Chap.29 : Appelez-moi... Sherlockeen
Mardi 1er Mai 2018
Ces dernières semaines, les assassinats s'étaient intensifiés de manière alarmante. D'un hebdomadaire, nous étions désormais passés à trois. Le temps commençait à me manquer. Il ne me restait plus qu'un mois avant la fin du jeu, et si je voulais revoir ma famille et mes amis, je devais absolument démasquer les coupables.
Installée dans ma nouvelle chambre, bien plus calme que l'ancienne, je me sentais plus apte à élaborer des stratégies sans avoir à guetter le moindre bruit douteux. Maël demeurait mon seul « roi » identifié avec certitude. Mais pour Rayan, autrefois mon principal suspect, je n'avais plus aucune preuve solide. Ce vide dans mon enquête me frustrait, et je savais que je devais redoubler d'efforts.
Allongée en étoile de mer sur mon lit, je peaufinai mon plan. Ce soir, c'était décidé : je prendrais Maël en filature. J'avais besoin de réponses, et si je devais le suivre dans l'ombre chaque jour, je le ferais. Remplie de cette assurance, je me levai pour commencer ma routine matinale.
Les cours, eux aussi, devenaient plus intenses, les examens approchant. La pression était palpable, mais je devais garder la tête froide. À dix-sept heures pile, une fois l'enseignant parti, je me dirigeai en toute hâte vers les salles des secondes. J'avais de la chance : leur professeur de la classe A les retenait encore pour terminer un exercice. Je me glissai dans un coin tranquille, les nerfs à vif, attendant que Maël sorte pour le prendre en filature.
Lorsqu'il quitta la pièce, je me mis à le suivre à distance, veillant à demeurer dans son angle mort. Il se rendit d'abord à son club de boxe. Consciente de l'importance de rester discrète, je me cachai à l'extérieur, camouflée dans un buisson malgré les nuées de moustiques qui me harcelaient. Patiemment, j'attendis jusqu'à la fin de son entraînement. Une fois celui-ci terminé, Maël regagna son dortoir sans se douter de ma présence, clôturant ma filature de la journée. Un échec, mais je n'étais pas du genre à me décourager facilement.
Le lendemain, après les cours, je repris ma traque. Cette fois, je fus plus prudente. Je le suivis jusqu'aux toilettes des garçons, mais il sortit rapidement pour aller courir en extérieur. Je dus abandonner, sachant que le risque d'être découverte était trop élevé. J'avais appris de mes erreurs et je savais qu'une surveillance efficace nécessitait de la discrétion absolue.
Le jeudi, je dus faire une pause à cause de mon club de tir. Un mal pour un bien, car cela me permit d'en retenir davantage sur les armes à jet sous pression auprès de mon enseignant, toujours bavard sur le sujet. Ses explications réveillèrent en moi des soupçons sur quelqu'un du groupe d'informatique, mais il me manquait encore une pièce maîtresse pour boucler mon enquête.
Le vendredi soir, tous réunis pour le cours d'autodéfense, je savais que c'était ma dernière chance de la semaine. Après les nombreux exercices que le professeur nous avait fait répéter, je poireautai jusqu'à ce qu'il nous libère enfin. C'était mon moment : reprendre la traque avec précaution, prête à saisir la moindre opportunité.
Je fus parmi les premières à sortir et j'attendis patiemment Maël. Cependant, ce que je n'avais pas considéré, c'était le facteur Joshua.
Lorsque ce dernier fut hors de la pièce, je ne sus comment, mais il me trouva, se postant juste devant moi, bloquant ainsi la vue que j'avais sur la salle.
— Que me veux-tu ? lui demandai-je, sans ménagement, croisant les doigts pour que ma cible ne quitte pas les lieux sans que je ne m'en aperçoive.
Il regarda autour de lui avant de s'avancer un peu, réduisant la distance entre nous et nous cachant des yeux du monde. Prise de panique, je reculai, ne sachant pas ce qui lui passait encore par la tête. Et c'est à cet instant que je ressentis cette vague d'émotions que j'essayais désespérément de refouler. Avant sa trahison, Joshua avait eu cette capacité à me faire éprouver des choses que j'aurais préféré ignorer, une complicité que je ne voulais pas admettre. Même maintenant, malgré ce qu'il avait fait, une partie de moi réagissait à sa présence.
Il soupira et baissa les sourcils quelques secondes, arborant une expression abattue avant de se ressaisir.
— Ton badge... l'as-tu sur toi ?
Je pris de longues secondes avant de lui répondre, me sentant tiraillée entre ce que je savais de lui et ce que je ressentais malgré tout.
— Toujours, pourquoi ? demandai-je en arquant un sourcil, essayant de garder mon calme.
Il se mordit la lèvre inférieure, regardant de côté. Je n'avais pas le temps pour ses enfantillages. Mon pied commença à taper frénétiquement, trahissant mon impatience. Je voulais en finir avec cette conversation. Pourtant, au fond de moi, quelque chose résistait, cette part qui, malgré tout, ne souhaitait pas totalement l'abandonner.
— ... Montre-le-moi...
Je savais qu'il ne me lâcherait pas tant qu'il n'aurait pas ce qu'il désirait. Espérant achever le tout, au plus vite, je lui tendis mon badge, qui se trouvait bien au chaud dans la poche de mon débardeur. Mais quand il l'eut en main, au lieu de simplement le scruter, il le broya dans sa paume sous mes yeux horrifiés.
— Mais tu es malade ?! hurlai-je, incapable de retenir ma colère.
Il me fixa, encaissant silencieusement les insultes que je déversais sur lui, comme s'il s'y attendait. Énervée par son acte et son mutisme, je tournai les talons, le cœur en vrac, sans lui accorder un regard de plus. Une rage sourde bouillonnait en moi. Comment avait-il osé ? Et le pire dans tout ça ? Maël avait quitté les lieux sans que je l'aperçoive.
Était-ce calculé ?
Alors que je m'éloignais de lui, mon esprit oscillait entre fureur et confusion. Joshua m'avait manipulée d'une façon ou d'une autre, et je ne pouvais plus ignorer ce que j'avais entendu quelques jours plus tôt, cette conversation troublante entre lui et Saranne. Cela me torturait, mais je devais me rendre à l'évidence : Joshua était peut-être un « roi », tout comme Saranne.
Une fois seule, la colère s'estompa peu à peu, mais le poids de la trahison demeura.
Après quelques minutes de rage, je me résolus finalement à regagner ma chambre, épuisée par ma propre frustration.
Le samedi, trois nouveaux morts vinrent s'ajouter à la liste macabre. Tous avaient été tués de façon similaire à Savanna : une petite perforation précise, soit au cœur, soit à la tête, soit à la gorge. À chaque scène de crime, une flaque d'eau trônait près du corps. C'était une signature que je ne pouvais ignorer. Les tirs sous pression. C'était l'œuvre du même meurtrier, j'en étais sûre.
Face à cette journée plus sanglante que les autres, je décidai de reporter ma filature. Il me fallait des réponses. Rayan Hills était redevenu mon principal suspect. Je mis des heures à fouiller dans son dossier, découvrant qu'il avait une expérience en informatique et qu'il faisait également partie du club de bricolage. Plus je creusais, plus mes soupçons grandissaient. Il ne me manquait plus qu'une preuve solide pour confirmer qu'il était l'un des rois.
Le lendemain, après ma routine matinale, je me rendis aux messes données en hommage aux trois élèves assassinés. Une fois la cérémonie terminée, je repris ma filature, décidée à ne plus laisser passer d'indices. Je suivis Maël discrètement, observant ses moindres faits et gestes. Après plusieurs détours, il alla mystérieusement au local d'informatique.
Cachée derrière un imposant arbre, je guettais ses mouvements. Maël scruta les environs avec une prudence inhabituelle avant d'entrer dans la salle. À travers les rideaux, je discernai une autre silhouette : Rayan. Il s'approcha de la porte et je distinguai le cliquetis typique d'une clé qui verrouillait l'accès. Ensuite, il s'empressa de fermer tous les volets, veillant à ce que personne ne puisse voir ce qui se passait à l'intérieur.
Mon esprit s'emballa. Qu'est-ce qu'un élève de seconde pouvait bien avoir à faire avec un terminal ? Le puzzle se reconstitua d'un coup. Une lumière jaillit en moi.
Rayan. Il était bel et bien un roi. J'en avais enfin la certitude.
<~Blues~>
— Qu'est-ce qui est grand et triste ?
— Tu ne vas pas t'y mettre toi aussi, Josh !
— C'est moi...
— Oh
Règle numéro 25 : Toujours manger du lion au petit déjeuner !
🔦... À suivre... 🔦
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