14. [Alex]
Alex était face au faucheur, immobile. L'éviter était impossible. Sa faux brillait de mille feux sous la lueur de la lune. L'objet parvint à la fois à le terrifier et à l'envoûter.
Doucement, le faucheur s'avança vers Alex qui, même s'il restait figé, n'était plus effrayé désormais. Seule la colère définissait son état. Il avait une envie. Cette forte envie d'exploser et de faire ressortir toute cette haine qu'il avait gardé en lui depuis des années. Sa vie, son père, ses amis, ses amours et surtout ses emmerdes. Il se canalisait depuis longtemps, trop longtemps. Rien n'avait jamais été joyeux dans sa vie, il n'avait jamais pu en profiter comme les autres adolescents. Sa situation familiale influençait fortement son rapport aux autres. Il passait la majorité de temps seul, à ressasser encore et encore ses idées noires. Personne n'était là pour lui, seule la mort l'attendait sagement assise à côté de lui.
"Pourquoi est-ce que tu n'es pas parti, tout simplement?" demanda le faucheur d'un ton grave.
-Pourquoi est-ce que tu ne m'as pas tué, tout simplement? répondit Alex.
-L'art de tuer, expliqua-t-il.
-L'art de tuer, répéta Alex.
Le faucheur leva sa faux, prononça quelques mots dans une langue étrangère avant de laisser sa faux entamer sa chute. Alex n'y fit pas attention, il préféra se concentrer. Il voyait quelque chose, une fine boule verte.
Aussi fort que possible, il s'imaginait qu'il la compressait, sans s'arrêter. Toute son existence se résumait à se petit pois insignifiant. Imploser, juste le temps d'un instant. Se libérer de tout ce qu'il avait enduré. Oublier aussi.
Soudain, les yeux d'Alex virèrent aux vert. Il sentit une vague de haine s'étendre en lui et le submerger. Ce soir, il ne serait pas le Alex qui arrangeait tout le monde, le Alex gentil et sage, le pauvre type. A mesure que le haine l'envahissait, il entrait dans un état de quasi transe. A la vue de la scène, le faucheur s'arrêta net dans son élan et recula. Il sentit que quelque chose ne tournait pas rond.
Alex continua à se concentrer, toujours plus intensément. Il ne voyait plus que cette boule verte, elle devint une réelle obsession. Il avait cette impression que s'il n'arrivait pas à la faire exploser, il ne sortirait jamais de cette situation. L'impression qu'il entendrait les rires ce carousel jusqu'à la fin des temps. L'impression qu'il entendrait les rires de ses camarades toute sa vie. L'impression qu'il entendrait toujours son père répéter la même phrase, « Si tu es là, ce n'est que le fruit du hasard, tu es l'accident qui a pourri ma vie ».
Sans même qu'il s'en rende compte, Alex fixait le faucheur avec insistance. Dans sa tête, il ne cessait d'appuyer sur cette boule pour la faire disparaître. Les problèmes, il n'en voulait plus. Il s'était assez battu, il ne méritait plus de subir. Il était temps d'agir et de faire comprendre au monde que le gentil Alex, spectateur de sa misérable vie, était tout autant capable de jouer les bourreaux.
Subitement, Alex se mit à crier de toutes ses forces. Il en resta figé, comme une statue. Il était littéralement pétrifié. Et là, tout changea. Il n'appartenait plus à son corps, il sentait qu'il n'était plus lui même. Tout était différent maintenant. Le vert de ses yeux devint émeraude.
Tout était différent depuis qu'Alex avait pris possession du faucheur.
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