Chap.7 : Jonathan Aglaroph
Le week-end passa à une lenteur hallucinante. Après mon altercation avec l'inconnu du dimanche soir, je retournai au réfectoire pour terminer mon repas, mais je constatai avec agacement que mon plateau avait été débarrassé.
Un souffle de mécontentement s'échappa de mes lèvres alors que je remarquai l'absence de l'ex-colocataire de Rosie. Elle avait dû s'en aller pendant que j'étais dans les couloirs.
Après un énième soupir, je décidai de me rendre dans ma chambre, bien trop fatiguée pour continuer quoi que ce soit.
Aujourd'hui, je comptais avancer dans mon enquête. Le garçon de la dernière fois ne m'arrêterait pas. C'était impensable de rester inactive alors que nous étions tous en danger. Il n'avait pas l'air de réaliser la gravité de la situation... Ou peut-être la comprenait-il mieux que moi ?
Je secouai la tête pour replacer mes idées en me rendant dans ma classe. Cependant, avant que je ne puisse y mettre les pieds, l'interphone résonna.
— Aileen Jennings, dans mon bureau et tout de suite !
Je soupirai, me demandant ce que j'avais bien pu faire cette fois-ci. Je me précipitai vers son local, espérant éviter une sanction de plus.
— Mademoiselle Jennings... commença-t-il d'un ton glacial lorsque je franchis le seuil de la pièce. Prenez place.
Je m'assis, méfiante, essayant de comprendre pourquoi j'étais là.
— Dimanche soir, vous êtes partie sans débarrasser votre plateau.
Était-il sérieux ?
— Je présume que votre informateur vous a aussi dit que je m'étais absentée juste quelques instants et que j'étais revenue dans la salle parce que je n'avais pas terminé mon repas. Non ?
Son silence trahit son agacement.
— Si vous n'avez rien d'autre à me dire, puis-je disposer ? demandai-je, un brin provocante.
— Vous avez pris un peu trop d'assurance, mademoiselle. Je crains qu'elle ne vous joue des tours, me lança-t-il d'un ton dur. Pour être clair, ce n'est pas tout. Jonathan Aglaroph a disparu depuis vendredi soir. C'est un élève exemplaire, et son absence est préoccupante.
— Qu'ai-je à faire avec tout ça ? Je ne le connais pas votre... Comment il s'appelle déjà ?
— Jonathan Aglaroph, répéta-t-il, sa voix s'élevant légèrement. Ne faites pas l'innocente. Je sais, de source sûre, que vous êtes la dernière personne avec qui il a été aperçu.
— Si c'est le même informateur que tout à l'heure qui ne voit que ce qu'il veut repérer, je ne peux que vous conseiller d'en trouver un autre, dis-je avec un sourire sarcastique.
— Vous êtes dans une situation délicate, mademoiselle Jennings. Gardez cela à l'esprit, avertit-il, son regard perçant ne me lâchant pas. Bien, vous pouvez disposer, ajouta-t-il en posant un billet de justification sur le bureau.
Je le pris, puis sortis rapidement, ne souhaitant pas prolonger cet échange tendu. Je me rendis dans ma salle de classe, où la leçon avait probablement déjà commencé depuis une dizaine de minutes.
Lorsque je remis le ticket au professeur d'histoire-géographie, je rejoignis ma place sous le regard inquisiteur de Dora. Je lui fis un geste de la main, mimant un « je te raconterai plus tard » avant de plonger dans le cours.
À la fin de la journée, nous nous dirigions vers la chapelle pour la messe organisée pour le repos de l'âme de Rosie. L'atmosphère pesante alourdissait chaque murmure, chaque prière. En sortant, mon désir de retrouver le coupable s'accentua, une urgence brûlante dans ma poitrine. D'après ce que j'avais compris, personne ne comptait appeler la police.
Était-ce la raison pour laquelle les téléphones étaient interdits ici ? Si c'était le cas, l'impassibilité des anciens élèves, ainsi que celle des professeurs, prenait une teinte inquiétante, suggérant une complicité silencieuse.
Une sensation étrange, comme une barrière invisible, me fit m'extirper de mes pensées.
En levant la tête, je réalisai que c'était Dora, arrêtée devant moi.
Je ne savais pas qu'elle avait un corps aussi robuste...
— Tu sembles soucieuse, me dit-elle en se décalant légèrement, un sourire rassurant sur les lèvres.
— Mon envie de retrouver le tueur s'est renforcée. La majorité n'a pas l'air préoccupée par tout ça. C'est comme si... fis-je une pause, cherchant les mots.
— Comme si... ? insista-t-elle, son intérêt piqué, mais sans une once de nervosité.
— Dis-moi, Dora, est-ce que ça s'était produit l'année dernière ?
Elle hésita un instant, un léger frisson parcourant son regard.
— J-je n'en sais rien. Je suis là que depuis la rentrée, m'informa-t-elle, un brin de tension se glissant dans sa voix.
Je pensais qu'elle avait fait sa seconde ici, ce qui expliquait son aisance apparente dans cet univers troublant. À présent, ses réactions me semblaient étranges, révélant une inquiétude latente.
— Aileen, ça va ? demanda-t-elle, une ombre fugace de craintes dans ses yeux.
— Ah ! Désolée, m'excusai-je, en réalisant que mes pensées m'avaient éloignée d'elle. Tu n'as pourtant pas l'air d'une nouvelle.
— Que veux-tu ? s'enquit-elle en haussant les épaules, mais son ton trahissait une légère hésitation. Je m'adapte très rapidement.
Nous marchâmes quelques instants en silence, la tension entre nous s'intensifiant, avant de nous arrêter devant la bâtisse.
— Que fait-on ? me demanda-t-elle, son regard cherchant à capter le mien.
— C'est l'heure de la pause. On va d'abord manger et ensuite, avant le début des cours, nous irons voir la camarade de chambre de Rosie.
— Elle s'appelle Ashlee, m'informa-t-elle en souriant de façon un peu plus fragile que précédemment.
— Tu es mon sauveur ! m'exclamai-je, tentant de redonner une atmosphère plus légère en lui retournant son sourire
Je ressentais tout de même que l'ombre de l'inquiétude planait toujours autour d'elle.
Nous nous rendîmes au réfectoire, où, après nous être servies, nous prîmes place côte à côte. La nourriture, bien que réconfortante, semblait manquer de saveur, tout comme notre environnement, devenu trop lourd avec le poids des tragédies qui avaient frappé notre école.
— Au fait, connais-tu un Jonathan Aglo... Agla... Agl...
— Aglaroph ? me coupa-t-elle, une surprise fugace dans sa voix, suivie d'un énième sourire, bien que celui-ci paraisse légèrement forcé.
— Oui, c'est ça.
— Je l'ai rencontré une ou deux fois, vite fait, dans les couloirs.
— Si tu l'as vu en coup de vent, comment savais-tu que c'était lui ? Je veux dire... Son nom de famille est quand même assez facile à oublier...
À ma question, elle marqua une pause, son regard se détournant un instant, comme si elle cherchait la bonne réponse. Puis, se ressaisissant, elle expliqua :
— Il a fait une grosse bêtise à peine quelques heures après la rentrée, mais je ne me souviens plus de quoi il s'agissait. Son nom était sur toutes les lèvres. À force de l'entendre, je l'ai retenu. Un jour, une amie me l'a pointé du doigt dans les couloirs, donc voilà...
À ce moment-là, un frisson d'hésitation traversa son visage, tandis qu'elle me scrutait, cherchant à déceler si je croyais ses mots ou non.
C'était étrange. Si je me basais sur la description que le directeur m'avait faite de lui, Jonathan ne semblait pas être le genre à attirer l'attention. Un mystère de plus à élucider.
— Oh, je vois ! m'écriai-je, tentant de lui donner le bénéfice du doute.
Je parcourus ensuite la salle du regard, à la recherche de cette chère Ashlee.
Bingo !
Je la repérai assise à la place de la dernière fois. Personne ne pouvait résister à l'appel de la nourriture, je la comprenais.
Dora et moi finîmes de manger rapidement avant de débarrasser nos plateaux en même temps qu'Ashlee. Lorsqu'elle nous aperçut, elle pressa le pas, semblant souhaiter nous fuir. Nous réussîmes néanmoins à l'intercepter dans le couloir.
Nous n'avions que deux minutes.
— Que me voulez-vous ?! Je vous ai tout déclaré !
— Je ne crois pas, non, commençai-je. Pourquoi ne pas nous avoir informés que Rosie et Rayan n'étaient plus ensemble ?
— J-Je l'ignorais, elle ne m'annonçait pas toujours tout, vous savez.
— Fréquentait-elle quelqu'un d'autre ? Dis-le-nous et nous te laisserons tranquille.
Elle soupira bruyamment avant de reprendre la parole.
— Joshua Hicks.
<~Blues~>
— Qu'est-ce qui est jaune et qui attend ??
— Ahah très drôle, Jonathan ? Bien trouvé dans ce contexte.
— Non. Un citron mûr devant un stop.
— Retenez-moi, s'il vous plaît...
Règle numéro 4 : Ne jamais mettre sa main à couper sur l'innocence de qui que ce soit.
🔦... À suivre... 🔦
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