Chap.24 : Aileen et Léonie

Cela faisait quelques minutes que nous étions face au directeur, dans un silence gênant, presque suffocant. L'atmosphère pesante me faisait sentir comme une proie, et je tremblais plus que je ne l'avais fait devant n'importe quelle scène macabre. L'inquiétude m'envahissait, mais une voix intérieure me soufflait que si je parvenais à me sortir de ce pétrin, j'aurais la force d'affronter n'importe quel défi.

Curieuse, je tournais les yeux vers Josh, qui paraissait étrangement impassible. Son assurance me procurait un semblant de réconfort, et nos regards se croisaient parfois, apportant une lueur de complicité à ce moment critique. Les deux hommes se dévisageaient, tandis que je me faisais discrète sur mon siège, redoutant la tempête qui se préparait.

Après une grande inspiration, le directeur balança brutalement devant nous les images compromettantes, avant de prendre la parole.


— Je vous écoute.


— Il n'y a rien à dire ! s'écria aussitôt Josh en le fixant. Sa détermination me réconfortait un peu.


— Ne me faites pas rire. La règle numéro une de l'établissement stipule que les rapprochements entre élèves sont proscrits. Ces photos montrent clairement que vous avez l'enfreinte.


Mon envie de défendre notre amitié montait en moi, mais les mots restaient bloqués. Josh poursuivit avec confiance.


— Sans vouloir vous manquer de respect, les images ne reflètent pas la réalité. Sur la première, je me moquais d'elle ; en quoi cela prouverait un quelconque rapprochement ? Et sur la deuxième, je la consolais du mieux que je pouvais. Il ne se passe et ne se passera rien entre Aileen et moi, trancha-t-il.


Ses paroles me touchèrent, un mélange de chaleur et de tristesse me submergeant. Pourquoi avait-il besoin de clarifier les choses ainsi ? Cela ne faisait qu'accentuer ce pincement au cœur.

Le big boss nous observa, semblant réfléchir, puis soupira.


— Je vous ai à l'œil, dit-il avant de nous libérer.


Une fois à l'extérieur, Josh murmura, comme s'il craignait d'être entendu.


— Pas entre ces murs en tout cas, lâcha-t-il en se dirigeant vers la classe, sans se retourner.


Je restai immobile devant l'office, tentant de comprendre ses paroles. Que voulait-il dire par là ? Après quelques minutes de réflexion, la vérité me frappa et le rouge me monta aux joues. J'avais enfin saisi le sens de ses mots.

« Il ne se passe et ne se passera rien entre Aileen et moi, PAS ENTRE CES MURS EN TOUS CAS. »

Une vague d'embarras et de frustration m'envahit. Me rappelant que le cours avait déjà commencé, je me hâtai vers la salle de classe, le cerveau en ébullition. Ce n'était vraiment pas le moment pour que mes sentiments s'en mêlent... La tension entre ce que nous étions, voulions et devrions être alourdissait chaque pas.


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— Bonsoir ! Vous avez l'air en forme aujourd'hui, s'écria la professeure chargée du club de lecture. Je pense à une chose depuis quelque temps, et nous allons le faire ce soir. Pour l'activité du jour, chacun réalisera un texte, une histoire, quelque chose tout droit sorti de son imagination !


Nous nous regardâmes à tour de rôle. Certains étaient emballés, tandis que d'autres râlaient. Pour ma part, cela me plaisait bien. C'était une nouvelle expérience à tenter. Cependant, lorsque je fus armée d'un stylo et devant ma feuille blanche, aucune idée ne me vint. J'avais plusieurs styles littéraires préférés, mais quand il s'agissait de produire quelque chose basé dessus, c'était tout autre chose.

Plongée dans mes pensées, j'imaginai alors une histoire d'amour tragique.

«La tragédie de Léonie»

Léonie était follement amoureuse de Thomas, le beau berger qui s'occupait de son troupeau près de chez elle. Chaque matin, elle se levait aux aurores, impatiente de profiter de ces précieux instants en sa compagnie. Ces moments étaient pour elle des éclats de joie, illuminant sa journée. Bien qu'elle ait des tâches quotidiennes à accomplir pour sa patronne, elle savait qu'elle pouvait toujours compter sur ces quelques minutes d'échanges complices.

De son côté, Thomas ressentait également une profonde affection pour la jeune femme. Il se rendait au pâturage quelques minutes plus tôt, juste pour avoir la chance de converser avec elle. Chaque sourire qu'elle lui offrait lui donnait des ailes, et leur lien ne cessait de croître. Les heures et les semaines passèrent sans qu'aucun d'eux n'ose avouer ses sentiments. Léonie redoutait que Thomas ne partage pas son amour, craignant de perdre ces interactions légères et sincères. Quant à lui, il n'arrivait pas s'imaginer qu'une belle fille comme Léonie pourrait finir par s'intéresser à lui. Il profitait de chaque instant à ses côtés, mais son cœur était lourd à la pensée que le jour viendrait où elle se détournerait de lui.

Un matin, Thomas parvint à l'enclos avec une expression grave, son cœur battant la chamade. Il avait une annonce à faire et craignait sa réaction. Plusieurs bergers avaient été appelés pour conduire un troupeau de veaux vers une autre contrée, et il faisait partie de l'équipe. Le voyage devait durer de nombreuses semaines, et l'idée de s'éloigner d'elle le tourmentait.

Quand Léonie apprit la nouvelle, une vague de tristesse l'envahit instantanément. Ses yeux s'embuèrent de larmes qu'elle refoula, réalisant qu'elle ne pouvait que l'encourager. Le jour du départ, ils se retrouvèrent quelques heures avant le périple. Leurs regards échangèrent une tendresse muette, chacun espérant que l'autre prononce les mots qui pourraient tout changer. Thomas n'attendait qu'une phrase de Léonie pour tout abandonner et rester à ses côtés, tandis qu'elle, le cœur lourd, avait décidé de lui confesser son amour à son retour.

C'était avec une douleur sourde qu'ils se séparèrent cette date-là, le temps paraissant s'étirer à l'infini. Les jours qui suivirent furent longs pour Léonie, chaque minute sans lui pesant sur son âme. Elle ne passait pas un moment sans penser à lui, et son absence lui était devenue insupportable.

Lorsque l'annonce de leur retour parvint à ses oreilles, une lueur d'espoir illumina son cœur. Elle était déterminée à l'accueillir et à lui avouer enfin ses sentiments. Mais, en arrivant sur le lieu, elle aperçut de nombreux bergers, mais pas Thomas. Un frisson d'inquiétude la parcourut.


— Était-il en retard? se demanda-t-elle, l'estomac noué.


En s'approchant d'un groupe pour obtenir des informations, elle fut frappée par une nouvelle dévastatrice : en voulant protéger un veau, Thomas s'était fait mordre par un loup et avait succombé à ses blessures quelques jours après... Le monde autour d'elle s'effondra. La complicité qu'elle avait tant chérie s'évanouit, laissant place à un vide incommensurable.


Je finis par déposer mon stylo, le cœur lourd et la pensée embrumée par la tristesse de mon histoire. Comment avais-je pu plonger dans un tel désespoir ? Après une profonde inspiration, je réalisai que j'avais écrit sans m'arrêter, comme si les mots avaient jailli de moi. En relisant mon récit, l'image de Josh surgit dans mon esprit. Étrangement, je me demandai si je n'avais pas projeté mes propres sentiments à travers les personnages de Thomas et Léonie.

Si c'était le cas, cela voudrait dire que j'étais amoureuse de Josh. L'idée me fit frémir, une mélancolie douce-amère m'envahissant. Je me sentais prise dans un tourbillon d'émotions, la confusion se mélangeant à l'espoir. Hélas, je n'avais pas le temps de démêler ce chaos intérieur ; l'alarme retentit, annonçant la fin du club.

Le soleil s'était déjà couché, laissant place à un ciel obscurci quand je sortis, la tristesse pesant sur mes épaules. Alors que je me dirigeais distraitement vers mes appartements, je me perdis dans mes pensées, me remémorant chaque échange avec Josh, chaque sourire partagé. C'était dans cette torpeur que je sentis une présence derrière moi. Hélas, je ne pris conscience de son approche qu'au dernier moment.

Quand j'essayai de me retourner, un individu me fit une balayette qui me projeta violemment au sol. La douleur explosa dans tout mon corps, et un cri de surprise échappa mes lèvres. Ce n'était que le début d'un cauchemar ; il se mit à me frapper sans relâche, alternant coups de poing dans le ventre et coups de pied dans les côtes. Chaque impact me rendant un peu plus démunie, l'angoisse serrant ma poitrine.

Dans un ultime réflexe, je griffai sa main avec une telle puissance que mes ongles s'enfoncèrent jusqu'au sang, le faisant hurler de souffrance. Mais cela ne dura qu'un instant. Il riposta avec une force dévastatrice, et ma vision devint floue. Alors que sa silhouette s'éloignait, ma dernière pensée se tourna vers Léonie, qui, comme moi, avait laissé ses sentiments inavoués.

Est-ce que mon histoire se terminerait de la même manière?

C'est sur cette interrogation, noyée dans la peur et la tristesse, que je sombrai, ma respiration se coupant lentement.





<~Blues~>

— Si je me déclarais à toi, quelle serait ta réaction ?

— Fais-le et tu verras

— Je ne t'ai jamais dit que je voulais le faire, Josh !

Règle numéro 20 : Toujours se débattre jusqu'au bout !

🔦... À suivre... 🔦

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