous, mais il n'est pas gênant. Pour ma part, il est reposant. Il n'y a qu'ici que nous pouvons être si proche l'un de l'autre. Alors nous en profitons, parce que penser à l'instant où nous allons être séparés, me brise le coeur. Dimitri est une bouffée d'oxygène.
Je sens mon petit-ami remuer, chercher ses mots avant de formuler la bonne phrase. Je le laisse donc faire et attends qu'il soit prêt.
- Tu veux toujours le dire à tes amis ?, chuchote-t-il et je n'ai pas besoin de lui demander de préciser, pour savoir de quoi il parle.
- J'ai pas mal réfléchi à ce que tu m'as dit quand tu m'as ramené la première fois. Tu avais raison. Je me voilais la face mais je sais que je ne pourrais jamais être moi-même avec eux et qu'ils ne peuvent pas rester mes amis.
- Gaël, je suis désolé. J'ai été dur ce jour-là.
- Non pas du tout, je le coupe. Tout ce que tu as dit était vrai. Seulement ils voudront des explications et je vais devoir leur dire la vérité.
Dimitri acquiesce mais malgré tout, je vois ses traits se tirer presque douloureusement. Il a l'air perdu dans ses souvenirs. Je sais que son coming-out ne s'est pas bien passé, il me l'a dit. Déjà avec ses amis, ça a été une catastrophe mais avec son père aussi. D'ailleurs, je n'aime pas le concept de coming-out. Les préférences de chacun ne regardent que soit et personne d'autre. Nul ne devrait avoir à justifier ses choix. On aime qui on veut.
- Tu n'es pas obligé de leur dire, me répète Dimitri.
- Je sais mais ils commencent déjà à me demander pourquoi je ne leur envoie pas de messages et pourquoi je ne veux pas les voir. Je veux être courageux et leur dire la réponse de vive voix. De toute façon, un jour ou l'autre, ils l'apprendront et je préfère que ce soit de moi.
Nouveau hochement de tête de sa part, suite à ce que je viens de lui dire. Quelque part, je m'en veux. Je n'ai pas été assez fort pour prendre sa défense l'année dernière, ni prendre position. À deux nous aurions été plus fort et surtout, Dimitri n'aurait pas été seul pendant presque deux ans de lycée.
- Tu sais Gaël le plus dur dans tout ça, ce n'est pas le rejet, commence-t-il la voix enrouée. C'est le dégoût que tu lis sur les visages. Des visages que tu côtoyais tous les jours, de gens qui se disaient être tes amis, à qui tu as confié des choses intimes. Ils te regardent comme si tu étais une erreur de la nature, une abomination. En une phrase, ils brisent des années d'amitiés sans aucun scrupule. Ils te voient différemment alors que tu es toujours la même personne.
- J'ai conscience de tout ça. Je sais très bien que c'est ce qui va m'arriver avec mes amis, je réplique peiné de le voir si torturé dans ses souvenirs.
J'ai la confirmation, devant les yeux, que Dimitri était malheureux. Il ne montrait aucune émotion au lycée mais il intériorisait tout. Ce n'est pas parce qu'il ne disait rien, qu'il n'en pensait pas moins. J'aurais tellement voulu être là pour lui, il le mérite. Il mérite d'être heureux après ce qu'il a enduré. Si je pouvais recroiser ses anciens amis, ceux qui le rabaissaient plus bas que terre, je me ferais un plaisir de leur montrer que nous sommes heureux et que nous n'avons pas à avoir honte.
- Je ne veux pas que des gens s'en prennent à toi Gaël, m'annonce-t-il en resserrant sa prise sur mon corps.
- Oui mais maintenant nous sommes tous les deux, j'affirme avec un sourire auquel Dimitri répond.
- Je ne te croyais pas aussi déterminé, s'amuse-t-il.
- Avec toi, je me découvre des côtés que je ne pensais pas avoir.
Après cette légère détente dans notre conversation de base, nous revenons à un sujet bien plus délicat. La réaction que son père a eue en apprenant son homosexualité. Il a été choqué, car Dimitri ne rentre pas dans « les critères » que la société se fait des hommes gay. Puis il y a eu l'éducation qu'il a reçue d'un paternel russe et toutes les valeurs qui vont avec. Comme il ne lui restait que son unique fils, il ne pouvait pas le renier, mais il a eu besoin de s'isoler quelque temps, de façon à digérer la nouvelle.
Bien entendu, le père de mon petit ami a beaucoup regretté son comportement, et continue de le faire d'ailleurs. Le jugement des autres était bien moins important que la possibilité de perdre son fils pour des valeurs absurdes. J'ai un nouveau pincement à la poitrine en imaginant la solitude que Dimitri a vécue pendant cette période. Il n'avait absolument personne. Même si leur relation s'est grandement améliorée et que dorénavant Dimitri a le soutien nécessaire de son père, cela n'efface pas les semaines où celui-ci l'a ignoré.
Pendant ses explications, je l'ai pris contre moi. Je ne supporte pas de savoir qu'il a autant souffert. Merde, c'est un garçon fantastique ! Comment ses amis ont pu le rejeter pour une histoire d'orientation sexuelle ? Ils ont perdu un ami extraordinaire. Pendant ce temps difficile, il a perdu une certaine confiance en lui que je vais m'efforcer de lui redonner.
Comme il commence à faire légèrement frais, nous décidons de rentrer. Prévenant au possible, Dimitri a prévu une veste supplémentaire à mon attention. Il sait que je suis frileux. Le fait qu'il pense à moi de cette façon me touche au plus au point.
Après ces confessions, Dimitri m'a proposé de passer la nuit chez lui, comme nous ne travaillons pas le lendemain. Chose que j'ai acceptée sans avoir besoin de réfléchir à la question. Il est évident que je veux dormir avec lui, dans son lit. Rien que d'imaginer cela, j'ai les joues en feu et le corps en émoi.
Je ne lâche pas Dimitri, j'attends qu'il rentre sa moto dans le garage de sa maison, laissé ouvert, avant de descendre. En retirant mon casque, je vois le visage gêné de mon petit-ami. Ses yeux regardent de partout, sauf moi. Il s'empresse de refermer la porte de son garage, pour être certain qu'aucun voisin ne me voit à l'intérieur. Ça me blesse qu'il se cache comme ça, mais il le fait pour moi et pour que je ne vive pas, avant de partir, ce que lui vit.
Alors, pendant qu'il verrouille la serrure, je passe derrière lui et entoure sa taille de mes bras. Je me hisse sur la pointe des pieds pour déposer mes lèvres sur son cou. Je l'entends soupirer d'aise, ce qui me fait indéniablement sourire. Quand nous serons à Londres, nous n'aurons plus à nous cacher. Nous pourrons être nous-mêmes.
En montant les escaliers pour rejoindre l'intérieur de sa maison, Dimitri m'informe que son père doit certainement dormir. Nous débouchons directement dans une cuisine fermée. Petite mais fonctionnelle. Avant de me faire visiter le reste, mon copain me propose de manger un morceau. Effectivement, je commençais à avoir faim.
Dimitri nous prépare des sandwich vite fait mais vraiment bon. Je dévore le mien. Je suis heureux d'être ici, plus que n'importe où. J'ai prévenu mes parents que je dormais chez un ami, sans leur demander leur permission. Après tout, je suis majeur et vacciné, je fais ce que je veux. Je n'allais certainement pas passer à côté d'une nuit avec Dimitri pour eux.
Une fois notre repas terminé, mon petit-ami me fait une visite rapide des lieux. Sa maison est à peine plus grande que la mienne mais je la trouve beaucoup plus chaleureuse. Il y a des photos de lui, de sa famille un peu partout dans le salon. Je ne saurais pas dire pourquoi, mais on sent que l'atmosphère est remplie d'amour. À l'étage, se trouve les deux chambres et la salle de bain.
Mon coeur tambourine dans ma cage thoracique, alors que je suis derrière Dimitri, prêt à pénétrer dans sa chambre. La porte s'ouvre enfin et mon copain se met sur le côté pour me laisser entrer avant lui. Je le remercie d'un sourire pour tenter de le rassurer, parce que ça se voit à des kilomètres qu'il est mal à l'aise.
L'odeur de Dimitri embaume cette pièce, automatiquement, je m'y sens bien. Elle n'est pas hyper grande, comme le reste de la maison mais il l'a bien aménagé. Son lit se trouve au centre de la pièce, à gauche de l'entrée il y a un bureau rempli de divers objets et une armoire est placée au fond à droite.
Sans m'en rendre compte, je suis déjà au centre de la chambre, mes yeux braqués sur lui. Les siens sont rivés au sol. À pas de loup, je m'approche de lui et prends son visage entre mes mains.
- Allons nous coucher, je lui propose en murmurant et je ferme la porte d'un coup de pied.
- Oui, allons-y, me répond-il la voix tremblante.
MlleLovegood
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