Chapitre 28 - Hope 🪷

Hope

— Comment c'est possible ?

Je hausse les épaules sans prendre le temps de répondre et me remets à fouiller nerveusement dans mon dressing à la recherche de la tenue qui ne sera ni trop, ni pas assez.

— Hope putain d'Underwood, viens poser tes fesses ici !

Sara me fixe avec ses sourcils froncés et je dois me résigner à faire une pause dans ma quête vestimentaire pour répondre à son milliard de questions.

— Je disais donc. Je disparais trois minutes pour aller chez mes parents et te voilà baronne de la drogue et sur le point d'aller prendre un verre avec un cinglé qui pense que le corps des femmes est une journée porte ouverte. Com-ment-c'est-po-ssi-ble ?

— Premièrement, je ne suis pas une baronne de la drogue.

— Tu t'envoies en l'air avec la tête du réseau, ça revient au même ! D'ailleurs, t'envoyer en l'air te rend radieuse !

Elle ponctue sa phrase d'un clin d'œil et je ne peux m'empêcher de sourire. Sara m'avait manqué durant ces quelques jours.

— Pour le verre, il n'est pas encore au courant. J'ai rendez-vous avec lui et son agent de probation en fin de journée.

— Tu veux que je vienne avec toi ? Cachée sous un grand chapeau et des lunettes de soleil, je serais parfaite !

— Discrétion assurée, effectivement... Je vais m'en sortir, t'inquiète pas pour moi.

J'ai tout expliqué à Sara. Notre altercation avec Kyle dans son bureau, notre virée nature dans leur chalet familial, le passé d'Olivia, bref, tous les détails. Excepté un.
J'attrape finalement un jean noir moulant et une chemise blanche cintrée. Je retire mon blazer d'un cintre et glisse mes pieds dans des talons aiguilles. Après tout, il s'agit d'un rendez-vous professionnel.

— Je crois que Liam t'aime bien, murmuré-je, un léger sourire au coin des lèvres.

Il n'en faut pas plus pour que ma meilleure amie bondisse du lit et s'agrippe à moi comme une enfant.

— Il t'a parlé de moi ? Vraiment ? Il a dit quoi ? Il voulait me revoir ? Je lui manquais ? Qu'est-ce qu'il a dit ? Dis moi !

J'avais compris qu'elle l'appréciait plus que de raison, mais à ce point ! J'aurais sans doute dû prévenir Liam qu'avec elle, il devait avoir les épaules solides.
Très solides.

— Disons que je l'ai prévenu de ce qui lui arriverait si je retrouvais ton cœur en mille morceaux. Je crois que ça l'a convaincu.

— Qu'est-ce que je disais, lance-t-elle en claquant dans ses mains, une vraie baronne !

Je termine de me maquiller dans la salle de bain pendant que Sara me raconte son week-end chez ses parents. Je sens que ça lui a fait du bien de décompresser un peu.

— Promets-moi de faire attention, H.

— Promis.

Je dépose un baiser sur son front et file attraper mon taxi. J'ai refusé que Kyle m'accompagne pour des raisons évidentes. Je ne veux pas qu'il soit confronté à ce type. Et je ne veux pas qu'il devienne dingue simplement parce que je serais en discussion avec Tyler. Mon téléphone se met à vibrer alors que le chauffeur monte le volume de la radio qui diffuse une ancienne chanson des Maroon 5. N'oublies pas que je suis là, mon Ange. Préviens moi s'il se passe quelque chose. Mon cœur chavire à cette simple pensée pour moi. Kyle est un homme que j'ai encore du mal à cerner parfois. Tout ce que je sais, c'est qu'il ressent au fond de lui une profonde tristesse qu'il tente de dissimuler comme il le peut. Ces derniers jours, j'ai découvert une nouvelle facette de lui, plus vulnérable, plus transparente. Il apprend à me faire confiance, difficilement, je le sais, mais il essaye.

Nous nous rapprochons de Harlem, le ciel se pare d'un voile rose, emportant avec lui les dernières minutes de la course du soleil. Un nouveau message me parvient, cette fois, il vient d'Olivia. Un conseil : il aime parler de lui. Je prends note de cette information et tenterais d'en faire bon usage. Je reconnais que là, tout de suite, je n'ai aucune idée de ce que je vais pouvoir lui raconter pendant la soirée.
Et je commence à sentir les frissons m'envahir.
J'ai peur.

Le chauffeur du taxi me sort de mon introspection en me signifiant que nous sommes arrivés. Je règle la course et me dirige vers le bureau dans lequel j'ai rendez-vous.
Il est là. Adossée contre le mur, une cigarette coincée entre les lèvres. Je détaille son attitude, son allure, tout ce qui pourrait me mettre en danger. Il habillé d'une façon assez simple, un jean clair et un sweat blanc. L'encre sur son crâne dessine toujours une multitude de tatouages. Je me demande même s'il n'en a pas d'autres depuis notre dernière rencontre. Il a l'air calme, tranquille.

Des perles de sueurs glissent le long de ma colonne vertébrale alors que je m'avance vers lui. Mes talons claquent sur le béton et le bruit lui fait relever la tête. Il me gratifie d'un sourire et me tend la main pour me saluer.

— Miss Justice, quel plaisir de vous voir.

— M. Scott, comment allez-vous ?

Je souris à mon tour. Je ne dois rien montrer. Rester professionnelle.
Il soulève le bas de son jean pour me montrer le bracelet électronique qui entoure sa cheville.

— Un peu à l'étroit avec cette merde, mais j'fais avec.

— La liberté ne tient qu'à vous, argumenté-je. Après vous.

Je le laisse entrer avant moi pour regarder à nouveau l'écran de mon téléphone. J'ai - encore - un message, mais je ne connais pas le numéro. Toujours garder un œil sur sa proie, Princesse. Ne le quitte JAMAIS des yeux.

Liam.
Décidément, ils se sont donné le mot ce soir. Ils sont peut-être en train de se ronger les ongles sur un canapé en attendant de mes nouvelles. Je me rends compte en cet instant que cette soirée est réellement une source d'angoisse. Pour moi et pour eux.

Tyler semble à l'aise face à l'agent à qui il doit rendre des comptes. Il lui explique qu'il a passé plusieurs entretiens et qu'il va commencer un emploi dans un entrepôt la semaine prochaine. Il remet un contrat à l'homme d'une quarantaine d'années qui nous fait face. Il inspecte le document rapidement, plus pour la forme que le fond. Je pense que Tyler connaît énormément de monde et qu'il a réussi à trouver le bon filon pour obtenir ces documents, pour autant, je suis persuadée que tout ça n'est qu'un écran de fumée.

— Vous devrez rendre compte de plusieurs mois de salaire.

— Quand est-ce que je pourrais retirer ce truc ? s'agace-t-il en pointant sa cheville.

— Quand la justice aura décidé que vous êtes un citoyen modèle, le coupé-je pour éviter qu'il ne s'emporte.

Il soupire mais ne rajoute rien. Nous terminons les formalités et quittons l'établissement. Je saisi ma chance pour le garder entre mes filets. Je dois puiser dans mon fort intérieur pour trouver la force nécessaire pour l'inviter.

— Je vous offre un verre pour fêter votre embauche ?

— J'croyais que c'était pas votre truc de mélanger votre charmante vie et votre boulot ?

— Je peux faire une exception à mes règles, une fois de temps en temps.

Il hausse un sourcil mais ne refuse pas ma proposition. Nous redescendons à pied vers le nord de Central Park et je me maudis intérieurement de ne pas avoir prévu des chaussures de remplacement.

— Alors, qu'est-ce que ça vous fait de passer la soirée avec un criminel ? lance-t-il de la façon la plus naturelle possible.

Il rit en voyant mon air interrogateur. C'est extrêmement perturbant. D'extérieur, cet homme semble presque doux comme un agneau. Dans la limite du raisonnable évidemment. Son physique laisse à croire qu'il n'est pas forcément le plus droit de la ville, mais... Si je ne connaissais pas les détails de son passé, je pourrais ne pas me méfier.
Il à l'air...
Gentil.

— A mes yeux, je crois que vous êtes innocent, non ? répondis-je en me raclant la gorge discrètement.

Il rallume une cigarette et me tend le paquet. Je refuse poliment d'un signe de la tête. J'essaye d'imaginer la relation qu'il a pu avoir avec Kyle, leur amitié d'enfance, leurs vies. J'ai voulu poser des questions, mais il n'a pas voulu m'en dire plus que ce que je ne savais déjà.

— Qu'est-ce que vous faisiez avant ? Avant la prison, je veux dire.

— Vous n'êtes pas censée étudier mon passé, Miss Justice ? Connaître les moindre recoins de ma vie, de mes péchés ? Jusqu'au jour où j'ai triché pendant un contrôle de math ?

Il m'ouvre la porte d'un bar assez chic et je m'engouffre dans le lieu encore peu fréquenté à cette heure. Nous prenons place à une table dans le fond de la salle. La décoration est assez sobre, mêlant bois et couleur sombre. Des guirlandes lumineuses éclairent le plafond en long et en large, créant une atmosphère accueillante.

— J'ai étudié votre cas, Tyler Scott. Mais il faut croire que votre vie et vos péchés sont très discrets. J'ai rarement eu à faire à une feuille presque blanche.

— C'est un compliment ?

— A vous de me le dire.

Il sourit, à nouveau. Un sourire qui paraît sincère. Et qui à la fois me fait dire qu'il pourrait réussir à faire croire n'importe quoi à n'importe qui.

— Ty ! T'as fini par revenir parmi nous !

Une blonde s'approche de notre table avec une joie non dissimulée à la vue du grand chauve qui m'accompagne. Elle se jette dans ses bras et je ne peux m'empêcher de détailler les gestes qu'il fait, lui. Sa main se pose sur son dos, en tout bien tout honneur. Il lui ébouriffe les cheveux. Il a presque un air paternel.

— Sers nous deux cocktails Anna. Et mets ça sur ma note.

— Bien chef !

— Je ne vous ai pas demandé. Peut-être vouliez-vous boire quelque chose de spécial ?

— Je vous suis, je ne suis pas compliquée quand il s'agit d'alcool.

Un éclair illumine son regard et je sens à nouveau les frissons gagner ma peau. Manquerait plus qu'il mette je ne sais quoi dans mon verre. Par mesure de précaution, je transmets ma localisation à Kyle. Et Liam. On n'est jamais trop prudent.

— Mais ne parlons pas de mes trop proches relations avec les bouteilles. Je suis tenue au secret professionnel Tyler, souvenez-vous en.

Il s'adosse un peu plus confortablement au dossier de la banquette en cuir noir, l'une de ses mains ouvre et referme frénétiquement son zippo, tandis que l'autre caresse son menton. Il réfléchit. Il réfléchit à ce qu'il peut me confier ou non. J'ai bien conscience que l'avoir fait sortir de prison ne fait pas de moi une confidente, mais j'espère au moins avoir gagné quelques points dans son estime. Il reste silencieux jusqu'à ce que nos verres soient posés sur la table.

— Très bien. Avant de me faire envoyer en prison pour un crime que je n'ai pas commis, j'étais associé dans une société assez lucrative.

Ecouler de la drogue, tu parles d'une société. Mon cœur me pousse à lui balancer tout ce qu'il mérite, ma raison, elle, me rappelle à l'ordre pour que cette soirée serve à quelque chose.

— Pourquoi ne pas avoir repris contact avec votre associé pour reprendre votre place dans cette société ?

Je tente de jouer la carte de la jeune femme naïve. Je ne suis pas certaine d'être convaincante à 100 %, mais je fais de mon mieux. Il soulève son verre dans ma direction, m'invitant à trinquer avec lui. Il boit une gorgée et je l'imite sans un mot. C'est un cocktail assez classique que l'on trouve dans tous les bars de New York, c'est d'ailleurs étonnant de le voir boire ce genre de choses.

— Je vous pensais plus Scotch ou Bourbon.

Les commissures de ses lèvres s'étirent mais c'est son regard désormais plus noir qui attire mon attention.

— Hope, si vous me permettez cette familiarité, souvenez-vous de notre première rencontre. Il y a des questions à ne pas poser, des réponses à ne pas donner.

Il marque une pause pour vider son verre. Il semble que la fin de notre rendez-vous soit proche.

— C'est justement mon associé qui a voulu me faire pourrir dans une cellule. Une personne en qui j'avais une confiance aveugle. Vous comprenez où je veux en venir ?

Son sourire a disparu. Il pose ses lèvres sur une nouvelle cigarette et se lève pour s'approcher de mon visage. Son souffle chaud glisse près de mon oreille, faisant battre mon cœur plus fort qu'il ne le devrait. Est-ce que j'ai vraiment le cran de tout faire pour protéger Kyle ? Est-ce que je suis réellement assez forte pour affronter ce genre de démons ?

— Ne restez pas trop tard dehors, la rue est dangereuse. 

La porte s'ouvre, laissant entrer l'air frais de la nuit. Ma peau frémit, mais ce n'est pas à cause du froid. Ce mec est une menace à lui tout seul. Sa simple personne suffit à attirer la crainte.

— Est-ce que vous allez bien ?

Je fixe la serveuse blonde sans savoir si c'est à moi qu'elle parle.
Non, je ne vais pas bien.
Tyler Scott vient implicitement de m'exposer son projet.
Il ne me fait pas confiance et il veut se venger.

Je hoche la tête en direction de celle qui me regarde, l'air inquiet, et je quitte l'établissement à toute vitesse. Le froid s'abat sur mes joues et j'inspire l'air comme si je n'avais jamais su utiliser mes poumons auparavant. J'envoie un bref message à la première personne qui me vient à l'esprit : Viens me chercher. 

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