8. [Pauline]
Cinquante-quatre, cinquante-trois, cinquante-deux. Le compte à rebours continuait et l'indécision de Pauline croissait. Elle ne comprit pas ce que cela signifiait. Que pourrait-il se passer en maintenant cinquante seconde dans un parc d'attraction si glauque? Elle pensa qu'elle finirait surement pas mourir. Enfin, c'est ce qu'elle se disait chaque seconde depuis qu'elle s'était réveillée dans cette stupide arène.
Quelque chose au fond d'elle lui disait que cette nuit n'avait pas commencé dans cet endroit. Il y avait quelque chose avant, une réunion. Elle se souvint de cris d'une foule, des projecteurs, des applaudissements. Une image en particulier lui revint: celle d'une scène. Elle se rappela également d'une grande porte en béton qui semblait offrir une entrée vers un endroit quelconque. Des personnes y rentraient. Leur air heureux et excité l'avait marquée. Ces personnes étaient contentes de passer cette porte.
Mais pourquoi serait-elle rentrée de plein gré dans un arène comme celle-ci? Cela n'était pas logique. Elle ne savait même pas si elle faisait partie de la foule ou bien de ces personnes qui s'étaient lancées aveuglément dans une aventure si dangereuse. Deux idées vinrent l'effleurer: la porte menait directement à l'arène ou elle donnait sur un tout autre endroit. Cela n'expliquait toujours pas le transfert de ces personnes vers un lieu si lugubre.
L'incompréhension continua d'être le mot qui qualifiait l'état mental de Pauline. Quarante-cinq secondes. Pauline repensa à sa famille. Elle s'était toujours bien entendu avec tous les membres de sa famille, elle n'avait rien de particulier à leur reprocher. Elle espérait seulement qu'il ne pensent pas qu'elle eut été kidnappé ou quelque chose de la sorte. Pour le moment, et seulement pour le moment, elle allait bien et penser que sa famille puisse être en train de faire son deuil en ce moment même la rendait folle.
"Si seulement je pouvais ne serait-ce qu'envoyer un SMS, même un lettre" pensa-t-elle. A ce moment précis, elle rêvait d'un téléphone d'urgence qui, au-delà de ses quelques secondes d'appels, pourrait éviter des torrents de larmes inutiles et douloureux. "Au moins, cela fera une bonne surprise si je parviens à rentrer" se consola-t-elle.
Malgré son inaptitude à pratiquer un quelconque sport, son instinct de survie l'avait sauvée ce soir et elle sentait, si petit soit-il, un sentiment de fierté. Pauline n'avait rien de spécial à défendre, elle n'était pas la fervente supportrice d'une belle cause politiquement correcte. Son absence sur cette Terre n'aurait causé de mal qu'à sa famille. Elle ne servait profondément à rien, mais elle s'en fichait. "Je continuerai à vivre, et je vous emmerde", tel était sa nouvelle devise.
Trente-cinq secondes. Comment pourrait-elle mourir en trente-cinq seconde? Un meurtrier qui, soudainement, surgirait de nul part pour l'assassiner? Non déjà vu. Une explosion qui la ferait disparaître instantanément? Non, inutile. A quoi bon faire sauter tout un parc d'attraction juste pour une jeune fille.
Et c'était là que Pauline crut comprendre ce qui était en train de se passer. Et si la cible de se compte-à-rebours n'était pas elle mais simplement quelque chose d'autre? "L'égocentrisme me tuera un jour", se disait-elle. Pourquoi toujours tout ramener à elle? Et si cela concernait quelqu'un d'autre ou simplement quelque chose d'extérieur à une personne. Peut-être qu'un événement allait se produire, peut-être qu'un président allait être élu. "Peut être que la Terre arrêtera de tourner tant qu'on y est", conclut Pauline.
Vingt-huit. Elle n'avait jamais autant eu envie que quelque chose se passe, même un rien. Se retrouver dans ce parc d'attraction au lever du soleil lui parut à la fois improbable et intriguant. La personne derrière tout cela devait bien rigoler en la voyant perdue dans cet endroit. "Cela doit être un spectacle plutôt satisfaisant à voir" pensa-t-elle.
Un spectacle, un show. Des personnes, une foule. Des lumières, des projecteurs. Des cris, des applaudissements. Une porte, des entrées. Tout lui parut évident maintenant, tout s'éclaira dans son esprit. Il s'agissait d'une soirée de lancement de quelque chose, surement une émission. "Une télé-réalité?" dit-elle doucement, comme si elle comprenait le sens de quelque chose d'aussi absurde. La personne qui les avait mis ici voulait faire une télé-réalité. C'était pour cela qu'elle avait accepté de participer. "J'ai enfin compris", s'écria-t-elle.
Mais pourquoi tuer les participants? Tout le monde serait au courant et aucune diffusion ne serait possible, cela ne serait absolument pas rentable pour n'importe quelle production. Le motif de cette télé-réalité ne devait alors pas être l'argent et la diffusion ne serait alors pas la priorité. Surtout que Pauline n'avait jamais rien fait de mal au cours de sa vie, donc la théorie d'une tuerie organisée contre un groupe de personnes dangereuses pour la société tombait à l'eau.
Ou peut-être que l'organisateur tuait pour le plaisir, pour le geste. Certaines personnes admirent la mort et jouissent de ce spectacle, ce n'était pas si hors du commun finalement. Certes, cela était plus commun dans les films que dans la réalité mais cela restait tout de même possible.
Dix secondes. Au moins, elle avait résisté aux tueurs engagés par cette personne. Cinq secondes?Au moins, elle n'avait pas succombé la première nuit. Trois secondes. Deux secondes. Une seconde. Et puis plus rien. Tout se figea, elle ne pouvait plus bouger, seulement respirer. Au moins, elle n'était pas morte. Au plus, il lui restait quelques jours à vivre.
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