Chap.36 : Monsieur le directeur !

Moi qui aurais mis ma main à couper sur le directeur, c'était raté... Et de loin ! Un frisson me parcourut en repensant à son visage impassible face aux horreurs qui s'étaient déroulées sous son nez. Comment avait-il pu rester aussi passif alors que tant de vies s'éteignaient dans la tragédie ? La colère bouillonnait en moi, mêlée d'incompréhension.

Il devait passer un discours dans quelques heures, un moment crucial où il tenterait d'expliquer l'inexplicable au monde extérieur, aux familles des victimes et à celles des élèves toujours présents. Les fondateurs et dirigeants, car, le big boss n'était pas le seul responsable, allaient faire face à une tempête. La quasi-totalité des parents avait déposé des plaintes bien méritées et justifiées, et je savais que cela ne serait pas sans conséquences.

Allongée sur mon lit d'hôpital, je fixais le plafond, comme si je cherchais des réponses dans les fissures blanches qui le parsemaient. Aujourd'hui, je sortais d'ici ! La grande majorité de mes blessures avait cicatrisé, mes bleus n'étaient plus visibles, et, mes os, presque réparés. Je pouvais quitter cet endroit, béquilles à la main et bandage autour de la tête, malgré tout.

Tous les papiers signés, le cœur battant d'une impatience mêlée d'anxiété, je me dirigeais vers la voiture familiale. Soudain, une silhouette familière se présenta à moi. C'était Josh, haletant, comme s'il avait couru pour me rejoindre.


— Aileen ! lâcha-t-il, le visage marqué par l'urgence.


Je stoppai ma marche pour lui laisser un moment pour reprendre son souffle. Mais à ma surprise, il me demanda de le suivre, une lueur de détermination dans ses yeux. Je soupirai, mais acquiesçai.


— Je reviens, dis-je à ma mère en m'éclipsant avant qu'elle n'ait le temps de protester.


— Que veux-tu ? l'interrogeai-je une fois à sa hauteur, mon cœur s'emballant doucement.


— Avant que tu t'en ailles, je tenais à te dire qu'il y avait une dernière chose que tu ne savais pas.


Mon regard se posa sur lui, un sourcil arqué, une légère appréhension montant en moi. Qu'est-ce qui pouvait bien être si important ? J'espérais que ce n'était pas grave...


— Tu es mariée à une Australienne et vous avez déjà trois enfants et une licorne ? lui lançai-je en riant, tentant de dissiper ma nervosité.


—Aileen... NON, protesta-t-il avant de s'esclaffer.


Cette ambiance légère m'avait manquée. Une partie de moi souhaitait que, malgré tout, les choses puissent revenir à la normale. Mais je savais que ce serait difficile, très difficile...

Nous marchâmes lentement, chaque pas me rappelant mes douleurs, jusqu'à ce que nous atteignions le jardin de l'hôpital. L'air frais, mélangé aux odeurs de fleurs, éveilla en moi des souvenirs d'une vie d'avant. En longeant le chemin, j'aperçus au loin une silhouette qui me semblait familière.

Le directeur ! Que faisait-il ici ? Pourquoi Josh me conduisait-il vers lui ? Cette affaire était décidément de plus en plus étrange...

À mesure que nous nous approchions, il leva les yeux de son livre, un calme inattendu se lisant sur son visage.


— Mademoiselle Jennings, comment allez-vous ? demanda-t-il, sa voix beaucoup plus douce qu'à l'internat.


Un frisson d'étonnement me traversa.


— Disons que j'ai eu mon lot d'émotions fortes pour toute une vie...


Il me regarda avec une compassion que je ne lui croyais pas capable de ressentir. Une partie de moi se mit à réfléchir : avait-il vraiment des sentiments, lui, derrière cette façade de directeur strict ?

Perdue dans mes pensées, je fus tirée de ma rêverie par Josh, qui se décida enfin à prendre la parole.


— Aileen, comment dire, cet homme aux apparences sans scrupules, à l'air toujours grave, sévère et autoritaire, n'est autre que... mon père.


— Pas besoin d'exagérer ! s'écria le big boss en lui infligeant une tape affectueuse sur la tête.


Mes yeux s'écarquillèrent, et un « quoi ?! » de surprise s'échappa de mes lèvres, tandis que je les observais tour à tour. Josh, le fils du directeur... Mais où étais-je tombée ?

Tout à coup, un souvenir me frappa comme une décharge électrique : l'échange que j'avais eu avec le patron dans son bureau sur ces fameuses photos. La chaleur de la gêne me monta aux joues, et je compris enfin la réaction de Josh et leurs interactions ambiguës.


— Assieds-toi, m'intima Josh d'un ton sérieux... Il y a d'autres choses que tu dois savoir, me fit-il, me sortant une nouvelle fois de mes pensées.


Je m'exécutai, mon cœur battant dans ma poitrine, et les deux hommes s'installèrent à mes côtés. Le directeur prit une profonde inspiration, son visage se faisant plus grave.


— Aileen, il y a quelque chose que tu dois comprendre, commença-t-il, sa voix tremblant légèrement. La majorité des lycéens sont orphelins, sans famille, ou ont été abandonnés. C'est une réalité que bon nombre ignorent, mais elle pèse sur chacun d'eux.


Un frisson glacial parcourut mon échine à cette révélation. Les élèves, ces jeunes en quête d'appartenance, étaient souvent seuls au monde, pris au piège dans un système qui ne semblait pas se soucier d'eux. Je me souvins de leurs visages, de leurs luttes, de leur désespoir. Cet établissement, qui avait été un endroit d'horreur, était aussi le dernier refuge pour beaucoup d'entre eux.


— Ils ont été vulnérables, continua le directeur. Et dans un environnement où la survie était l'unique loi, ils ont été manipulés, poussés à se battre pour une place qu'ils n'auraient jamais dû rechercher.


Les mots résonnaient en moi comme une cloche d'alarme. Chaque élève avait une histoire, une douleur cachée. Mon cœur se serra alors que je réalisais que leur désespoir avait été exploité. J'avais cru que la tragédie qui s'était abattue sur nous était l'œuvre d'un individu, mais en réalité, elle était le reflet d'un système brisé.

Je levai les yeux vers Josh, et je vis l'inquiétude se peindre sur son visage. Je comprenais à quel point cette révélation le touchait. Sa propre vie était liée à cette réalité déchirante.

Le directeur poursuivit, son regard se posant sur moi avec une intensité troublante.


— Je faisais semblant d'être sous l'emprise de Nivas pour ne pas éveiller ses soupçons. Je le trouvais louche, mais je ne connaissais pas son degré d'implication dans cette affaire jusqu'à récemment. Au début, j'étais dur avec toi, car je voulais tester ta loyauté et ta détermination avant de te livrer certaines pistes.


Je déglutis, mes pensées tourbillonnant à cette révélation. Son intention était de protéger ceux qui en avaient besoin, mais cela avait aussi créé une barrière entre nous.


— Josh m'a fait comprendre que tu étais digne de confiance, continua-t-il, son regard se radoucissant. J'ai réalisé que je pouvais compter sur toi pour aider à dévoiler la vérité et mettre fin à cette horreur.


L'expression du big boss se fit, soudainement plus intense, et je sentis une tension palpable dans l'air.


— J'étais chargé de cette affaire et oui, je suis policier, déclara-t-il, sa voix tremblant légèrement sous le poids des souvenirs. Il y a deux ans, mon fils aîné, qui était en terminale, a été assassiné au sein du pensionnat. Sa mort, la seule à avoir eu lieu, est restée sans suite classée comme un suicide, ajouta-t-il, le regard égaré dans le vide, comme s'il revivait cette tragédie.

Mon coeur se serra à cette révélation. Ce n'était pas simplement un directeur; c'était un père, un homme brisé par la perte.
Je pouvais presque sentir sa douleur, une douleur si profonde qu'elle l'avait conduit à s'introduire l'internat. La colère et la tristesse s'entremêlaient en moi, et je comprenais mieux le poids qu'il portait.


— Afin de découvrir le fin mot de cette histoire, je m'y suis infiltré depuis l'année dernière, Josh à mes côtés, m'ayant convaincu de le laisser participer à l'opération, continua-t-il, la voix plus forte, plus déterminée.


Je voyais la fierté et l'inquiétude se mélanger dans le regard de Josh. Il avait voulu aider son père, mais à quel prix ? La complexité de leur lien familial me touchait profondément.


— C'est dans cette dynamique que nous étions avant votre arrivée. Je vous avoue qu'au départ, je vous considérais pour une délinquante sans manières, reprit le directeur, un léger sourire amer aux lèvres. Cependant, au fil des rapports de Joshua et de vos différents passages dans mon bureau, j'ai commencé à voir un potentiel en vous.


Je me sentis rouge de gêne, mais aussi flattée. Ce directeur, que j'avais tant craint, reconnaissait en moi quelque chose de précieux. C'était comme si un poids s'était levé de mes épaules, mais une partie de moi restait méfiante.


— Ce n'est pas pour rien que je vous avais envoyée en salle de rattrapage à une heure précise. Je ne pouvais pas moi-même débusquer les rois au risque de démolir ma couverture; vous guider, c'était autre chose.


Ses mots résonnaient dans mon esprit comme une révélation. J'étais abasourdie, mais une tristesse profonde s'immisça en moi. Josh avait un frère qui avait été victime de ce jeu sordide... L'idée de sa souffrance m'étreignit le cœur, un coup cruel dans ma poitrine. Comment avaient-ils pu supporter cela ? Et pourquoi ce poids sur mes épaules, ce sentiment d'impuissance ?

Après quelques secondes d'assimilation, un téléphone résonna, brisant le silence pesant. L'ex-directeur décrocha, et je le vis se retourner vers nous, un soupir lourd de fatigue s'échappant de ses lèvres.


— Le discours est dans moins de trois heures, on doit y aller, Joshua.


— Y seras-tu ? me demanda alors le fils, ses sourcils froncés, une lueur d'inquiétude dans ses yeux.


Quand j'acquiesçai doucement, une étrange mélancolie m'envahit tandis qu'ils s'éloignaient. Je pris le chemin inverse, mon cœur battant encore la chamade. Alors que j'avançais depuis une dizaine de minutes, j'entendis un curieux bruit dans les feuillages. Une vague d'angoisse me saisit, mais je décidai de ne pas y prêter attention et de continuer, chaque pas résonnant avec un écho de doute.

Tout à coup, l'alarme de l'hôpital retentit, stridente et déchirante, me faisant sursauter. Mon cœur s'emballa, et j'essayai de me boucher les oreilles, mais avec mes béquilles, c'était impossible. La sirène était insupportable. Une douleur aiguë dans mon esprit je commençai à être submergée par la panique.

Cherchant refuge, je me laissai chuter sur un banc, le métal froid contre ma peau. La peur et l'angoisse se mêlaient à un sentiment d'impuissance alors que je tentais de respirer profondément, en vain.

Je restai ainsi, immobile, lorsque tout à coup, je sentis un corps s'écraser violemment contre le mien. Un fracas sourd résonna autour de nous, et je perdis l'équilibre, tombant au sol dans un chaos de sensations.


— La vache ! ne pus-je m'empêcher de lâcher, le choc me laissant désorientée, un mélange de surprise et d'adrénaline pulsant dans mes veines.





<~Blues~>

— T'avais-je manqué ?

Règle numéro 34 : La vérité finit toujours par triompher !

🔦... À suivre... 🔦

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