1. [Edward]

- Réveillez-vous, fit une voix, s'il vous plaît. Je vous en prie, rester ici est dangereux. Nous devons nous partir tout de suite.

La nuit, les cris. Le vent qui ébouriffait les cheveux d'Edward. Le soir tombait, il faisait sombre et seule la lune illuminait le ciel endormi.

- Nous ne survivrons pas, je ne vois pas d'autre alternative ... Il doit forcément y avoir une solution, non ? Si, si, il faut simplement s'en aller.

Edward ouvrit les yeux et vit un inconnu le secouer de toutes ses forces. Son cœur se mit à battre anormalement, quelque chose ne tournait pas rond.

- Levez-vous sombre crétin, nous ne pouvons rester ici ! Le danger est omniprésent. Mais bon sang, relevez-vous donc !

Lorsqu'Edward palpa son poignet, il ne sentit pas les bagues qu'il portait habituellement aux doigts. Le bracelet que sa tante lui avait offert l'année précédente avait également disparu. L'incompréhension ne tarda pas à laisser place à l'inquiétude.

En balayant du regard les alentours, Edward découvrit une forêt s'étendant à perte de vue. De manière générale, il n'appréciait pas les rencontres inopinées ni les mauvaises blagues d'ailleurs et encore moins la situation dans laquelle il se trouvait. Se sentant sous une légère emprise de drogue, il ne parvenait pas à se souvenir de quoi que ce soit et croyait être plongé dans un mauvais rêve. Subitement, l'inconnu se précipita pour se cacher derrière un buisson.

- Tu es qui toi, au fait ?

- Moins fort, hurla l'inconnu en lui faisant signe de le rejoindre.

Ses chuchotements laissant ressentir une certaine crispation, Edward s'exécuta sans rechigner.

- Les voyez-vous, là, en face? fit l'inconnu d'un signe de tête. Mais je ne suis pas fou, je le jure !

Edward se pencha sur le côté du buisson mais ne vit rien.

- Mais de quoi tu parles ?

L'homme se retourna vers lui en lui faisant comprendre qu'il le désespérait.

- Pardi, les faucheurs ! Mettez-vous un peu derrière, dit-il en se décalant légèrement, et regardez dans la même direction que moi. Là, juste en face !

Persuadé d'être victime d'un canular imaginé par les producteurs de la télé-réalité, Edward joua le jeu et s'allongea derrière lui. Ses yeux suivirent le regard de l'inconnu et ce fut à ce moment précis qu'il les vit. Vêtues de longues capes noires, deux personnes se dirigeaient vers eux. L'un tenait une longue faux aiguisée tandis que les bras de l'autre étaient sertis de lames.

Edward ne parvint plus à bouger, l'inconnu disait vrai. Dans un moment de flottement, sa vision se brouilla, il crut s'évanouir.

- Fuyons, suggéra l'inconnu, rester ici serait de la folie, de la pure folie.

Encore sonné, Edward ressentait pourtant une once de lucidité qui le poussa à l'écouter. Les faucheurs ne tarderaient pas à arriver. À cet instant précis, il fut rassuré de sentir que son instinct de survie prenait naturellement l'ascendant sur ses inquiétudes.

Ensembles, ils s'engagèrent dans la Forêt des Serpents. Ils empruntèrent des chemins à droite, à gauche, à droite, à contresens, encore à droite, finalement à gauche. Les innombrables allées d'ébènes formaient un quadrillage parfait qui les perdait. Ils eurent la fâcheuse impression de tourner en rond.

- Arrêtons-nous ici, proposa l'inconnu à la vision d'une fontaine en contrebas.

Heureux rien qu'à l'idée de pouvoir reprendre son souffle, Edward accepta et le suivit. De nature contre-productive, le jeune homme n'avait jamais été sensible à la pratique régulière de la course. Son jeune âge l'empêchait de trouver des bénéfices à un sport qui, selon lui, ne se résumait qu'à courir pour courir, à rien d'autre. Ce soir, il se sentit bête.

La fontaine qu'ils venaient de découvrir était taillée en pierres blanches et sertie de gravures représentant des serpents. Construite sur deux étages, la fontaine présentait un modeste bassin qui en surplombait un deuxième, immense.

- Ce que vous venez de faire, lança l'inconnu, plus jamais. Vous ne semblez pas saisir la gravité de la situation. Vous savez, avant de vous croiser, j'étais avec une dame, la cinquantaine je dirais. Nous avons traversé des forêts ensembles, pris plusieurs métros étranges, visité un parc d'attraction. Nous ne comprenions pas où nous étions, mais les faucheurs nous l'ont fait comprendre, continua-t-il, oh, ces faucheurs...

Edward sentait l'émotion envahir la voix de l'inconnu.

- Ces créatures sont animées par une haine dont tu n'as même pas idée. J'avais le dos tourné pendant une minute, une minute je répète et la dame était partie. Au début, j'étais contrarié. Je pensais qu'elle m'avait abandonné. Mais ses cris ... ses cris me firent comprendre le contraire. Je me suis lancé à sa recherche. À mon grand désespoir, je l'ai retrouvée morte une centaine de mètres plus loin.

Edward ne sut où se mettre, les mots lui manquèrent. Seules des phrases toutes faites lui traversaient l'esprit.

- Heu, ce que vous avez vécu, ben ... En tout cas, il faut de dire que ... que je tiens à vous adresser toutes mes ...

L'inconnu le coupa net.

- Non. Je ne cherche pas à vous émouvoir. Je cherche simplement à ce que vous me promettiez que nous ne nous séparerons pas à nouveau. Je n'accepterai pas de retrouver un nouveau cadavre.

Edward lui fit cette promesse avant de plonger ses mains dans la fontaine et d'enfin se désaltérer. L'inconnu l'imita et en profita pour lui demander son prénom.

- Je m'appelle Edward.

- Enchanté, dit-il en lui tendant la main, on m'appelle Jérémy.

Edward eut quelque secondes d'hésitation avant de lui serrer la main et de lui rendre son sourire. Le jeune homme n'eut pas le temps de lui demander son âge que le sol fut traversé par de violentes secousses qui firent chuter plusieurs arbres autour de la fontaine. Les deux jeunes hommes se regardèrent sans saisir ce qui se passait. Edward pensa à un séisme mais cela était bien différent.

Après quelques secondes, des statues de Faucheurs s'élevèrent du sol jusqu'à former un cercle quasi parfait autour de la fontaine : ils étaient faits prisonniers. Edward se sentit partir lorsqu'il découvrit une inscription gravé sur le grand bassin :

« Le prix du sang contre celui de l'eau »

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