35. [Pauline]

Installée confortablement dans son lit simple, Pauline se leva reposée et rassurée de ne pas encore être morte. "Ce n'est que partie remise", ria-t-elle. Soulagée de n'avoir perdu aucun membre de sa tribu, elle décida de réveiller Alex pour qu'ils partent en expédition pour trouver le point d'eau qu'avait mentionné l'homme masqué. Elle préféra laisser Miranda dormir, elle devait avoir besoin de plus de sommeil étant une personne âgée.

Au début ronchonnant, Alex accepta sa requête et émergea de son lit l'air motivé. Il n'était pas du matin mais savait qu'il s'agissait de quelque chose d'important, alors il essaya de montrer son enthousiasme. L'eau était primordiale, ils en auraient besoin à tout point de vue.

La carte en main et son nouvel acolyte sur les talons, Pauline ouvrit la porte du cabanon et  se fraya un chemin dans le poudreuse encore fraîche. La carte indiquait que le point d'eau se situait à l'ouest par rapport au cabanon.

-Nous avons une boussole? demanda-t-elle.

-Non, je ne crois pas, mais nous n'en aurons pas besoin, répondit Alex.

-C'est-à-dire?

-Le soleil se lève à l'Est et se couche à l'Ouest, il suffit d'aller dans le sens opposé au soleil pour être dans la bonne direction, expliqua-t-il.

Gênée de ne pas être au courant de ce qu'il avait présenté comme une évidence, Pauline engagea la marche dans le sens qu'il lui avait indiqué. De nature frileuse, elle n'était pas enchantée d'avoir été placée ici. "Heureusement que nous avons déjà un cabanon", se consola-t-elle. Pendant qu'ils marchèrent, il n'y avait pas de discussion. Sachant qu'elle paniquerait et dirait n'importe quoi, elle préféra attendre qu'Alex se manifeste tandis que ce dernier était perché dans ses pensées.

Après cinq longues minutes de marche, un panneau indiqua que le point d'eau se trouvait dans un périmètre de vingt mètres à partir de ce point. Ensembles, ils se mirent à creuser autour d'eux et y mirent toute leur énergie. En quelques minutes seulement, le sol étaient entièrement dégagé mais aucun point d'eau n'y figurait. Déboussolée, Pauline décida de s'accorder une pause.

-Je ne comprends pas, fit-elle.

-Je dois t'avouer que mon non plus. Nous avons dû mal interpréter quelque chose, je ne vois pas d'autre explication, dit-il peu convaincu.

-Je ne vois pas comment nous pourrions mal interpréter ce qui a marqué sur le panneau, les indications sont claires, le point d'eau se trouve dans le périmètre.

-Mais il n'y a rien dans ce foutu périmètre... Il vaudrait mieux revenir sur nos pas, Miranda ne sait que nous sommes partis, je ne voudrai pas qu'elle pense que nous l'avons laissée seule comme ça.

Trop occupée à réfléchir, Pauline ne répondit pas.

-Allô? On rentre? demanda-t-il.

-Attends, je...

-Tu quoi? coupa-t-il impatient.

-Je crois que nous n'avons pas tout cherché, déclara-t-elle. Il n'y a pas de point d'eau au sol, c'est une certitude. Mais qu'est-ce qui nous dit qu'il doit nécessairement se trouver au sol? Après tout, les biomes ici sont artificiels, cela ne doit pas être une source naturelle, suggéra-t-elle.

Stupéfait, Alex se lança dans une recherche aérienne.

-Tu sais, à part des sapins, il n'y a rien d'autre ici, déclara le jeune homme.

-Pourquoi chercher autre chose que des sapins? dit-elle en déblayant l'un de ces majestueux arbres.

-Ne me dit pas que c'est?

-Si, je crois bien, dit-elle le sourire aux lèvres.

Après plusieurs frottements contre le tronc, un robinet pointa le bout de son nez.

-Tu me remercieras plus tard, dit-elle en essayant de se recoiffer telle une femme fatale.

-C'est une excellente nouvelle, avoua-t-il.

-Oui, mais nous n'avons pas de nourriture pour autant, constata-t-elle. Nous devrions nous rendre vers le lac pour essayer d'attraper des poissons à main nue.

-A main nue? reprit-il. Cela ne marchera pas, il faudrait avoir des outils adaptés pour les attraper, ou des cages.

-Parce que tu t'y connais toi, en bricolage?

-Non, pas du tout, mais, peut être que nous pourrions échanger de l'eau contre des outils à d'autres tribus, proposa-t-il.

-De l'eau? Mais ce n'est pas du tout quelque chose qui intéresse les autres tribus ça! rétorqua-t-elle, il vaudrait mieux nous trouver une ressource qu'ils ne possèdent pas, sinon on nous rira au nez. Et si nous leur proposions un marché? Par exemple, si la tribu voisine nous prête des outils pour pêcher, nous pourrions proposer de leur fournir un poisson chaque jour, non?

Alex approuva son idée. Cela devint une évidence : il fallait impérativement nouer des liens avec leurs voisins pour diversifier leurs ressources. Déçue qu'Alex ne remarque pas son deuxième lancé de cheveux, Pauline se consola en se disant qu'elle irait en personne quémander les outils chez son chère voisin ténébreux.

-Nous irons rendre visite à nos voisins demain alors? demanda-t-elle.

-Ou, s'il y a un demain, ria-t-il.

Absorbée par autre chose, Pauline eut soudain une idée.

-Passe-moi ta gourde, demanda-t-elle subitement, je vais aller la remplir pendant que tu...

Une hésitation suscita l'étonnement du jeune homme.

-Pendant que je? demanda-t-il.

-Pendant que tu explores un peu plus loin! Il faut qu'on sache s'il n'y a pas des arbustes qui pourraient contenir des baies, se rattrapa-t-elle.

Sans vraiment prêter attention à son comportement, Alex se plia à son idée et partit en exploration quelques mètres plus loin. Discrètement, Pauline sortit sa fiole de poison qu'elle gardait dans son soutien-gorge, et en fit couler quelques gouttes dans la gourde d'Alex. Une fois remplie d'eau, elle le rappela en prétextant une soit-disant heure tardive.

Le chemin du retour fut tout aussi calme qu'à l'allé, mais cette fois Pauline revint satisfaite de l'avancée de ses empoisonnements. A leur arrivée, Miranda les attendait patiemment dans la salle principale.

-Miranda, comment-allez vous? demanda Pauline.

-Je vais mieux, merci, soupira-t-elle.

-Une nuit agitée? demanda Alex.

-Vous n'avez pas idée, il m'est arrivé des choses que je qualifierai d'épouvantable.

-Que s'est-il passé? demanda Pauline intriguée.

-Une personne mal intentionnée m'a fait boire une potion forte étrange alors que j'étais dans l'arène, dans l'arène ! On m'a prétexté un répulsif à faucheurs, que suis-je naïve! Mais vous ne savez pas tout, asseyez-vous, vous allez probablement tomber des nues.

-Dites-nous tout, dit Pauline amusée.

-Cette personne m'a suspendue dans le vide avec des cordes, alors que j'étais sous l'emprise d'une drogue ! Je ne comprends pas comment, après avoir supporté cette personne inintéressante pendant presque une heure, on se permet de faire cela à moi ! C'est une honte vous entendez, une honte !

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