Il la regarda avec un mépris avant de lui poser une ultime question:

-Une dernière parole, peut être? Ou plutôt un dernier mot, ce sera moins ennuyant, conclut-il en retirant le pistolet de sa bouche pour le placer contre se tempe.

Pendant plusieurs secondes, Pauline regarda de le vide et semblait réellement réfléchir aux derniers mots qu'elle emploierait.

-Laid.

-Pardon? demanda-t-il alors qu'il avait clairement entendu ce qu'elle avait dit.

-J'ai dis: laid.

Cinks ne compris pas, pourquoi employer le terme laid à ce moment précis?

-Vous faites référence à mon attitude, n'est-ce pas?

-Non, j'ai dis: laid, pas décevante, continua-t-elle.

-Décevante? questionna-t-il en caressant son visage avec l'arme.

-Je déteste me répéter.

Cinks resta déconcerté, l'attitude de la jeune fille était passée d'un extrême à un autre sans raison apparente.

-Que qualifiez vous de laid, Pauline?

-Je vous laisse deviner, et si vous ne trouvez pas, vous me relâchez, deal?

-Vous me laissez deviner, et si je ne trouve pas, j'appuie sur la gâchette, deal?

La jeune fille ne réagit pas, elle semblait indifférente alors que quelques minutes auparavant, elle aurait été capable de faire n'importe quoi pour sortir d'ici. Mais Pauline avait eut un déclic: le déclic qu'elle rêvait d'avoir depuis qu'il était entré dans la salle.

-C'est vous qui avez le pistolet et vous me proposez un deal? Parce que j'ai vraiment un choix là-dessus?

-Assez, coupa-t-il. Pourquoi laid? De quoi parlez vous?

-La réponse est dans la salle, monsieur.

-Votre petit jeu me fatigue, ne m'énervez pas.

-Oh si, j'y tiens, déclara-t-elle d'une voix enjouée, j'aime quand vous êtes énervé, à défaut de me prendre pour une conne vous me faites de l'effet.

-Cessez, dit-il en posant l'arme. Vous ne voulez pas m'écouter, remplaçons alors l'ouïe par le toucher, vous serez certainement plus réceptive.

-Soyez créatif ! cria-t-elle en cambrant son dos contre le siège.

Minutieusement, Cinks détacha les sangles qui retenaient Pauline contre le siège de torture et y accrocha des chaînes en métal.

-Guidez-moi monsieur, je n'y vois rien, dit-elle d'un ton enfantin.

-Vous n'avez qu'à suivre les mouvements que je donne aux chaînes.

Quelques minutes de tâtonnement suffirent avant qu'il ne l'arrête et qu'il lui demande de ne plus bouger. Sûre d'elle, Pauline garda son sourire affiché. Certes, elle le garda, mais plus très longtemps.

-Dites-moi un nombre entre un et neuf.

-Quatre, répondit-elle, il y a quatre lettres dans le mot laid.

-Entendu, un autre nombre entre un et neuf?

-Décevante contient neuf lettres.

-Très bien, ce sera alors quatre coups de fouets avec neuf lanières, cela vous convient-il?

-Vous me croiriez si je vous disais que oui?

-A vrai dire, non.

-Moi non plus, avoua-t-elle. Alors allez-y, donnez-les vos coups de fouets, mais au moins mettez-y autant d'ardeur que dans vos approches séductrices, cela sera moins ennuyant.

Sur le champ, Cinks s'exécuta et donna le premier coup de fouet dont Pauline eut du mal à cacher la douleur. La haine en lui fit ressortir le sang sur la peau de la jeune fille à mesure qu'il continuait à exercer son châtiment. Au deuxième coup de fouet, Pauline ne ressentit presque rien, il n'avait pas donné de force dans son geste. Par contre, le troisième lui était d'une rage telle, une rage aussi forte que la douleur que le coupe avait infligé à la belle blonde.

-Il n'en reste que trois, Pauline.

Occupée à reprendre sa respiration et à s'imager l'étendue des dégâts sur son dos, elle n'eut pas la force de répondre. Alors, le dernier coup arriva et lui parut plus fort que celui d'avant, son dos était entièrement couvert de sang. Mais, alors qu'il n'en avait promis que quartes, un cinquième coup, plus vicieux encore, lui arracha un cri de douleur si prononcé qu'elle crut ne jamais être capable de parler à nouveau.

-Un mot, avant le dernier des derniers?

-Laid, se contenta-t-elle de répondre.

Même si elle était consciente des foudres qu'elle allait s'attirer, il fallait qu'elle continue, s'arrêter là n'aurait plus de sens.

-Et mettez-y tout votre coeur cette fois, de l'amour même, « s'il vous plaît ».

Sans répondre, Cinks s'exécuta et mit toute l'amour de la souffrance qu'il éprouvait depuis tant d'années. Même si son dos était acéré, que son sang y était davantage présent que la couleur de sa peau, Pauline savoura l'air qui s'engouffrait dans ses poumons et réalisa jusqu'où elle était prête pour rester en vie.

-Monsieur, maintenant que vous avez fini de m'ennuyer, laissez-moi vous éclairer.

Avide de curiosité, il la laissa continuer.

-La seule chose dans cette pièce qui est laide, que l'on soit d'accord, c'est vous. Je ne porte pas de critique à l'égard de vos comportements prévisibles ou enfantins, mais j'évoque ici votre personne en tant qu'objet. Vous portez un masque n'est-ce pas? Vous me torturez dans le noir, n'est-ce pas? Et en plus, vous êtes imbu de votre personne, vous vous aimez, vous le savez, et je sais que vous prenez du plaisir à nous voir vous craindre. Hélas, j'en ai mis du temps à vous cerner, j'en ai mis du temps à comprendre vos mécanismes qui, finalement, sont primaires et dénués d'intérêt. Dites-moi, pourquoi est-ce qu'une personne narcissique comme vous chercherait-elle à cacher son visage lorsque votre visage pourrait être une marque de votre élégance, de votre style et de manière générale du personnage puéril que vous vous êtes créé? Ne vous fatiguez pas, c'est une fausse question, et j'en ai plein des fausses questions, comme: pourquoi draguer une jolie fille - parce que oui, je suis belle, je l'assume et je refuse de faire partie de ces personne qui le pensent mais qui attendent que les autres leur soulignent pour ne pas paraître narcissique alors qu'au fond ils se feraient eux-mêmes l'amour- alors pourquoi me draguer? Vous ne devriez pas avoir honte de votre visage, bien que je sois maintenant persuadée qu'un clochard ferait bander un moine à côté de vous, mais je ne m'y attache pas. Vous êtes laid, soit, mais ne laissez pas cette laideur déteindre sur votre vie sociale, cela pourrait vous rendre fou et, qui sait ce que les gens fous seraient capable de faire... Et s'il vous plaît, quoique, finalement je m'en contre fous de ce qui vous plaît, ayez l'amabilité de ne pas faire exploser ma libido parce que j'ai simplement décidé de révéler à un joueur quelque chose qu'il savait déjà et qu'il n'a fait qu'insinuer en ma présence. Je ne mérite pas de telle torture psychique. Mais vous savez, dans la mesure où je serai probablement morte ce soir, je voudrai que vous sachiez que moi, au moins, ma démarche était sincère. Moi, au moins, je ne me suis pas arrêté aux apparences lorsque j'ai laissé la tension monter en moi. Et dire que je vous ai désiré? Mais quelle conne je suis ! La laideur de votre esprit me dégoute et je ne sais pas comment vous conseiller pour que vous puissiez vivre avec ça, parce que quand même, cela doit être dur le matin de se lever et de se mettre devant votre miroir et de constater que, malgré votre intelligence, vous ne ressemblez objectivement à rien. Qui plus est, vous venez probablement de perdre la seule personne qui trouvait une forme de beauté en vous. Être moche doit être si difficile à porter...

Soudainement, Pauline fut interrompue par le doigt de Cinks qui se posa contre sa bouche. Quelques secondes plus tard, la lumière fut allumée. Dos à Cinks, Pauline ne pouvait pas distinguer son visage. Tout ce qu'elle vit, c'était qu'il s'était décidé à enlever la partie supérieure de son masque pour lui dévoiler son visage. Et puis, une fois la besogne achevée, la lumière se coupa à nouveau tandis que Pauline entendait ses pas qui se rapprochaient d'elle.

-Dites moi un nombre entre un et neuf?

-D'expérience je dirai plutôt trois.

-Trois, deux, un.

Le claquement de doigt lorsqu'il prononça le chiffre un ralluma la lumière. Pauline découvrit qu'il avait le trentaine, un visage parfait, un sourire d'ange et ce regard qui exprimait un nouveau degré de mépris dans la joie et dans la bonne humeur.

-Inutile de vous supplier pour un baiser, la lumière prouve que vous êtes fondamentalement laide, déclara-t-il en riant.