64. [Miranda]

Planquée derrière un buisson, Miranda entendit les pas du faucheur qui étaient proches, comme si ce dernier savait où elle était et qu'il venait la chercher pour la punir vis-à-vis des mauvaises choses qu'elle avait pu entreprendre dans sa vie. Certes, Miranda savait que sa foi en la religion chrétienne ne lui permettrait probablement pas d'accéder au paradis. Pourtant, il était si dur de se remettre au fait que ses prières quotidiennes ne compenseraient sans doute jamais les moments obscurs de sa vie, même si elle aimerait pouvoir les gommer.

Sentant l'approche du jugement dernier arriver, elle se questionna à propos de ce qu'elle avait entreprit de bien au cours de son existence. Lorsqu'elle constata qu'elle peinait à combler le vide de cette liste, un sentiment de honte monta: mourir à son âge en réalisant que sa vie n'avait aucune finalité, que sa mort ne ferait ni chaud ni froid au reste du monde lui fit froid dans le dos. Jamais l'idée d'aider son prochain ne lui avait traversé l'esprit. Pas une fois elle eut des gestes tendres envers certaines personnes sans que cela ne soit calculé, et le bonheur de donner aux autres était quelque chose qu'elle n'avait jamais eut le luxe de connaître.

Ce qui lui l'embêtait dans le fait d'être gentil à l'égard de certaines personnes, que cela relève de sa famille, de ses proches ou même des personnes qu'elle croisait par hasard mais qu'elle ne reverrait jamais, c'était de ne pas recevoir en retour. Finalement, peut être que Miranda avait loupé l'essence même du verbe donner: si donner c'est attendre quelque chose en retour, alors ce n'est pas vraiment un don. En ce sens, donner à quelqu'un, un sourire, de l'attention, de l'écoute, c'est ne rien attendre de spécial de la part de l'autre, sinon il ne s'agit pas d'un don, mais bien d'une volonté profonde que l'autre nous donne en retour.

Il est vrai que l'on ne reçoit pas toujours en retour toujours ce que l'on donne, et même si cela peut être source de frustration, Miranda aurait donné n'importe quoi pour remplacer ce sentiment de honte qui la rongeait par celui de frustration, parce que lorsque l'on regarde derrière soit et que l'on se pose la question: «Qu'ai-je apporté à ce monde ?», une réponse négative peut remettre toute notre existence en cause. Miranda s'était amusée, toute sa vie: les fêtes, la collection d'hommes, l'argent qui coulait de source, mais également les conversations mondaines amusantes qu'elle avaient avec ses amies aussi inutiles qu'elle, ses formes sexy que le temps lui avait volé, les parties de jambes en l'air.

Miranda avait beau chercher un quelconque sens à donner à sa vie, un fossé se creusa naturellement et la mit face à un vide qui lui donnait le vertige. Pourtant, il n'était jamais trop tard. Ce n'est pas parce qu'un jour, à un instant donné, nous ne sommes pas gentils, que cela ne peut changer chez nous: tout n'est que question de volonté. Et cette volonté, Miranda la trouva en puisant dans le paradoxe qu'était sa vie: demain, si la vie lui accordait une seconde chance, elle changerait. Du moins, elle essaierait: elle se casserait la gueule, se heurterait à la méchanceté d'autrui, qu'elle avait fini par adopter, pour mieux s'en distinguer et changer de comportement.

Soudain, Miranda vit l'herbe en face d'elle s'embraser et le sol commencer à trembler. Il était là, elle le savait, il savait qu'elle le savait. Un moment de flottement figea la scène dans le temps avant que Miranda ne prenne la fuite à travers la forêt. Cela n'était pas qu'une illusion, le faucheur était ici pour la tuer et se venger de son comportement. Tandis qu'elle traverserait la Forêt Salvatrice, elle eut l'impression d'être enfermé dans un labyrinthe qui ne montrerait jamais de sortie. Sa route était constamment barrée, les arbres tombaient, le vent soufflait, même les branches et les pierres venaient la frapper de plein fouet.

Après plus d'un quart d'heure de fuite, la fatigue commença à le freiner, ses suffocations irritaient sa gorge, elle n'avait plus la force, ni l'envie. Elle abandonnait: son passé la rattraperait quoi qu'il arrive, le fuir ne serait qu'une perte de temps. Successivement, son corps fut projeté contre une roche et contre un arbre, une répétition qui brisa ses os un par un. Elle se laissa mourir à petit feu, mais cela ne fut qu'une mort partielle, son existence montrait déjà qu'elle était morte de l'intérieur et que ce châtiment était justifié.

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