Chapitre 3
Il était à chier.
A chier, c'était le mot.
Il ne prit pas le temps d'applaudir le public, de réconforter ses coéquipiers, de s'excuser auprès de qui que ce soit, et sortit en trombe du terrain. Il poussa la porte des vestiaires et mit un coup de pied rageur dans un carton de maillot.
- Allez c'est rien, murmura Romain qui venait d'entrer derrière lui. Reprends toi.
Honnêtement, il était au bord de l'implosion. Rien ne fonctionnait, littéralement rien. Son flair semblait en état de disparition, son agilité, ses décisions, à croire qu'il était victime d'une sorte de malédiction ridicule.
- Comment on peut être aussi catastrophique ? s'écria Ugo alors que presque tous les joueurs s'étaient assis, la tête dans les mains. Vous m'expliquez ? On gagne pas un putain de duel, on se fait exploser, on recule à chaque plaquage, je sais pas où vous êtes mais il va falloir se reprendre. Vous avez un héritage à préserver avec ce club ! Réveillez vous !
Ugo lançait des éclairs avec ses yeux.
- Et pensez un peu à votre public qui vous soutient quoiqu'il arrive, la défaite c'est dur mais je ne veux pas vous voir fuir comme ça sans les remercier !
Il regarda Antoine droit dans les yeux et ce fut la goutte de trop pour le numéro 9. Il se leva d'un bond pour s'approcher du coach.
- C'est à moi que tu penses ? Fais moi des reproches en face !
- Tu ne peux pas avoir ce comportement !
Antoine éclata d'un rire froid.
- Peut-être que tes plans de jeu sont dépassés aussi, coach, cracha-t-il droit dans les yeux.
- Si le meilleur joueur du monde ne sait plus créer un décalage, je ne vois pas ce que mes tactiques peuvent bien y faire.
- Le meilleur joueur du monde t'emmerde, ricana Antoine en collant presque son front contre celui de Ugo.
Thomas se leva avec plusieurs autres joueurs pour intervenir mais ce fut Charlie qui s'avéra être la plus rapide. Elle s'approcha pour tenter de poser une main sur son épaule.
- Calme toi s'il te plaît, ça ne sert à rien de...
Il se dégagea immédiatement de sa main comme si le moindre de contact lui était insupportable.
- Ne me dis pas de me calmer ! Si tu mettais en place de meilleure tactique on n'en serait pas là non plus ! A se demander ce que tu fous là ! s'écria-t-il
Il regretta ces mots à la seconde où ils traversèrent ses lèvres. Il ne voulait pas ça. Il était juste à bout. Il tenta de se justifier mais rien ne sortit de sa bouche. Elle ne savait pas comment réagir et sa tête se baissa, elle sentit ses mains trembler. Elle voulait disparaître. Il l'humiliait. Elle n'aurait jamais pensé qu'il ferait ça.
- Excuse moi je...
Elle ne le laissa pas terminer. Elle le gifla le plus fort possible. Le bruit de sa main sur sa joue résonna dans les vestiaires. Antoine resta immobile, incapable de bouger, complètement abasourdi.
- Mon cœur, je...
- Ne me parle plus jamais comme ça ! le coupa-t-elle
Sur ces mots, elle quitta les vestiaires.
Antoine la regarda s'éloigner et un pincement au cœur lui fit bien plus mal que la gifle. Il n'entendit presque pas Thomas lui ordonner de s'asseoir et obéit comme si son esprit avait quitté son corps.
- Il y aura des conséquences Antoine, murmura Ugo.
Il y en a déjà, pensa-t-il en cachant sa tête dans ses mains.
Putain. Je suis vraiment à chier.
Charlie ne parvenait pas à se calmer. Elle faisait les cent pas dans l'appartement à la recherche d'une explication. Tout partait en fumée. Antoine était méconnaissable, presque normal hors des terrains et horrible à l'entraînement ou en match. Cette dualité elle ne l'avait pas vue venir et elle ne parvenait pas à le gérer. Elle était en colère. Elle le coachait et elle était une excellente coach et lui un excellent joueur. Pourquoi ça ne marchait pas comme lors de la première saison ? Honnêtement, elle ne voyait pas de bonne issue possible.
Elle resta fixée sur le lit et prit une décision. Elle devait partir avant que tout explose. Se laisser du temps pour réfléchir. Elle sortit une valise et commença à rassembler quelques affaires. Une partie d'elle pria pour qu'il ne débarque pas. Pourrait-elle lui faire face ?
Antoine ouvrit la porte de l'appartement après avoir erré pendant une bonne heure à la recherche de solutions. Il n'avait pas trouvé grand chose, à part qu'il devait au moins essayer de réparer les pots cassés.
La lumière de la chambre était allumée. Il inspira et entra pour trouver Charlie en train de refermer une valise remplie de vêtements. Il déglutit difficilement en comprenant ce qu'elle faisait. Elle ne risqua aucun regard vers lui et resta concentré sur la fermeture du sac.
- Mon cœur, je suis désolé, je n'aurai jamais du te parler comme ça.
Elle ne réagit pas mais il pouvait voir à quel point elle était tendue.
- Ce n'est pas une excuse mais jouer aussi mal me rend complètement fou, et je... j'ai cherché des coupables, mais je sais que c'est que moi le responsable.
- Ce n'est pas une excuse en effet, répliqua-t-elle sèchement.
Il s'approcha doucement.
- Regarde moi s'il te plaît, murmura-t-il en se collant à son dos tout en l'enserrant délicatement contre lui.
Il la sentit frissonner et s'arrêter. Elle essaya de faire abstraction du bien-être qu'elle ressentait à chaque fois qu'il la prenait dans ses bras.
- Parle moi, crie moi dessus, insulte moi, chuchota-t-il, mais ne pars pas.
Il pouvait presque entendre son cœur battre.
- J-j'ai besoin de temps pour réfléchir.
- Je pars si tu veux, je te laisse réfléchir, je vais chez des amis, répondit-il le souffle court, mais reste. Je vais travailler, je vais devenir meilleur, je te promets que...
- Non, s'il te plaît ne me fais pas de promesses que tu ne tiendras pas, murmura-t-elle en se détachant de lui.
Elle lui fit face. Il avait toujours la trace rouge sur sa joue. Elle se sentit un peu coupable.
- On est en train de se détruire, de devenir toxique. Du temps chacun de notre côté nous fera du bien.
Il sentit son cœur se briser, ses mains trembler, ses yeux s'humidifiaient alors qu'elle attrapait sa valise pour quitter la chambre. Il la suivit à travers le salon, impuissant. Elle glissa son téléphone dans sa poche et posa la main sur la poignée de la porte d'entrée. Comme un dernier espoir, il attrapa doucement son poignet.
- Est-ce qu'il y a une toute petite chance pour que je te persuade de rester ?
Elle déglutit. Sans se retourner, il la vit secouer négativement la tête. Alors il la lâcha et la regarda disparaître. Le bruit de la porte se refermant obscurcit une nouvelle fois son cœur et il crut qu'il allait étouffer.
Il baissa la tête. Quelques larmes s'échouèrent sur le sol. Il avait une certaine habileté à tout détruire, mais il avait toujours pensé qu'il parviendrait à l'épargner. Une erreur de jugement encore.
Charlie regardait le paysage par la fenêtre du TGV. Sur un coup de tête, elle avait appelé Ugo pour demander deux semaines de coupure et, dépassé par les événements, il avait fini par accepter. Ses larmes coulaient à grosses gouttes sur son visage, son mascara noircissait le contour de ses yeux. Elle avait besoin de s'éloigner. Elle montait sur Paris. Elle ne savait pas trop où aller. Elle chercha dans ses contacts et s'arrêta sur un nom. Après tout c'était bientôt Noël, il était peut-être dans le coin... Elle appuya sur son écran pour démarrer l'appel.
- Charlie ? s'écria une voix enthousiaste
- Salut, répondit-elle en essayant de masquer la détresse de sa voix, comment ça va ?
- Super, c'est les vacances et toi ?
- Je sais que ça va te paraître un peu étrange mais j'arrive sur Paris là, est-ce que tu pourrais m'héberger quelques jours ?
Earvin ne répondit rien pendant quelques secondes.
- Oui, évidemment, on a une chambre de libre. Mais tout va bien ? Antoine est avec toi ?
- Il... enfin non, il n'est pas là.
- Ok, bah je t'attends alors.
- Merci, merci beaucoup, souffla Charlie.
Elle se détendit un peu en pensant qu'elle avait un endroit où dormir et une nouvelle à arpenter. Elle avait rencontré Earvin un peu par hasard. Elle était venue il y a quelques années jouer un tournoi avec l'équipe jeune de Nouvelle-Zélande à Ankara, où il était volleyeur. Il était venu assister à des matchs et, faisant partie des VIP, ils avaient discuté à plusieurs reprises et fini par sympathiser. Il était une personne très solaire, amusante et fidèle.
Charlie toqua à la porte de l'appartement et la porte s'ouvrit presque immédiatement. Earvin était en débardeur et elle put découvrir une nouvelle décoloration blonde dont il avait le secret. Il la prit aussitôt dans ses bras.
- Ça me fait plaisir de te voir ! Tu as bien fait d'appeler. Viens, entre.
- Merci, tu me sauves...
Il attrapa sa valise et l'invita à s'installer au salon. Il apporta de l'eau et ils s'assirent sur le canapé.
- Qu'est-ce qui va pas alors ? Pourquoi tu quittes Toulouse pour ici tout à coup ?
Elle inspira profondément.
- C, c'est moi, murmura Earvin. Dis moi.
C. Earvin aimait beaucoup les surnoms.
- J-Je, je me suis disputée avec Antoine, vraiment disputé. J'ai besoin d'un peu de temps pour tout remettre en ordre dans ma tête, pour savoir si c'est encore possible entre nous...
Il lui sourit doucement.
- Je suis désolé pour vous deux. J'espère que tu trouveras ce que tu cherches ici. En tout cas, tu peux rester autant de temps que...
Il fut interrompu par la porte d'entrée et Charlie vit dans son regard qu'il venait de réaliser une chose.
- Merde, jura-t-il pour lui même.
Il se leva et elle le suivit d'un regard étonné. Il semblait ennuyé. Elle le vit disparaître dans le couloir jusqu'à l'entrée. Elle entendit des voix basses.
- Comment ça il y a quelqu'un ? Tu m'avais dit...
- Non mais c'est une amie proche, c'est ok, t'inquiète pas. Je te jure... Viens.
- Je ne sais pas si...
- Jen, s'il te plaît...
Earvin sembla parvenir à convaincre la personne et une silhouette un peu plus petite émergea. Elle le reconnut aussitôt, un coéquipier de Earvin en équipe nationale, Jenia Grebennikov, un libéro. Charlie trouva tout de suite qu'il était très beau en vrai, des cheveux courts légèrement bouclés et quelques mèches grisonnantes, un pull épais qui épousait parfaitement son corps athlétique. Une certaine énergie les entourait et elle comprit.
- Putain, Earvin ! s'écria-t-elle en plaquant une main sur sa bouche
Il éclata de rire, comprenant qu'elle avait deviné, et posa une main sur les épaules de Jenia pour l'attirer contre lui et l'embrasser sur la tempe.
- Ca fait quelques mois à peine, ajouta-t-il, et pour l'instant on préfère que ça reste entre nous...
Elle hocha frénétiquement la tête avec un sourire qui ne quittait pas ses lèvres. Jenia sembla se détendre un petit peu en voyant l'étonnant enthousiasme de Charlie et s'avança pour lui tendre une main.
- Jenia, enchanté. Earvin m'a un peu parlé de toi. Coach adjointe du Stade Toulousain et de la Nouvelle Zélande alors. Impressionnant !
- Charlie. Ravi de te rencontrer et ravi que... enfin vous faites un beau couple quoi.
Jenia lui sourit en remerciement. Earvin semblait aux anges.
Ici, elle trouverait peut-être des solutions.
Qui sait ?
Merci pour la lecutre ! J'ai beaucoup aimé l'écrire. Bon j'ai craqué sur NGapeth et Grebennikov mais comme j'ai toujours beaucoup aimé ces deux joueurs et avec leur victoire la contre la Pologne, c'était essentiel haha
Ils sont trop mignons pfffff
J'espère que vous avez aimé ! Bonne journée !
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