Chap.34 : Le temps des réponses

Lorsque j'ouvris les yeux, la lumière m'éblouit presque instantanément, trop vive, trop brutale. Je clignai des paupières à plusieurs reprises, essayant de m'adapter à l'éclat aveuglant qui inondait la pièce. Peu à peu, les contours devinrent plus nets, et je pus enfin discerner l'endroit où je me trouvais. Rien ici ne m'était familier. Des murs d'un blanc immaculé, une odeur stérile flottant dans l'air... Une étrange sensation de solitude et d'oppression me traversa.

C'est alors qu'une douleur fulgurante jaillit de mon corps. Mon souffle se coupa sous l'intensité de cette souffrance brutale et je ne pus retenir un cri qui s'échappa de mes lèvres. Chaque partie de moi semblait en feu, brûlante, écrasée sous un supplice. Ma respiration s'accéléra et, avant que je ne puisse tenter d'analyser quoi que ce soit, une silhouette entra rapidement dans la pièce, comme si elle attendait le moindre son.

L'homme qui pénétra portait une blouse immaculée, des gants en latex et un masque chirurgical. Mon esprit, engourdi par la douleur, mit quelques secondes à comprendre. Un médecin. J'étais à l'hôpital.

Le flot d'événements récents me revint en pleine figure. Les Rois... Mon cœur se serra, mes doigts se crispèrent sur les draps. Où étaient-ils ? Les souvenirs de cette lumière blanche, du chaos, des coups, envahirent mes pensées comme une vague dévastatrice.


— Comment vous sentez-vous ? demanda doucement le monsieur, son regard m'observant avec attention.


Je luttais pour reprendre le contrôle de mon souffle, la voix étranglée.


— Étrange... et... j'ai mal... partout.


— C'est normal, après ce que vous avez traversé, dit-il d'un ton apaisant, comme si la douleur pouvait se dissoudre dans ses mots. Ça fait bientôt un mois et demi que vous êtes là.


Je tentai de bouger, mais une vague de souffrance me cloua au lit. Plus d'un mois... une trentaine de jours ici ? J'étais à la fois choquée et soulagée d'avoir survécu. Alors que je cherchais des réponses, la porte s'ouvrit à nouveau. Cette fois, la personne qui entra me coupa le souffle. Mon cœur rata un battement.

Je crus que mon esprit me jouait des tours.


— Josh... murmurai-je, incrédule, tandis qu'il s'approchait doucement pour s'asseoir à côté de mon lit.


Mon corps se raidit, des larmes coulant avant même que je ne m'en rende compte. Ma vue se brouilla, mes émotions déferlant comme une tempête incontrôlable. Il était vivant. Le soulagement me frappa si fortement que mes sanglots s'échappèrent sans retenue. Pendant de longues minutes, je laissai tout sortir, toute la terreur, la douleur, le chagrin.

Quand enfin mes pleurs cessèrent, je levai les yeux vers lui.


— Comment... ? balbutiai-je, ma voix brisée par l'émoi.


Josh inspira profondément, ses traits marqués par une gravité que je n'avais jamais vue chez lui auparavant.


— Il faut que je t'explique depuis le début. Déjà, tu as dû comprendre que je n'étais pas un Roi... Je n'étais pas à l'internat en tant qu'élève, mais pour enquêter sur les meurtres, dit-il, son intonation basse, mais claire. Aileen, je suis un agent infiltré de la police. Je sais que je ne t'ai pas dit toute la vérité, et pour ça, je suis désolé. Mais je ne t'ai jamais trahie, jamais.


Mon esprit tourbillonnait, essayant de s'accrocher à ses mots. Chaque phrase s'entrechoquait avec mes souvenirs. Josh continua, sa voix rassurante malgré la dure réalité qu'il révélait.


— Cette nuit-là, je jouais mon rôle. J'avais déjà Saranne dans ma ligne de mire, je remontais la chaîne des responsables. Mais c'est grâce à toi qu'ils ont été forcés de se montrer au grand jour. Sans toi, on n'aurait jamais pu découvrir leur plan à temps.


Il marqua une pause, m'accordant le temps d'assimiler. Mes pensées étaient un chaos, mais ses paroles faisaient lentement sens.


— Quand nous sommes arrivés, nous t'avons trouvée à deux cents mètres de l'entrée avec Rayan et Mélodie. Tu t'es évanouie avant qu'on ne puisse te soigner. Tu as été transférée d'urgence ici. Rayan, Mélodie et Mickaela ont été arrêtés... mais ni Maël ni Saranne n'ont été retrouvés. Ils se sont évaporés.


Une vague de dégoût me traversa à l'évocation de leurs noms. Rémi était toujours en liberté... Mon être frissonna malgré moi. Les souvenirs de ses sales pattes sur moi refirent surface, et je me recroquevillai instinctivement, croisant les bras sur mon corps comme pour me protéger à nouveau.

Josh posa doucement sa main sur ma jambe, ses yeux remplis de tristesse et de compassion. Il attendit, me laissant le temps de m'apaiser. Mais, la peur persistait, se glissant dans chaque recoin de mon être. Rémi était toujours de la partie, quelque part... et il patientait.

Josh se tut, sa présence réconfortante, mais l'ombre de la menace planait encore.


— J'avais bien compris que la fin était proche, commença Josh, sa voix grave et lourde de sous-entendus. Tu ne me disais plus rien, mais je savais que tu avais avancé. Il fallait que je sorte de là pour mettre en place un plan. J'avais monté un stratagème solide, mais je devais rester discret.


Il prit une pause, ses yeux se perdant un instant dans le vide, comme s'il revivait ces événements.


— Une trappe, dissimulée dans un des carreaux de la bibliothèque, m'a permis de m'échapper. Ce passage non visible menait à quelques mètres de l'entrée de l'édifice. J'ai programmé un dispositif pour éteindre les lumières de la pièce au moment exact où je la traversais. Dans l'obscurité, le gardien ne m'a pas remarqué. J'ai profité d'une période d'inattention pour me glisser hors de l'immeuble. C'est pour cette raison que j'étais absent ces dernières semaines.


Il fit une nouvelle pause, plus longue, luttant visiblement avec ses propres pensées.


— Nous avons opéré juste à temps, Aileen. Si nous n'étions pas venus... personne ne t'aurait secourue. Ces détraqués avaient pris soin d'enfermer tout le monde, élèves comme professeurs, les empêchant de sortir du bâtiment principal.


Je sentis une sueur froide descendre le long de ma colonne vertébrale en imaginant ce qu'il aurait pu se passer si Josh et les autres n'étaient pas intervenus.

Josh se tourna alors vers moi, son regard perçant, comme s'il cherchait à s'assurer que je comprenais pleinement l'ampleur de la situation.


— Le badge que j'ai détruit, c'était bien plus qu'un simple objet, continua-t-il d'une voix plus posée. Ce badge, Aileen... il ne servait pas seulement à identifier les lycéens. Rayan l'avait piraté. Il avait inséré des puces dans chacun d 'eux pour pouvoir localiser tout le monde, mais aussi... altérer les émotions.


Je fronçai les sourcils, essayant de comprendre.


— Altérer... les émotions ?


Il hocha la tête.


— Oui. Ils affectaient subtilement les émois des élèves et des professeurs. C'est pour cela que malgré tous ces assassinats, la plupart des gens semblaient détachés, insouciants. Leurs sentiments étaient modifiés, ils ne pouvaient pas ressentir pleinement ni la peur ni le danger. Mais... toi, ça ne t'a pas atteint. Pour une raison qu'on ignore encore, ton esprit a résisté à son influence.


Je restai sans voix. Cela expliquait tellement de choses. C'était pour cela que tout le monde autour de moi agissait comme si tout était normal, même avec le chaos.


— De plus, si tu fais attention, ce n'est que lorsque tu ne portais pas ce badge que tu faisais de réelles découvertes, poursuivit-il. Quand tu étais libre de tes mouvements, personne ne pouvait te localiser.


Son récit, un flot de révélations me submergea, éclairant peu à peu les zones d'ombre qui m'avaient hantée ces dernières semaines.
Josh infiltré... jouant une quadruple partie, dissimulant une vérité que je n'avais même pas soupçonnée. Il m'avait protégée, c'est vrai, mais à quel prix ?

Je n'arrivais pas à le voir comme un simple allié. Il m'avait caché tellement de choses, et même si je pouvais comprendre ses raisons, une part de moi lui en voulait encore. Cette trahison silencieuse me pesait, et il le savait. Ses yeux étaient lourds de regret, mais aucun de nous n'osait en parler. J'avais besoin de temps pour tout digérer, pour expliquer ce qu'il était vraiment pour moi désormais.

Le mutisme s'installa entre nous, chargé de non-dits, de douleurs refoulées. Nos regards se croisèrent, cherchant des réponses où il n'y en avait peut-être plus. Finalement, Josh se leva, ses mouvements trahissant une hésitation, des remords palpables.


— Je ne peux pas te retenir plus longtemps, dit-il doucement, presque à contrecœur. D'autres personnes attendaient impatiemment ton réveil.


Il ouvrit la porte de la chambre, la lumière du couloir se déversant dans la pièce. Et là, je vis ma famille. Ils se précipitèrent vers moi, comme s'ils avaient été gardés pendant des jours derrière cette porte et que rien ne pouvait plus les arrêter. Ma mère, les larmes aux yeux, mon père, le regard sévère, mais vacillant, et mes grands-parents, l'amour débordant dans chacun de leurs gestes.

Je n'avais même pas réalisé à quel point ils m'avaient manqué jusqu'à cet instant. Je sentis mes lèvres frémir sous l'assaut des émotions.


— Papa... Maman... Papy... Mamy... murmurai-je, la voix brisée par l'émoi, alors que des gouttes chaudes coulaient sans retenue sur mes joues.


Ils m'entourèrent, m'étreignant chacun à leur tour, leurs mains tremblantes parcourant mes bras, mon visage, comme pour se garantir que j'étais vraiment là, vivante. Mon corps endolori protestait sous la pression de leurs enlacements, mais je n'en avais que faire. À cet instant, la souffrance physique ne signifiait rien face à la vague d'amour qui m'engloutissait.

Le parfum familier de ma mère, le murmure rassurant de mon père, le sourire fatigué, mais sincère de mes grands-parents... C'était tout ce dont j'avais besoin pour me rappeler que, malgré tout ce qui s'était passé, j'étais en vie. Je n'étais plus seule dans ce cauchemar. Ils étaient là, et je pouvais enfin briser mes défenses érigées, ne serait-ce que pour un instant.

Pour la première fois depuis des mois, je sentis un poids quitter mes épaules, remplacé par un soulagement doux-amer. Mais une part de moi restait en alerte, consciente que tout n'était pas résolu. Maël, Saranne... Leurs ombres planaient toujours, même au milieu de ces retrouvailles.

Cependant, à cet instant précis, je décidai de me laisser aller. Juste un peu. Parce que demain, la bataille reprendrait. Mais aujourd'hui, j'avais ma famille.





<~Blues~>

—Aileen! Arrête de baver quand monsieur chocolat est dans le coin !

— Je n'y peux rien, moi... scrute-moi un peu le matos...

— Josh ! Aide-moi là...

— Tu préfères qu'elle me regarde-moi ?

— Je ne sais pas pourquoi je t'ai demandé de m'épauler...

Règle numéro 31 : Après une enquête riche en émotions, il faut récupérer !

🔦... À suivre... 🔦

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top